une hypothèse de TDA/H et/ou d’un
trouble exécutif primaire ou associé.
L’ensemble des évaluations complémen-
taires nous a tout d’abord permis d’écar-
ter la présence d’un trouble visuo-spa-
tial/constructif primaire, qui aurait pu
être à l’origine de l’hétérogénéité du
profil intellectuel. Par contre, le test de
la figure de Rey a objectivé un défaut de
planification primaire entravant totale-
ment les capacités d’assemblage et don-
nant à l’étape de copie un aspect grande-
ment déstructuré. Ce qui nous a permis
ici d’éliminer la présence d’un trouble vi-
suo-spatial/constructif sous-jacent, c’est
bien la normalisation de la performance
à « l’étape de planification »*.
Quant aux épreuves exécutives, elles
pointèrent la présence d’un important
trouble de l’inhibition engendrant de ré-
gulières digressions, que ce soit dans le
discours ou dans les performances.
Le subtest « inhibition » de la NEPSY 2
mit en avant des scores pathologiques
sur les étapes mettant en jeu les apti-
tudes d’inhibition et de flexibilité men-
tale, un important coût cognitif s’y asso-
ciant. Lionel se montra très concentré
face à la tâche, mais les pertes de
consignes étaient récurrentes (sensibili-
té à l’interférence secondaire au trouble
de la mémoire de travail), ce qui lui fai-
sait commettre de nombreuses erreurs.
Les difficultés de flexibilité mentale ont
été une nouvelle fois révélées par le
subtest « catégorisation » de la NEPSY 2.
Sur cette épreuve, Lionel s’est montré
très concentré et volontaire. Il a réalisé
d’emblée une catégorie « incohérente »,
ne prenant appui sur aucun indice vi-
suel. Nous n’avons relevé aucune straté-
gie d’extraction des données, l’adoles-
cent procédant la plupart du temps par
tâtonnement. Ne trouvant plus aucun
critère, il finit par s’écarter de la con -
signe initiale pour réaliser un cercle
avec les cartes mises à sa disposition.
Lionel s’est montré également très dis-
tractible par son environnement
proche, sans que cela semble rendre
compte d’un trouble attentionnel pri-
maire. Durant la consultation, il est res-
té constamment attiré par les affiches
murales et ne parvenait pas à s’empê-
cher de toucher les divers objets à proxi-
mité. Son attitude nous a semblé para-
doxale : une attention à la fois totale-
ment mobilisable sur les tâches en cours
et grandement friable lors des temps
sans activité. D’autre part, les parents
adoptifs de Lionel, au travers d’un ques-
tionnaire préalablement rempli, avaient
pointé que les difficultés attentionnelles
ne concernaient que la sphère scolaire,
ce qui appuyait l’hypothèse d’une mani-
festation secondaire.
Conclusion du bilan
En conclusion, nous évoquons la pré-
sence d’un trouble dysexécutif primaire,
certainement impliqué dans les apti-
tudes de déchiffrage et de compréhen-
sion en lecture. En revanche, nous ne
concluons pas à la présence d’un TDA,
même si l’ensemble des difficultés liées
au trouble exécutif de Lionel ne permet-
tent pas une mobilisation optimale de
ses ressources au niveau écologique.
Le bilan permet donc de différencier un
TDA, que Lionel n’a pas, d’un syndrome
dysexécutif, ce qui est important pour la
stratégie thérapeutique.
LE TRAITEMENT : UNE
RÉHABILITATION POUR UNE
RÉADAPTATION AU MONDE
La prise en charge de ces enfants est
d’autant plus nécessaire que l’impact
de ce syndrome ne se limite pas à la
sphère scolaire : c’est toute la vie de
l’adulte en devenir, avec tout ce que
cela comprend, qui est en jeu (autono-
mie, relations sociales, vie profession-
nelle et familiale).
Des séances régulières auprès d’un neu-
ropsychologue (idéalement 2 fois par
semaine) sont nécessaires dans ce
cadre, afin de donner à l’enfant des stra-
tégies de contournement et de tenter de
renforcer certaines composantes (ex.
mémoire de travail). Un suivi psycho-
thérapeutique peut y être associé, selon
l’impact psychologique manifesté, ainsi
que d’autres prises en charge (ortho-
phonique, ergothérapeutique, etc.) s’il
existe des comorbidités.
La dimension psychoaffective de ce
trouble est complexe à déterminer : on
peut imaginer qu’un enfant préoccupé,
soucieux, anxieux, dépressif, pris par
des conflits entre ses parents, va
perdre ses moyens, avoir la tête pleine
de soucis, n’arrivera pas à se concen-
trer, et que si la situation dure parce
qu’il est instrumentalisé, les troubles fi-
niront par s’installer et le mettre en
échec scolaire. Un tel tableau res-
semble beaucoup à un syndrome dys-
exécutif : la vignette clinique suivante
en est un exemple.
VIGNETTE CLINIQUE : ALEXANDRA
Alexandra est une jeune fille de treize
ans. Elle vient toujours accompagnée de
sa mère. Elle ne peut pas la quitter un
instant, se tournant vers elle quand je
lui pose une question. Elle n’a pas
d’amis, est très angoissée par le collège,
passe sa vie, soirées et week-ends com-
pris, à travailler pour des résultats mé-
diocres, voire très mauvais en mathé-
matiques. Je suis très prudent car elle a
déjà vu plusieurs psys avec qui elle a
rompu quand ils ont voulu la voir seule.
La mère me dit qu’Alexandra a subi, pe-
tite, des attouchements de la part d’un
ami de la famille, ce dont elle n’a parlé
que récemment.
En outre, son père est depuis plusieurs
années à l’étranger en situation difficile,
à la limite de la légalité. Il lui écrit à son
anniversaire et communique avec elle
par Skype, mais elle en souffre car il a
l’air amaigri et semble avoir beaucoup
vieilli.
J’apprends également qu’elle est née
prématurée à 34 semaines d’aménor-
rhée (poids de naissance : 2,1 kg, péri-
mètre crânien : 32 cm, taille : 47 cm,
Apgar : 10-10). Elle a parlé tard (sans
précision) et, en CP, a débuté une ré-
éducation orthophonique, qui se pour-
suit davantage comme une aide à la
compréhension des textes et un soutien
psychologique qu’autre chose. Elle a
passé petite une WPPSI 3 avec la
conclusion qu’elle était déficiente (sans
plus de détails).
Médecine
& enfance
janvier-février 2017
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* Epreuve extraite du Projet FEE (fonctions exécutives chez
l’enfant), étude nationale multicentrique sous la coordination
d’Arnaud Roy, laboratoires de psychologie des universités
d’Angers et de Chambéry.
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