DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Soins de support Supportive care F. Scotté*, S. Marsan*, J. Gachet*, E. Kempf*, A. Morel*, J. Medioni*, S. Oudard* Organisation des soins de support * Service d’oncologie médicale, hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. J.S. Temel et al., du Massachusetts General Hospital (Boston) ont mené une étude randomisée afin de comparer la prise en charge oncologique standard accompagnée ou non d’une prise en charge précoce, par une équipe d’accompagnement palliatif, de patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules au stade métastatique (1). Cet essai présenté en session orale lors du congrès de l’ASCO 2010 a également été publié dans le New England Journal of Medicine. Il s’agit probablement de l’une des publications les plus importantes de ces dernières années concernant la stratégie de prise en charge des malades en phase métastatique, mais également en ce sens qu’elle prend en compte l’optimisation de la qualité de vie et la globalité de prise en charge. Au total, 151 patients ont été randomisés dans les 8 semaines suivant leur diagnostic : le premier groupe (n = 75) recevait des soins oncologiques standard ; le second (n = 76), ces mêmes soins associés à un accompagnement par une équipe mobile de soins palliatifs. Les rencontres avec l’équipe palliative étaient programmées tous les mois jusqu’au décès du patient, avec des rencontres supplémentaires en fonction des demandes du patient ou de ses proches. L’évaluation a porté sur des données de qualité de vie. Plusieurs questionnaires ont été utilisés afin de couvrir l’ensemble des plaintes potentielles des malades : ➤➤ le Functional Assessment of Cancer Therapy – Lung (FACT-Lung) qui permet une évaluation multidimensionnelle de la qualité de vie (fonctionnelle, émotionnelle, physique et sociale) ; ➤➤ Le Lung Cancer Subscale (LCS) afin d’évaluer des symptômes spécifiques liés au cancer bronchique ; ➤➤ Le Hospital Anxiety and Depression Scale (HADS) qui permet une évaluation de l’humeur du patient et des ses souffrances anxio-dépressives ; 74 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 ➤➤ Le Patient Health Questionnaire-9 (PHQ-9) qui évalue des symptômes dépressifs correspondant aux données du DSM-IV. Les résultats ont tous conclu à un bienfait de l’accom­pagnement complémentaire palliatif initié précocement dans la prise en charge du malade. En termes de qualité de vie, une amélioration significative des scores des tests a été enregistrée (p = 0,04). En termes d’impact sur l’humeur, une amélioration significative a également été retrouvée en suivant les tests HADS (p = 0,04). Cette tendance a aussi été observée pour le questionnaire PHQ-9, avec une fois encore des résultats significatifs (p = 0,02). Concernant l’accompagnement de fin de vie, 70 % des patients (n = 105) étaient décédés lors de l’analyse ; la durée médiane de suivi a été de 5,7 mois. Une différence significative a été retrouvée concernant les gestes agressifs et invasifs en fin de vie (p = 0,05), et également les consignes anticipées de réanimation (ou non-réanimation), avec 53 versus 28 % en faveur du bras accompagné par l’équipe palliative (p = 0,05). En revanche, l’analyse portant sur les indications des soins agressifs en fin de vie n’a pu être menée. Les patients accompagnés ont été hospitalisés plus longtemps (11 jours avec accompagnement palliatif versus 4 jours en durée médiane ; p = 0,09). En dépit d’un plus faible taux de gestes agressifs en fin de vie, il existe une différence également significative sur la survie globale en faveur des patients ayant un accompagnement palliatif (11,6 versus 8,9 mois ; p = 0,02). Ce résultat majeur dans une pathologie au pronostic encore sombre vient confirmer les données d’autres études déjà publiées (2, 3). L’amélioration des scores de qualité de vie, la diminution des pratiques de gestes agressifs en fin de vie ainsi que le recueil anticipé des directives de réanimation soutiennent Résumé L’année 2010 en soins de support a été de nouveau marquée par une vague de nouvelles recommandations (ou mises à jour). Au-delà de ce travail régulier et important pour la meilleure qualité de prise en charge des soins de support, celui qui a consisté à organiser et à mettre en évidence l’importance de cet accompagnement a été présenté lors de l’ASCO et publié. Cet article fait ainsi le point de certains temps fort de l’année. cette donnée majeure en cancérologie qu’est la survie globale. L’amélioration de 3 mois, en lien avec un simple accompagnement, peut être mise en parallèle avec les données de nombreux essais concernant les molécules anticancéreuses actuellement testées. Rappellons que cet accompagnement palliatif se fait bien entendu en complément d’une prise en charge oncologique standard et que ces améliorations ne sauraient être entendues qu’associées à des traitements antinéoplasiques menés de manière optimale. Mais un tel résultat doit certainement nous amener à faire évoluer nos pratiques et à renforcer la complémentarité et le lien entre les différentes équipes de soins auprès des patients atteints de cancer. L’implication de cette publication a trouvé un écho dans la présentation de S. Dalal et al. (MD Anderson Cancer Center, Houston), lors du même ASCO 2010 (3). Le terme “palliatif” est souvent considéré comme synonyme de “terminal” et s’accompagne fréquemment d’un retard à l’orientation des malades vers les unités mobiles ou fixes. Afin de modifier cette image perçue par les oncologues et de majorer le recrutement de patients vers leur prise en charge, l’équipe du MD Anderson Cancer Center a évalué l’impact sur les pratiques de leur changement de nom. Deux périodes de 20 mois ont été analysées : avant le changement de nom (palliatif) et après (supportif). Le recrutement et la prise en charge par l’équipe dédiée, en consultation comme en hospitalisation, ont été augmentés globalement de 41 % (p < 0,001). Cette majoration d’activité a été supérieure à l’augmentation globale du centre en nouveaux patients. Les patients ont été pris en charge plus précocement dans l’histoire de leur maladie, depuis le passage au nom “soins de support”, de manière également significative (p < 0,001). Enfin, les patients au stade localisé ont également bénéficié de cette augmentation de recrutement de manière significative, que ce soit pour des consultations (de 5 à 14 % ; p < 0,001) ou lors d’avis auprès de patients hospitalisés (de 2 à 5 % ; p < 0,001). Une augmentation de la survie globale semble également être mise en évidence, sans que de réelles conclusions en soient tirées. On voit ici le lien évident avec l’étude menée par J.S. Temel et al. L’objectif de la mise en place des soins de support est de proposer aux patients de majorer l’accompagnement tout au long de la maladie depuis le diagnostic de cancer. L’évolution du terme de palliatif en supportif pourrait permettre de remplir cet objectif et d’éviter un défaut de recrutement lié à une perception erronée de la proposition de prise en charge. Au-delà de l’aspect sémantique pur, il faut souligner l’importance d’une prise en charge la plus précoce possible dans l’accompagnement du malade atteint de cancer et son impact significativement positif sur la qualité de vie mais également sur la survie des patients. En France, citons la publication de A. Brédart et al. (Institut Curie, Paris), portant sur une étude contrôlée évaluant l’impact auprès de patients hospitalisés et pris en charge par le département interdisciplinaire de soins de support pour le patient en oncologie (DISSPO) [4]. Cette étude a montré un impact positif en relation avec l’accompagnement paramédical. Ce travail d’évaluation est poursuivi et ce modèle d’organisation des soins de support se développe, notamment, dans les centres de lutte contre le cancer. Mots-clés Soins de support Érythropoïétine G-CSF Vomissement Palliatif Highlights New recommendations (or updating) have been presented during the year 2010. This regular and scientific work is important for enhancing the best quality of care all over the world. A great job in supportive oncology organization has been developed, presented during the ASCO meeting and published. The publication relates highlights of the year. Keywords Supportive care Epoetin G-CSF Emesis Palliative care Médecine complémentaire Les médecines complémentaires dans l’univers de la cancérologie commencent à prendre un essor certain, probablement lié à la demande des patients et à leur recours à des prises en charge holistiques. Les résultats des différentes études présentées lors du congrès de l’ASCO 2010 sur le thème de la fatigue ont montré des effets décevants de l’ensemble des thérapeutiques traditionnelles, mais un bénéfice intéressant des démarches comportementales telles que le yoga. Cette technique avait déjà été présentée à l’ASCO en 2006 avec un intérêt en termes de qualité de vie pour les patientes en cours de radiothérapie dans le cadre d’un cancer du sein. L’étude randomisée présentée à l’ASCO 2010, menée sur une cohorte de 410 patients non métastatiques (tous cancers confondus), en phase post-­thérapeutique (entre 2 et 24 mois de la fin du La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 75 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Soins de support traitement) a eu pour objectif principal d’évaluer l’impact des séances de yoga, au rythme de 2 séances hebdomadaires de 75 minutes, sur la fatigue, la qualité de vie, la qualité du sommeil et le recours aux somnifères (5). Une cohorte de patients a bénéficié de séances de yoga pendant une durée de 4 semaines, tandis que la cohorte contrôle avait une prise en charge standard (dont la définition reste floue) de la fatigue. La technique de yoga utilisée suivait des techniques posturales de relaxation, de respiration et de méditation (yoga Asanas, Pranayama, méditatif). Une amélioration significative (p < 0,05) a été retrouvée pour l’ensemble des items évalués (figure 1). Autre technique comportementale fondée sur la relaxation et les transferts d’énergie, le qi gong, développé depuis plus de 5 000 ans, a une place importante en Chine. Une explication physio­ pathologique de son activité thérapeutique serait le rôle qu’il exerce au niveau hypothalamique par son action homéostasique sur les systèmes nerveux sympathique et parasympathique, permettant un meilleur équilibre physique, émotionnel et des fonctions immunitaires. Des équipes australiennes et du Dana Farber (Boston) ont mené une étude randomisée visant à évaluer l’impact en termes de qualité de vie de cette technique (6). Sur 905 patients éligibles, 162 (18 %), ont accepté de participer à l’essai : 108 (54 patients par bras) ont finalement pu être évalués à 10 semaines d’accompagnement, soit un taux de 32 % de sorties d’études pour des raisons multiples, dont la perte d’intérêt dans l’essai et le stade de la maladie. Les patients Qualité du sommeil Contrôle yoga* Fatigue Contrôle yoga* Qualité de vie Contrôle yoga* Temps de sommeil quotidien Contrôle yoga* Utilisation de somnifères Contrôle yoga* * p < 0,05 ont été randomisés en 2 bras, l’un recevant des soins usuels (contrôle), l’autre suivant des séances de qi gong. Une évaluation versus placebo (qu’appelle-t-on ici placebo ?) avait été prévue par les auteurs en fonction des résultats de cette étude. L’évaluation a été menée suivant les échelles FACT-G pour la qualité de vie, les Profile of Mood State (PMS) pour l’humeur et la mesure de la C-Reactive Protein (CRP) pour le mécanisme immunitaire. Le cancer le plus rencontré était le cancer du sein (34 %) mais la plupart des localisations tumorales étaient représentées. Les résultats rapportés ont été significativement en faveur du groupe traité par qi gong concernant les items de qualité de vie au cours des 10 semaines de suivi des patients. Une amélioration de 8 points du score FACT-G a, en effet, été enregistrée. B. Oh et al. rappellent qu’une amélioration de 5 à 10 points sur cette échelle est considérée comme une différence importante sur les plans clinique, fonctionnel et social. L’efficacité sur la fatigue notamment, en se fondant sur le score FACT-F, a été nette dans le groupe traité (p < 0,001). Une amélioration thymique a également été notée (p = 0,02), ainsi qu’une action sur la CRP (p = 0,04). Les auteurs ont insisté sur l’action positive de ce mode de prise en charge complémentaire des patients et sur la nécessité de poursuivre les évaluations afin de déterminer, par exemple, l’action à long terme des différents items évalués. Recommandations En 2010, plusieurs publications de recommandations de sociétés savantes ont été mises à jour dans le domaine des soins de support. Nous aborderons les mises à jour d’utilisation des antiémétiques, des Granulocyte Colony-Stimulating Factor (G-CSF) et des érythropoïétines (EPO). Facteurs de croissance hématopoïétiques (G-CSF) -20 -10 0 10 20 Amélioration (%) Figure 1. Yoga et fatigue (5). 76 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 30 40 50 Le groupe de l’EORTC (European Organisation for Research and Treatment of Cancer) a mis à jour les précédentes recommandations datant de 2006 quant à l’utilisation des G-CSF dans les tumeurs solides et les pathologies lymphoprolifératives (7). La définition de la neutropénie fébrile (NF) est rappelée : valeur absolue de neutrophiles inférieure à 500­/­mm3, ou encore inférieure à 1 000/­mm3 avec chute prévue inférieure à 500/mm3 dans les 48 h et DOSSIER THÉMATIQUE fièvre ou signe clinique de sepsis. La fièvre est définie par une température supérieure à 38,5 °C (lors d’une seule prise) ou supérieure à 38 °C (à 2 reprises à 1 h d’intervalle). L’utilisation de l’échelle d’évaluation du risque de NF de la MASCC est proposée par le groupe d’experts (tableau I). Un patient dont le score est supérieur à 21 est considéré à faible risque, tous les autres patients étant considérés à haut risque, le taux de mortalité pour les patients hospitalisés étant évalué entre 9,5 et 12,5 %. Bien que certains auteurs recommandent l’utilisation d’une quinolone associée à un G-CSF dans certaines situations (hématologie, cancer du sein sous docétaxel, durée de neutropénie prolongée supérieure à 6 semaines), l’utilisation d’une anti­biothérapie prophylactique n’est plus recommandée en systématique. Les raisons invoquées sont ­l’absence de niveau de preuve suffisant pour un bénéfice clinique et un risque majoré de résistance aux antibiotiques. Les risques de cancer secondaire ont été étudiés au cours de l’étude SEER (Surveillance Epidemiology and End Results) auprès de patientes de plus de 65 ans atteintes de cancer du sein. Un taux plus élevé de syndromes myélodysplasiques et de leucémie aiguë myéloblastique a été retrouvé en cas d’utilisation de G-CSF : 1,77 % soit 16 patients sur 906 avec G-CSF versus 1,04 % soit 47 patients sur 4 604 sans. Une méta-analyse a rapporté un risque approximatif de 4 ‰ en cas de support par G-CSF (8). Au cours de cette analyse de la littérature, toutes les causes de mortalité étaient diminuées en cas d’utilisation d’un G-CSF, la majoration de la protection contre la mortalité étant en lien avec une augmentation de la dose-intensité de chimiothérapie. Les facteurs de risque de NF mis en évidence avec un niveau de preuve suffisant sont : ➤➤ un âge supérieur à 65 ans (sans majoration supplémentaire du risque liée au vieillissement au-delà de 65 ans) ; ➤➤ une maladie avancée ; ➤➤ un antécédent de NF ; ➤➤ un échec à l’utilisation de G-CSF ; ➤➤ un échec à l’utilisation d’une antibioprophylaxie. Le risque de NF doit être évalué à chaque cycle de chimiothérapie, afin de déterminer la mise en route d’une prophylaxie secondaire par G-CSF, qui en réduit le risque ainsi que celui de neutropénie de grade 4. D’autres facteurs de risque ont également été mis en évidence : antécédents infectieux, comorbidités (cardio-vasculaire), bilirubine élevée à l’inclusion et moins de 5 000 leucocytes/mm3 à l’inclusion. Tableau I. Échelle d’évaluation du risque de la MASCC. Caractéristiques Score Importance de la maladie Peu ou pas de symptômes Symptômes modérés 5 3 Absence d’hypotension 5 Absence de bronchopathie chronique obstructive 4 Tumeur solide / lymphome ou absence d’antécédent d’infection fongique 4 Pas de déshydratation 3 Statut ambulatoire à la découverte de la fièvre 3 Âge inférieur à 60 ans 2 Le risque rapporté aux différents protocoles de chimiothérapie a également été mis à jour, en incluant notamment les thérapies ciblées. Ces dernières peuvent majorer le risque de NF en association avec d’autres chimiothérapies (par exemple, l’association du cétuximab à cisplatinevinorelbine majore le risque de 15 à 22 %, de même que le bévacizumab ou le rituximab en association avec une chimiothérapie). Nous remarquerons que le risque de NF est non seulement lié au type de chimiothérapie, mais également au type de cancer (par exemple, l’association carboplatine-paclitaxel présente un risque inférieur à 10 % en cas de cancer de l’ovaire ou du poumon non à petites cellules, mais il est évalué à 25 % dans le cas de tumeurs urothéliales). L’utilisation systématique de G-CSF pour les protocoles de dose-intensité est recommandée. Elle est recommandée en prophylaxie de tout protocole au risque de NF supérieur à 20 %. Bien que les données de la littérature soient contradictoires, les niveaux de preuve et la difficulté d’évaluation ont amené les auteurs à maintenir leur recommandation antérieure ; l’utilisation de G-CSF en situation curative (patient en cours de NF) n’est toujours pas recommandée en routine, en dehors des cas particuliers de patients de mauvais pronostic et dont l’infection est à risque élevé de complication. Le choix de la molécule est également abordé mais ce point peut être plus délicat d’interprétation, les recommandations étant soutenues par les ­industriels. Les G-CSF non pégylés sont considérés comme équivalents entre eux. Les biosimilaires du filgrastim récemment mis sur le marché ont montré leur similarité avec ce dernier. Si leur utilisation peut La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 77 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Soins de support donc être reconnue, il conviendra d’être vigilant quant à la molécule bio­s imilaire utilisée et de prévenir le patient de cette utilisation. Le mode d’administration est, enfin, disparate à travers les différentes études : la prophylaxie par G-CSF doit, selon les recommandations de l’ESMO, débuter entre 24 et 72 h après la chimiothérapie et être poursuivie jusqu’à récupération d’un compte de neutrophiles supérieur à 1 000 cellules/mm3. Un arbre décisionnel d’utilisation des G-CSF en prophylactique est proposé en figure 2. 1re étape : évaluation de la fréquence de NF liée au protocole de chimiothérapie prévu NF risque ≥ 20 % NF risque de 10 à 20 % NF risque < 10 % 2e étape : évaluation des facteurs individuels de risque de NF Prophylaxie par G-CSF recommandée Facteur de risque élevé : Âge ≥ 65 ans G-CSF pas d’indication Risque majoré (niveau de preuve 1 et 2) : Maladie avancée, antécédent de NF, absence d’antibiothérapie prophylactique, pas d’utilisation de G-CSF Autres facteurs (niveau de preuve 3 et 4) : Hémoglobine < 12 g/dl, mauvais état nutritionnel et général, sexe féminin, comorbidités hépatiques, rénales et cardio-vasculaires NF : neutropénie fébrile. Risque majeur de NF ≥ 20 % Risque majeur de NF < 20 % Figure 2. Recommandations EORTC pour l’utilisation des G-CSF en prévention de la neutropénie fébrile (7). Focus sur les érythropoïétines Depuis les dernières recommandations éditées en 2007 (9), les échanges d’experts ont mené bon train autour du débat sur la balance bénéfice/risque liée aux érythropoïétines (EPO). Cette mise à jour des recommandations de l’ASCO fait le point sur le bilan, le mode de prescription et les objectifs fixés par ce traitement (10). Les recommandations générales rappellent qu’il est indispensable, avant toute prescription, d’examiner le patient et d’éliminer toute autre cause d’anémie que la chimiothérapie. Le bilan initial minimaliste inclut une analyse des antériorités des bilans biologiques (NFS), éventuellement complétée d’une évaluation de la moelle 78 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 osseuse. Un bilan du fer, des vitamines B12 et folates, de la fonction rénale, une numération des réticulocytes et l’élimination d’un saignement occulte doivent être effectués. Dans certains cas, ce bilan initial doit être complété par : ➤➤ un test de Coombs en cas de leucémie lymphoïde chronique, le lymphome non hodgkinien ou la maladie auto-immune ; ➤➤ une évaluation du taux d’EPO endogène, en cas de syndrome myélodysplasique. Le risque thrombo-embolique et de décès doit être considéré, en particulier pour les patients en cours de traitement antinéoplasique curatif. Un commentaire spécial des auteurs insiste sur l’absence d’analyse en sous-groupe, permettant de définir les risques en fonction du type de traitement anticancéreux. Bien que la Food and Drug Administration (FDA) limite les prescriptions d’EPO aux patients en cours de chimiothérapie palliative, les auteurs recommandent une évaluation clinique de chaque cas particulier. ◆◆ Quelle EPO utiliser ? Aucune différence d’efficacité ou de sécurité n’a été rapportée dans l’analyse de la littérature pour permettre une distinction entre les différentes molécules (époïétine alpha et darbépoïétine). On rappellera que l’époïétine bêta n’étant pas sur le marché américain, ces recommandations n’incluent pas cette dernière molécule, notamment dans les comparaisons. ◆◆ À quel moment démarrer le traitement par EPO ? L’utilisation d’une EPO est recommandée pour les patients en cours de chimiothérapie ayant un taux d’hémoglobine chutant en dessous de 10 g/dl afin de limiter les transfusions. Une transfusion sanguine en globules rouges est d’ailleurs une option à retenir en fonction de la sévérité de l’anémie et de son retentissement clinique. ◆◆ Que proposer lorsque le taux d’hémoglobine est compris entre 10 et 11,9 g/dl ? Il n’existe pas de niveau de preuve suffisant pour poser clairement et systématiquement l’indication d’un traitement par EPO lorsque le patient présente une anémie avec un taux d’hémoglobine entre 10 et 12 g/dl (strictement inférieur à 12 g/dl). Dans ce cadre, l’évaluation clinique et la balance bénéfice/ risque, ainsi que les préférences du patient doivent être prises en compte avant de décider d’instaurer un DOSSIER THÉMATIQUE traitement par EPO. Les auteurs de ces recommandations rappellent que la transfusion en globules rouges est une option à retenir ou pas en fonction du contexte clinique (âge, comorbidités cardio­vasculaires, etc.). ◆◆ Quel est le risque thrombo-embolique ? La majoration du risque d’événement thromboembolique est reconnue sous traitement par EPO, sans que des facteurs de risque spécifiques aient pu être déterminés au cours des différents essais randomisés. Il est donc recommandé aux cliniciens d’être vigilants dans des conditions particulières majorant le risque de thrombose (chirurgie, immobilisation prolongée, limitation d’activité ou contexte pathologique particulier). ◆◆ Quelle dose proposer à l’instauration du traitement ? La dose recommandée est de 150 unités/kg injectées par voie sous-cutanée x 3/sem. ou 40 000 unités sous-cutanées hebdomadaires pour l’époïétine alpha. Concernant la darbépoïétine, la dose initiale recommandée est de 2,25 µg/kg en injection sous-cutanée hebdomadaire ou de 500 µg toutes les 3 semaines. Aucune étude ne permet de recommander d’autres protocoles, en termes de doses ou de schémas d’admi­nistration. ◆◆ Modification de traitement en cas de non-réponse Les patients avec une absence de réponse au traitement par EPO après un délai de 6 à 8 semaines (c’est-à-dire augmentation du taux d’hémoglobine inférieure à 2 g/dl ou absence de diminution des besoins transfusionnels) sont qualifiés de “non-répondeurs” et ne bénéficieront pas d’une augmentation de dose. Le traitement par EPO doit alors être interrompu et une évaluation de la progression tumorale, d’une carence martiale ou d’une autre étiologie de l’anémie doit alors être menée. ◆◆ Quelle cible pour le traitement par EPO ? Alors que les recommandations de 2007 donnaient une cible claire identifiée à 12 g/dl, ces mises à jour sont beaucoup plus floues. Les auteurs estiment dans les recommandations 2010 que le taux d’hémoglobine peut être augmenté jusqu’au seuil le plus faible permettant d’éviter les transfusions, ce qui peut varier en fonction de chaque patient et de chaque situation. On peut lire plus loin qu’un taux d’hémoglobine cible ne peut pas être déterminé par la littérature actuelle. En revanche, une réduction de posologie de l’EPO doit être effectuée lorsque le taux d’hémoglobine atteint permet d’éviter les transfusions ou que l’augmentation du taux d’hémoglobine dépasse 1 g/dl dans les 2 semaines suivant son introduction. Les adaptations de doses ont été rappelées dans cette publication, sans modification par rapport aux précédentes recommandations de 2007. ◆◆ Quels évaluation et traitement martial ? Aucune modification n’a été apportée depuis 2007. Il est recommandé de doser le fer, le coefficient de saturation ou la ferritinémie. Une supplémentation en fer a pour objectif de limiter le recours aux EPO, de majorer l’amélioration symptomatique des patients et d’éviter des “non-réponses” au traitement par EPO. Bien qu’une supplémentation en fer soit couramment pratiquée pour majorer la réponse au traitement par EPO, il n’y a aucune évidence pour considérer les injections intraveineuses de fer comme un standard de traitement. ◆◆ Peut-on prescrire un traitement par EPO à un patient ne recevant pas de chimiothérapie ? La réponse est non. Une exception est reconnue pour les patients ayant un syndrome myélodysplasique de faible risque afin d’éviter le recours aux transfusions. ◆◆ Existe-t-il un intérêt pour les patients sous chimiothérapie contre une hémopathie maligne non myéloïde ? Les recommandations sont identiques à celles de 2007. Il est recommandé d’évaluer la réponse hématologique et l’efficacité tumorale sous traitement avant d’envisager tout traitement par EPO. Cette recommandation est valable pour les patients traités pour un myélome, une leucémie lymphoïde chronique ou un lymphome non-hodgkinien, avec une attention particulière au risque thrombo-embolique. Une note spéciale des auteurs autorise, avec vigilance, l’utilisation des EPO en dehors d’un traitement à visée palliative, tel que l’impose la FDA. ◆◆ Communiquer avec le patient Le paragraphe concernant la communication avec le patient autour du traitement par EPO prescrit est un point important de ces recommandations. Les auteurs encouragent les prescripteurs, à travers ces recommandations, à informer leurs patients des bénéfices et des risques attendus avec le traitement par EPO. Les points essentiels sont notamment : ➤➤ l’objectif du traitement par EPO sous chimiothérapie est de réduire le recours aux transfusions sanguines ; La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 79 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Soins de support ➤➤ la FDA a indiqué que les EPO ne doivent pas être prescrites aux patients dont l’objectif du traitement anticancéreux est curatif ; il existe certains risques et bénéfices des EPO versus transfusion et les patients peuvent avoir certains facteurs de risque spécifiques ; ➤➤ les EPO ont été reconnues comme responsables du raccourcissement de la survie et de la majoration de la croissance tumorale chez certains patients atteints de cancer ; ➤➤ les EPO présentent des effets indésirables à type de thrombose et les facteurs de risque individuels doivent être considérés ; ➤➤ le traitement par EPO n’est pas recommandé pour les patients ne recevant pas de chimiothérapie ou pour ceux en cours de radiothérapie, en raison de l’augmentation du risque de décès ; ➤➤ bien qu’il soit reconnu que les EPO aient un intérêt pour améliorer la fatigue et la qualité de vie, le premier objectif du traitement est de réduire le recours transfusionnel ; ➤➤ un consentement éclairé doit être signé par le patient pour confirmer que le professionnel l’a informé des risques. Un guide d’information des risques a été publié par la FDA afin de faciliter la communication entre le patient et son thérapeute autour du traitement par époïétine alpha et darbépoïétine. Il est également proposé aux prescripteurs d’EPO d’intégrer un programme de surveillance des risques d’utilisation des EPO (programme APPRISE). Il est difficile de définir le nombre de prescripteurs potentiels d’EPO après cette mise à jour plus sécuritaire qu’efficiente. On attendra avec impatience celle des recommandations de l’EORTC, souvent plus en harmonie avec la réalité du terrain et orientée également vers l’époïétine bêta. Antiémétiques La conférence de Perugia réunie en 2009 a également publié ses recommandations pour l’utilisation des antiémétiques, les recommandations MASCC/ ESMO (11). Il s’agit, là encore, d’une mise à jour des recommandations de 2004. Un important travail de mise à jour des risques émétiques liés aux nouvelles thérapies (notamment les thérapies ciblées et les traitements oraux) a été mené. Rappellons ainsi que dans les voies orales, la procarbazine est considérée comme hautement émétisante, l’imatinib, la vinorelbine, le témozolomide et le cyclophosphamide sont, quant à eux, considérés comme modérément émétisants 80 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 (risque de nausées et vomissements induits par la chimiothérapie [NVIC] entre 30 et 90 %). Dans la classe des thérapeutiques faiblement émétisantes (entre 10 et 30 % de risque de NVIC), on retrouve la capécitabine et le tégafur-uracile avec l’évérolimus, le sunitinib, le lapatinib et la thalidomide. Le géfitinib avec l’erlotinib et le sorafénib sont considérés comme à risque minime (moins de 10 %). L’oxaliplatine et le carboplatine par voie intra­ veineuse font partie de la classe modérée (30 à 90 % de NVIC), comme l’association anthracycline-­ cyclophosphamide. Les traitements ciblés cétuximab, temsirolimus, trastuzumab, panitumumab et catumaxomab font partie de la classe faiblement émétisante et le bévacizumab de la classe à risque minime (moins de 10 %). Concernant les recommandations d’utilisations des antiémétiques, il y a peu de modifications par rapport aux précédentes recommandations. Les inhibiteurs de la neurokinine de type 1, dont le seul produit disponible est l’aprépitant, sont indiqués dans les chimiothérapies hautement et modérément émétisantes. Leur utilisation présente un intérêt pour luter contre les NVIC en phase aiguë (24 premières heures après chimiothérapie) et en phase retardée (de J2 à J5 postchimiothérapie). Dans le cas d’une chimiothérapie hautement émétisante, le protocole associera, à J1, corticoïde-sétron-aprépitant puis, à J2 et J3, l’asso­ciation corticoïde-aprépitant et, à J4, une dernière prise de corticoïde. Dans le cadre des chimiothérapies modérément émétisantes, le schéma est clairement identifié en ce qui concerne les protocoles avec anthracycline, notamment dans le cancer du sein. Le schéma anti­émétique alors proposé associe : ➤➤ corticoïde, sétron et aprépitant à J1 ; ➤➤ aprépitant seul à J2 et J3. Le débat est largement mené actuellement dans le cadre des autres chimiothérapies modérément émétisantes et les auteurs rappellent qu’aucun consensus clair n’a pu être mis en avant. La recommandation proposée (sans consensus) propose donc l’utilisation d’une association sétron corticoïde à J1 (avec le palonosétron quand celui-ci est disponible) et corticoïde seul à J2 et J3. On reste donc sur un débat autour de l’emploi ou non de l’aprépitant dans les protocoles utilisant d’autres molécules modérément émétisantes, bien que le produit ait l’autorisation de mise sur le marché. Il est indispensable, alors, de prendre en compte les facteurs de risque propres à chaque patient et d’avoir un protocole antiémétique individualisé et optimal adapté à chaque situation. DOSSIER THÉMATIQUE Le changement vient essentiellement des chimiothérapies faiblement émétisantes. Lors des précédentes recommandations, il était proposé une prévention par corticoïde seul et pas de traitement pour la phase retardée. La mise à jour propose l’utilisation, au choix, d’un corticoïde, d’un sétron ou de la dompéridone. Le palonosétron, produit actuellement non commercialisé en Europe, fait son entrée dans les recommandations. Son utilisation reste réservée aujourd’hui aux essais cliniques dans notre pays. Ces recommandations sont résumées dans le tableau II. En cas de NVIC réfractaires, peu de travaux permettent de proposer des recommandations claires en dehors d’un contrôle maximal dès le premier cycle de chimiothérapie. L’utilisation d’antagonistes de la dopamine (dompéridone), de benzodiazépine, d’un autre sétron ou de Tableau II. Recommandations antiémétiques MASCC/ESMO 2010 (11). Chimiothérapies Aiguës Retardées Hautement émétisantes Aprépitant + sétron + dexaméthasone Aprépitant (J2-J3) + dexaméthasone (J2-J4) Moyennement émétisantes AC Aprépitant + sétron + dexaméthasone Aprépitant (J2-J3) Palonosétron (sétron) + dexaméthasone Dexaméthasone (J2-J3) Dexaméthasone ou sétron ou dopamine Rien Rien Rien Moyennement émétisantes Non AC Faiblement émétisantes Peu émétisantes AC : anthracycline, cyclophosphamide. métopimazine est proposée par les auteurs. Certains essais ont pu montrer un intérêt pour les cannabinoïdes, l’olanzapine, l’aprépitant ou encore pour des techniques comme l’acupuncture. ■ Références bibliographiques 1. 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