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RÉANIMATION
34 | La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIX - n° 1 - janvier-février 2014
Au cours de la ventilation mécanique
du SDRA sévère, la mise en position
ventrale améliore la survie
Contexte
Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) est une cause
fréquente d’hospitalisation en réanimation dans un contexte de
défaillance respiratoire aiguë. Il s’agit d’un œdème pulmonaire
lésionnel (par opposition à l’œdème pulmonaire hémodynamique)
qui atteint les 2poumons, avec une signature anatomopatho-
logique (lésions alvéolaires diffuses). Il s’agit d’un syndrome hétérogène dont la mortalité
varie de 20 à 50 %. Les étiologies de SDRA sont nombreuses, pulmonaires (dominées par les
pneumonies graves), mais aussi extrapulmonaires (sepsis, traumatismes sévères, pancréatite
aiguë, etc.). Le SDRA est schématiquement défini par :
une atteinte pulmonaire aiguë ;
non expliquée par une insuffisance cardiaque ;
des opacités parenchymateuses bilatérales ;
une hypoxémie caractérisée par une diminution du ratio PaO2/FiO2 < 300 mmHg avec
une pression positive en expiration (PEP) ≥ 5 cm d’eau.
Le traitement symptomatique des SDRA modérés à sévères impose la ventilation mécanique
dite “protectrice” (petit volume courant), associée à une PEP. Dans les formes les plus sévères
de SDRA, l’hypoxie est profonde et plusieurs traitements sont envisageables : augmentation
du niveau de PEP, curarisation, mise en décubitus ventral (DV), voire oxygénation extra-
corporelle (ECMO) [diapositive1].
Aucun essai n’avait pu montrer jusqu’ici un effet bénéfique sur la mortalité de la ventila-
tion en DV au cours du SDRA, même si l’oxygénation est améliorée dans cette position.
Cependant, 2méta-analyses avaient souligné une diminution significative de la mortalité
dans le groupe DV chez les patients les plus sévèrement hypoxiques. Cet essai a donc évalué
l’intérêt du DV prolongé appliqué précocement au cours du SDRA sévère.
Méthodes
Il s’agit d’un essai multicentrique prospectif, randomisé, contrôlé, dans lequel 466patients
ayant un SDRA sévère (diapositive2) ont été ventilés, soit avec des durées quotidiennes
d’au moins 16heures de DV (groupe DV), soit en décubitus dorsal (groupe DD). Les réglages
du ventilateur respectaient les principes de la ventilation protectrice dans les 2groupes
(diapositive2). Le critère principal était la mortalité à J28, et les critères secondaires
incluaient la mortalité à J90 et la survenue de complications (diapositive2).
Principaux résultats
Au final, 237 patients ont été inclus dans le groupe DV et 229 dans le groupe DD, dans
27unités de réanimation. La mortalité à J28 était de 16 % dans le groupe DV versus 33 %
dans le groupe DD (HR=0,39 ; IC95 : 0,29-0,63). La mortalité à J90 était de 24 % dans le
groupe DV versus 41 % dans le groupe DD (HR = 0,44 ; IC95 : 0,29-0,67) [diapositive3].
Le taux de complications n’était pas différent entre les 2groupes, à l’exception du nombre
d’arrêts cardiaques, plus important dans le groupe DD.
F. Bruneel
(Service de réanimation
médicochirurgicale,
centre hospitalier
deVersailles, Le Chesnay)
Commentaire
Il s’agit du premier essai qui montre une telle effi-
cacité de la ventilation en DV au cours du SDRA.
Pourquoi cet essai est-il positif, ce qui n’avait pas été
le cas des essais précédents ? Les raisons sont proba-
blement multiples : sélection de SDRA relativement
sévères malgré une optimisation thérapeutique de
12 à 24 heures ; application précoce du DV selon un
protocole homogène ; séquences de DV de durée
prolongée. Enfin, les équipes participant à cet essai
avaient une bonne expertise de la technique du
DV. À noter par ailleurs que le groupe DD était
significativement un peu plus grave en termes de
score de gravité à l’inclusion, d’utilisation de vaso-
presseurs et de curares ; mais que l’analyse, après
ajustement sur ces variables, retrouvait les mêmes
résultats significatifs concernant la mortalité.
Parmi les différents traitements symptomatiques
proposés lors du SDRA, ces données permettent
donc de préciser la place et les modalités du DV
pour optimiser la prise en charge de ces patients.
Il faut cependant souligner que cet essai a été
réalisé dans des unités de réanimation rompues à
l’utilisation du DV. L’application de ce traitement
dans des unités moins expérimentées devra donc
être associée à une bonne formation des équipes
au DV (une vidéo décrivant la technique est dispo-
nible sur le site nejm.org).
Néanmoins, d’autres thérapeutiques peuvent aussi
être proposées dans les formes les plus sévères du
SDRA (fortes PEP, ECMO, etc.), et le positionnement
relatif de ces différentes options reste controversé.
Certaines équipes privilégient l’utilisation de fortes
PEP avec un titrage optimisé. D’autres équipes, qui
utilisent assez précocement l’ECMO, vont proba-
blement devoir tenir compte des résultats de cette
étude pour revoir leur stratégie de prise en charge
des SDRA très sévères.
Référence bibliographique
Guérin C, Reignier J, Richard JC et al. Prone positioning in
severe acute respiratory distress syndrome. N Engl J Med
2013;368(23):2159-68.
Pour en savoir plus
ARDS Definition Task Force. Acute respiratory distress
syndrome: the Berlin Definition. JAMA 2012;307(23):2526-
33.
Briel M, Meade M, Mercat A et al. Higher vs lower positive
end-expiratory pressure in patients with acute lung injury
and acute respiratory distress syndrome: systematic review
and meta-analysis. JAMA 2010;303(9):865-73.
Slutsky AS, Ranieri VM. Ventilator-induced lung injury.
N Engl J Med 2013;369(22):2126-36.
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La Lettre de l’Infectiologue Tome XXIX - n° 1 - janvier-février 2014 | 35
À retrouver sur le site www.edimark.fr
Conclusion
Chez les patients ayant un SDRA modéré à sévère tel que décrit dans cet essai, l’utilisa-
tion précoce du DV en séquences quotidiennes prolongées réduit significativement la
mortalité à J28 ainsi qu’à J90 (diapositive4). II
Au cours de la ventilation mécanique
du SDRA sévère, la mise en position ventrale
améliore la survie
Diapositive 1.
Diapositive 3.
Diapositive 2.
Diapositive 4.
L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Astellas,
FreseniusKabi, MSD, Pfizer.
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