Numéro best of biblio Réanimation Au cours de la ventilation mécanique du SDRA sévère, la mise en position ventrale améliore la survie Contexte Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est une cause fréquente d’hospitalisation en réanimation dans un contexte de défaillance respiratoire aiguë. Il s’agit d’un œdème pulmonaire lésionnel (par opposition à l’œdème pulmonaire hémodynamique) qui atteint les 2 poumons, avec une signature anatomopathologique (lésions alvéolaires diffuses). Il s’agit d’un syndrome hétérogène dont la mortalité varie de 20 à 50 %. Les étiologies de SDRA sont nombreuses, pulmonaires (dominées par les pneumonies graves), mais aussi extrapulmonaires (sepsis, traumatismes sévères, pancréatite aiguë, etc.). Le SDRA est schématiquement défini par : ➤ une atteinte pulmonaire aiguë ; ➤ non expliquée par une insuffisance cardiaque ; ➤ des opacités parenchymateuses bilatérales ; ➤ une hypoxémie caractérisée par une diminution du ratio PaO2/FiO2 < 300 mmHg avec une pression positive en expiration (PEP) ≥ 5 cm d’eau. Le traitement symptomatique des SDRA modérés à sévères impose la ventilation mécanique dite “protectrice” (petit volume courant), associée à une PEP. Dans les formes les plus sévères de SDRA, l’hypoxie est profonde et plusieurs traitements sont envisageables : augmentation du niveau de PEP, curarisation, mise en décubitus ventral (DV), voire oxygénation extracorporelle (ECMO) [diapositive 1]. Aucun essai n’avait pu montrer jusqu’ici un effet bénéfique sur la mortalité de la ventilation en DV au cours du SDRA, même si l’oxygénation est améliorée dans cette position. Cependant, 2 méta-analyses avaient souligné une diminution significative de la mortalité dans le groupe DV chez les patients les plus sévèrement hypoxiques. Cet essai a donc évalué l’intérêt du DV prolongé appliqué précocement au cours du SDRA sévère. F. Bruneel (Service de réanimation médicochirurgicale, centre hospitalier de Versailles, Le Chesnay) Méthodes Il s’agit d’un essai multicentrique prospectif, randomisé, contrôlé, dans lequel 466 patients ayant un SDRA sévère (diapositive 2) ont été ventilés, soit avec des durées quotidiennes d’au moins 16 heures de DV (groupe DV), soit en décubitus dorsal (groupe DD). Les réglages du ventilateur respectaient les principes de la ventilation protectrice dans les 2 groupes (diapositive 2). Le critère principal était la mortalité à J28, et les critères secondaires incluaient la mortalité à J90 et la survenue de complications (diapositive 2). Commentaire Il s’agit du premier essai qui montre une telle efficacité de la ventilation en DV au cours du SDRA. Pourquoi cet essai est-il positif, ce qui n’avait pas été le cas des essais précédents ? Les raisons sont probablement multiples : sélection de SDRA relativement sévères malgré une optimisation thérapeutique de 12 à 24 heures ; application précoce du DV selon un protocole homogène ; séquences de DV de durée prolongée. Enfin, les équipes participant à cet essai avaient une bonne expertise de la technique du DV. À noter par ailleurs que le groupe DD était significativement un peu plus grave en termes de score de gravité à l’inclusion, d’utilisation de vasopresseurs et de curares ; mais que l’analyse, après ajustement sur ces variables, retrouvait les mêmes résultats significatifs concernant la mortalité. Parmi les différents traitements symptomatiques proposés lors du SDRA, ces données permettent donc de préciser la place et les modalités du DV pour optimiser la prise en charge de ces patients. Il faut cependant souligner que cet essai a été réalisé dans des unités de réanimation rompues à l’utilisation du DV. L’application de ce traitement dans des unités moins expérimentées devra donc être associée à une bonne formation des équipes au DV (une vidéo décrivant la technique est disponible sur le site nejm.org). Néanmoins, d’autres thérapeutiques peuvent aussi être proposées dans les formes les plus sévères du SDRA (fortes PEP, ECMO, etc.), et le positionnement relatif de ces différentes options reste controversé. Certaines équipes privilégient l’utilisation de fortes PEP avec un titrage optimisé. D’autres équipes, qui utilisent assez précocement l’ECMO, vont probablement devoir tenir compte des résultats de cette étude pour revoir leur stratégie de prise en charge des SDRA très sévères. Référence bibliographique Guérin C, Reignier J, Richard JC et al. Prone positioning in severe acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med 2013;368(23):2159-68. Principaux résultats Pour en savoir plus Au final, 237 patients ont été inclus dans le groupe DV et 229 dans le groupe DD, dans 27 unités de réanimation. La mortalité à J28 était de 16 % dans le groupe DV versus 33 % dans le groupe DD (HR = 0,39 ; IC95 : 0,29-0,63). La mortalité à J90 était de 24 % dans le groupe DV versus 41 % dans le groupe DD (HR = 0,44 ; IC95 : 0,29-0,67) [diapositive 3]. Le taux de complications n’était pas différent entre les 2 groupes, à l’exception du nombre d’arrêts cardiaques, plus important dans le groupe DD. ▸ ARDS Definition Task Force. Acute respiratory distress syndrome: the Berlin Definition. JAMA 2012;307(23):252633. ▸ Briel M, Meade M, Mercat A et al. Higher vs lower positive end-expiratory pressure in patients with acute lung injury and acute respiratory distress syndrome: systematic review and meta-analysis. JAMA 2010;303(9):865-73. ▸ Slutsky AS, Ranieri VM. Ventilator-induced lung injury. N Engl J Med 2013;369(22):2126-36. 34 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - n° 1 - janvier-février 2014 Numéro best of biblio À retrouver sur le site www.edimark.fr Au cours de la ventilation mécanique du SDRA sévère, la mise en position ventrale améliore la survie Diapositive 2. Diapositive 1. Diapositive 4. Diapositive 3. Conclusion Chez les patients ayant un SDRA modéré à sévère tel que décrit dans cet essai, l’utilisation précoce du DV en séquences quotidiennes prolongées réduit significativement la mortalité à J28 ainsi qu’à J90 (diapositive 4). II L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Astellas, Fresenius Kabi, MSD, Pfizer. La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXIX - n° 1 - janvier-février 2014 | 35