La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 7 - septembre 2012 | 337
MISE AU POINT
d’invasion et de résistance aux traitements anti-
tumoraux. La voie de Ras-ERK coopère avec d’autres
voies de signalisation (en particulier, celle de TGFβ-
SMAD) pour augmenter l’expression des gènes liés à
la transition épithéliomésenchymateuse, incluant des
gènes mésenchymateux (vimentine, N-cadhérine,
etc.) et des répresseurs transcriptionnels (Snail, Slug,
Twist, ZEB) ciblant des gènes épithéliaux (E-cadhé-
rine, protéines de jonction serrées, etc.) [16]. La voie
de Ras-ERK est également impliquée dans la motilité
cellulaire, car elle régule la production de certaines
métalloprotéinases (MMP) permettant la dégra-
dation de la matrice extracellulaire et l’activité des
petites GTPases RhoA et Rac1 (17).
Interaction avec le microenvironnement
La voie de Ras-ERK intervient dans les interactions
entre cellules tumorales et cellules non tumo-
rales situées dans le stroma adjacent, en particu-
lier les cellules endothéliales et celles du système
immunitaire. Elle joue un rôle dans l’angiogenèse,
notamment par l’induction de l’expression de HIF1α
(Hypoxia-Inducible Factor 1 alpha) et du VEGF
(Vascular Endothelial Growth Factor) [2]. Par ailleurs,
parmi les cibles de méthylation liées à la voie de
Ras-ERK figurent des gènes du système immunitaire
tels que HLA-A1 et HLA-A2, ce qui a pour consé-
quence une perturbation de la présentation anti-
génique et de la fonction des lymphocytes T (6).
La voie de Ras-ERK est également impliquée dans
le dialogue avec les cellules stromales de type fibro-
blastique responsables de la production de la matrice
extracellulaire (18).
Réponse aux traitements
Enfin, la voie de Ras-ERK et ses altérations géné-
tiques peuvent avoir un impact sur la réponse aux
traitements antitumoraux. Il est ainsi bien démontré
que les cancers du côlon ayant une mutation de
KRAS sont résistants aux anti-EGFR du fait de l’acti-
vation constitutive de la voie de signalisation en
aval, indépendamment du statut des récepteurs
membranaires. Il a également été montré que la
voie de Ras-ERK était activée après exposition des
cellules tumorales à des chimiothérapies classiques
(par exemple, doxorubicine ou docétaxel), à la radio-
thérapie ou aux thérapies ciblées (comme le sunitinib
ou le sorafénib), et que cette activation était source
de résistance à ces traitements (19, 20).
La voie de Ras-ERK
dans les cancers
La voie de Ras-ERK est activée de façon aberrante
dans environ un tiers des cancers, en particulier
dans ceux d’origine épithéliale. Plusieurs types
d’altérations moléculaires peuvent conduire à cette
activation (21). Les principales d’entre elles sont
représentées dans la figure 2, p. 338.
Activation par les récepteurs
à activité tyrosine kinase
Une surexpression des récepteurs à activité tyro-
sine kinase (EGFR, HER2 [Human Epidermal growth
factor Receptor-2], IGF-1R [Insulin-like Growth
Factor 1 Receptor], c-Met), avec ou sans amplifica-
tion génique, et/ou de leurs ligands est fréquem-
ment observée dans les cancers, y compris dans
l’AP, et fonctionne comme une boucle autocrine/
paracrine stimulant la prolifération cellulaire (22, 23).
Des mutations activatrices de certains récepteurs,
dont l’EGFR, ont également été décrites, mais elles
sont exceptionnelles dans l’AP (0,004 % des cas) [24].
Activation secondaire à des altérations
génétiques en aval des récepteurs
Dans le cas de l’AP, le mécanisme le plus fréquent
d’activation de la voie de Ras-ERK est la présence
d’une mutation activatrice de KRAS. L’AP est le
cancer ayant la fréquence la plus élevée de muta-
tion de KRAS : ce gène est altéré dans 70 à 90 % des
cas (25, 26). Les mutations activatrices de KRAS
sont situées majoritairement dans le codon 12 et
entraînent une modification de la conformation de
la protéine près de son site de liaison au nucléo-
tide (GTP) [5, 24]. Il en résulte une diminution de
l’activité enzymatique GTPase intrinsèque et une
insensibilité aux GAP (5). La protéine Ras reste ainsi
sous une forme liée au GTP, constitutivement active.
L’apparition d’une mutation activatrice de KRAS est
l’un des événements génétiques les plus précoces au
cours de la carcinogenèse pancréatique. Elle survient
sporadiquement dans le tissu pancréatique normal
et est détectée dès les premiers stades de proliféra-
tion intraépithéliale pancréatique (PanIN) [25, 26].
Des modèles murins transgéniques exprimant spéci-
fiquement dans le pancréas un allèle de KRAS avec
une mutation activatrice développent spontanément
des AP (25, 26). Le rôle majeur de KRAS dans la survie