MISE AU POINT Inhibition de la voie de MEK Inhibition of the MEK signaling pathway C. Neuzillet1, 2, A. Tijeras-Raballand1, P. Hammel2, E. Raymond1, 3, S. Faivre1, 3 L Laboratoire de pharmacobiologie des anticancéreux, Inserm U728, Clichy. 1 Service de gastroentérologie-pancréatologie, hôpital Beaujon, Clichy. 2 Service de cancérologie, hôpital Beaujon, Clichy. 3 a tumorigenèse est un processus cellulaire et moléculaire complexe associant prolifération, échappement à l’apoptose et à la sénescence, dédifférenciation, angiogenèse, invasion tissulaire et métastases (1). C’est un processus en plusieurs étapes au cours duquel l’accumulation d’altérations génétiques conduit à l’acquisition du phénotype tumoral. La voie de signalisation Ras-Raf-MEK-ERK (voie de Ras-ERK) est l’une des mieux décrites en biologie tumorale. Initiée par des facteurs de croissance, elle régule l’expression de nombreux gènes impliqués dans les différentes étapes de la tumorigenèse (2). Elle est activée de façon aberrante dans de nombreux cancers et constitue une cible thérapeutique potentiellement intéressante. Différents inhibiteurs de cette voie ont été développés. La plupart sont en cours d’essai clinique. L’objectif de cette revue est de décrire les différents inhibiteurs pharmacologiques développés pour bloquer la voie de Ras-ERK dans le traitement des cancers. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la place de cette voie dans la biologie tumorale et comme nouvelle cible thérapeutique, et nous discuterons également les limites de cette approche. Nous prendrons comme modèle l’exemple de l’adénocarcinome du pancréas (AP), un des cancers digestifs les plus fréquents (le deuxième en incidence, après le cancer colorectal, avec environ 10 000 nouveaux cas par an) et dont le pronostic est le plus défavorable (survie globale [SG] à 5 ans inférieure à 5 %) [3, 4]. Plus de 50 % des malades ayant un AP ont une maladie métastatique au moment du diagnostic, et les options thérapeutiques dans ces formes avancées sont limitées. Les besoins en nouvelles molécules sont donc importants pour traiter ce cancer. La dérégulation de la voie de Ras-ERK joue un rôle central dans la carcinogenèse pancréatique, et les inhibiteurs de cette voie, en particulier ceux ciblant MEK, constituent une piste thérapeutique intéressante. 334 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 La cascade de signalisation Ras-Raf-MEK-ERK (figure 1) Les voies de signalisation des MAP kinases (MAPK) sont bien conservées au cours de l’évolution des espèces et peuvent être activées en réponse à des stimuli extracellulaires (facteurs de croissance, cytokines, stress). À ce jour, 6 groupes de MAPK ont été décrits : ERK1/2 (Extracellular-signal-Regulated Kinase), ERK3/4, ERK5, ERK7/8, JNK (Jun N-terminal kinase) et p38. La voie d’ERK1/2 (appelée ici “voie de Ras-ERK”) est la mieux connue et la plus étudiée des voies des MAPK. La voie de Ras-ERK est classiquement activée suite à la liaison d’un facteur de croissance à un récepteur transmembranaire à activité tyrosine kinase (par exemple, liaison de l’EGF [Epidermal Growth Factor] à l’EGFR) [2]. Cette liaison induit la dimérisation du récepteur, active sa fonction tyrosine kinase intracellulaire et entraîne sa transphosphorylation. Des protéines adaptatrices comme Grb2 (Growth factor receptor-bound protein 2) s’associent aux domaines intracellulaires phosphorylés du récepteur et recrutent des facteurs d’échanges de nucléotides (GEF [Guanine nucleotide Exchange Factors]) qui activent Ras (2). Les protéines Ras sont de petites protéines G, en amont de la cascade de signalisation Ras-ERK (2, 5). Quatre isoformes ont été identifiées : HRAS, NRAS, KRAS 4A et KRAS 4B. Les protéines Ras n’ont pas de domaine transmembranaire et doivent faire l’objet de modifications post-traductionnelles pour être ancrées à la membrane cellulaire. Une étape clé dans ce processus est l’ajout d’une chaîne isoprénoïde, médié le plus souvent par une farnésyltransférase (FTase) ou plus rarement par une géranylgéranyltransférase (GGTase) [2, 5]. Les protéines Ras ont une activité GTPase intrinsèque faible et fonctionnent comme un “interrupteur” GDP/GTP (guanosine diphosphate/guanosine triphosphate). La forme Résumé La voie de signalisation Ras-Raf-MEK-ERK (dite des MAP kinases) est une des mieux connues en biologie tumorale. Elle est initiée par des facteurs de croissance et régule l’expression de nombreux gènes impliqués dans la régulation du cycle cellulaire, la prolifération, la survie, la migration, l’angiogenèse et la différenciation cellulaire. Elle est activée de façon aberrante dans de nombreux cancers, le plus souvent par des mutations activatrices des gènes de l’EGFR, de KRAS ou de BRAF. Des inhibiteurs pharmacologiques de cette cascade de signalisation, agissant à différents niveaux, ont été mis au point. Parmi eux, les inhibiteurs de Raf et de MEK sont à ce jour ceux dont le développement clinique est le plus avancé. L’objectif de cette revue est de décrire la place de la voie Ras-Raf-MEK-ERK dans la carcinogenèse et comme nouvelle cible thérapeutique, mais aussi d’en cerner les limites, à travers l’exemple de l’adénocarcinome du pancréas, cancer au pronostic sombre et pour lequel les options thérapeutiques dans les formes avancées sont limitées. Récepteur aux FDC P Grb2 Ras GEF Ras RalGEF Ral GDP GAP GTP p110 Raf Ral GDP PI3K p85 PTEN GTP Akt MEK Protéine cible TSC1 TSC2 ERK FT DUSP mTOR DUSP : DUal-Specificity Phosphatase ; ERK : Extracellular-signal-Regulated Kinase ; FDC : facteur de croissance ; FT : facteur de transcription ; GAP : GTPase-Activating Protein ; GDP : guanosine diphosphate ; GEF : Guanine nucleotide Exchange Factor ; Grb2 : Growth factor receptor-bound protein 2 ; GTP : guanosine triphosphate ; MEK : Mitogen-activated Extracellular-signal-regulated Kinase ; mTOR : mammalian Target Of Rapamycin ; PI3K : Phosphoinositide 3-Kinase ; PTEN : Phosphatase and TENsin homolog ; TSC : Tuberous Sclerosis Protein. Figure 1. Vue d’ensemble de la voie de Ras-ERK et de ses interactions avec les principales autres voies effectrices de Ras (RalGEF-Ral et PI3K-Akt-mTOR). liée au GTP est active, alors que celle liée au GDP est inactive. Les GEF permettent l’échange du GDP contre du GTP, tandis que les GAP (GTPase-Activating Proteins) stimulent l’activité GTPasique de Ras, transformant le GTP en GDP (5). L’activation de Ras conduit à l’activation de différents effecteurs, dont Raf, sa cible la plus connue, mais aussi les voies de PI3K-Akt-mTOR et RalGEF-Ral (2, 5). Les protéines Raf (ARAF, BRAF et RAF-1) sont des sérine/thréonine kinases dont l’activité est modulée par des phosphorylations/déphosphorylations sur différents domaines, par des dimérisations et par des interactions avec de nombreux cofacteurs (2). Les kinases Raf ont de multiples cibles, dont les MEK1 (Mitogen-activated Extracellular-signal-­ regulated Kinases 1) et MEK2, qu’elles activent Cancer du pancréas MAP kinases Thérapies ciblées Inhibiteurs de MEK Summary FDC P Mots-clés directement par phosphorylation (2). Parmi les différentes isoformes, BRAF est le plus puissant activateur de MEK (2). MEK1 et MEK2 ont une double activité tyrosine et sérine/thréonine kinase (2). Elles activent par phosphorylation leurs cibles ERK1 et ERK2 (2). Les MEK sont des kinases très spécifiques et n’ont pas d’autres cibles connues. ERK1 et ERK2 sont des sérine/thréonine kinases qui, une fois activées par MEK, peuvent être trans­loquées dans le noyau et activent par phosphorylation de multiples cibles nucléaires et cytoplasmiques : facteurs de transcription, kinases, phosphatases et protéines du cytosquelette (2). Les effets transcriptionnels de la voie de Ras-ERK sont également médiés par des mécanismes épigénétiques, notam- The Ras-Raf-MEK-ERK signaling pathway (also named MAP kinases pathway) is one of the best characterized in cancer biology. It is initiated by growth factors and regulates the expression of various genes involved in cell cycle regulation, proliferation, survival, migration, angiogenesis and differentiation. It is aberrantly activated in many cancers, mainly due to activating mutations in EGFR, KRAS or BRAF gene sequences. Inhibitors of this signaling pathway have been developed. Among them, Raf and MEK inhibitors are to date the most advanced in clinical therapeutic studies. In this review, we will describe the role of the Ras-Raf-MEKERK pathway in tumor genesis and as a new therapeutic target. In addition, we aim to highlight the limits of such a strategy. We will focus on the example of pancreatic adenocarcinoma, which stands as one of the poorest prognostic tumors of the digestive tract with very limited therapeutic options. Keywords Pancreatic cancer MAP kinases Targeted therapies MEK inhibitors La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 | 335 MISE AU POINT Inhibition de la voie de MEK ment par la régulation de certaines ADN méthyltransférases (DNMT) responsables de la méthylation de l’ADN (6). L’apparente linéarité de la voie Ras-ERK cache en fait une grande complexité : de multiples boucles de rétrocontrôle et de nombreuses interactions existent entre elle et d’autres cascades de signalisation (en particulier, la voie de PI3K-Akt-mTOR). Ces interactions sont à l’origine de certains mécanismes de résistance aux inhibiteurs de la voie de Ras-ERK (7). De plus, les conséquences biologiques de l’activation de la voie de Ras-ERK dépendent de la durée et de l’amplitude du signal, ainsi que de facteurs qui modifient son activité spatio­temporelle, tels que : ➤➤ la densité et le taux d’internalisation des récepteurs transmembranaires, ainsi que leur désensibilisation ; ➤➤ la localisation subcellulaire des différents membres de la cascade ; ➤➤ les modifications post-traductionnelles de ces membres et leur rapprochement par la formation de complexes ; ➤➤ l’activité des phosphatases de la famille des DUSP (DUal-Specificity Phosphatases), qui inactivent ERK (8-10). Conséquences cellulaires de l’activation de la voie de Ras-ERK La voie de Ras-ERK est nécessaire au développement normal de l’organisme et est impliquée dans les grandes fonctions biologiques cellulaires. Lorsqu’elle est dérégulée, elle contribue à l’acquisition des caractéristiques de la cellule cancéreuse (1). Prolifération cellulaire et autosuffisance en facteurs de croissance La plupart des facteurs de transcription mobilisés par la voie de Ras-ERK sont impliqués dans le contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaire : c’est le cas, par exemple, de c-Fos, de c-Jun et de c-Myc (2). De plus, de nombreux gènes codant des facteurs de croissance contiennent, dans leurs régions promotrices, des sites de fixation pour des facteurs de transcription activés par la voie de Ras-ERK, responsables d’une boucle de rétrocontrôle positif autocrine/paracrine (2). 336 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 Ainsi, ­l’activation aberrante de cette voie assure l’autosuffisance en facteurs de croissance. Cycle cellulaire La voie de Ras-ERK module l’expression de plusieurs molécules impliquées dans la régulation du cycle cellulaire (2). Un niveau élevé d’activation de la voie peut conduire à l’arrêt du cycle cellulaire en phase G1 en induisant l’expression de marqueurs de sénescence, dont p16, p15 et p21 (11). À l’inverse, la voie de Ras-ERK collabore avec celle de PI3K-Akt-mTOR pour l’entrée en phase S en induisant l’expression de cycline D1 et en réprimant celle de p27 (12). Survie cellulaire, apoptose et sénescence La voie de Ras-ERK favorise la survie cellulaire en réprimant l’expression et/ou l’activité de protéines proapoptotiques de la famille Bcl-2 (dont Bim et Bad) et en induisant l’expression et/ou l’activation de membres antiapoptotiques de cette famille (dont Bcl-2 [B-cell lymphoma 2], Bcl-xL [B-cell lymphomaextra large] et Mcl-1 [Myeloid cell leukemia 1]), prévenant ainsi la dépolarisation mitochondriale (voie intrinsèque de l’apoptose) [2, 13, 14]. Cet effet est médié directement par ERK1/2 ou via des kinases effectrices. La voie de Ras-ERK peut aussi phosphoryler la caspase 9, contribuant à son inactivation. De plus, l’activation d’ERK1/2 peut inhiber l’apoptose induite par les récepteurs de mort Fas, TRAIL (Tumor-necrosis-factor-Related Apoptosis-Inducing Ligand) ou TNF (Tumor Necrosis Factor) [voie extrinsèque] (15). Par ailleurs, l’activation aberrante de la voie de Ras-ERK contribue à l’échappement vis-à-vis de la sénescence réplicative en stimulant la transcription du gène de la télomérase, capable de restaurer les télomères aux extrémités des chromosomes. Transition épithéliomésenchymateuse, invasion et migration cellulaire La transition épithéliomésenchymateuse (TEM) est un processus rattaché à la dédifférenciation cellulaire, par lequel les cellules épithéliales changent de phénotype et acquièrent des caractéristiques de cellules mésenchymateuses. Cela confère aux cellules tumorales des propriétés de migration, MISE AU POINT ­ ’invasion et de résistance aux traitements anti­ d tumoraux. La voie de Ras-ERK coopère avec d’autres voies de signalisation (en particulier, celle de TGFβSMAD) pour augmenter l’expression des gènes liés à la transition épithéliomésenchymateuse, incluant des gènes mésenchymateux (vimentine, N-cadhérine, etc.) et des répresseurs transcriptionnels (Snail, Slug, Twist, ZEB) ciblant des gènes épithéliaux (E-cadhérine, protéines de jonction serrées, etc.) [16]. La voie de Ras-ERK est également impliquée dans la motilité cellulaire, car elle régule la production de certaines métalloprotéinases (MMP) permettant la dégradation de la matrice extracellulaire et l’activité des petites GTPases RhoA et Rac1 (17). Interaction avec le microenvironnement La voie de Ras-ERK intervient dans les interactions entre cellules tumorales et cellules non tumorales situées dans le stroma adjacent, en particulier les cellules endothéliales et celles du système immunitaire. Elle joue un rôle dans l’angiogenèse, notamment par l’induction de l’expression de HIF1α (Hypoxia-Inducible Factor 1 alpha) et du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor) [2]. Par ailleurs, parmi les cibles de méthylation liées à la voie de Ras-ERK figurent des gènes du système immunitaire tels que HLA-A1 et HLA-A2, ce qui a pour conséquence une perturbation de la présentation antigénique et de la fonction des lymphocytes T (6). La voie de Ras-ERK est également impliquée dans le dialogue avec les cellules stromales de type fibroblastique responsables de la production de la matrice extracellulaire (18). Réponse aux traitements Enfin, la voie de Ras-ERK et ses altérations génétiques peuvent avoir un impact sur la réponse aux traitements antitumoraux. Il est ainsi bien démontré que les cancers du côlon ayant une mutation de KRAS sont résistants aux anti-EGFR du fait de l’activation constitutive de la voie de signalisation en aval, indépendamment du statut des récepteurs membranaires. Il a également été montré que la voie de Ras-ERK était activée après exposition des cellules tumorales à des chimiothérapies classiques (par exemple, doxorubicine ou docétaxel), à la radiothérapie ou aux thérapies ciblées (comme le sunitinib ou le sorafénib), et que cette activation était source de résistance à ces traitements (19, 20). La voie de Ras-ERK dans les cancers La voie de Ras-ERK est activée de façon aberrante dans environ un tiers des cancers, en particulier dans ceux d’origine épithéliale. Plusieurs types d’altérations moléculaires peuvent conduire à cette activation (21). Les principales d’entre elles sont représentées dans la figure 2, p. 338. Activation par les récepteurs à activité tyrosine kinase Une surexpression des récepteurs à activité tyrosine kinase (EGFR, HER2 [Human Epidermal growth factor Receptor-2], IGF-1R [Insulin-like Growth Factor 1 Receptor], c-Met), avec ou sans amplification génique, et/ou de leurs ligands est fréquemment observée dans les cancers, y compris dans l’AP, et fonctionne comme une boucle autocrine/ paracrine stimulant la prolifération cellulaire (22, 23). Des mutations activatrices de certains récepteurs, dont l’EGFR, ont également été décrites, mais elles sont exceptionnelles dans l’AP (0,004 % des cas) [24]. Activation secondaire à des altérations génétiques en aval des récepteurs Dans le cas de l’AP, le mécanisme le plus fréquent d’activation de la voie de Ras-ERK est la présence d’une mutation activatrice de KRAS. L’AP est le cancer ayant la fréquence la plus élevée de mutation de KRAS : ce gène est altéré dans 70 à 90 % des cas (25, 26). Les mutations activatrices de KRAS sont situées majoritairement dans le codon 12 et entraînent une modification de la conformation de la protéine près de son site de liaison au nucléotide (GTP) [5, 24]. Il en résulte une diminution de l’activité enzymatique GTPase intrinsèque et une insensibilité aux GAP (5). La protéine Ras reste ainsi sous une forme liée au GTP, constitutivement active. L’apparition d’une mutation activatrice de KRAS est l’un des événements génétiques les plus précoces au cours de la carcinogenèse pancréatique. Elle survient sporadiquement dans le tissu pancréatique normal et est détectée dès les premiers stades de prolifération intraépithéliale pancréatique (PanIN) [25, 26]. Des modèles murins transgéniques exprimant spécifiquement dans le pancréas un allèle de KRAS avec une mutation activatrice développent spontanément des AP (25, 26). Le rôle majeur de KRAS dans la survie La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 | 337 MISE AU POINT Inhibition de la voie de MEK FDC Récepteur aux FDC P P Grb2 Ras GEF Mutation de KRAS - Cancer du pancréas : 70 à 90 % - Cancer du poumon : 16 % - Cancer du côlon : 35 % - Cancer du sein : 3 % Mutation de NRAS - Mélanome : 19 % - Cancer du pancréas : 2 % - Cancer du côlon : 2 % - Cancer du sein : 2 % Mutation de HA-RAS - Cancer du sein : 1 % Ras GDP GAP GTP Mutation de BRAF - Cancer de la thyroïde : 45 % - Mélanome : 41 % - Cancer du côlon : 14 % - Cancer du pancréas : 2 % - Cancer du sein : 2 % Raf MEK Mutation de MEK1 - Mélanome : 3 % - Cancer du côlon : 2 % ERK DUSP DUSP : DUal-Specificity Phosphatase ; ERK : Extracellular-signal-regulated Kinase ; FDC: facteur de croissance ; GAP : GTPase-Activating Protein ; GDP : guanosine diphosphate ; GEF : Guanine nucleotide Exchange Factor ; Grb2 : Growth factor receptor-bound protein 2 ; GTP : guanosine triphosphate ; MEK : Mitogen-activated Extracellular-signal-regulated Kinase. Figure 2. Principales anomalies génétiques responsables d’une activation de la voie de Ras-ERK et leurs fréquences (24). des cellules tumorales d’AP a aussi été montré par l’étude de mutants dominant-négatifs (c’est-à-dire possédant un allèle muté et un allèle normal, mais où la protéine fabriquée à partir de l’allèle muté possède une activité antagoniste de celle de la protéine normale) et l’utilisation d’ARN interférents (phénomène d’addiction oncogénique) [25]. En aval de Ras, les mutations de BRAF sont fréquentes dans certains cancers (en particulier, les mélanomes) mais sont rares dans les AP (2 %) [24]. Les mutations de KRAS et BRAF semblent mutuellement exclusives. Les mutations de NRAS sont rares (2 %), et aucune mutation de HRAS, de MEK ou d’ERK n’a, à ce jour, été rapportée dans l’AP. En revanche, la perte d’expression de DUSP6, une des phosphatases inactivatrices d’ERK, a été décrite (27). Inhibiteurs de la voie de Ras-ERK : développement préclinique et clinique (figure 3) Du fait du rôle central de la voie de Ras-ERK dans la biologie tumorale, des inhibiteurs intervenant à 338 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 différents niveaux de cette cascade de signalisation ont été développés. Ils ont été testés en particulier dans l’AP, où cette voie est très souvent activée et constitue une cible thérapeutique de choix (28). Nous détaillerons ci-dessous les inhibiteurs de la voie de Ras-ERK qui ont été évalués dans cette indication. Inhibiteurs de l’EGFR L’EGFR et HER2 sont fréquemment surexprimés dans les AP et sont associés à une plus grande agressivité tumorale (22). Des molécules ciblant l’EGFR ou HER2 (anticorps monoclonaux ciblant la partie extracellulaire ou petites molécules inhibitrices de tyrosine kinases, la portion intracellulaire) ont été testées dans l’AP avancé. Le cétuximab est un anticorps monoclonal chimérique (humain et murin) dirigé contre l’EGFR. Une étude de phase II évaluant la combinaison cétuximab + gemcitabine a été réalisée chez des malades ayant un AP de stade avancé (29). Elle suggérait la supériorité de la combinaison sur la gemcitabine seule (contrôle historique) : pour les 41 patients ayant une MISE AU POINT FDC EGFR-i EGFR : cétuximab, erlotinib, géfitinib HER2 : trastuzumab, lapatinib Récepteur aux FDC P P Grb2 Ras GEF Farnésyltransférase-i, vaccin anti-Ras, ARN interférant Ras GDP GAP GTP Raf-i sorafénib Raf MEKi MEK ERK DUSP DUSP : DUal-Specificity Phosphatase ; EGFR : Epidermal Growth Factor Receptor ; EGFR-i : inhibiteur de l’EGFR ; ERK : Extracellular-signal-Regulated Kinase ; FDC : facteur de croissance ; GAP : GTPase-Activating Protein ; GDP : guanosine diphosphate ; GEF : Guanine nucleotide Exchange Factor ; Grb2 : Growth factor receptor-bound protein 2 ; GTP : guanosine triphosphate ; HER2 : Human Epidermal growth factor Receptor 2 ; MEK : Mitogen-activated Extracellular-signalregulated Kinase ; MEKi : inhibiteur de MEK ; Raf-i : inhibiteur de Raf. Figure 3. Vue d’ensemble des stratégies d’inhibition pharmacologique de la voie de Ras-ERK. tumeur exprimant l’EGFR, la survie sans progression (SSP) et la SG médianes étaient respectivement de 3,8 et 7,1 mois. Cependant, dans une étude de phase III ayant inclus 745 malades ayant un AP localement avancé ou métastatique, l’association n’améliorait pas la SG par rapport à la gemcitabine seule (6,3 versus 5,9 mois ; p = 0,23) [30]. Une explication pourrait être la fréquence très élevée de mutations de KRAS dans l’AP : il est en effet bien démontré que les cancers du côlon ayant une mutation de KRAS (30 à 40 %) sont résistants au cétuximab du fait de l’activation constitutive de la voie de signalisation en aval, indépendamment du récepteur. L’erlotinib est une petite molécule inhibitrice de la tyrosine kinase de l’EGFR. L’essai de phase III PA.3, mené chez 569 malades, a comparé l’association gemcitabine + erlotinib à la gemcitabine seule : il a montré une amélioration de la SG significative mais modeste (6,2 versus 5,9 mois ; p = 0,038) [31]. La toxicité de l’association était plus élevée, avec des éruptions cutanées, une diarrhée et des cas de pneumopathie interstitielle parfois sévères. Cette association était, jusqu’au développement du FOLFIRINOX (irinotécan, oxaliplatine, acide folinique, 5-FU en bolus et en infusion), la seule à avoir montré sa supériorité en termes de SG sur la gemcitabine seule. Cependant, la pertinence clinique du bénéfice de survie (14 jours en médiane, 26 jours en cas de tumeur métastatique) a été contestée et la Commission de la transparence en France n’a pas accordé le remboursement de la molécule dans cette indication. Le bénéfice semble limité à certains sous-groupes de malades, en particulier ceux développant une éruption cutanée marquée (grade 2). Cela a été confirmé par l’essai AVITA, qui comparait l’association gemcitabine + erlotinib avec et sans bévacizumab (anticorps anti-VEGF) [32]. D’autres anticorps monoclonaux et inhibiteurs de tyrosine kinase ciblant l’EGFR ou HER2 ont été évalués, pour la majorité d’entre eux en association avec la gemcitabine (33-38). Les études correspondantes sont résumées dans le tableau I, p. 340. Globalement, les combinaisons étaient bien tolérées, mais il n’était pas observé de bénéfice de survie en comparaison avec la gemcitabine en monothérapie. La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 | 339 MISE AU POINT Inhibition de la voie de MEK Tableau I. Essais cliniques ayant évalué des anticorps monoclonaux et des inhibiteurs de tyrosine kinase ciblant l’EGFR ou HER2 dans le traitement du cancer du pancréas (d’après Clinical Trials). Molécule Type Cible Phase Combinaison n Référence Matuzumab Anticorps monoclonal humanisé EGFR I Gemcitabine 17 32 Trastuzumab Anticorps monoclonal humanisé HER2 I/II Gemcitabine 34 33 Géfitinib ITK EGFR II Gemcitabine (1re ligne) 53 34 II Docétaxel (2e ligne) 36 35 II Docétaxel (2e ligne) 41 36 II Gemcitabine 29 37 Lapatinib ITK EGFR et HER2 ITK : inhibiteur de tyrosine kinase. D’autres thérapies ciblées dirigées contre des récepteurs à activité tyrosine kinase capables d’activer la voie de Ras-ERK et surexprimés dans l’AP (VEGFR, PDGFR [Platelet-Derived Growth Factor Receptor], FGFR [Fibroblast Growth Factor Receptor], c-Kit, c-Met) ont également été testées mais ne seront pas détaillées ici (22, 23, 39). Inhibiteurs de Ras Du fait de la position stratégique de Ras au sommet de la cascade de signalisation, différentes tentatives ont été menées pour essayer de l’inhiber pharmaco­ logiquement. Des molécules stimulant l’activité GTPasique de Ras ont d’abord été conçues pour l’inactiver, mais sans succès (21). Par la suite, des inhibiteurs de FTase ont été développés, dans le but d’empêcher la localisation membranaire de Ras. Deux d’entre eux, le lonafarnib et le tipifarnib, ont été évalués respectivement en phase II et III chez des malades ayant un AP avancé. Il n’y avait pas de bénéfice en termes de taux de réponse et de SG (40). Une des hypothèses pouvant expliquer cette absence d’efficacité est l’existence d’une voie alternative à la farnésylation, la géranylgéranylation, pour la localisation de Ras. Un double inhibiteur de FTase et de GGTase a montré des résultats intéressants dans des études précliniques et a été testé dans une phase I en association avec la radiothérapie chez des patients ayant un AP localement avancé, mais son développement a été arrêté en raison de sa toxicité cardiaque (41). 340 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 D’autres stratégies innovantes ciblant Ras ont été testées. Un vaccin peptidique ayant pour but de stimuler l’immunité contre les cellules cancéreuses exprimant une protéine Ras mutée a été évalué dans des études de phase I/II en adjuvant chez des malades opérés d’un AP (42). Les résultats étaient encourageants pour les patients “répondeurs immunitaires” à la vaccination. Plusieurs études de phase II sont actuellement en cours chez des malades ayant un AP opérable ou à un stade avancé. Une autre stratégie consiste en l’utilisation d’ARN antisens ou interférants ciblant RAS. Elle implique la synthèse de séquences oligonucléotidiques spécifiques complémentaires de l’ARN messager de Ras qui, en se fixant sur ce dernier, entraînent sa dégradation ou le blocage de sa traduction. Un inhibiteur antisens de HRAS, l’ISIS-2503, a été testé en phase II, en association avec la gemcitabine, chez des malades ayant un AP avancé : le taux de réponse était de 10,4 % et la SG médiane de 6,6 mois (43). Un ARN interférant ciblant KRAS (mutation G12D) est actuellement testé en phase I chez des malades ayant un AP opérable. Du fait des résultats globalement décevants des inhibiteurs de Ras, l’attention s’est ensuite portée sur les kinases d’aval : Raf et MEK. Inhibiteurs de Raf Des inhibiteurs de cette cible ont été développés avec un certain succès dans les tumeurs à BRAF muté (notamment les mélanomes) [44]. En revanche, MISE AU POINT du fait que la majorité de ces molécules ont été conçues pour cibler la forme mutée de BRAF et compte tenu de la rareté de ces mutations dans l’AP, ces molécules semblaient peu appropriées pour son traitement. Cependant, 2 molécules ciblant Raf ont été évaluées dans l’AP. Le sorafénib est un inhibiteur multikinase, conçu initialement pour cibler spécifiquement Raf. Il a été montré qu’il exerce également une activité sur VEGFR2, PDGFR, Flt-3 et c-Kit. Sur la base de données précliniques et sur des résultats prometteurs d’une étude de phase I, un essai de phase II non comparatif a évalué l’efficacité de l’association sorafénib + gemcitabine chez 17 malades ayant un AP à un stade avancé (45). Les résultats étaient décevants : aucune réponse tumorale objective et des SSP et SG médianes de 3,2 et 4 mois respectivement. Une autre étude de phase II a évalué l’efficacité du sorafénib avec ou sans gemcitabine (46). Le bras sorafénib seul a été fermé suite à l’analyse intermédiaire pour manque d’activité. Le bras traitement combiné ne montrait pas d’activité significative, avec seulement 1 réponse partielle parmi les 37 malades et des SSP et SG de 2,9 et 6,5 mois, respectivement. Le NVP-AAL881 est un inhibiteur “double cible” de Raf et de VEGFR2 (47). Il a montré des résultats intéressants dans des modèles précliniques, mais son développement n’a pas été poursuivi en clinique. Inhibiteurs de MEK La kinase MEK occupe une position stratégique dans la voie de signalisation de Ras-ERK du fait qu’elle a un nombre limité d’activateurs (les kinases Raf) et seulement 2 cibles identifiées (ERK 1 et ERK 2), ce qui en fait une bonne candidate pour les thérapies ciblées (19). Des inhibiteurs de MEK (MEKi) ont été développés pour le traitement de nombreux types de cancers (poumon, sein, mélanome, côlon et AP) [19]. Ils diffèrent des inhibiteurs classiques de kinases par le fait qu’ils ne se fixent pas sur le site de liaison à l’ATP (non-ATP compétitifs), ce qui les rend très spécifiques de leur cible (19). Contrairement aux anti-EGFR tels que le cétuximab, l’inhibition de MEK est efficace, dans des modèles précliniques, dans les tumeurs à RAS ou RAF muté, et son effet est d’autant plus marqué que la voie de Ras-ERK est activée (19). La voie de Ras-ERK étant très souvent activée dans les AP, les MEKi ont logiquement fait l’objet d’études précliniques et cliniques dans l’AP. Parmi les agents ciblant la voie de Ras-ERK, ce sont ceux dont le développement est, à ce jour, le plus avancé pour le traitement de l’AP. Le PD98059 et l’U0126 ont été les premiers inhibiteurs sélectifs de MEK à être testés (21, 48). Bien qu’ils aient été largement utilisés dans des études précliniques pour mieux comprendre la voie de Ras-ERK et son rôle dans la tumorigenèse, notamment pancréatique, leurs caractéristiques pharmacologiques se sont révélées incompatibles avec leur utilisation en clinique (21, 48). Le CI-1040 a été le premier MEKi testé chez l’homme, en 2000 (21, 48). Les toxicités les plus fréquemment rapportées dans l’étude de phase I étaient des éruptions cutanées, une diarrhée, des nausées et vomissements ainsi qu’une asthénie. L’activité antitumorale était encourageante, avec 1 cas de réponse partielle chez un malade ayant un AP et une stabilité tumorale dépassant 3 mois chez 19 malades (28 %) atteints de différents types de cancer (21, 48). Sur la base de ces résultats, une étude de phase II a été menée chez 67 malades ayant un cancer du sein (n = 14), du côlon (n = 20), du pancréas (n = 15) ou du poumon (n = 18) [49]. Le CI-1040 était globalement bien toléré, mais son activité antitumorale était insuffisante : aucune réponse tumorale n’a été obtenue, et seulement 8 malades (12 %) ont eu une stabilité tumorale. Ce manque d’efficacité a été attribué aux propriétés pharmacocinétiques du CI-1040 : mauvaise biodisponibilité et métabolisme trop rapide. Le développement du CI-1040 a été arrêté pour laisser la place à une deuxième génération de MEKi. Le PD0325901, dérivé du CI-1040 avec de meilleures propriétés pharmacocinétiques, a été développé (19, 21, 48). L’étude de phase I a montré des toxicités plus sévères qu’avec le CI-1040 (éruptions cutanées, diarrhée, nausées et vomissements, asthénie) mais aussi une incidence élevée (10 % des cas) d’effets indésirables ophtalmologiques précoces et réversibles (halos ou flou visuel) ainsi que 3 cas tardifs de thrombose de la veine centrale de la rétine, qui ont conduit à l’arrêt de l’étude (19, 48). Actuellement, plus de 25 MEKi, ayant une grande variété de structures biochimiques, sont en cours d’évaluation préclinique ou clinique (50). La plupart d’entre eux sont testés en association avec d’autres agents cytotoxiques ou des thérapies ciblées dirigées contre la voie de Ras-ERK ou PI3K-Akt-mTor. En ce qui concerne l’AP, 10 essais cliniques évaluant 5 MEKi sont en cours (tableau II, p. 342). La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 | 341 MISE AU POINT Inhibition de la voie de MEK Tableau II. Essais cliniques en cours évaluant des inhibiteurs de MEK dans le traitement du cancer du pancréas (d’après Clinical Trials). Molécule Association Phase Cancer du pancréas exclusivement GSK1120212 Docétaxel, erlotinib, pémétrexed, carboplatine, nab-paclitaxel I Non BKM120 (inhibiteur de PI3K) I Non Gemcitabine II Oui MSC1936369B/AS703026 Gemcitabine I/II Oui BAY86-9766/RDEA119 Gemcitabine I/II Oui AZD6244/sélumétinib Erlotinib II Oui MEK162/ARRY-438162 BEZ235 (inhibiteur de PI3K/mTOR) I/II Non BKM120 (inhibiteur de PI3K) I/II Non BYL719 (inhibiteur de PI3K) I/II Non Ganitumab (anticorps anti-IGF-1R) I/II Non Limites actuelles et perspectives La toxicité des MEKi a été un des facteurs limitants de leur développement (48). Outre les toxicités générales et digestives, communes et acceptables (diarrhée, nausées et vomissements, asthénie), 2 effets indésirables spécifiques ont été notés : ➤➤ une éruption cutanée ressemblant à celle causée par les anti-EGFR (cétuximab, erlotinib), qui était attendue du fait de la similarité du mode d’action de ces 2 classes médicamenteuses (inhibition d’ERK en aval) ; ➤➤ une toxicité ophtalmologique, qui a conduit à l’arrêt du développement de certains MEKi et qui était, quant à elle, moins prévisible et plus difficile à expliquer. Les épanchements séreux sous-rétiniens, toxicité précoce réversible la plus fréquente, paraissaient dépendre de la dose, tandis que les rares cas de thrombose de la veine centrale de la rétine semblaient stochastiques. Au vu de ces observations, il paraît nécessaire, par prudence, d’exclure les malades à haut risque de rétinopathie des essais cliniques évaluant des MEKi (48). Une autre limite des MEKi est qu’ils n’entraînent pas toujours la mort cellulaire tumorale : ils peuvent inhiber la prolifération cellulaire mais n’induisent pas systématiquement l’apoptose (19). On en devine 342 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 Remarques En 2e ligne, après échec de la gemcitabine les conséquences dans l’utilisation, l’efficacité et l’évaluation des MEKi. ➤➤ L’évaluation de la réponse au traitement peut être difficile, car l’effet antitumoral peut ne pas s’accompagner d’une diminution de taille de la tumeur, comme c’est le cas avec les traitements antiangiogéniques (48, 51). Les RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumors), critères les plus largement utilisés pour évaluer la réponse tumorale au traitement, peuvent ne pas être adaptés dans cette situation, et d’autres critères (par exemple, critères de Choï) ou techniques d’imagerie fonctionnelle (par exemple, PET scan au FDG, IRM fonctionnelle) pourraient être mieux corrélés à l’efficacité du traitement. ➤➤ En raison de l’effet inhibiteur de la prolifération potentiellement réversible, il est probable que la tumeur récidive ou progresse à l’arrêt du MEKi ; ainsi, une durée de traitement prolongée (voire indéfinie ?) pourrait être nécessaire (19, 48). Cette constatation rappelle ce qui a été décrit avec l’imatinib dans le traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST). ➤➤ Cette situation, où les cellules tumorales peuvent survivre malgré l’administration du médicament, pourrait, à terme, aboutir à l’émergence de résistances aux MEKi, comme cela a été décrit pour l’imatinib ou l’erlotinib (48). ➤➤ L’absence d’effet cytotoxique franc en mono­ thérapie est certainement l’une des explications des MISE AU POINT résultats décevants des MEKi lorsqu’ils sont administrés seuls et rend nécessaire leur association à d’autres médicaments (19, 48). En effet, la tumorigenèse pancréatique ne se réduit pas à l’activation de la voie de Ras-ERK, et plusieurs autres voies de signalisation cellulaire sont impliquées (52). La levée de boucles de rétrocontrôle négatif, l’activation de voies alternatives et les inter­ actions avec ces autres voies (en particulier, celle de PI3K-Akt-mTOR) sont responsables de résistances primaires ou acquises aux MEKi (19). Cela peut justifier d’étudier l’association d’un MEKi avec un inhibiteur d’une autre cible, située en amont dans la même voie (par exemple, Raf ou EGFR), ou dans une voie alternative (par exemple, PI3K, Akt ou mTOR). Du fait de l’implication de la voie de Ras-ERK dans la résistance aux chimiothérapies classiques et à la radiothérapie, on peut également envisager d’utiliser les MEKi pour restaurer la sensibilité des cellules tumorales à ces traitements “classiques” ou en accroître l’efficacité. Ainsi, on peut envisager d’utiliser les MEKi pour restaurer la sensibilité des cellules tumorales à ces traitements “classiques” ou en accroître l’efficacité. Ces phénomènes de résistance rendent par ailleurs nécessaire l’identification de marqueurs prédictifs de la réponse au traitement par MEKi. Il a été suggéré dans les mélanomes que la présence d’une mutation V600E de BRAF était prédictive de la sensibilité aux MEKi (53). D’autres études ont montré que certaines tumeurs présentant une mutation activatrice de l’EGFR étaient intrinsèquement résistantes aux MEKi du fait de l’activation simultanée des voies de PI3K-Akt-mTOR et STAT (54). Il n’existe pas pour le moment de marqueur équivalent pour l’AP. En effet, les mutations de BRAF et d’EGFR sont rares, et la présence d’une mutation de KRAS n’est pas corrélée à l’activation de la voie de Ras-ERK et donc à la réponse aux MEKi (55). L’activation d’ERK (expression de la protéine dans sa forme phosphorylée) a été étudiée comme marqueur prédictif de la réponse aux MEKi dans le cancer du côlon, mais ni le niveau basal d’activation d’ERK ni sa diminution sous traitement n’étaient corrélés à l’efficacité des MEKi (56). Une “signature d’expression génétique de la voie de Ras” impliquant 147 gènes dont l’expression est modulée par l’activation de Ras a montré des résultats intéressants pour prédire la sensibilité aux MEKi dans des lignées de cancer du poumon et du sein, mais ce type de score complexe n’a pas été évalué dans l’AP. De plus, il semble difficile à utiliser en routine thérapeutique (57). La voie de PI3k-Akt-mTOR joue un rôle majeur dans la résistance primaire et l’échappement au traitement par MEKi, et il a été bien démontré que les mutations de PIK3CA (PhosphoInositide-3-Kinase, Catalytic, Alpha polypeptide) ou de PTEN (Phosphatase and TENsin homolog), conduisant à une activation de cette voie alternative, étaient responsables d’une résistance partielle ou totale aux MEKi, justifiant là encore le développement de traitements combinés (58, 59). Enfin, il a été montré que la transition épithéliomésenchymateuse est un mécanisme de résistance des cellules tumorales d’AP à la chimiothérapie par gemcitabine. Des études récentes basées sur des analyses transcriptomiques ont montré que les lignées cellulaires ayant un profil d’expression mésenchymateux étaient moins sensibles aux MEKi (60). Ces observations justifient que l’on tente de combiner des MEKi et des agents ciblant l’EMT. Conclusion La voie de Ras-ERK est impliquée dans chacune des grandes fonctions biologiques de la cellule tumorale. Elle est une cible thérapeutique intéressante dans l’AP. On peut espérer que son inhibition pourrait améliorer le contrôle tumoral et la survie des malades ayant un AP à un stade avancé. Cependant, pour faire face aux problèmes de résistances primaires et acquises aux MEKi, une meilleure compréhension de la biologie et des associations avec d’autres agents antitumoraux tels que la gemcitabine ou les inhibiteurs de la voie PI3k-Akt-mTOR sont sans doute nécessaires. Des essais cliniques évaluant cette dernière stratégie sont en cours. ■ Références bibliographiques 1. Hanahan D, Weinberg RA. Hallmarks of cancer: the next generation. Cell 2011;144(5):646-74. 2. McCubrey JA, Steelman LS, Chappell WH et al. Roles of the Raf/MEK/ERK pathway in cell growth, malignant transformation and drug resistance. Biochim Biophys Acta 2007;1773(8):1263-84. 3. Jemal A, Siegel R, Xu J, Ward E. 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