
La Lettre du Psychiatre • Vol. VI - n° 2 - mars-avril 2010 | 49
Résumé
L’engagement thérapeutique dans les troubles schizophréniques implique deux dimensions : l’observance
(le comportement) et l’adhésion (ou la représentation psychique).
Pour les patients, l’observance est la prise des traitements et des soins. L’adhésion est l’acceptation globale
de ces soins.
Pour les psychiatres, l’adhésion correspond à la conviction de l’utilité des prescriptions et l’observance
correspond à la mise en œuvre effective des soins.
Cette approche devrait permettre une stratégie thérapeutique plus efficace, notamment durant la période
critique initiale des cinq premières années de la maladie, et favoriser un meilleur pronostic.
Mots-clés
Engagement
thérapeutique
Troubles
schizophréniques
Observance
Adhésion
Highlights
Therapeutic commitment in
schizophrenia involves two
dimensions: adherence (as a
behavior) and compliance (as
a psychic representation).
For patients, adherence is to
take antipsychotic medications
and to follow other therapeutic
interventions. Compliance is
the global acceptance of these
therapeutic interventions.
For psychiatrists, compli-
ance fits to conviction of the
usefulness of prescriptions
and adherence fits with real
efficacy of the prescriptions
(medications and therapeutic
interventions).
This approach could lead to
a better efficacy of the thera-
peutic strategies during the
first five years of schizophrenia
and could promote to a better
prognosis.
Keywords
Therapeutic commitment
Schizophrenia
Adherence
Compliance
donné de répondre de soi-même dans le futur. La
fidélité concerne l’engagement (et non l’autre en tant
que tel). La promesse est celle d’un don, d’être fidèle
et de se conformer à l’engagement pris au moment
de l’acte – qui peut d’ailleurs être un don mutuel
(finalement, chacun répond de soi par rapport à
lui-même en présence de l’autre).
L’exemple des professions médicales illustre les
différents aspects des actes d’engagement. L’as-
pect instrumental (de technicité) est retrouvé dans
l’impératif de faire ce qui est nécessaire pour acquérir
les compétences requises et dans la nécessité d’ac-
tualiser ces mêmes connaissances. L’aspect idéal
consiste à souscrire aux valeurs morales caractéris-
tiques de la profession. L’aspect relationnel suppose
que la pratique soit la plus efficace possible non
seulement sur le plan technique mais aussi sur
le plan intersubjectif (tout le temps), à l’égard
de chaque patient. En d’autres termes, ce qui est
attendu du médecin et du professionnel de santé,
qu’il accepte implicitement, c’est une forte mise en
jeu personnelle, un savoir-faire approprié, un souci
des malades et du dévouement à leur égard. Il s’agit
donc d’une relation instrumentale, mais aussi d’une
relation vraiment personnelle.
L’aspect concret de l’engagement se manifeste dans
la décision d’engagement. Cette décision a un sens,
car elle est réfléchie, systématiquement conduite,
elle vise à atteindre un objectif fixé et à introduire des
conditions nouvelles à dessein de modifier l’avenir.
Cependant, la décision d’engagement dans un
présent donné ne garantit pas d’atteindre l’objectif
fixé, car il y a des facteurs circonstanciels impossibles
à contrôler. Si l’exercice médical est une relation qui
nécessite un engagement, comme nous venons de le
voir, cet engagement a une réalité car il concerne non
seulement le cours du monde que le professionnel
de santé tente d’infléchir, mais surtout l’être qui
s’engage (en l’occurrence le médecin ou le soignant)
et son être à venir. Cette relation thérapeutique au
sein de laquelle le thérapeute s’engage relève de
l’alliance, qui facilite les moyens thérapeutiques,
mais aussi du contrat thérapeutique.
La conséquence de l’engagement est finalement le
contrat, or un contrat est une “promesse-devant-
être-tenue”. Mais, ordinairement, lorsque l’on signe
un contrat, on s’y soumet volontairement, on exerce
son libre-arbitre, son autonomie, sa liberté et sa
responsabilité. Si l’on considère la relation médecin-
patient, à plus forte raison en psychiatrie, force est
de constater que la relation est asymétrique et
que les deux contractants ne sont pas au même
niveau. Dans ces conditions, le patient ne peut pas
réellement exercer son libre-arbitre et sa respon-
sabilité pleine et entière : en fait, la responsabilité
contractante du médecin est entière alors que celle
du patient n’est que relative. Le médecin doit donc
être garant des conditions du contrat et de l’alliance
thérapeutique, bien que les variables qui condition-
nent cette dernière soient complexes et fassent appel
à des critères relationnels et psychiques propres au
patient ainsi qu’à des éléments environnementaux
provenant de l’entourage ou des média difficilement
contrôlables par le psychiatre.
De l’engagement dans les troubles
schizophréniques
L’étude observationnelle CATIE, portant sur la prise
en charge des troubles schizophréniques, montre
très clairement qu’il existe deux dimensions chez
les patients par rapport aux soins (1), sans que cela
soit propre aux troubles schizophréniques. L’examen
des taux d’attrition, c’est-à-dire des taux de patients
sortant de l’étude, rapporte que 23,7 % des patients
sortent de l’étude en raison du manque d’efficacité
du traitement, que 14,9 % en sortent pour effets
indésirables ou intolérance, et que 29,9 % sortent
par décision personnelle. Il est légitime de consi-
dérer que le manque d’efficacité et l’intolérance
conditionnent directement le comportement, alors
que l’attitude des 29,9 % de patients – presque un
tiers des patients – qui arrêtent par décision person-
nelle renvoie à leur adhésion au traitement et à leur
représentation mentale du trouble et des soins.
Nous pouvons donc définir ces deux dimensions : la
première, comportementale, concerne l’observance,
qui correspond au fait de prendre les traitements
prescrits et de se conformer à la prescription ; la
seconde relève de la représentation, de l’adhésion,
qui correspond à l’accord du patient sur les moyens
employés dans le cadre des soins, les buts du trai-
tement et le fait d’être malade (sans pour autant