178 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIII - n° 5 - septembre-octobre 2008
Résumé
Quatre nouveaux antirétroviraux ont été mis sur le marché ces deux dernières années. Cet article fait le point sur
leurs interactions médicamenteuses avec d’autres antirétroviraux ou d’autres médicaments avec lesquels ils vont être
fréquemment associés. Le darunavir, un nouvel inhibiteur de protéase, possède les mêmes interactions que le ritonavir,
avec lequel il est systématiquement associé pour en augmenter les concentrations. Les conséquences cliniques de l’effet
d’induction enzymatique modeste de l’étravirine, un nouvel inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse, sont
probablement peu importantes. Le maraviroc, inhibiteur du récepteur CCR5, est un substrat du CYP 3A, et sa posologie
dépend des médicaments inhibiteurs du CYP (par exemple IP associé au ritonavir à faible dose) ou inducteurs (rifampicine)
auxquels il est associé. Enfin, le raltégravir, premier représentant de la classe des inhibiteurs de l’intégrase, est éliminé
par glucuronoconjugaison, et les interactions sont donc peu nombreuses et limitées à son association à un inhibiteur
de l’UGT 1A1, l’atazanavir, qui en augmente les concentrations d’environ 30 %, ou à des inducteurs puissants tels que
la rifampicine, qui en diminue les concentrations de 70 %.
Mots-clés
Darunavir
Raltégravir
Étravirine
Maraviroc
Interactions
Highlights
New antiretroviral drugs have
been approved recently. Daru-
navir as all other PIs is rito-
navir boosted and therefore
is a potent CYP 3A inhibitor.
Etravirine is a new NNRTI with
moderate enzyme induction
properties. Maraviroc is a CCR5
antagonist which is metabo-
lised by CYP 3A and the dose
to be administered is depen-
dent on whether it is combined
with a CYP 3A inhibitor (for
example ritonavir boosted PI)
or a potent enzyme inductor
such as rifampin. Raltegravir
is the first approved integrase
inhibitor. It is eliminated via
glucuronidation and therefore
potent drug-drug interactions
are limited to its combination
with atazanavir, an inhibitor
of UGT 1A1 leading to a 30%
increase in raltegravir concen-
trations or with potent enzyme
inducer such as rifampin, which
decreases raltegravir concen-
trations by 70%.
Keywords
Darunavir
Raltegravir
Etravirine
Maraviroc
Drug-drug interactions
Les interactions peuvent avoir des conséquences
cliniques délétères en majorant les effets indésirables
concentration-dépendants, dans le cadre d’une asso-
ciation à un inhibiteur (7), ou en induisant un risque
d’inefficacité thérapeutique, lors de l’association à un
inducteur enzymatique. Le ritonavir est un des exem-
ples emblématiques d’interaction favorable : inhibiteur
puissant du CYP 3A4, il est associé aux inhibiteurs de
protéase (IP) dont les caractéristiques pharmacociné-
tiques sont peu favorables (effet de premier passage
intestinal ou hépatique et demi-vie courte), pour en
augmenter l’exposition et donc l’efficacité ou en dimi-
nuer le nombre de prises quotidiennes.
La prise en charge thérapeutique du patient infecté
par le VIH est compliquée, car elle doit conjuguer
plusieurs traitements :
– le traitement antirétroviral, optimal, qui comprend
souvent au moins trois molécules, pour diminuer
la multiplication virale et éviter la sélection de
mutants résistants ;
– le traitement curatif ou préventif des infections
virales, bactériennes et fongiques opportunistes
liées à l’immunosuppression ;
– les traitements palliatifs des atteintes iatrogènes
liées à ces traitements ;
– le traitement des autres pathologies non liées au
VIH mais, par exemple, au vieillissement.
La bonne connaissance des profils métaboliques et
des interactions susceptibles de survenir avec les anti-
rétroviraux doit permettre de sélectionner les molé-
cules qui, au sein d’un traitement, minimiseront les
interactions et les effets indésirables et permettront
d’optimiser leur efficacité. Les interactions avec les
antirétroviraux commercialisés sont résumées dans les
rapports d’experts les plus récents ou ont fait l’objet
d’articles généraux (8, 9). Nous nous limiterons aux
interactions avec les quatre nouveaux antirétroviraux :
le darunavir associé au ritonavir, le raltégravir, le mara-
viroc et l’étravirine (en ATU de cohorte). À ce jour, ces
quatre nouveaux antirétroviraux disponibles sont indi-
qués chez les patients en échec. Chez ces patients,
le traitement comprendra au moins deux molécules
actives, appartenant à deux classes différentes, sélec-
tionnées en fonction du profil génotypique des virus.
C’est également chez ces patients qu’il conviendra de
prévenir, voire de guérir, les infections opportunistes
associées. La connaissance des interactions potentielles,
favorables ou défavorables, revêt donc une importance
considérable pour l’optimisation du traitement.
Caractéristiques
pharmacocinétiques
des nouveaux antirétroviraux
Les caractéristiques pharmacocinétiques sont
présentées dans le tableau II.
Darunavir
Le darunavir est un IP récent dont la puissance d’ac-
tion antirétrovirale repose sur la formation d’un
complexe stable avec la protéase virale de souches
sauvages ou mutées du VIH (10), ce qui lui confère
une barrière génétique très élevée. Administré per
os en deux prises quotidiennes, associé au ritonavir
à faibles doses (600 mg/100 mg), le darunavir est
rapidement absorbé (T
max
: 2,5 à 4 h) et présente
une biodisponibilité de 83 % (versus 37 % sans rito-
Tableau I. Conséquences de l’effet des inducteurs et inhibiteurs des enzymes du métabolisme des médicaments.
Inducteurs Inhibiteurs
Enzymes modifiées CYP, UGT, etc. CYP
Mécanisme Synthèse CYP Compétition ou fixation
Spécificité de l’effet Faible Importante
Délai d’action Maximal en 6-10 j Immédiat
Conséquences pharmacocinétiques Concentrations
Métabolites
Clairance
Concentrations
Métabolites
Clairance
Efficacité thérapeutique, toxicité