La Lettre du Gynécologue • nos 372-373 mai-juin 2012 | 43
Points forts
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La prédominance des méningiomes chez les femmes, l’accélération rapportée pendant la grossesse,
l’association entre méningiome et cancer du sein suggèrent que les hormones stéroïdes, notamment les
progestatifs, jouent un rôle dans la croissance des méningiomes.
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De nombreuses études ont été réalisées in vitro avec des résultats souvent contradictoires. Bien que la
majorité des méningiomes expriment les récepteurs à la progestérone, seul un petit nombre semble répondre
à un traitement antiprogestatif.
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Le rôle de la contraception estroprogestative et du traitement hormonal substitutif demeure controversé
suivant les études. Cependant, ils pourraient être associés à une augmentation du risque de développement
de méningiomes.
Mots-clés
Méningiomes
Récepteurs à la
progestérone
Grossesse
Traitement
estroprogestatif
Highlights
»
Higher prevalence in female,
growth acceleration reported
during pregnancy, association
of meningiomas with breast
cancer suggests that steroids,
and particularly progesterone,
may be involved in menin-
giomas growth.
»
Despite the majority of
meningiomas express proges-
terone receptors, only a small
percentage respond to antipro-
gestative therapy.
»
Although it still remains
controversial, estroprogestative
treatment may be associated
with meningioma risk.
Keywords
Meningiomas
Progesterone receptors
Pregnancy
Estroprogestative treatment
La localisation nucléaire suggère dans la majorité
des cas que ces récepteurs sont fonctionnels. Des
études pré cliniques, effectuées sur des cellules en
culture et sur la xénogreffe de souris, suggèrent, en
dépit de quelques résultats contradictoires, que la
progesté rone stimule la croissance des méningiomes
et que les antagonistes (notamment la mifépristone)
bloquent la croissance (2).
Le rôle des récepteurs aux estrogènes et aux andro-
gènes est beaucoup moins bien établi : ils sont
retrouvés dans moins de la moitié des cas, à un taux
faible. D’ailleurs, le traitement des méningiomes par
tamoxifène n’a donné lieu à aucun résultat probant.
En dehors des récepteurs aux stéroïdes, les ménin-
giomes expriment fortement des récepteurs à la
somatostatine : ils peuvent être mis en évidence par
scintigraphie à l’octréotide. En revanche, leur rôle
dans la croissance des méningiomes n’est pas claire-
ment établi. De rares cas de réponses à l’octréotide
ont été rapportés dans la littérature. Récemment, un
essai de phase I a testé l’octréotide sur 11 patients,
et aucune réponse n’a été observée (4).
Impact de la grossesse
L’aggravation au cours de la grossesse a souvent été
rapportée. Une part de cette aggravation, commune
à toutes les tumeurs, est liée à une augmentation
du compartiment tumoral extracellulaire, réversible
en post-partum. La régression de la taille tumorale
en post-partum peut être aussi due à la baisse du
taux de progestérone (5). En dehors de cet effet
transitoire et réversible, l’impact de la grossesse
sur la croissance du méningiome à moyen et à long
terme n’est pas établi. En effet, la prévalence du
méningiome a été associée au nombre de grossesses
antérieures (6), avec un risque relatif de 1,8 chez les
femmes ayant eu 3 enfants ou plus par rapport aux
nullipares, alors que d’autres études ne trouvent pas
de lien (7), ou même suggèrent au contraire un rôle
protecteur (8).
En conclusion, c’est surtout le risque d’aggrava-
tion en cours de grossesse qui apparaît bien établi ;
l’impact sur l’évolution de la maladie à long terme
n’est en revanche pas démontré. En cas de locali-
sation menaçante et difficilement accessible (fosse
postérieure, trou occipital, apex orbitaire), ce risque
d’aggravation devra être pris en compte, la patiente
sera informée et l’intervention sera discutée avec le
neurochirurgien (9).
Association entre méningiome
et cancer du sein
L’association cancer du sein et méningiome a été
suggérée par plusieurs études (le risque relatif,
respectivement, de cancer du sein chez les patientes
porteuses d’un méningiome, et de méningiome chez
les patientes traitées pour un cancer du sein est de
1,5) [10, 11]. Cette association ne signifie pas pour
autant un lien avec les hormones sexuelles : elle peut
être due à des facteurs environnementaux autres ou
à des facteurs génétiques. Quoi qu’il en soit, il s’agit
d’un risque relatif très faible.
Impact du traitement
estroprogestatif (contraception
orale et traitement hormonal
substitutif)
Une vaste étude de cohorte suggère un lien, avec
une fréquence de 865 méningiomes pour 100 000
chez les femmes ayant ou ayant eu un traitement
estroprogestatif versus 366 pour 100 000 pour les
femmes non traitées, ce qui correspond à un risque
relatif de 2,2 pour l’ensemble de la population, mais
de 4 pour les femmes de moins de 55 ans (12),
confirmant des études antérieures (7). Toutefois, ce
lien n’est pas retrouvé par d’autres auteurs (13, 14),
certains suggérant même un effet protecteur de la
contraception orale (8).
En dépit de ces discordances, il faut considérer un trai-
tement contenant des progestatifs comme pouvant
possiblement favoriser la croissance tumorale. S’il
s’agit d’un méningiome opérable et ayant bénéficié
d’une exérèse complète, rien n’interdit un traitement
estroprogestatif (en prévoyant un suivi radiologique).
S’il s’agit d’une tumeur inopérable, et a fortiori d’une
localisation menaçante, tout traitement progestatif
doit être suspendu. Entre ces 2 situations, il faudra
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