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En effet, les dépressions sévères ont moins de chances de
rémission spontanée, peuvent nécessiter des traitements
plus longs, et présentent en leur sein un taux plus élevé de
suicides [9]. Par ailleurs, ce sont les patients hospitalisés
qui ont montré la meilleure réponse aux antidépresseurs
tricycliques [3] que ce soit avec la désipramine ou avec
l’amitryptiline [10,11], tandis que les patients déprimés
légers ont plus de chances de répondre au placebo.
Montgomery et Andersen [8] ont regroupé les données
des deux études présentées ci-dessus et ont comparé
l’efficacité des deux produits, venlafaxine et escitalopram,
chez les patients souffrant de dépression sévère, c’est-à-
dire présentant un score à la MADRS supérieure ou égale
à 30. La re-analyse des données regroupées de ces deux
études a permis de montrer que la différence entre les
deux produits était d’autant plus probante que les scores
à la MADRS étaient importants. Ainsi chez les patients
souffrant de dépression d’intensité sévère, l’efficacité avec
l’escitalopram montrait une amélioration significativement
plus importante que sous-venlafaxine (p< 0,05). De même,
sous-escitalopram le taux de patients en rémission à la
huitième semaine était plus important dans le groupe esci-
talopram (47 %) que dans le groupe venlafaxine (29 %). Enfin,
le pourcentage de patients interrompant leur traitement en
raison d’effets indésirables, une fois les données regroupées
était statistiquement différent (p< 0,05) : 7,5 % dans le
groupe escitalopram et 11 % dans le groupe venlafaxine.
Résultats des études poolées : méta-analyse
L’approche par méta-analyse permettant de regrouper
différentes études a confirmé l’intérêt de l’escitalopram
versus les IRSNa [4]. ont procédé à une méta-analyse compa-
rant l’escitalopram aux autres antidépresseurs. Les données
ont été issues de dix études témoins randomisées menées en
double insu sur la dépression majeure. La principale mesure
du résultat concernait la différence observée au score
MADRS entre le début et la fin du traitement. Les mesures
secondaires correspondaient aux taux de répondeurs et de
patients atteignant la rémission. L’analyse selon la catégo-
rie des médicaments comparateurs exprimée en équivalents
d’odd ratios a montré que l’efficacité de l’escitalopram était
supérieure aux autres ISRS et comparable à la venlafaxine,
même si la différence (1,57 points) avec la venlafaxine de
l’effet du traitement est en faveur de l’escitalopram (95 % CI
— 0,90 à 4,05). De même, les taux de réponse et de rémission
chez les patients déprimés sévères traités avec escitalopram
seraient comparables à ceux observés sous-venlafaxine.
Tolérance comparée de l’escitalopram versus
IRSNa dans les études à court terme
Une étude de Baldwin et al. [1] ont comparé différentes
études menées sous-escitalopram versus ses différents
comparateurs dans le but d’évaluer spécifiquement la
tolérance et la safety du produit. L’analyse a ainsi porté
sur toutes les études menées avec ce produit dans le cadre
d’étude randomisées témoins et menées en double insu. Les
nausées correspondaient au seul effet indésirable supérieur
à 10 % dans les études menées à court terme. Aucun suicide
n’a pu être observé sous-escitalopram, de même qu’aucune
différence significative n’a pu être notée contre placebo
en termes de survenue de l’incidence de comportement
suicidaires ou d’idées suicidaires. Le taux d’interruption
du traitement après huit semaines de traitement était
plus important sous-escitalopram que sous-placebo (7,3 %
versus 2,8 % ; p< 0,001), mais plus bas que sous-paroxétine
(6,6 % versus 9,0 % ; p< 0,01) ou venlafaxine (6,1 % versus
13,2 % ; p< 0,01). Dans une étude portant sur la comparaison
esctitalopram versus venlafaxine, le pourcentage de sortie
d’essai pour événement indésirable dans les huit premières
semaines diffèrait significativement entre escitalopram et
venlafaxine, montrant un taux de sortie d’essai de 13,2 %
avec la venlafaxine contre 6,1 % avec l’escitalopram. Ces
effets secondaires plus fréquents avec la venlafaxine ont
été également observés dans l’étude de Montgomery [7]
où l’on notait notamment une plus grande fréquence de
nausées chez les sujets traités par venlafaxine ainsi qu’une
plus grande fréquence de l’augmentation des sueurs. Enfin,
dans l’étude de Jonas et al. [5], l’escitalopram semblait
mieux tolérée que la duloxétine, le taux d’interruption
sous-duloxétine durant l’essai étant significativement plus
important (2 % versus 13 % ; p< 0,01) tandis que des effets
secondaires sévères étaient notés sur cinq patients sous-
duloxétine (4 %) contre seulement un seul dans le groupe
escitalopram (1 %). Dans la méta-analyse de Klerman et al.
[4], le taux d’interruption du à des effets indésirables était
de 6,7 % contre 9,7 % pour les comparateurs IRSS ou IRSNa
(p< 0,05).
Conclusion
Toutes ces données soulignent l’intérêt de l’escitalopram,
notamment lorsque ce médicament se compare aux IRSNa.
L’amélioration du service médical rendu au sein de l’agence
du médicament franc¸ais (AFFSSAPS) a tenu compte de ces
données dans son compte rendu final : en particulier ce rap-
port note : «dans les études de non-infériorité, l’efficacité
de l’escitalopram n’a pas été inférieure à celle de la venla-
faxine LP (75—150 mg/j) et de la paroxétine (20—40 mg/j) ».
Le rapport souligne également «Les signes et symp-
tômes survenus à l’arrêt du traitement ont été moins
fréquents sous-escitalopram que sous-venlafaxine LP et
sous-paroxétine ».
Menée selon différentes tranches d’intensité de
la dépression, l’analyse de l’escitalopram renforce
l’établissement d’une action et d’une efficacité spécifique
de l’escitalopram par rapport au produit mère, le citalo-
pram, mais également par rapport à des molécules comme
la venlafaxine ou la duloxétine.
Références
[1] Baldwin DS, Reines EH, Guiton C, et al. Escitalopram therapy
for major depression and anxiety disorders. Ann Pharmacother
2007;41:158—92.
[2] Bielski RJ, et al. A double-blind comparison of escitalopram
and venlafaxine extended release in the treatment of major
depressive disorder. J Clin Psychiatry 2004;65:9.
[3] Klerman GL, Cole JO. Clinical pharmacology of imipra-
mine and related antidepressant compounds. Pharmacol Rev
1965;2:101—41.