Retour www.gemaths.com L’identité d'Euler est la bombe des équations, une œuvre d’art. Une combinaison improbable de 0, 1, pi, e et i qui fait rougir les mathématiciens... En 1988, le Mathematical Intelligencer, célèbre magazine consacré aux mathématiques, organisa un concours de Miss un peu spécial. Il fallait décider quelle était la plus belle équation de l'Histoire. Sur le podium, les prétendantes passèrent pour des Miss régionales auprès des sept caractères mis en équation par le mathématicien suisse Leonhard Euler au iπ XVIIIe siècle : e + 1 = 0. Surnommée l'identité d'Euler, cette égalité ultra sexy qui décore le plafond du Palais de la découverte, à Paris, est encore aujourd'hui considérée comme le plus beau trait mathématique de tous les temps, la Sixtine mathématique. Difficile, hélas, de ressentir cette émotion singulière sans avoir un niveau assez élevé. Alors ? Pourquoi est-elle si charmante, cette équation ? D'abord, sa forme. Les formules mathématiques ont parfois un parfum cabalistique. Bertrand Russell s'en délectait : « Les mathématiques ne possèdent pas seulement la vérité, mais la beauté suprême, une beauté froide, austère, comme celle d'une sculpture. » Pour le mathématicien Dana Mackenzie, qui vient de publier un livre sur les vingt-quatre plus belles équations de l'Univers, outre son alléchante et mystérieuse calligraphie, l'identité d'Euler présente la particularité de relier entre elles les cinq grandes constantes des mathématiques : 0, 1, pi, e et i. “C’est la combinaison improbable de ces cinq constantes qui rend belle cette équation”Cédric Villani 1, dont l'origine se perd dans la nuit des temps, représente la numération 0, aux racines indiennes, a le bon goût de représenter le « rien » Pi, découvert pendant l'Antiquité grecque, est l'élégant représentant de la géométrie e, nombre impossible à écrire exactement dans l'écriture décimale (2,718281828...) relève de l'économie, de la croissance, c'est la base de la prédiction, on le retrouve partout, dans la nature, dans la société, dans le développement d'une plante, l'extension d'une épidémie i, le nombre imaginaire, représenté pour la première fois pendant la Renaissance mais qui n'est maîtrisé que depuis le XIXe siècle, symbolise l'algèbre et permet de résoudre des équations polynomiales qui pendant longtemps n'avaient pas de solution. « C'est la combinaison improbable de ces cinq constantes qui rend belle cette équation, explique Cédric Villani, notre médaille Fields en lavallière préféré, directeur de l'Institut Poincaré, à Paris. C'est comme imaginer un concerto pour contrebasse et saxophone et découvrir de manière surprenante que c'est fantastique ! Et puis cette équation pourrait décrire le mouvement parfait d'un pendule oscillant. C'est assez magique. »