D’une indication à l’autre : intérêt des études long terme J.P. Boulenger

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le taux de rechute ou le délai moyen avant survenue de
la rechute diverses précautions méthodologies doivent
être prises. il faut par exemple prendre en compte, au
cours du premier mois, l’effet du sevrage possible dans le
groupe placebo mais également dé nir avec soin les critères
de rechute, ce qui est particulièrement dif cile dans les
troubles anxieux d’évolution plutôt chronique.
L’étude comparative entre paroxétine et escitalopram
sur 24 semaines [2] est l’une des rares études ayant ainsi
montré une différence signi cative à moyen terme entre
deux IRS dans les dépressions en l’occurrence, dans les
formes sévères d’états dépressifs majeurs (Fig. 1). Dans
D’une indication à l’autre :
intérêt des études long terme
J.P. Boulenger
CHU de Montpellier Hôpital La Colombière, 39 avenue Charles Flahault, 34295 Montpellier cedex 5
Méthodologie des études long-terme
Les études à long terme deviennent nécessaires dans les
dossiers d’enregistrement des médicaments, du fait de
la chronicité des troubles envisagés, et de l’importance
des risques de rechute et de récidive. De plus, ces
études apportent une importante con rmation des essais
d’ef cacité à court terme : d’ailleurs, une plus grande
proportion d’entre elles sont positives, en comparaison
avec les études court terme contre placebo.
Les trois principales méthodologies utilisées dans ces
études long-terme sont les études de prolongation de
traitement après essai comparatif, permettant de juger de
la tolérance à long terme et du maintien de l’ef cacité ; les
essais randomisés sur six mois, correspondant à la période
recommandée de traitement des troubles étudiés (troubles
dépressifs, troubles anxieux…) ; et en n, de manière plus
récente, les études de prévention de rechute. Ces dernières
doivent avoir des critères d’inclusion spéci ques, en
particulier en termes de nombre antérieur d’épisodes de
manière à augmenter leur sensibilité. Elles sont généralement
constituées d’une phase ouverte préalable de 8 à 12 semaines
avec le produit actif, permettant de sélectionner, à partir de
critères prédé nis, les patients en rémission ; ceux-ci sont
ensuite randomisés entre le produit actif et le comparateur,
en général le placebo. Les patients sont alors suivis durant
plusieurs mois – souvent un an –, le critère principal étant
* Auteur correspondant.
L’auteur a déclaré intervenir en temps qu’investigateur principal pour les laboratoires Lundbeck, Lynapharm et Astra Zénéca ;
être intervenant poncutel pour les laboratoires Lundbeck, P zer, Servier, Sano et Astra Zénéca ; être intervenant sur invitation
pour les laboratoires Lilly, Biocodex, Ardix, Pierre Fabre, Lundbeck et Védim-Pharma.
Figure 1 Estimation de la variation du score MADRS
(MADRS 35) (D’après 2).
0
Paroxetine (n = 107)
Escitalopram (n = 115)
* p < 0,05
FAS, LOCF, ANCOVA
-30
-25
-20
-15
-10
-5
04812162024
Changement estimé
du score MADRS
Semaine
*
*****
J.P. BoulengerS116
cette étude, la différence était liée à la fois à une meilleure
tolérance et à une meilleure ef cacité de l’escitalopram
par rapport à la paroxétine, notamment dans les formes les
plus sévères de dépression.
Essais de prévention de rechutes :
exigences réglementaires de l’EMeA
Les exigences réglementaires de l’EMeA en matière d’essais
de prévention de rechute sont relativement oues (2002).
Elles demandent, pour les états dépressifs majeurs, un
traitement en ouvert de 2 à 3 mois, suivi d’une période
de post-randomisation d’au moins 6 mois, sans obligation
particulière pour la prévention des récidives ultérieures.
Dans les troubles anxieux, les périodes initiales en
ouvert et de post-randomisation sont plus longues : pour
le TAG [6], 2 à 6 mois en ouvert, et 6 à 12 mois en post-
randomisation ; pour les phobies sociales [1, 2], également
2 à 6 mois en ouvert et 6 à 12 mois en post-randomisation.
Pour le TOC [6] et pour le PTSD (2008), il n’existe pas de
précisions particulières.
Quand aux critères d’évaluation, ils sont également
nis de manière peu stricte, puisqu’il est simplement
indiqué que l’aggravation et/ou la rechute doivent être
nies de manière « cliniquement signi cative ».
Limites des études de prévention
des rechutes
Diverses limites sont à relever pour ces études de
prévention des rechutes. En premier lieu, il n’existe pas de
possibilité d’essais comparatifs directs entre produits actifs
(head to head), mais seulement d’études contre placebo ;
une étude entre produits actifs nécessiterait en effet une
méthodologie beaucoup plus lourde.
Il faut aussi relever les dif cultés de dé nir des rechutes
dans certaines pathologies, les troubles anxieux notamment
du fait de leur chronicité.
On a également reproché à ces études une sélection de
la population, puisque les essais ne prennent en compte que
des patients qui ont répondu favorablement à un produit
donné : en effet la plupart des études n’envisagent pas le
remplacement par un produit actif autre que celui utilisé
dans l’étude ouverte. En n, il n’existe généralement pas
de distinction entre rechute et récidive, ce qui correspond
à une réelle dif culté clinique.
Étude de prévention de récidive
dans la dépression majeure
Une étude Kornstein [4] réalisée dans les états dépressifs
majeurs a traité des patients dépressifs majeurs par divers
IRS durant 8 semaines ; ceux qui avaient été améliorés
ont été placés sous escitalopram durant 16 semaines, puis
randomisés entre produit actif et placebo et suivis durant un
an, explorant donc à la fois le risque de rechute et le risque
de récidive. Cette étude con rme les études de prévention
de rechute stricto sensu, en mettant en évidence une
différence importante du taux de rechute entre placebo
et escitalopram (65 % vs 27 %). L’étude de Lépine [5],
parue dans l’American Journal of Psychiatry, est également
particulièrement intéressante sur le plan méthodologique.
Dans cette étude, les patients avaient été traités par IRS
(sauf la sertraline) durant 8 semaines, puis les patients
répondeurs avaient été placés sous placebo, a n d’être
sûr que la rémission soit stable, et en n randomisés entre
sertraline et placebo durant une période de plus d’un an.
Comme la précédente cette étude a ainsi démontré que
l’utilisation d’une autre molécule que celle utilisée pour
traiter l’épisode aigu permet également de prévenir les
rechutes et les récidives dépressives.
Escitalopram : étude de prévention
des rechutes dans l’anxiété généralisée
Dans une étude récente [1], les patients étaient traités
durant 12 semaines, en ouvert, recevant une dose
croissante d’antidépresseur (escitalopram 10 mg la
1re semaine et escitalopram 20 mg les 11 semaines
restantes). Après 12 semaines, seuls étaient conservés
dans l’étude les patients répondeurs ; ceux-ci étant dé nis
comme des patients présentant une diminution au score
HAM-A total de 10 au maximum à la semaine 12, la rechute
étant dé nie, pendant la période en double aveugle, par
la réapparition d’un score HAM-A d’au moins 15, ou par
un manque d’ef cacité (Fig. 2). La durée de la période en
double aveugle était de 14 à 76 semaines. Les résultats ont
été similaires à ceux retrouvés dans la dépression, avec
un taux de rechute sous escitalopram d’environ 20 %, alors
qu’il est de plus de 50 % pour le placebo (Fig. 3).
Figure 2 Escitalopram : prévention des rechutes dans
l’anxiété généralisée (D’après 1).
Repondeurs : HAM-A ≤ 10
12 S ouvert
Au moins 24 S
double aveugle 2 S échec
ESC 10-20 mg ESC 20 mg
PBO
n = 186
n = 491 n = 187
Non-répondeurs quittent l’étude
120
Au moins 24 S
(maximum 76 S)
• Pendant la période en ouvert, les patients reçoivent escitalo-
pram 10 mg la 1re semaine et escitalopram 20 mg les 11 semaines
restantes.
• Répondeurs = patients avec une diminution à l’HAM-A total ≤ 10
à S 12.
• Rechute pendant la période en double aveugle = HAM-A ≥ 15 ou
manque d’efficacité.
Semaines
D’une indication à l’autre : intérêt des études long terme S117
Escitalopram : étude de prévention
des rechutes dans la phobie sociale
La méthodologie de l’étude réalisée ici [6] est la même que
celle de l’essai mené dans l’anxiété généralisée (Fig. 4). Les
patients étaient randomisés en fonction de l’amélioration
aux échelles CGI et de Liebowitz (LSAS), la rechute étant
nie comme une augmentation du score total à l’échelle
LSAS d’au moins 10 par rapport à la semaine 12, ou comme
une réponse non satisfaisante (manque d’ef cacité) de
l’avis de l’investigateur.
Les résultats montrent des chiffres similaires à l’étude
précédente, avec un taux de rechute sous escitalopram
d’environ 20 %, alors qu’il est de plus de 50 % pour le
placebo (Fig. 5).
Escitalopram : étude de prévention
des rechutes dans le trouble obsessif-
compulsif
Malgré les interrogations actuelles sur la pertinence de
laisser le trouble obsessionnel-compulsif au sein des troubles
anxieux, les résultats observés dans cette pathologie avec
l’escitalopram sont également similaires à ceux retrouvés
dans les autres troubles anxieux, avec des posologies
comparables.
Le schéma de l’étude réalisée dans cette indication
(Fig. 6) inclut une randomisation en fonction de
l’amélioration à l’échelle Y-BOCS, et les résultats sont
superposables à ceux retrouvés dans les autres troubles
(Fig. 7).
Figure 3 Prévention des rechutes dans l’anxiété généralisée (D’après 1).
0,0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
0 28 56 84 112 140 168 196 224 252 280 308 336 364 392 420 448 475 504 532
Estimation Kaplan-Meier
Jours
Log-rank valeur p : < 0,001
ESC (n = 186) ; Rechutes : 35 (18,8 %)
PBO (n = 187) ; Rechutes : 105 (56,1 %)
Risque relatif = 4,04
NNT = 2
Figure 4 Escitalopram : étude de prévention des rechutes
dans la phobie sociale (D’après 6).
PBO
ESC 10-20 mg ESC 10-20 mg
Répondeurs : CGI-I 1or
24 S double aveugle
12 S ouvert
n = 181
n = 190
(n = 517) Non-répondeurs quittent l’étude
012 24
Rechute = augmentation du score total LSAS ≥ 10 par rapport à
la semaine 12 ou réponse non satisfaisante (Manque d’efficacité)
de l’avis de l’investigateur
Figure 5 Prévention des rechutes dans la phobie sociale
(D’après 6).
0 50 100 150 200
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
Jours
Probabilité de se sentir bien
Escitalopram (n = 190)
Placebo (n = 181)
p < 0,001, FAS
(22 %)
(50 %)
J.P. BoulengerS118
Conclusion
Les études réalisées dans les troubles anxieux avec
l’escitalopram donnent donc des résultats très comparables
(Fig. 8). En ce qui concerne la tolérance, on retrouve très
peu d’apparition d’effets indésirables au long cours, et
très peu de sorties d’essai du fait d’effets secondaires.
Les rares effets de sevrage observés après plusieurs
mois de traitement concernent surtout des sensations
vertigineuses.
On peut souligner l’intérêt clinique des essais de
prévention de rechute, qui sont ables et faciles à réaliser,
et qui fournissent des informations majeures pour les
troubles chroniques ou récidivants, notamment en ce qui
concerne la pathologie anxieuse.
Les études disponibles con rment l’ef cacité de
l’escitalopram, mais aussi sa bonne tolérance et sa facilité
d’arrêt, à long terme.
En n, les résultats similaires observés quel que soit le
contexte clinique soulèvent la possibilité d’un mécanisme
d’action commun des antidépresseurs dans les troubles
anxieux, et la dépression.
Figure 6 Escitalopram : prévention des rechutes dans le trouble obsessionnel compulsif (D’après 3).
Période I Période II
(16 S en ouvert) (24 S en double aveugle)
50
S16
S17
S40
S44
Inclusion I Inclusion II
Suivi
sécurité
Répondeurs :
(Diminution du score
Y-BOCS ≥ 25 %
n = 157
n = 163
Rechute
Augmentation Y-BOCS ≥ 5
ou manque d’efficacité
Rechute
Augmentation Y-BOCS ≥ 5
ou manque d’efficacité
Placebo
Escitalopram dose fixe 10 ou 20 mg
Escitalopram 10 or 20 mg
dose flexible pendant 12 S.
1re S 10 mg
N = 468
Y-BOCS ≥ 20
Figure 7 Prévention des rechutes dans les TOC (D’après 3).
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1,0
0 4 8 12162024
Période en double aveugle (semaines)
52 % de rechute
23 % de rechute
Risque relatif
= 2,74
Estimation Kaplan-Meier
Escitalopram (n = 157)
Placebo (n = 163)
p < 0,001, ESC vs PBO ; Test log-rank
Figure 8 Escitalopram et troubles anxieux : similarité
dans la prévention des rechutes (D’après 1, 3, 6).
0
12
20
30
40
50
60
TAS TAG TOC
Escitalopram
Placebo
*** p < 0,001
***
***
***
Taux de rechute
D’une indication à l’autre : intérêt des études long terme S119
Références
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Clin Psychiatry. 2005 Oct ; 66 (10) : 1270-8 Comment in : Evid
Based Ment Health. 2006 May ; 9 (2) : 52.
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