L
es points de vue du chirurgien (J.N. Fabiani, hôpital
européen Georges-Pompidou, Paris) et du cardiologue
interventionnel (A. Vahanian, hôpital Bichat, Paris) sur
la plastie mitrale ont été présentés à l’occasion de la réunion de
septembre 2005 de l’Amicale des cardiologues de Paris et sa
région. F. Zannad (hôpital Jeanne d’Arc, Nancy) a complété
cette cession par une mise au point sur les nouveautés dans la
prise en charge de l’infarctus du myocarde.
PLASTIE MITRALE : POINT DE VUE
DU CHIRURGIEN (J.N. FABIANI)
Le Pr J.N. Fabiani a retracé l’historique de la plastie mitrale chi-
rurgicale, ses résultats, les nouvelles techniques et leurs pers-
pectives d’avenir.
Le Pr Carpentier a réalisé en 1969 les premières valvuloplasties
mitrales. En 2000, étaient disponibles les résultats à 30 ans des
plasties mitrales chez 434 patients : le suivi en termes de morta-
lité était comparable à une population de référence. Il faut cepen-
dant distinguer deux groupes de population : les insuffisances
mitrales (IM) d’origine dégénérative pour lesquelles il n’y a pas
eu de nouveau geste nécessaire et les IM d’origine rhumatismale
pour lesquelles une deuxième intervention a été nécessaire (rem-
placement valvulaire mitral). À 20 ans, 74 % des patients opérés
étaient en bonne santé.
Les plasties mitrales sont différentes en fonction de l’étiologie
de l’IM. La mise en place d’un anneau isolé est le seul geste dans
5% des cas. L’anneau donne la forme à la valve mitrale. Les dif-
férentes techniques chirurgicales associées (résection valvulaire,
réimplantation de cordage, amincissement de cordage, etc.) ont
pour but une coaptation des bords des feuillets mitraux sur plus
de 5 mm : une valve qui sourit est une valve bien réparée. L’écho-
graphie transœsophagienne postopératoire est fondamentale pour
rechercher une IM résiduelle, un mouvement systolique antérieur
de l’appareil sous-valvulaire mitral et une dysfonction ventricu-
laire gauche. Une meilleure compréhension de l’IM ischémique
a permis de développer un nouvel anneau (Carpentier Mac Carty).
La revascularisation ne permet pas de guérir ces patients. Les
résultats de la plastie mitrale dans l’IM ischémique sont supé-
rieurs à ceux du remplacement valvulaire mitral. Si l’IM est cen-
trale, on met un anneau symétrique avec une “chaussette” (CORE
CAP) qui permet de remodeler le ventricule gauche.
La chirurgie mini-invasive s’adresse à une population sélectionnée.
Elle s’intéresse essentiellement aux IM avec dégénérescence
fibro-élastique (maladie de Barlow), et ses bons résultats se main-
tiennent à long terme. Elle est contre-indiquée chez l’obèse, ou
lorsqu’un geste associé est prévu. Son intérêt est surtout esthé-
tique ; elle est plus difficile à réaliser et nécessite une sélection
des patients.
Quant à la chirurgie par robotique, elle se situe encore dans le
domaine de la recherche clinique.
PLASTIE MITRALE : POINT DE VUE
DU CARDIOLOGUE INTERVENTIONNEL
(A. VAHANIAN)
Le Pr A. Vahanian a évoqué les résultats de la plastie mitrale chi-
rurgicale, les nouvelles techniques de plastie mitrale percutanée,
leurs résultats et les perspectives d’avenir.
En Europe, 50 % des patients avec IM ont une plastie mitrale chi-
rurgicale ; les résultats de la plastie mitrale chirurgicale dépendent
de l’étiologie de l’IM (bons résultats sur prolapsus valvulaire, mais
moins bons si l’IM est fonctionnelle) et des facteurs de comorbi-
dité associés (la mortalité opératoire est corrélée avec leur nombre).
Enfin, un tiers des patients avec une maladie valvulaire sévère et
en classe III ou IV de la NYHA ne sont pas opérés.
RÉPARATION MITRALE PERCUTANÉE
On distingue deux méthodes de réparation mitrale percutanée :
la technique dite du “bord à bord” (figures 1 a, b et c) et la mise
en place d’un anneau droit prothétique dans le sinus coronarien
(figure 2).
Technique du bord à bord
Elle permet grâce à un cathétérisme transseptal de mettre un clip
sur la valve mitrale et de créer ainsi deux orifices mitraux. Elle
nécessite d’être guidée par l’échographie transœsophagienne ;
dans les équipes bien entraînées, le temps minimal de la procé-
dure est de 100 minutes. Dans l’étude EVEREST, 50 patients
ayant une IM sévère (7 % fonctionnelles, 93 % par prolapsus)
ont bénéficié de cette technique avec succès de l’implantation de
INFORMATIONS
Plastie mitrale : état de l’art
M.L. Lachurie*
La Lettre du Cardiologue - n° 391 - janvier 2006
12
*Aubergenville.
La Lettre du Cardiologue - n° 391 - janvier 2006
13
clip (1 ou 2) dans 82 % des cas, sans complication de la procédure.
Au décours immédiat de la procédure, l’IM était inférieure ou égale
à 2 /4 dans 67 % des cas ; à 6 mois, deux tiers des patients n’ont
pas eu d’événement cardiovasculaire et l’IM était inférieure ou
égale à 2/4 chez 59 % des patients. Une autre technique consiste
en plus du clip à passer un fil sur la valve mitrale (deux cas décrits).
Un anneau mitral percutané peut être associé au clip. Les résultats
de la technique du “bord à bord” ne sont pas bons dans les IM
ischémiques.
Mise en place percutanée d’un anneau droit
prothétique dans le sinus coronaire
Le sinus coronarien est proche de l’anneau mitral. Cette technique
peut être guidée par le scanner. Des études expérimentales sont
en cours ; les résultats sont encore parcellaires. Au moins dix types
d’anneaux sont à l’étude. Cette intervention n’est pas dénuée de
risque (artère circonflexe proche). Des complications majeures
de la procédure ont été décrites : perforations du sinus coronarien,
risques de fracture de l’anneau.
Plusieurs techniques interviennent dans la réparation chirurgicale
de l’IM : la mise en place d’un anneau, une résection valvulaire,
des transferts de cordages, etc., mais il est possible aussi d’agir par
voie percutanée sur le degré de l’IM : par revascularisation et par
resynchronisation.
Plusieurs questions restent en suspens quant à ces nouvelles tech-
niques de réparation mitrale par voie percutanée : leur faisabi-
lité, leur efficacité, leur durabilité, leur securité… Est-ce que le
chirurgien pourra intervenir par la suite pour une plastie mitrale ?
Quelles sont les indications potentielles de la réparation mitrale
percutanée ?
–IM fonctionnelle (ischémique ou cardiomyopathie) : anneau
droit ± bord à bord ;
IM dégénérative sans déformation valvulaire sévère : bord à
bord ± anneau droit ;
–IM modérée ;
elle cible les patients chez qui la chirurgie est contre-indiquée
ou ceux à très haut risque chirurgical.
QUOI DE NEUF DANS L’INFARCTUS
DU MYOCARDE ? (F. ZANNAD)
Le Pr F. Zannad a fait une revue de la prise en charge pharma-
cologique de l’infarctus du myocarde (IDM), en particulier avec
insuffisance cardiaque (IC).
La mortalité par IDM est de 6 %, ce taux est multiplié par 5 en
cas d’IC (à l’entrée ou à la suite de l’IDM).
Comment améliorer le remodelage du ventricule
gauche (VG) ?
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) : les études
SAVE AIRE et TRACE ont montré qu’ils diminuaient la morta-
lité totale et la morbidité chez les patients avec dysfonction ven-
triculaire gauche ou insuffisance cardiaque ; leur indication s’est
actuellement étendue à tous les patients avec IDM, quelle que
soit la fraction d’éjection (FE).
INFORMATIONS
Figure 1. Réparation mitrale percutanée : technique du bord à bord.
Figure 2. Réparation mitrale percutanée : mise en place d’un anneau
prothétique dans le sinus coronarien.
a
b
c
La Lettre du Cardiologue - n° 391 - janvier 2006
14
Les bêtabloquants : l’étude COMMIT (métoprolol) chez
45 000 Chinois montre qu’ils aggravent le pronostic en cas de
choc cardiogénique, avec un effet neutre dans les premières
heures (quel que soit le type d’IDM). Dans l’essai CAPRICORN
(IDM 3 à 21 jours, FE < 40 %), le carvédilol diminue de 23 % la
mortalité des patients (11,9 % versus 15,3 %) ; cet effet est addi-
tionnel avec celui des IEC.
Dans l’essai VALLIANT, on comparait à la phase aiguë la mor-
talité par IDM avec dysfonction VG ou IC chez des patients rece-
vant du captopril versus valsartan versus captopril + valsartan :
les résultats entre IEC et antagonistes de l’angiotensine II (AAII)
sont équivalents ; l’association des deux a tendance à augmenter
le risque d’événement grave.
Les antialdostérones : la reperfusion, les IEC et les bêtablo-
quants améliorent le pronostic des patients à la phase aiguë de
l’IDM avec dysfonction du VG ou avec IC ; l’adjonction d’éple-
renone apporte un bénéfice additionnel dès 30 jours : il faut donc
le débuter le plus tôt possible. Dans l’étude EPHESUS portant
sur 6 632 patients avec infarctus compliqué d’une insuffisance
cardiaque clinique ou radiologique (ou présence d’un diabète),
et d’une FE inférieure à 40 %, l’éplerenone diminue significati-
vement la mortalité (figure 3). La mort subite est diminuée de
37 % à 30 jours. Pour 1 000 patients traités pendant 16 mois,
l’éplerenone évite 23 décès.
Dans les 24 premières heures d’un IDM, il faut donc donner, si
la FE est supérieure à 40 %, un IEC et un bêtabloquant ; si la FE
est inférieure à 40 %, un IEC ou un AAII, un bêtabloquant et de
l’éplerenone. D’autres classes thérapeutiques ont aussi été évo-
quées : les oméga 3 et les statines.
Comment améliorer la reperfusion
(théorie de l’artère ouverte) ?
La persistance d’une occlusion de l’artère responsable de l’in-
farctus double la mortalité à long terme. L’étude CLARITY
montre un effet additionnel du clopidogrel chez les patients avec
infarctus inférieur à 12 heures traités par fibrinolyse, aspirine et
héparine. Dans cette étude portant sur 3 491 patients, le clopi-
dogrel (300 mg, puis 75 mg/j) diminue à 30 jours de 20 % le cri-
tère combiné décès, infarctus et revascularisation en urgence pour
récidive ischémique.
Comment prévenir la mort subite ?
La pose d’un défibrillateur implantable (DAI) à la suite d’un IDM
récent avec FE inférieure à 30 % n’apporte pas de bénéfice dans
les premiers mois ; le bénéfice n’apparaît que plus tard. L’étude
MADIT-II a porté sur 1 232 patients avec infarctus supérieur à
30 jours et FE inférieure à 30 %. Dans cette étude, le DAI ne
diminue la mortalité que chez les patients avec infarctus supé-
rieur à 18 mois (HR 0,58 ; p < 0,001) alors qu’il est sans effet
chez les patients avec infarctus inférieur à 18 mois (HR 0,97,
NS). Dans l’essai DINAMIT, portant sur 674 patients avec infarc-
tus (4-60 jours) et FE inférieure à 35 %, le DAI n’a aucun effet
sur la mortalité. La mort subite en postinfarctus immédiat est en
revanche améliorée par la prescription de bêtabloquant, d’IEC et
d’éplerenone.
INFORMATIONS
Figure 3. Résultat de l’étude EPHESUS : réduction de la mortalité sous
éplerenone chez les patients avec infarctus compliqué d’une insuffisance
cardiaque clinique ou radiologique < 24 heures, et d’une FE < 40 %.
1 / 3 100%