334 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012
MISE AU POINT
Inhibition de la voie de MEK
Inhibition of the MEK signaling pathway
C. Neuzillet1, 2, A. Tijeras-Raballand1, P. Hammel2, E. Raymond1, 3, S. Faivre1, 3
1 Laboratoire de pharmacobiologie
des anticancéreux, Inserm U728,
Clichy.
2 Service de gastroentérologie-pan-
créatologie, hôpital Beaujon, Clichy.
3 Service de cancérologie, hôpital
Beaujon, Clichy.
L
a tumorigenèse est un processus cellulaire et
moléculaire complexe associant prolifération,
échappement à l’apoptose et à la sénescence,
dédifférenciation, angiogenèse, invasion tissulaire
et métastases (1). C’est un processus en plusieurs
étapes au cours duquel l’accumulation d’altérations
génétiques conduit à l’acquisition du phénotype
tumoral. La voie de signalisation Ras-Raf-MEK-ERK
(voie de Ras-ERK) est l’une des mieux décrites en
biologie tumorale. Initiée par des facteurs de crois-
sance, elle régule l’expression de nombreux gènes
impliqués dans les différentes étapes de la tumo-
rigenèse (2). Elle est activée de façon aberrante
dans de nombreux cancers et constitue une cible
thérapeutique potentiellement intéressante. Diffé-
rents inhibiteurs de cette voie ont été développés.
La plupart sont en cours d’essai clinique.
Lobjectif de cette revue est de décrire les diffé-
rents inhibiteurs pharmacologiques développés
pour bloquer la voie de Ras-ERK dans le traitement
des cancers. Nous nous intéresserons plus particu-
lièrement à la place de cette voie dans la biologie
tumorale et comme nouvelle cible thérapeutique,
et nous discuterons également les limites de cette
approche. Nous prendrons comme modèle l’exemple
de l’adénocarcinome du pancréas (AP), un des
cancers digestifs les plus fréquents (le deuxième
en incidence, après le cancer colorectal, avec environ
10 000 nouveaux cas par an) et dont le pronostic est
le plus défavorable (survie globale [SG] à 5 ans infé-
rieure à 5 %) [3, 4]. Plus de 50 % des malades ayant
un AP ont une maladie métastatique au moment
du diagnostic, et les options thérapeutiques dans
ces formes avancées sont limitées. Les besoins en
nouvelles molécules sont donc importants pour
traiter ce cancer. La dérégulation de la voie de
Ras-ERK joue un rôle central dans la carcinogenèse
pancréatique, et les inhibiteurs de cette voie, en
particulier ceux ciblant MEK, constituent une piste
thérapeutique intéressante.
La cascade de signalisation
Ras-Raf-MEK-ERK (figure 1)
Les voies de signalisation des MAP kinases (MAPK)
sont bien conservées au cours de l’évolution des
espèces et peuvent être activées en réponse à des
stimuli extracellulaires (facteurs de croissance, cyto-
kines, stress). À ce jour, 6 groupes de MAPK ont
été décrits : ERK1/2 (Extracellular-signal-Regulated
Kinase), ERK3/4, ERK5, ERK7/8, JNK (Jun N-terminal
kinase) et p38. La voie d’ERK1/2 (appelée ici “voie
de Ras-ERK”) est la mieux connue et la plus étudiée
des voies des MAPK.
La voie de Ras-ERK est classiquement activée suite
à la liaison d’un facteur de croissance à un récep-
teur transmembranaire à activité tyrosine kinase
(par exemple, liaison de l’EGF [Epidermal Growth
Factor] à l’EGFR) [2]. Cette liaison induit la dimé-
risation du récepteur, active sa fonction tyrosine
kinase intracellulaire et entraîne sa transphospho-
rylation. Des protéines adaptatrices comme Grb2
(Growth factor receptor-bound protein 2) s’asso-
cient aux domaines intracellulaires phosphorylés
du récepteur et recrutent des facteurs d’échanges
de nucléotides (GEF [Guanine nucleotide Exchange
Factors]) qui activent Ras (2).
Les protéines Ras sont de petites protéines G, en
amont de la cascade de signalisation Ras-ERK (2, 5).
Quatre isoformes ont été identifiées : HRAS, NRAS,
KRAS 4A et KRAS 4B. Les protéines Ras n’ont pas de
domaine transmembranaire et doivent faire l’objet
de modifications post-traductionnelles pour être
ancrées à la membrane cellulaire. Une étape clé dans
ce processus est l’ajout d’une chaîne isoprénoïde,
médié le plus souvent par une farnésyltransférase
(FTase) ou plus rarement par une géranylgéranyl-
transférase (GGTase) [2, 5]. Les protéines Ras ont une
activité GTPase intrinsèque faible et fonctionnent
comme un “interrupteur” GDP/GTP (guanosine
diphosphate/guanosine triphosphate). La forme
Figure 1. Vue d’ensemble de la voie de Ras-ERK et de ses interactions avec les principales autres voies effectrices
de Ras (RalGEF-Ral et PI3K-Akt-mTOR).
Ras
Ras GTP
Grb2
Raf
MEK
GTP
Protéine
cible
FT
Ral
RalGEF
GDP
Ral
ERK
GDP
DUSP : DUal-Specificity Phosphatase ; ERK : Extracellular-signal-Regulated Kinase ; FDC : facteur de croissance ; FT : facteur de transcription ; GAP : GTPase-Activating
Protein ; GDP : guanosine diphosphate ; GEF : Guanine nucleotide Exchange Factor ; Grb2 : Growth factor receptor-bound protein 2 ; GTP : guanosine triphosphate ;
MEK : Mitogen-activated Extracellular-signal-regulated Kinase ; mTOR : mammalian Target Of Rapamycin ; PI3K : Phosphoinositide 3-Kinase ; PTEN : Phosphatase
and TENsin homolog ; TSC : Tuberous Sclerosis Protein.
FDC
Récepteur aux FDC
PI3K
GEF
P P
GAP
DUSP mTOR
TSC2
TSC1
Akt
p110 p85
PTEN
La Lettre du Cancérologue Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 | 335
Résumé
La voie de signalisation Ras-Raf-MEK-ERK (dite des MAP kinases) est une des mieux connues en biologie
tumorale. Elle est initiée par des facteurs de croissance et régule l’expression de nombreux gènes impliqués
dans la régulation du cycle cellulaire, la prolifération, la survie, la migration, l’angiogenèse et la différen-
ciation cellulaire. Elle est activée de façon aberrante dans de nombreux cancers, le plus souvent par des
mutations activatrices des gènes de l’EGFR, de KRAS ou de BRAF. Des inhibiteurs pharmacologiques de
cette cascade de signalisation, agissant à différents niveaux, ont été mis au point. Parmi eux, les inhibiteurs
de Raf et de MEK sont à ce jour ceux dont le développement clinique est le plus avancé.
L’objectif de cette revue est de décrire la place de la voie Ras-Raf-MEK-ERK dans la carcinogenèse et
comme nouvelle cible thérapeutique, mais aussi d’en cerner les limites, à travers l’exemple de l’adéno-
carcinome du pancréas, cancer au pronostic sombre et pour lequel les options thérapeutiques dans les
formes avancées sont limitées.
Mots-clés
Cancer du pancréas
MAP kinases
Thérapies ciblées
Inhibiteurs de MEK
Summary
The Ras-Raf-MEK-ERK signaling
pathway (also named MAP
kinases pathway) is one of the
best characterized in cancer
biology. It is initiated by
growth factors and regulates
the expression of various genes
involved in cell cycle regulation,
proliferation, survival, migra-
tion, angiogenesis and differen-
tiation. It is aberrantly activated
in many cancers, mainly due to
activating mutations in EGFR,
KRAS or BRAF gene sequences.
Inhibitors of this signaling
pathway have been developed.
Among them, Raf and MEK
inhibitors are to date the most
advanced in clinical therapeutic
studies.
In this review, we will describe
the role of the Ras-Raf-MEK-
ERK pathway in tumor genesis
and as a new therapeutic
target. In addition, we aim to
highlight the limits of such a
strategy. We will focus on the
example of pancreatic adeno-
carcinoma, which stands as
one of the poorest prognostic
tumors of the digestive tract
with very limited therapeutic
options.
Keywords
Pancreatic cancer
MAP kinases
Targeted therapies
MEK inhibitors
liée au GTP est active, alors que celle liée au GDP
est inactive. Les GEF permettent l’échange du GDP
contre du GTP, tandis que les GAP (GTPase-Activa-
ting Proteins) stimulent l’activité GTPasique de Ras,
transformant le GTP en GDP (5). L’activation de Ras
conduit à l’activation de différents effecteurs, dont
Raf, sa cible la plus connue, mais aussi les voies de
PI3K-Akt-mTOR et RalGEF-Ral (2, 5).
Les protéines Raf (ARAF, BRAF et RAF-1) sont des
sérine/thréonine kinases dont l’activité est modulée
par des phosphorylations/déphosphorylations sur
différents domaines, par des dimérisations et par
des interactions avec de nombreux cofacteurs (2).
Les kinases Raf ont de multiples cibles, dont les
MEK1 (Mitogen-activated Extracellular-signal-
regulated Kinases 1) et MEK2, qu’elles activent
directement par phosphorylation (2). Parmi les
différentes isoformes, BRAF est le plus puissant
activateur de MEK (2).
MEK1 et MEK2 ont une double activité tyrosine et
sérine/thréonine kinase (2). Elles activent par phos-
phorylation leurs cibles ERK1 et ERK2 (2). Les MEK
sont des kinases très spécifiques et n’ont pas d’autres
cibles connues.
ERK1 et ERK2 sont des sérine/thréonine kinases qui,
une fois activées par MEK, peuvent être trans loquées
dans le noyau et activent par phosphorylation de
multiples cibles nucléaires et cytoplasmiques :
facteurs de transcription, kinases, phosphatases
et protéines du cytosquelette (2). Les effets trans-
criptionnels de la voie de Ras-ERK sont également
médiés par des mécanismes épigénétiques, notam-
336 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012
Inhibition de la voie de MEK
MISE AU POINT
ment par la régulation de certaines ADN méthyl-
transférases (DNMT) responsables de la méthylation
de l’ADN (6).
L’apparente linéarité de la voie Ras-ERK cache en
fait une grande complexité : de multiples boucles
de rétrocontrôle et de nombreuses interactions
existent entre elle et d’autres cascades de signali-
sation (en particulier, la voie de PI3K-Akt-mTOR).
Ces interactions sont à l’origine de certains méca-
nismes de résistance aux inhibiteurs de la voie de
Ras-ERK (7). De plus, les conséquences biologiques
de l’activation de la voie de Ras-ERK dépendent de
la durée et de l’amplitude du signal, ainsi que de
facteurs qui modifient son activité spatio temporelle,
tels que :
la densité et le taux d’internalisation des récep-
teurs transmembranaires, ainsi que leur désensibi-
lisation ;
la localisation subcellulaire des différents
membres de la cascade ;
les modifications post-traductionnelles de ces
membres et leur rapprochement par la formation
de complexes ;
l’activité des phosphatases de la famille des
DUSP (DUal-Specificity Phosphatases), qui inactivent
ERK (8-10).
Conséquences cellulaires
de l’activation
de la voie de Ras-ERK
La voie de Ras-ERK est nécessaire au développe-
ment normal de l’organisme et est impliquée dans les
grandes fonctions biologiques cellulaires. Lorsqu’elle
est dérégulée, elle contribue à l’acquisition des carac-
téristiques de la cellule cancéreuse (1).
Prolifération cellulaire et autosuffisance
en facteurs de croissance
La plupart des facteurs de transcription mobilisés
par la voie de Ras-ERK sont impliqués dans le
contrôle de la prolifération et de la différenciation
cellulaire : c’est le cas, par exemple, de c-Fos, de
c-Jun et de c-Myc (2). De plus, de nombreux gènes
codant des facteurs de croissance contiennent,
dans leurs régions promotrices, des sites de fixa-
tion pour des facteurs de transcription activés par
la voie de Ras-ERK, responsables d’une boucle
de rétrocontrôle positif autocrine/paracrine (2).
Ainsi, l’activation aberrante de cette voie assure
l’autosuffisance en facteurs de croissance.
Cycle cellulaire
La voie de Ras-ERK module l’expression de plusieurs
molécules impliquées dans la régulation du cycle
cellulaire (2). Un niveau élevé d’activation de la voie
peut conduire à l’arrêt du cycle cellulaire en phase
G1 en induisant l’expression de marqueurs de sénes-
cence, dont p16, p15 et p21 (11). À l’inverse, la voie
de Ras-ERK collabore avec celle de PI3K-Akt-mTOR
pour l’entrée en phase S en induisant l’expression de
cycline D1 et en réprimant celle de p27 (12).
Survie cellulaire,
apoptose et sénescence
La voie de Ras-ERK favorise la survie cellulaire en
réprimant l’expression et/ou l’activité de protéines
proapoptotiques de la famille Bcl-2 (dont Bim et
Bad) et en induisant l’expression et/ou l’activation
de membres antiapoptotiques de cette famille (dont
Bcl-2 [B-cell lymphoma 2], Bcl-xL [B-cell lymphoma-
extra large] et Mcl-1 [Myeloid cell leukemia 1]), préve-
nant ainsi la dépolarisation mitochondriale (voie
intrinsèque de l’apoptose) [2, 13, 14]. Cet effet est
médié directement par ERK1/2 ou via des kinases
effectrices. La voie de Ras-ERK peut aussi phospho-
ryler la caspase 9, contribuant à son inactivation.
De plus, l’activation d’ERK1/2 peut inhiber l’apop-
tose induite par les récepteurs de mort Fas, TRAIL
(Tumor-necrosis-factor-Related Apoptosis-Inducing
Ligand) ou TNF (Tumor Necrosis Factor) [voie extrin-
sèque] (15).
Par ailleurs, l’activation aberrante de la voie de
Ras-ERK contribue à l’échappement vis-à-vis de la
sénescence réplicative en stimulant la transcription
du gène de la télomérase, capable de restaurer les
télomères aux extrémités des chromosomes.
Transition épithéliomésenchymateuse,
invasion et migration cellulaire
La transition épithéliomésenchymateuse (TEM) est
un processus rattaché à la dédifférenciation cellu-
laire, par lequel les cellules épithéliales changent
de phénotype et acquièrent des caractéristiques
de cellules mésenchymateuses. Cela confère aux
cellules tumorales des propriétés de migration,
La Lettre du Cancérologue Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 | 337
MISE AU POINT
d’invasion et de résistance aux traitements anti-
tumoraux. La voie de Ras-ERK coopère avec d’autres
voies de signalisation (en particulier, celle de TGFβ-
SMAD) pour augmenter l’expression des gènes liés à
la transition épithéliomésenchymateuse, incluant des
gènes mésenchymateux (vimentine, N-cadhérine,
etc.) et des répresseurs transcriptionnels (Snail, Slug,
Twist, ZEB) ciblant des gènes épithéliaux (E-cadhé-
rine, protéines de jonction serrées, etc.) [16]. La voie
de Ras-ERK est également impliquée dans la motilité
cellulaire, car elle régule la production de certaines
métalloprotéinases (MMP) permettant la dégra-
dation de la matrice extracellulaire et l’activité des
petites GTPases RhoA et Rac1 (17).
Interaction avec le microenvironnement
La voie de Ras-ERK intervient dans les interactions
entre cellules tumorales et cellules non tumo-
rales situées dans le stroma adjacent, en particu-
lier les cellules endothéliales et celles du système
immunitaire. Elle joue un rôle dans l’angiogenèse,
notamment par l’induction de l’expression de HIF1α
(Hypoxia-Inducible Factor 1 alpha) et du VEGF
(Vascular Endothelial Growth Factor) [2]. Par ailleurs,
parmi les cibles de méthylation liées à la voie de
Ras-ERK figurent des gènes du système immunitaire
tels que HLA-A1 et HLA-A2, ce qui a pour consé-
quence une perturbation de la présentation anti-
génique et de la fonction des lymphocytes T (6).
La voie de Ras-ERK est également impliquée dans
le dialogue avec les cellules stromales de type fibro-
blastique responsables de la production de la matrice
extracellulaire (18).
Réponse aux traitements
Enfin, la voie de Ras-ERK et ses altérations géné-
tiques peuvent avoir un impact sur la réponse aux
traitements antitumoraux. Il est ainsi bien démontré
que les cancers du côlon ayant une mutation de
KRAS sont résistants aux anti-EGFR du fait de l’acti-
vation constitutive de la voie de signalisation en
aval, indépendamment du statut des récepteurs
membranaires. Il a également été montré que la
voie de Ras-ERK était activée après exposition des
cellules tumorales à des chimiothérapies classiques
(par exemple, doxorubicine ou docétaxel), à la radio-
thérapie ou aux thérapies ciblées (comme le sunitinib
ou le sorafénib), et que cette activation était source
de résistance à ces traitements (19, 20).
La voie de Ras-ERK
dans les cancers
La voie de Ras-ERK est activée de façon aberrante
dans environ un tiers des cancers, en particulier
dans ceux d’origine épithéliale. Plusieurs types
d’altérations moléculaires peuvent conduire à cette
activation (21). Les principales d’entre elles sont
représentées dans la figure 2, p. 338.
Activation par les récepteurs
à activité tyrosine kinase
Une surexpression des récepteurs à activité tyro-
sine kinase (EGFR, HER2 [Human Epidermal growth
factor Receptor-2], IGF-1R [Insulin-like Growth
Factor 1 Receptor], c-Met), avec ou sans amplifica-
tion génique, et/ou de leurs ligands est fréquem-
ment observée dans les cancers, y compris dans
l’AP, et fonctionne comme une boucle autocrine/
paracrine stimulant la prolifération cellulaire (22, 23).
Des mutations activatrices de certains récepteurs,
dont l’EGFR, ont également été décrites, mais elles
sont exceptionnelles dans l’AP (0,004 % des cas) [24].
Activation secondaire à des altérations
génétiques en aval des récepteurs
Dans le cas de l’AP, le mécanisme le plus fréquent
d’activation de la voie de Ras-ERK est la présence
d’une mutation activatrice de KRAS. LAP est le
cancer ayant la fréquence la plus élevée de muta-
tion de KRAS : ce gène est altéré dans 70 à 90 % des
cas (25, 26). Les mutations activatrices de KRAS
sont situées majoritairement dans le codon 12 et
entraînent une modification de la conformation de
la protéine près de son site de liaison au nucléo-
tide (GTP) [5, 24]. Il en résulte une diminution de
l’activité enzymatique GTPase intrinsèque et une
insensibilité aux GAP (5). La protéine Ras reste ainsi
sous une forme liée au GTP, constitutivement active.
L’apparition d’une mutation activatrice de KRAS est
l’un des événements génétiques les plus précoces au
cours de la carcinogenèse pancréatique. Elle survient
sporadiquement dans le tissu pancréatique normal
et est détectée dès les premiers stades de proliféra-
tion intraépithéliale pancréatique (PanIN) [25, 26].
Des modèles murins transgéniques exprimant spéci-
fiquement dans le pancréas un allèle de KRAS avec
une mutation activatrice développent spontanément
des AP (25, 26). Le rôle majeur de KRAS dans la survie
Figure 2. Principales anomalies génétiques responsables d’une activation de la voie de Ras-ERK et leurs fréquences (24).
Ras
Mutation de KRAS
- Cancer du pancréas : 70 à 90 %
- Cancer du poumon : 16 %
- Cancer du côlon : 35 %
- Cancer du sein : 3 %
Mutation de NRAS
- Mélanome : 19 %
- Cancer du pancréas : 2 %
- Cancer du côlon : 2 %
- Cancer du sein : 2 %
Mutation de HA-RAS
- Cancer du sein : 1 %
Mutation de BRAF
- Cancer de la thyroïde : 45 %
- Mélanome : 41 %
- Cancer du côlon : 14 %
- Cancer du pancréas : 2 %
- Cancer du sein : 2 %
Mutation de MEK1
- Mélanome : 3 %
- Cancer du côlon : 2 %
Ras GTP
Grb2
Raf
MEK
ERK
GDP
DUSP : DUal-Specificity Phosphatase ; ERK : Extracellular-signal-regulated Kinase ; FDC: facteur de croissance ; GAP : GTPase-Activating Protein ; GDP : guanosine
diphosphate ; GEF : Guanine nucleotide Exchange Factor ; Grb2 : Growth factor receptor-bound protein 2 ; GTP : guanosine triphosphate ; MEK : Mitogen-activated
Extracellular-signal-regulated Kinase.
FDC
Récepteur aux FDC
GEF
P P
GAP
DUSP
338 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012
Inhibition de la voie de MEK
MISE AU POINT
des cellules tumorales d’AP a aussi été montré par
l’étude de mutants dominant-négatifs (c’est-à-dire
possédant un allèle muté et un allèle normal, mais
où la protéine fabriquée à partir de l’allèle muté
possède une activité antagoniste de celle de la
protéine normale) et l’utilisation d’ARN interférents
(phénomène d’addiction oncogénique) [25].
En aval de Ras, les mutations de BRAF sont fréquentes
dans certains cancers (en particulier, les mélanomes)
mais sont rares dans les AP (2 %) [24]. Les mutations
de KRAS et BRAF semblent mutuellement exclu-
sives. Les mutations de NRAS sont rares (2 %), et
aucune mutation de HRAS, de MEK ou d’ERK n’a, à
ce jour, été rapportée dans l’AP. En revanche, la perte
d’expression de DUSP6, une des phosphatases inac-
tivatrices d’ERK, a été décrite (27).
Inhibiteurs de la voie
de Ras-ERK : développement
préclinique et clinique (figure 3)
Du fait du rôle central de la voie de Ras-ERK dans
la biologie tumorale, des inhibiteurs intervenant à
différents niveaux de cette cascade de signalisation
ont été développés. Ils ont été testés en particulier
dans l’AP, où cette voie est très souvent activée et
constitue une cible thérapeutique de choix (28).
Nous détaillerons ci-dessous les inhibiteurs de la voie
de Ras-ERK qui ont été évalués dans cette indication.
Inhibiteurs de l’EGFR
L’EGFR et HER2 sont fréquemment surexprimés dans
les AP et sont associés à une plus grande agressi-
vité tumorale (22). Des molécules ciblant l’EGFR
ou HER2 (anticorps monoclonaux ciblant la partie
extracellulaire ou petites molécules inhibitrices de
tyrosine kinases, la portion intracellulaire) ont été
testées dans l’AP avancé.
Le cétuximab est un anticorps monoclonal chimé-
rique (humain et murin) dirigé contre l’EGFR. Une
étude de phase II évaluant la combinaison cétuximab
+ gemcitabine a été réalisée chez des malades ayant
un AP de stade avancé (29). Elle suggérait la supé-
riorité de la combinaison sur la gemcitabine seule
(contrôle historique) : pour les 41 patients ayant une
1 / 11 100%
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