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L'approche interculturelle
Université de Liège ://www.lmg.ulg.ac.be/competences/chantier/ethique/eth_intercult.html
Quelques notions clés
L'acception la plus large du concept de culture intègre des objets matériels (utilitaires ou
esthétiques), des techniques et des pratiques de tous ordres (nourriture, langue, façon de
vivre, organisation sociale,...), des formes mentales (manière de penser et de sentir,...) et, par
dessus tout, la façon d'assembler entre eux ces divers éléments. Les héritages culturels sont
donc lus comme des façons de s'adapter à un contexte écologique, économique,
technologique et social donné.
On peut distinguer des niveaux d'enracinement culturel plus ou moins profonds, qui
déterminent le degré de résistance au changement ou simplement la capacité d'accueil de la
différence :
- le niveau "superficiel" : vêtements, nourriture, architecture,... (niveau relativement facile à
ouvrir);
- le niveau "moyen" des structures collectives : les structures sociales, économiques,
politiques, les structures mentales et langagières aussi et, en ce qui concerne les géographes,
les structures spatiales (niveau plus difficile à modifier);
- le niveau "profond" des valeurs et des croyances (niveau extrêmement difficile à modifier).
Le concept de "noyau dur" désigne la part qui n'est pas négociable, qui ne supporte aucun
compromis, qui est très profondément ancrée et entourée d'un système de défense important,
parce qu'il contribue à la structure même de la personne.
Les situations multiculturelles sont communément étiquetées de la façon suivante :
- marquées par un processus d'assimilation par acculturation individuelle ou de masse des
"domis", qui ne peuvent occuper le territoire qu'à condition d'épouser la culture des
"dominants" ;
- favorisant un processus d'insertion, qui assure la protection des identités en présence et
encourage plutôt le conservatisme;
- encourageant un processus d'intégration, par la négociation d'une façon de vivre ensemble
qui aboutit à un "métissage culturel".
La pédagogie interculturelle se fonde sur le respect des porteurs de culture (et non des
cultures en soi), qui sont légitimés s'ils donnent à croire à leur sincérité et à leur conviction
intime. Le jugement de valeur est donc permis, mais nous n'avons pas le droit d'imposer nos
valeurs.
La démarche interculturelle passe par trois étapes :
- la décentration : prendre conscience de ses propres cadres de référence;
- la pénétration du système de l'autre : tenter de se placer du point de vue de l'autre et de le
comprendre;
- la négociation : identifier les noyaux durs et l'espace de négociation possible afin de trouver
des solutions que chaque partie admettra en conscience, impliquant souvent un minimum de
compromis.
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Quelques idées fortes pour une pédagogie
interculturelle
Stimuler la curiosité pour la
découverte d'autres peuples, d'autres
cultures. Proposer la confrontation
avec d'autres jugements de valeurs,
rechercher l'intérêt de la différence.
Clarifier les éments qui composent
l'identité culturelle d'une personne,
d'un groupe social.
Permettre aux étudiants de prendre
conscience des stéréotypes qui sont
véhiculés et de les démystifier, tant
ceux qui concernent "les autres" que
ceux qui s'appliquent à "nous".
Découvrir que la culture doit
constamment être recréée par rapport
aux traditions existantes, pour
s'adapter aux nouvelles conditions de
vie.
Permettre aux étudiants de
découvrir la complexité du
phénomène "stéréotypes" : leurs
avantages et leurs inconvénients, les
intérêts que certains groupes sociaux
ont de les véhiculer, ...
Découvrir que "les pesanteurs qui
caractérisent beaucoup de groupes
humains ne viennent pas du manque
d'imagination des individus qui les
composent mais du frein que
constituent les normes, les habitudes
et les institutions en place."
Découvrir le concept de "noyau
dur" (ce qui n'est pas négociable) et
apprendre à identifier le noyau dur
d'une personne, d'un groupe humain,
d'un problème collectif.
Découvrir les notions de culture
"d'élite" (la mise en "patrimoine
reconnu" par les dominants) et de
culture "populaire" (si "typique et
pittoresque" pour les touristes).
Permettre un apprentissage de la
gociation et des limites de
l'intégration.
Prendre l'habitude de se préoccuper
des problèmes de l'autre.
Expérimenter le « tissage1
culturel » (productions collectives en
intégrant des éléments propres à
chaque culture et en se servant
d'éléments culturels étrangers à soi).
Découvrir que le « métissage
culturel » est à l'oeuvre chez chaque
individu, tout au long de sa vie et que
la culture d'un individu est la
résultante de la combinaison, sans
cesse à l'oeuvre, de multiples courants
culturels.
1 Voir la note à la fin de l’article sur cette notion de « métissage culturelle »
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Quelques idées pour une éducation géographique
interculturelle
Explorer les relations entre "cultures" et "territoire"
- explorer les concepts d'étranger, de territoire, de culture;
- couvrir les notions de "foyer d'innovation", "diffusion", "vecteur de diffusion";
- couvrir que la culture n'est pas nécessairement liée à un espace bien délimité,
contrairement à ce que le discours dominant sur les cultures proclame (-> relations entre esprit
national ou régional et culture);
- couvrir que les mentalités à un endroit donné peuvent varier rapidement suite à un
événement (catastrophe naturelle, par exemple) qui bouleverse l'organisation, l'ordre établi,
quelle que soit la limite administrative;
- couvrir la contradiction entre identité culturelle forte et liberté : c'est dans les espaces où
le pouvoir est le plus dominant que la créativité, l'innovation, seront les moins fructueuses;
- attirer l'attention sur les dangers de la tendance à mettre en oeuvre un sentiment
d'appartenance fort sur base de l'identification de critères soi disant communs à une région
dite "culturelle";
- mettre l'accent sur le fait qu'un même territoire est marqué par la cohabitation de plusieurs
cultures.
Mieux cerner ses propres cadres de références spatiales, en tant qu'individu porteur
d'une culture et de sous-cultures, par la découverte d'autres références culturelles :
- stimuler la curiosité, découvrir la diversité, la repérer et la nommer
- par réflexivité, repérer et nommer ses propres "marqueurs culturels", et prendre conscience
de leur caractère construit et relatif (par exemple, prendre conscience que le paysage,
l'aménagement du territoire, sont le fruit de valeurs culturelles);
- situer les stratégies spatiales mises en oeuvre à un moment donné dans leur contexte et ne
pas les voir comme le résultat d'un déterminisme.
Exercer son esprit critique vis-à-vis de l'utilisation de la géographie comme
instrument de manipulation à des fins économiques ou politiques.
- couvrir comment manipuler la constitution d'une identité culturelle
- en produisant des cartes à une certaine échelle plutôt qu'à une autre, ou avec des limites
variables
- en laissant croire que les frontières culturelles existent dans la réalité, alors qu'elles sont le
fruit d'une construction mentale répondant à certains objectifs;
- en sélectionnant certains critères et pas d'autres pour mettre en évidence une "unité"
territoriale soi disant constante, et même une "originalité" territoriale, sans évoquer leur
caractère relatif dans le temps et dans l'espace - pour mieux séparer "eux" et "nous"
- en mettant l'accent sur les caractères dominants d'une société, contribuant par là à ne pas
accorder de reconnaissance aux minorités;
- en omettant de signaler que tout concept est étroitement lié à un système de valeurs, qui
n'est pas nécessairement partagé par tout le monde (voir par exemple, la du concept de
développement durable d'un point de vue culturel par L. Sauvé).
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CLAVAL P., 1999,
Bibliographie
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L'Harmattan, coll. Espaces interculturels, Paris, pp 171-172.
Note sur la notion de « métissage culturel ».
Compte rendu de l’ouvrage de Amselle, Jean-Loup. « Branchements. Anthropologie de
l’universalité des cultures », Paris, Flammarion, 2001. par Doris Bonnet dans les Cahiers
d'études africaines, 171 | 2003, [En ligne], mis en ligne le 15 février 2007. URL :
http://etudesafricaines.revues.org/index1528.html.
1) L’ouvrage de Jean-Loup Amselle s’inscrit dans le prolongement et en réaction à son
livre précédent intitulé Logiques métisses. Anthropologie de l’identité en Afrique et
ailleurs (Payot, 1990, rééd. 1999). Cet ouvrage utilisait la métaphore du métissage
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des sociétés par opposition à la notion de « multiculturalisme » où les cultures
restent appréhendées comme des entités discrètes, alors que pour l’auteur les
sociétés sont d’emblée métisses, d’emblée dans un syncrétisme originaire. L’idée
d’une pureté originaire est un mirage que chaque génération reproduit pour
forger son identité. Branchements s’écarte de la métaphore du métissage à
l’arrière-plan trop biologique qui suppose des entités préalablement « pures » –
pour adopter celle du branchement qui s’inspire de la mise en communication
électrique, faisant valoir, par là même, le caractère ouvert de chaque culture.
C’est aussi pour éviter l’idée d’une biologisation de la mondialisation ou de la
racialisation des sociétés que Jean-Loup Amselle a privilégié le terme de
« branchement » à celui de « société métisse ».
2) De plus, le métissage des cultures induit l’idée de cultures d’origine alors que
l’idée de branchement cherche à casser toute idée de cloisonnement et
d’étanchéité. D’un point de vue diachronique, on évite l’idée d’une pureté originelle
ou d’une séparation des sociétés réflexion qui sera examinée dans l’ouvrage à partir
du mouvement du n’ko sur lequel je reviendrai et, d’un point de vue synchronique,
on évite l’idée d’une homogénéisation du monde actuel, l’ère du village planétaire,
comme on dit, qui a la faculté de faire disparaître la question sociale. De plus en plus
fréquemment, le culturel supplante la question sociale. Ainsi, la mondialisation ne
place plus la culture comme un espace de communication mais comme un lieu de
spécificités collectives. Elle n’entraîne pas une uniformisation culturelle mais au
contraire des « guerres identitaires » ou des « guerres de cultures » (p. 19). La
mondialisation aux effets culturels, ethniques ou religieux conduit, selon Jean-Loup
Amselle, vers deux attitudes : soit un « choc des cultures », soit, à linverse, une
« créolisation » du monde. Et les exemples historiques et politiques qu’il livre dans la
dernière partie de l’ouvrage illustrent cet état de fait.
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