L’Encéphale (2008) 34, 280—283 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep THÉRAPEUTIQUE Escitalopram versus IRSNa B. Millet SHU de psychiatrie adulte, université Rennes-1, 108, avenue du Général-Leclerc, 35042 Rennes, France Reçu le 3 février 2008 ; accepté le 27 mars 2008 Disponible sur Internet le 4 juin 2008 MOTS CLÉS Escitalopram ; IRSS ; IRSNa ; Antidépresseur KEYWORDS SSRI; SNaRI; Antidepressant; Escitalopram; Racemic Résumé L’escitalopram, la molécule énantiomère du racémique citalopram a montré des propriétés pharmacologiques différentes par rapport à sa molécule mère. Lorsque l’escitalopram est comparé à la venlafaxine, une efficacité comparable de ces molécules a été observée, notamment lorsque l’on compare la fréquence des patients répondeurs [diminution de 50 % au score de l’échelle Montgomery and Asberg Depression rating Scale (MADRS)] et celle des patients en rémission (score MADRS inférieur à 12), même lorsque ces deux molécules sont comparées à des doses maximales. De plus une étude récente conduite par Jonas et al. (2006) [Jonas J, Bose A, Alexopoulos G, et al. Double blind comparison of escitalopram and duloxetine in the acute treatment of Major Depressive Disorder 45th Annual Meeting of the American College of Neuropsychopharmacology December 2006] suggère une efficacité supérieure de l’escitalopram quand elle est comparée à la duloxétine. Ces caractéristiques de l’escitalopram apparaissent d’autant plus que les patients déprimés traités présentent des scores de dépression élevés. Enfin, en ce qui concerne la tolérance, le pourcentage de patients interrompant leur antidépresseur pour des effets indésirables est plus fréquent avec les inhibiteurs de la recapture mixte de la sérotonine et de la noradrénaline (ISRNa) qu’avec l’escitalopram. Cette fréquence moindre des effets indésirables est également rapportée au cours des études menées contre venlafaxine et duloxétine. Toutes ces particularités sont soulignées dans le rapport de l’AFFSSAPS faisant état de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) de cette molécule. © L’Encéphale, Paris, 2008. Summary Escitalopram has shown some different pharmacologic properties compared to its racemic molecule, citalopram. When comparing with venlafaxine, similar efficacy of this drug was observed, notably when considering the frequency of responders [50% of decrease on the Montgomery and Asberg Depression rating Scale (MADRS)] and the frequency of remitters (MADRS < 12), even when the doses of both drugs were increased up to 20 mg per day for escitalopram and 225 mg per day for venlafaxine. In addition, a recent study conducted by Jonas et al. (2006) [Jonas J, Bose A, Alexopoulos G, et al. Double blind comparison of escitalopram and duloxetine in the acute treatment of Major Depressive Disorder 45th Annual Meeting of the American College of Neuropsychopharmacology December 2006] suggested a better efficacy of escitalopram in comparison to duloxetine. When considering severe major depressive episodes, the efficacy of escitalopram Adresse e-mail : [email protected] 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008. doi:10.1016/j.encep.2008.03.002 Escitalopram versus IRSNa 281 compared to noradrenalin and serotonin reuptake inhibitors (NaSRI) could be superior, with a more important rate of remitters in the escitalopram group. Regarding the tolerance of both types of drugs, the percentage of patients who withdrew the drug for side-effects would be higher in patients on venlafaxine. This increase in frequency of side-effects has been observed in different studies conducted with venlafaxine and duloxetine. All these data highlight the advantages of escitalopram in the treatment of major depressive episodes and escitalopram has, therefore, obtained marketing approval in France with some specific mentions in favour of this drug. © L’Encéphale, Paris, 2008. L’escitalopram est la forme énantiomère de sa molécule racémique le citalopram. De nombreuses questions ont porté sur l’efficacité de cette molécule par rapport aux antidépresseurs actuellement commercialisés. Le rôle clé de l’escitalopram a été particulièrement soulevé dans le traitement de l’épisode dépressif majeur comparativement aux médicaments de référence, notamment par rapport à la venlafaxine, un inhibiteur du recaptage mixte de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa). La venlafaxine présente en effet en sa faveur des études montrant une supériorité du produit par rapport à certains inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRSS) comme la fluoxétine et la paroxétine dans les formes de dépression les plus sévères. Les données comparant l’escitalopram contre la venlafaxine, ou plus récemment contre la duloxétine, sont particulièrement documentées et semblent montrer une efficacité comparables des deux molécules, y compris dans les formes les plus sévères de la maladie. Études randomisées de l’escitalopram versus venlafaxine dans l’EDM Montgomery et al. [7] ont comparé l’escitalopram à la venlafaxine en utilisant des doses d’escitalopram variant entre 10 et 20 mg d’escitalopram contre 75 et 150 mg pour la venlafaxine LP, chez des patients souffrant d’épisode dépressif caractérisé suivis en ambulatoire. Dans cette étude menée en Europe, après une semaine de traitement sous-placebo, les patients étaient randomisés soit sous le bras escitalopram, soit sous le bras venlafaxine. À la fin de l’étude, c’est-à-dire au bout de la huitième semaine de traitement, une diminution graduelle des doses était demandée pour évaluer les phénomènes de sevrage à l’arrêt du produit. Les résultats ont montré une efficacité comparable des deux produits le score de dépression étant évalué à l’aide de la Montgomery and Asberg Depression rating Scale (MADRS). Sous-escitalopram, 58,8 % des patients étaient répondeurs versus 48 % sous-venlafaxine. En termes de rémission (la rémission correspondant à un score à la MADRS inférieur à 12), 50,5 % des patients étaient observés en rémission avec l’escitalopram au bout de huit semaines contre 41,2 % sous-venlafaxine. Sur le plan de la tolérance, les patients sous-venlafaxine présentaient de façon significative plus de nausées, de constipation et d’hypersudation. Après huit semaines, le taux de patients présentant des phénomènes de sevrage était plus fort sous-venlafaxine que sous-escitalopram (p < 0,01). Les critiques de cette étude ont porté notamment sur le fait que les doses de venlafaxine étaient faibles, 24 % seulement des patients voyant leur posologie augmentée sous-venlafaxine. Certaines études ont cependant montré que l’augmentation des doses de venlafaxine dans la dépression d’intensité moyenne ne conduisait pas forcément à une augmentation de taux de réponse et ont conclu que des doses de 75 mg/j étaient suffisantes notamment pour les patients suivis en ambulatoire [6]. Cette comparaison entre les deux produits a également été évaluée dans l’étude de Bielski et al. [2], au sein de laquelle des doses rapidement atteintes d’escitalopram à 20 mg étaient comparées à des doses également fixes et rapidement atteintes de 225 mg/j de venlafaxine. L’évaluation principale de l’efficacité portait sur le score moyen obtenu à la MADRS au bout de huit semaines de traitement. L’absence de différence significative entre les deux produits était observée, la diminution moyenne du score à la MADRS étant de −15,9 avec l’escitalopram contre −13,6 avec la venlafaxine XR. De même les taux de rémission (MADRS < 10) de 41,2 % avec l’escitalopram et de 36,7 % avec la venlafaxine ainsi que les taux de répondeurs (nombre de patients présentant une diminution du score à la MADRS de 50 %) de 58,8 % et de 48,8 %, respectivement, ne montraient pas de différence significative entre les deux produits. Comme dans l’étude précédente, l’incidence d’effets indésirables était plus importante dans le groupe venlafaxine que dans le groupe escitalopram de même que le taux d’interruption du traitement pour des raisons d’effets indésirables (16 % versus 4,1 %). Une étude plus récente de Jonas et al. [5] a comparé l’efficacité et la tolérance de l’escitalopram (10—20 mg/j) à la duloxétine (60 mg/j) sur huit semaines avec comme critère d’évaluation principal l’évolution du score à l’échelle MADRS. Les résultats ont montré que le taux d’interruption du traitement s’est avéré supérieur dans le groupe duloxétine (41/133) que dans le groupe escitalopram (18/137). En ce qui concerne l’efficacité évaluée en last observation carried forward (LOCF), le taux d’amélioration observé s’est avéré supérieur sous-escitalopram (p < 0,04). De même, le taux de répondeurs (68 % versus 52 %) et le taux de patients en rémission (44 % versus 38 %) se sont avérés supérieurs avec l’escitalopram par rapport à la duloxétine. L’ensemble de ces résultats suggère une efficacité comparable de l’escitalopram vis-à-vis des IRSNa, voir même supérieure contre la duloxétine. Analyse des données dans les épisodes dépressifs caractérisés d’intensité sévère L’analyse de l’efficacité des antidépresseurs en fonction de la sévérité de la dépression garde toute sa pertinence. 282 En effet, les dépressions sévères ont moins de chances de rémission spontanée, peuvent nécessiter des traitements plus longs, et présentent en leur sein un taux plus élevé de suicides [9]. Par ailleurs, ce sont les patients hospitalisés qui ont montré la meilleure réponse aux antidépresseurs tricycliques [3] que ce soit avec la désipramine ou avec l’amitryptiline [10,11], tandis que les patients déprimés légers ont plus de chances de répondre au placebo. Montgomery et Andersen [8] ont regroupé les données des deux études présentées ci-dessus et ont comparé l’efficacité des deux produits, venlafaxine et escitalopram, chez les patients souffrant de dépression sévère, c’est-àdire présentant un score à la MADRS supérieure ou égale à 30. La re-analyse des données regroupées de ces deux études a permis de montrer que la différence entre les deux produits était d’autant plus probante que les scores à la MADRS étaient importants. Ainsi chez les patients souffrant de dépression d’intensité sévère, l’efficacité avec l’escitalopram montrait une amélioration significativement plus importante que sous-venlafaxine (p < 0,05). De même, sous-escitalopram le taux de patients en rémission à la huitième semaine était plus important dans le groupe escitalopram (47 %) que dans le groupe venlafaxine (29 %). Enfin, le pourcentage de patients interrompant leur traitement en raison d’effets indésirables, une fois les données regroupées était statistiquement différent (p < 0,05) : 7,5 % dans le groupe escitalopram et 11 % dans le groupe venlafaxine. B. Millet différence significative n’a pu être notée contre placebo en termes de survenue de l’incidence de comportement suicidaires ou d’idées suicidaires. Le taux d’interruption du traitement après huit semaines de traitement était plus important sous-escitalopram que sous-placebo (7,3 % versus 2,8 % ; p < 0,001), mais plus bas que sous-paroxétine (6,6 % versus 9,0 % ; p < 0,01) ou venlafaxine (6,1 % versus 13,2 % ; p < 0,01). Dans une étude portant sur la comparaison esctitalopram versus venlafaxine, le pourcentage de sortie d’essai pour événement indésirable dans les huit premières semaines diffèrait significativement entre escitalopram et venlafaxine, montrant un taux de sortie d’essai de 13,2 % avec la venlafaxine contre 6,1 % avec l’escitalopram. Ces effets secondaires plus fréquents avec la venlafaxine ont été également observés dans l’étude de Montgomery [7] où l’on notait notamment une plus grande fréquence de nausées chez les sujets traités par venlafaxine ainsi qu’une plus grande fréquence de l’augmentation des sueurs. Enfin, dans l’étude de Jonas et al. [5], l’escitalopram semblait mieux tolérée que la duloxétine, le taux d’interruption sous-duloxétine durant l’essai étant significativement plus important (2 % versus 13 % ; p < 0,01) tandis que des effets secondaires sévères étaient notés sur cinq patients sousduloxétine (4 %) contre seulement un seul dans le groupe escitalopram (1 %). Dans la méta-analyse de Klerman et al. [4], le taux d’interruption du à des effets indésirables était de 6,7 % contre 9,7 % pour les comparateurs IRSS ou IRSNa (p < 0,05). Résultats des études poolées : méta-analyse L’approche par méta-analyse permettant de regrouper différentes études a confirmé l’intérêt de l’escitalopram versus les IRSNa [4]. ont procédé à une méta-analyse comparant l’escitalopram aux autres antidépresseurs. Les données ont été issues de dix études témoins randomisées menées en double insu sur la dépression majeure. La principale mesure du résultat concernait la différence observée au score MADRS entre le début et la fin du traitement. Les mesures secondaires correspondaient aux taux de répondeurs et de patients atteignant la rémission. L’analyse selon la catégorie des médicaments comparateurs exprimée en équivalents d’odd ratios a montré que l’efficacité de l’escitalopram était supérieure aux autres ISRS et comparable à la venlafaxine, même si la différence (1,57 points) avec la venlafaxine de l’effet du traitement est en faveur de l’escitalopram (95 % CI — 0,90 à 4,05). De même, les taux de réponse et de rémission chez les patients déprimés sévères traités avec escitalopram seraient comparables à ceux observés sous-venlafaxine. Tolérance comparée de l’escitalopram versus IRSNa dans les études à court terme Une étude de Baldwin et al. [1] ont comparé différentes études menées sous-escitalopram versus ses différents comparateurs dans le but d’évaluer spécifiquement la tolérance et la safety du produit. L’analyse a ainsi porté sur toutes les études menées avec ce produit dans le cadre d’étude randomisées témoins et menées en double insu. Les nausées correspondaient au seul effet indésirable supérieur à 10 % dans les études menées à court terme. Aucun suicide n’a pu être observé sous-escitalopram, de même qu’aucune Conclusion Toutes ces données soulignent l’intérêt de l’escitalopram, notamment lorsque ce médicament se compare aux IRSNa. L’amélioration du service médical rendu au sein de l’agence du médicament français (AFFSSAPS) a tenu compte de ces données dans son compte rendu final : en particulier ce rapport note : « dans les études de non-infériorité, l’efficacité de l’escitalopram n’a pas été inférieure à celle de la venlafaxine LP (75—150 mg/j) et de la paroxétine (20—40 mg/j) ». Le rapport souligne également « Les signes et symptômes survenus à l’arrêt du traitement ont été moins fréquents sous-escitalopram que sous-venlafaxine LP et sous-paroxétine ». Menée selon différentes tranches d’intensité de la dépression, l’analyse de l’escitalopram renforce l’établissement d’une action et d’une efficacité spécifique de l’escitalopram par rapport au produit mère, le citalopram, mais également par rapport à des molécules comme la venlafaxine ou la duloxétine. Références [1] Baldwin DS, Reines EH, Guiton C, et al. Escitalopram therapy for major depression and anxiety disorders. Ann Pharmacother 2007;41:158—92. [2] Bielski RJ, et al. A double-blind comparison of escitalopram and venlafaxine extended release in the treatment of major depressive disorder. J Clin Psychiatry 2004;65:9. [3] Klerman GL, Cole JO. Clinical pharmacology of imipramine and related antidepressant compounds. Pharmacol Rev 1965;2:101—41. Escitalopram versus IRSNa [4] Kennedy SH, et al. Efficacy of escitalopram in the treatment of major depressive disorder compared with conventional selective reuptake serotonin inhibitors and venlafaxine XR: a metaanalysis. J Psychiatry Neurosci 2006;31: 122—31. [5] Jonas J, Bose A, Alexopoulos G, et al. Double blind comparison of escitalopram and duloxetine in the acute treatment of Major Depressive Disorder 45th Annual Meetin of the American College of Neuropsychopharmacology December 2006. [6] Linden M, Ludewig K, Munz T, et al. Dosage finding and outcome of venlafaxine treatment in psychiatric outpatients and inpatients: results of a drug utilization observation study. Pharmacopsychiatry 2003;36:197—205. [7] Montgomery SA, et al. A Randomised Study Comparing Escitalopram with Venlafaxine XR in Primary Care Patients 283 [8] [9] [10] [11] with Major Depressive Disorder. Neuropsychobiology 2004;50: 57—64. Montgomery SA, Andersen HF. Escitalopram versus venlafaxine XR in the treatment of depression. Int Clin Psychopharmacology 2006;21:297—309. Nemeroff CB. The burden of severe depression: a review of diagnostic challenges and treatment alternatives. J Psychiatr Res 2007;41:189—206, 17: 101—141. 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