Actualités à la 25e JFCD Réponse tumorale et biothérapie : quelles nouveautés ? Tumoral response and biotherapy: what’s new? C. Dromain* Limites des critères RECIST pour l’évaluation des biothérapies Les critères RECIST, utilisés pour évaluer la réponse tumorale, présentent plusieurs limitations (1). La première est l’absence d’objectivité lorsqu’il n’y a aucune lésion cible mesurable, ce qui est particulièrement le cas des lésions osseuses isolées, des carcinoses péritonéales ou des miliaires pulmonaires. La deuxième limitation majeure dans l’évaluation de l’effet du traitement sur la cinétique de la croissance tumorale est l’absence d’évaluation de la croissance tumorale avant le début du traitement. Enfin, dans les traitements à effet cytostatique non cytotoxiques, la réponse au traitement ne s’accompagne pas toujours d’une diminution de la taille des tumeurs. Nouveaux critères adaptés de l’évaluation RECIST Profondeur de la réponse et du taux de réponse précoce * Service de radiologie diagnostique, hôpital Gustave-Roussy-Grand Paris, Villejuif. Les critères RECIST permettent de classer la maladie selon 4 catégories de réponse (réponse complète, stabilisation de la maladie, réponse partielle et progression) en fonction d’un seuil de diminution ou de progression défini de façon arbitraire (−30 % par rapport à l’inclusion pour définir une réponse partielle, −20 % par rapport à la meilleure réponse ou au nadir pour définir la progression). Des études récentes ont montré que le taux de réponse calculé selon les principes RECIST et utilisé comme une variable continue pourrait constituer un paramètre de réponse mieux corrélé à la survie globale que l’utilisation des catégories RECIST. Dans une étude reprenant les données des études randomi- 160 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIII - n° 5 - mai 2014 sées CRYSTAL et OPUS, qui évaluaient l’apport du cétuximab en association avec le FOLFIRI (irinotécan, acide folique, 5-FU) dans le cancer colorectal métastatique, la valeur du taux de réponse 8 semaines après le début du traitement (réponse précoce) permettait une meilleure prédiction de la survie globale chez les patients traités par cétuximab en première ligne thérapeutique (2). Plus le taux de réponse était élevé, plus la survie était prolongée. Par ailleurs, ce taux de réponse permettait de mettre en évidence un effet de réponse plus important dans le groupe des patients traités par une association cétuximab + chimiothérapie que chez les patients traités par chimiothérapie seule. Un seuil de réponse précoce de 20 % a été proposé pour distinguer les bons répondeurs précoces des mauvais. ◆ Taux de croissance tumorale Le taux de croissance tumorale correspond au taux d’augmentation du volume tumoral sur une durée de 1 mois. La croissance tumorale est habituellement évaluée à partir des mesures du plus grand diamètre des lésions cibles défini selon les critères RECIST transformé en volume. Dt 3 log D0 Croissance tumorale = , t ( ) où D correspond à la somme des plus longs diamètres. Ce chiffre est ensuite converti en un taux de croissance sur 1 mois. Taux de croissance tumorale = 100TC–1 La comparaison des taux de croissance tumorale avant et après l’instauration du traitement permet une meilleure évaluation des effets induits par le traitement indépendamment de la croissance naturelle de la tumeur que la classification les critères RECIST. En effet, une tumeur à croissance rapide au moment de l’inclusion a plus de chance d’être classée stable ou progressive selon les critères RECIST, quelle que soit l’activité antitumorale de la molécule testée. Résumé Mots-clés Imagerie Les critères radiologiques communément utilisés pour évaluer la réponse tumorale au traitement en cancérologie sont les critères morphologiques RECIST 1.1, basés sur des mesures de la taille des tumeurs (1). L’utilisation de ces critères est cependant souvent limitée dans l’évaluation précoce des thérapies ciblées, notamment celles visant l’angiogenèse tumorale, car ils ne permettent pas une analyse du contenu intralésionnel des tumeurs. L’objectif de cet article est de décrire les critères d’évaluation récemment développés pour l’évaluation des biothérapies. À l’inverse, une tumeur d’évolution très lente aura une forte probabilité d’être classée stable même en l’absence d’efficacité thérapeutique. Une étude récente a comparé les taux de croissance tumorale avant le traitement et au moment de la première évaluation chez 201 patients traités en phase I (3). Le taux avait diminué chez 82 % des patients RECIST stables et chez 65 % des patients RECIST progressant. Le taux de croissance tumorale était la seule variable indépendante corrélée à la survie sans progression. Une autre étude, réalisée dans le cancer rénal métastatique, a également montré que, contrairement à la réponse RECIST, le taux de croissance tumorale était corrélé à la survie sans progression et à la survie globale (4). Par ailleurs, l’évaluation du taux de croissance tumorale permettait de révéler différents profils de progression entre les groupes traités par sorafénib ou évérolimus. Dans le groupe des patients traités par sorafénib, contrairement à ceux traités par évérolimus, le taux de croissance tumorale durant le dernier cycle avant la progression restait inférieur au taux mesuré avant le début du traitement et à celui retrouvé après l’arrêt du traitement pour progression. Nouveaux critères pour l’évaluation des agents antiangiogéniques Les nouvelles biothérapies peuvent induire des modifications de la perfusion tumorale, ce qui entraîne des a modifications de la densité des tumeurs au scanner sans qu’il n’y ait une diminution de la taille. Il en résulte, le plus souvent, une stabilisation selon les critères RECIST alors même que le patient répond au traitement. De plus, cette diminution de taille, lorsqu’elle survient, peut avoir lieu très tard après le début du traitement. L’apparition de cette nécrose intratumorale peut être à l’origine d’images pièges, telles qu’une augmentation paradoxale de la taille des tumeurs ou la fausse apparition de nouvelles lésions difficilement détectables sur l’examen d’inclusion et qui deviennent très clairement visibles sur l’examen de suivi en raison de leur forte hypodensité (figure 1). Plusieurs études cliniques évaluant les traitements antiangiogéniques ont montré une mauvaise corrélation entre le taux de réponse (réponses complètes et réponses partielles) selon les critères RECIST et la survie sans progression : les réponses partielles sont rares, alors que les taux de stabilisation sont en progression. De nouveaux critères, basés sur l’analyse du contenu intralésionnel, ont été développés. H. Choi et al. (5) ont proposé de mesurer la densité des lésions dans les métastases hépatiques de tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) traitées par imatinib et ont défini de nouveaux critères de réponse : une diminution du diamètre tumoral supérieure à 10 % ou une diminution de la densité supérieure à 15 %. L’utilisation de ces critères dans les métastases de cancers du rein traités par sunitinib Scanner Métastases hépatiques Évaluation Biothérapie Summary Imaging criteria commonly used to assess tumor response to treatment in oncology are morphological RECIST 1.1 criteria based on tumor size measurements (1). These criteria are however often limited in the early evaluation of antiangiogenic drugs because they do not allow an intratumoral content analysis. The objective of this paper is to describe the new criteria that have been recently developed for the assessment of biotherapeutic drugs. Keywords Imaging Scan Hepatic metastasis Evaluation Biotherapy b Figure 1. Patiente suivie pour un cancer du rein droit à cellules claires traitée par sunitinib. Le scanner de surveillance (b) semble montrer l’apparition d’une lésion hépatique très hypodense, mais il s’agit en fait de la nécrose d’une lésion qui était déjà présente, à la limite de la visibilité (a). La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIII - n° 5 - mai 2014 | 161 Actualités à la 25e JFCD Réponse tumorale et biothérapie : quelles nouveautés ? a montré une meilleure corrélation à la survie sans progression et à la survie globale que les critères RECIST, avec un taux de réponse partielle évalué à 7 (critères RECIST) versus 36 (critères de Choi) patients sur 55 (6). Y.S. Chun et al. (7) ont proposé, pour les métastases d’un cancer du côlon traitées par bévacizumab, une classification en 3 catégories basée sur la densité, l’interface foie/lésion et la présence ou l’absence d’un rehaussement périphérique ; les lésions devenues hypodenses et homogènes dont les contours sont très bien limités sans rehaussement périphérique peuvent être considérées en “réponse optimale” (figure 2). Une version modifiée des critères RECIST a été proposée dans les carcinomes hépatocellulaires. La mesure de la tumeur y est remplacée par celle de la tumeur viable, définie par la tumeur présentant une prise de contraste artérielle (8). En effet, lors de ce type de traitement, la réponse pourrait être atteinte après une augmentation initiale et paradoxale du volume tumoral correspondant au recrutement des cellules T activées qui viennent infiltrer la tumeur. Nouveaux critères pour l’évaluation des molécules immunothérapeutiques Place de l’imagerie fonctionnelle De nouveaux critères de réponse IrRC (Immunorelated Response Criteria) ont également été proposés afin de prendre en compte les différences, dans la cinétique de la réponse tumorale, entre les agents cytotoxiques et les molécules immunothérapeutiques (9). Ces critères ont initialement été développés au cours d’essais cliniques chez des patients atteints de mélanomes avancés traités par ipilimumab (anticorps monoclonal humain bloquant les lymphocytes T cytotoxiques associés à l’antigène 4). a Ces critères sont basés sur ceux de l’OMS comprenant la mesure bidimensionnelle de lésions cibles (10 lésions viscérales + 5 lésions cutanées), avec 2 différences majeures : ➤ l’apparition d’une nouvelle lésion sur un examen de suivi n’implique pas forcément la progression ; la surface de cette nouvelle lésion doit être additionnée à la somme des surfaces des lésions cibles précédemment décrites ; ➤ afin d’éviter de classer à tort un patient en progression, il est nécessaire, en l’absence de détérioration clinique ou biologique, de confirmer la progression après 4 semaines au minimum. Une des perspectives est l’utilisation de l’imagerie fonctionnelle comme facteur pronostique, facteur prédictif de la réponse ou marqueur précoce de réponse. La première approche utilisée est l’imagerie de perfusion, qui peut être réalisée en échographie, en tomodensitométrie (TDM) et en IRM. Le principe repose sur l’injection intraveineuse en bolus d’un produit de contraste et la mesure des modifications du rehaussement des tissus au cours du temps permettant la quantification de paramètres de perfusion (aire sous la courbe de rehaussement en échographie, volume et flux sanguins à la TDM, aire sous la courbe de la concentration de gadolinium, b Figure 2. Métastases hépatiques d’un cancer du côlon avant traitement (a) et après 4 cycles de FOLFOX + bévacizumab (b). Les images de scanner réalisées à la phase veineuse portale ne montrent pas de régression de la taille des lésions hépatiques mais une diminution de la densité, une disparition de la prise de contraste périphérique et une interface foie/lésion à limite nette correspondant à une réponse vasculaire. 162 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXIII - n° 5 - mai 2014 Actualités à la 25e JFCD Ktrans et Kep en IRM). Actuellement, il n’y a que peu de standardisation des protocoles d’acquisition et des logiciels de traitement d’images, ce qui rend difficile la généralisation des résultats et limite l’utilité de ce type d’imagerie en routine clinique. L’utilisation de la DCE-US (Dynamic ContrastEnhanced UltraSonography) vient d’être intégrée dans les recommandations européennes pour le monitoring des traitements antiangiogéniques, avec un niveau de preuve A 1b selon les recommandations d’Oxford utilisées par le groupe d’experts (10). La technique a également été proposée dans les recommandations de l’ESMO pour les GIST (11). En scanner de perfusion, une récente étude clinique réalisée chez 51 patients ayant un cancer du rein métastatique traités par antiangiogéniques (sorafénib ou sunitinib) a montré que les paramètres de perfusion avant traitement (flux et volumes sanguins) avaient des valeurs plus élevées chez les patients répondeurs que chez les non-répondeurs, ce qui suggère qu’une tumeur initialement richement vascularisée est plus sensible au traitement (12). Ces paramètres initiaux, qui pourraient être prédictifs de la réponse thérapeutique, n’étaient cependant pas significativement corrélés à la survie. Pendant le traitement antiangiogénique, le scanner de perfusion montrait par ailleurs, au premier cycle du traitement, une diminution significative des flux et des volumes sanguins. L’autre approche fonctionnelle actuellement en cours d’évaluation est l’IRM de diffusion. C’est un marqueur indirect de la densité cellulaire quantifiable par la mesure de l’ADC (Apparent Diffusion Coefficient). Une étude réalisée dans l’évaluation de métastases d’origine colorectale a montré que, avant le traitement, un ADC bas (forte densité cellulaire) était un facteur prédictif de bonne réponse (13). Ce biomarqueur pourrait également être utilisé comme facteur substitutif de réponse en cours de traitement : ainsi, on observe, dès les premiers jours de traitement, une augmentation de l’ADC moyen en cas de bonne réponse (14). Conclusion La connaissance et l’utilisation des critères RECIST restent fondamentales pour l’évaluation des traitements en oncologie permettant une analyse objective, reproductible et internationale facilitant la comparaison des études cliniques. Cependant, l’arrivée des nouvelles biothérapies doit inciter à l’adaptation de ces critères ou à l’ajout de nouveaux critères d’évaluation, basés notamment sur l’analyse du contenu intralésionnel. L’imagerie fonctionnelle est prometteuse dans la détermination de nouveaux facteurs pronostiques et prédictifs de la réponse. ■ C. Dromain déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. Références bibliographiques 1. Therasse P, Arbuck SG, Eisenhauer EA et al.; European Organization for Research and Treatment of Cancer, National Cancer Institute of the United States, National Cancer Institute of Canada. New guidelines to evaluate the response to treatment in solid tumors. J Natl Cancer Inst 2000;92(3):205-16. 2. Piessevaux H, Buyse M, Schlichting M et al. Use of early tumor shrinkage to predict long-term outcome in metastatic colorectal cancer treated with cetuximab. J Clin Oncol 2013;31(30):3764-75. 3. Ferté C, Fernandez M, Hollebecque A et al. Tumor growth rate is an early indicator of antitumor drug activity in phase I clinical trials. Clin Cancer Res 2014;20(1):246-52. 4. Ferté C, Koscielny S, Albiges L et al. 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