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L’Encéphale (2008) 34, 17—22
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
MÉMOIRE ORIGINAL
La schizotypie : évolution d’un concept
The schizotypal personality disorder: Historical
origins and current status
A. Laguerre a,b,c,∗, M. Leboyer a,b,c, F. Schürhoff a,b,c
a
Département hospitalo-universitaire de psychiatrie adulte, hôpital Albert-Chenevier, AP—HP, 40 rue Mesly, groupe
Henri-Mondor—Albert-Chenevier, 94000 Créteil, France
b
Inserm, unité 841, IMRB, département génétique, eq 15, 94000 Créteil, France
c
Faculté de médecine, IFR10, université Paris—12, 94000 Créteil, France
Reçu le 24 août 2006 ; accepté le 19 mars 2007
Disponible sur Internet le 6 septembre 2007
MOTS CLÉS
Schizotypie ;
Trouble bipolaire ;
Schizophrénie ;
Approche
catégorielle ;
Approche
dimensionnelle
KEYWORDS
Schizotypal
personality disorder;
Bipolar disorder;
Schizophrenia;
∗
Résumé La schizotypie est un concept nosographique récent élaboré par Spitzer à la fin
des années 1970, reposant sur l’analyse des caractéristiques des apparentés de sujets schizophrènes ayant participé aux études d’adoption réalisées par Kety, Wender et Rosenthal
dans la même décade. Cependant, cette entité trouve ses bases dans des observations plus
anciennes datant du début du siècle dernier et révélant certaines particularités comportementales et émotionnelles des apparentés de patients schizophrènes. Néanmoins, sa place
au sein de nos nosographies actuelles reste incertaine, tantôt classée dans les troubles de la
personnalité, tantôt dans la même catégorie que les troubles du spectre schizophrénique. Les
avancées récentes concernant l’approche dimensionnelle des psychoses montrent une évolution
du concept qui, d’un trouble étroitement lié à la schizophrénie, devient un trouble plus largement lié au concept de psychose unitaire et notamment, montrant des intrications avec le
trouble bipolaire de l’humeur.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Summary
Background. — The schizotypal personality disorder is a recent psychiatric nosological concept
developed by Spitzer at the end of the 1970s, based on the analysis of the characteristics of
relatives of schizophrenic subjects included in the adoption studies carried out in the same
decade by Kety, Wender and Rosenthal.
Historical aspects. — However, this entity is based on older observations, at the beginning of
the past century, showing common behavioural characteristics in relatives of schizophrenics. Its
status within our current nosography remains dubious, sometimes classified among personality
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Laguerre).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2007.07.007
18
Nosological approach;
Dimensional approach
A. Laguerre et al.
disorders, sometimes in the schizophrenia spectrum disorders. It is interesting to present the
origins of this concept that stem from two complementary approaches: a family approach and a
clinical approach of sporadic cases and then to redefine the framework within which the diagnostic approach was based and its continuity, up until our current classifications, the DSM and CIM.
Current status. — The historical origins cannot summarize the disorder and it appears important to redefine the multidimensional characteristics of the schizotypal personality disorder,
generally a three-factor model. Indeed, dimensional models of psychosis are becoming established as conceptually and clinically useful. Recent studies on the dimensionality of psychosis
show an evolution of the schizotypal concept, initially defined as being part of the schizophrenia
spectrum and which now appears to be more broadly linked to a concept of unitary psychosis,
including the bipolar disorder.
Conclusion. — Dimensions of psychosis seem to be associated with different familial aggregation and risk of psychosis, suggesting that they are underlined by different physiopathological
processes. Hence, the dimensional approach can help to disentangle the genetic heterogeneity
of the disease.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Apparu au siècle dernier, le concept de schizotypie, basé
sur des descriptions symptomatiques élaborées à partir
d’observations cliniques, a ensuite été exploré via diverses
études afin d’en préciser les liens avec certaines entités des
classifications actuelles. Aussi, nous nous proposons de faire
le point sur l’évolution de ce concept.
Les précurseurs du concept
La description des caractéristiques cliniques de personnalités du « spectre de la schizophrénie » a été basée,
d’une part, sur une approche familiale et d’autre part, sur
l’observation de cas sporadiques.
Approche familiale
Dès le début du xxe siècle, de nombreux cliniciens ont
rapporté l’existence de symptômes rappelant ceux de la
schizophrénie chez certains de leurs apparentés non psychotiques.
Kraepelin [23] et Bleuler [8] ont fait naı̂tre le concept
de spectre de la schizophrénie, notant souvent, chez les
apparentés des sujets souffrant de « démence précoce »,
des symptômes atténués de la maladie (bizarrerie,
excentricité, pauvreté des relations sociales et interpersonnelles, pensées inhabituelles). Bleuler nomme cette
forme atténuée d’aspect non psychotique, « schizophrénie
latente », la maladie ou « schizophrénie chronique » n’étant
que l’exagération des traits cliniques préexistants dans les
familles des patients.
Kretschmer [24] détailla les troubles de la personnalité
des apparentés de schizophrènes et élabora une théorie sur
les tempéraments, dans laquelle schizophrénie et psychose
maniacodépressive sont l’exagération de tempéraments non
pathologiques, « schizothyme » ou « cyclothyme », observés
chez les apparentés, appelés « schizoı̈de » ou « cycloı̈de »
lorsqu’ils deviennent pathologiques.
Enfin, Kallmann [17] analysa plus systématiquement
la psychopathologie des apparentés de schizophrènes.
Il décrivit deux types de personnalités (« excentriqueborderline » et « schizoı̈de psychopathe ») qui, avec les
cas patents et douteux de schizophrénie, constituent « le
groupe des anomalies schizoformes » ou « complexe des
maladies schizophréniques » où les sujets présentent de
fréquentes préoccupations excentriques et autistiques et
un « défaut » commun du fonctionnement émotionnel et
social.
Parallèlement, des études de sujets sans antécédents
familiaux mais ayant certains traits fondamentaux de schizophrénie sans psychose chronique ni de détérioration sévère
ont été faites.
Étude des cas sporadiques
Zilboorg [41] décrit les « schizophrénies ambulatoires » chez
des sujets apparemment normaux, adaptés au travail mais
ayant des signes atténués du trouble (introversion, absence
d’amis intimes, tendance à confondre réel et imaginaire). Il
distingua les notions d’état et de trait psychopathologiques,
suggérant que ces sujets souffrent de la même vulnérabilité
que les schizophrènes ou trait symptomatique mais sans
souffrir de l’état schizophrénique.
Deutsch [12] décrit la « personnalité As-if », qui lui paraı̂t
liée à la schizophrénie par la similitude de certains traits
avec des éléments prémorbides de la maladie (manque
d’investissement affectif des relations interpersonnelles,
vide interne, troubles identitaires).
Enfin, Hoch et Catell [16] développèrent des critères permettant d’identifier les sujets non psychotiques mais ayant
une psychopathologie liée à la schizophrénie et identifièrent
une personnalité vulnérable à un développement plus tardif de schizophrénie, la « schizophrénie pseudonévrotique »,
caractérisée par trois symptômes principaux : « pananxiété », « pan-sexualité », « pan-névrose ». Des troubles du
cours de la pensée, de l’identité, du schéma corporel, des
affects inappropriés et labiles et des épisodes psychotiques
transitoires peuvent aussi exister.
Naissance du concept
Rado [28], afin d’individualiser les troubles reflétant une
prédisposition génétique à la schizophrénie et susceptibles
La schizotypie : évolution d’un concept
d’en favoriser le développement émit l’hypothèse d’une
interaction de l’environnement avec une prédisposition
héritée. Il introduisit le terme schizotype, condensation de
schizophrenic genotype, afin de classifier ces sujets non
psychotiques génétiquement liés à des schizophrènes et
ayant toute leur vie un potentiel de décompensation vers
la schizophrénie sous l’effet d’un stress environnemental.
Ces sujets présentent divers traits de personnalité avant
l’éventuelle décompensation et partagent avec les schizophrènes certaines caractéristiques : anhédonie (principal
trait), restriction des affects et des relations interpersonnelles, capacité d’empathie altérée, surdépendance à
autrui et altération de la conscience de leur corps. Cette
approche repose sur la qualité des relations interpersonnelles et le fonctionnement du sujet sans tenir compte des
distorsions cognitives.
Meehl poursuivit ce travail et décrivit un modèle de
vulnérabilité génétique, « modèle de schizotaxie schizotypie » où les sujets schizotypiques partagent avec les schizophrènes une anomalie génétiquement déterminée de la
sélectivité du signal synaptique (hypokrisia), entraı̂nant une
altération neurophysiologique (schizotaxie) caractérisée par
une anomalie de l’acquisition et l’activation des fonctions
perceptive, sémantique, motivationnelle et affective du
sujet. Quatre traits cliniques principaux reflètent le déficit
hérité : anhédonie, aversion des relations sociales ou interpersonnelles, ambivalence et distorsions cognitives. Tous
les sujets prédisposés ont une personnalité schizotypique
mais seuls certains décompensent vers une schizophrénie
sous l’action d’autres gènes ou de facteurs environnementaux, faisant de la schizotaxie une condition nécessaire mais
insuffisante à l’apparition d’une schizophrénie [26].
Tsuang et al. [36] s’appuyant sur les données neuropsychologiques et dimensionnelles ont récemment approfondi
le concept de schizotaxie et défini la schizotypie négative
(versus positive) comme le reflet clinique de ce concept,
celle-ci apparaissant plus volontiers liée à l’existence d’une
histoire familiale de schizophrénie.
Approche catégorielle
Les critères du DSM
Lors de l’élaboration des critères diagnostiques du DSM-III
[2], Spitzer et al. [34] définirent les huit items caractérisant
au mieux la schizotypie à partir des études d’adoption
de Kety et al. [22] où le terme borderline qualifiait
à la fois, des sujets caractériellement instables et les
schizophrènes borderline ayant des particularités cognitives, initialement identifiées chez les apparentés de
schizophrènes (pensée étrange, discours flou, distorsions
cognitives brèves, dépersonnalisation, relation interpersonnelle superficielle, manque d’affect et anhédonie).
Cinq critères reflètent une perturbation de l’organisation
perceptuelle cognitive, trois l’adaptation sociale et le
fonctionnement interpersonnel et quatre sont requis pour
le diagnostic. Le concept de schizotypie a peu évolué
depuis, le nombre ou la formulation des critères ayant
peu changé jusqu’au DSM-IV-R [3] où les troubles de la
personnalité du cluster A de l’axe II (paranoı̈aque, schizotypique et schizoı̈de) semblent admis comme appartenant
19
au spectre de la schizophrénie. La personnalité schizotypique y est définie par neuf critères, cinq étant requis
pour le diagnostic : idées de références non délirantes,
croyances bizarres, perceptions inhabituelles, langage et
pensée bizarres, idéation méfiante, affects inadaptés ou
pauvres, comportement ou aspect bizarre ou excentrique,
peu ou pas d’amis proches ou de confidents en dehors des
parents de premier degré et anxiété sociale excessive due
à des craintes persécutoires plus qu’à un jugement négatif
de soi-même.
Les critères de la CIM-10
Bien que les définitions générales des troubles de la
personnalité DSM et CIM-10 [27] soient très proches,
la schizotypie n’y est pas intégrée mais figure dans la
section schizophrénie. Elle se caractérise par un comportement excentrique, des anomalies de la pensée et des
affects ressemblant à ceux de la schizophrénie mais sans
anomalie schizophrénique manifeste durant son évolution
qui est chronique, fluctuante et de début difficile à
dater. Le diagnostic requiert durant au moins deux ans,
au moins trois des neuf critères qui sont proches de
ceux du DSM-IV-R (affects inappropriés, comportement
bizarre excentrique, contact pauvre et tendance au retrait
social, croyances et idées bizarres ou magiques, méfiance
ou idéation persécutoire, perceptions inhabituelles et
expériences de dépersonnalisation ou déréalisation, pensée
vague et discours bizarre) mais deux n’ont pas d’équivalence
(ruminations obsessionnelles souvent dysmorphophobiques,
sexuelles ou agressives contre lesquelles le sujet ne lutte
pas ; épisodes transitoires quasi psychotiques avec illusions,
hallucinations et idées pseudo-délirantes). Les théories
génétiques sont évoquées avec un trouble plus fréquent
chez les apparentés de schizophrènes et un diagnostic plus
probable si un apparenté est schizophrène. L’absence de
différence nette avec la schizophrénie simple ou les personnalités schizoı̈de ou paranoı̈aque est précisée et, bien
que l’évolution soit habituellement celle d’un trouble de
la personnalité, elle se fait parfois vers une schizophrénie
manifeste.
Approche dimensionnelle
À côté de l’approche catégorielle et critériologique,
l’approche dimensionnelle de la schizotypie s’est
développée ces dernières années et a été explorée
via divers instruments et populations. Vollema et van den
Bosch [38] ont notamment réalisé une revue de la littérature
portant sur neuf études ayant effectué des analyses factorielles des échelles de schizotypie. Ces études portant
sur des groupes de population distincts et employant un
nombre variable d’échelles ont montré que trois, voire
quatre facteurs étaient le plus souvent isolés par celles-ci.
Mais la plupart des études s’accordent sur une structure
à trois facteurs comme la plus adaptée dans la description des symptômes schizotypiques : positif (aberrations
perceptuelles, idéations magiques), négatif (anhédonie,
introversion) et désorganisé (anxiété sociale, troubles
attentionnels) [7,15,30] et qui semble généralisable à
toute population quels que soient la culture, la religion,
PAS : physical anhedonia scale ; SIS : structured interview for schizotypy ; SIDP-R : structured interview for DSM-III-R personality disorders-revised ; SPQ : schizotypal personality
questionnaire.
3
Confirmatoire
(huit modèles)
DSM-III-R
SPQ
Sujets issus de la
population générale,
schizophrènes
Rossi et
Daneluzzo [30]
Bergman et al. [7]
Étudiants issus de la
population générale
Apparentés 1er degré
de schizophrènes
Gruzelier [15]
DSM-III-R
Confirmatoire
(cinq modèles)
3
Actif, retrait,
déréalisation
Cognitif-perceptuel,
interpersonnel,
désorganisation
Cognitif-perceptuel,
interpersonnel,
désorganisation
3
Exploratoire
Type
SPQ, PAS, Thayer
scale
SIDP-R + SIS
Analyse
factorielle
Critères
Instrument
Population
Référence
Résultats obtenus lors de la réalisation d’analyses factorielles dans la schizotypie.
Tableau 1
Nombre
A. Laguerre et al.
Facteurs
20
le sex-ratio, la psychopathologie ou le statut social [29]
(Tableau 1).
Relation entre schizotypie et psychose
La recherche d’un lien entre schizophrénie et trouble bipolaire suscite beaucoup d’intérêt. Aussi, depuis la description
de sujets schizotypiques parmi les apparentés de schizophrènes et le développement des études génétiques,
l’exploration du lien entre schizotypie et troubles psychotiques et en particulier avec la schizophrénie et le trouble
bipolaire s’est développée.
Schizotypie et schizophrénie
La génétique épidémiologique met en évidence un lien
génétique entre schizophrénie et schizotypie avec une
agrégation familiale de la schizotypie dans les familles de
schizophrènes [1,18] (prévalence de schizotypie de 10 à 15 %
chez les apparentés de premier degré de schizophrènes,
contre 3 % en population générale [9]) et une prévalence de
schizotypie plus importante chez les apparentés biologiques
de schizophrènes adoptés que de sujets témoins dans les
études d’adoption [19,22]. De plus, il s’agit du trouble de la
personnalité le plus fréquent chez ces apparentés [18].
Il existe aussi une transmission familiale de la schizophrénie dans les familles de sujets schizotypiques avec
une prévalence de schizophrénie augmentée chez les apparentés de sujets schizotypiques, atteignant 4—5 % [5,6,9],
contre 1 % en population générale [9], transmission semblant également sous-tendue par l’intervention de facteurs
génétiques avec un risque de schizophrénie plus important
chez les apparentés biologiques d’adoptés schizotypiques
(prévalence de 6,9 %) que d’adoptés témoins [22]. Enfin, le
risque de schizophrénie ou de schizotypie augmente avec le
nombre de parents atteints de schizotypie [4].
Ainsi, schizophrénie et schizotypie semblent partager des
facteurs de vulnérabilité génétique communs.
Schizotypie et trouble bipolaire
Diverses études ont également révélé un lien entre trouble
bipolaire et schizotypie, avec une prévalence de symptômes
schizotypiques similaire entre apparentés de schizophrènes
et de bipolaires [33,35,40]. Il existe une agrégation familiale de la schizotypie dans les familles de bipolaires avec
une prévalence de schizotypie plus importante (13,5 %) chez
les apparentés biologiques de sujets adoptés souffrant de
troubles thymiques, que de sujets témoins et similaire à
celle chez les apparentés biologiques d’adoptés schizophrènes [22].
Enfin, un taux significativement augmenté de troubles
thymiques a été rapporté chez les apparentés de proposants
schizotypiques [31].
Ainsi, bien que moins communément admis que pour la
schizophrénie, il semble que trouble bipolaire et schizotypie
puissent partager des facteurs de vulnérabilité génétique
communs.
La schizotypie : évolution d’un concept
Schizotypie et vulnérabilité à la psychose
Ainsi, la schizotypie apparaı̂t non pas associée
spécifiquement à la schizophrénie mais une caractéristique
générale des apparentés de sujets psychotiques et un
possible endophénotype clinique transnosographique de
la psychose. Ou comme suggéré par Kendler et al. [20],
il existe un spectre de la schizophrénie consistant en un
grand éventail de troubles psychotiques, incluant le trouble
bipolaire délirant et la schizotypie qui pourraient en partie
être sous l’influence de mécanismes physiopathologiques
communs.
Il apparaı̂t de plus en plus qu’étudier les troubles dans
une approche dimensionnelle plutôt que catégorielle en
permet une approche plus fine dans une définition moins
hétérogène d’une même vulnérabilité. Notamment, les
trois dimensions, qu’il s’agisse de celles de la schizotypie
ou de la schizophrénie, semblent présenter des patterns
d’agrégation et de risque familiaux différents, suggérant des
mécanismes physiopathologiques spécifiques à chacune, ce
qui dans une approche uniquement catégorielle du trouble
serait négligé.
La dimension positive n’apparaı̂t pas familiale
[10,33,37,39] et n’accroı̂t pas le risque familial de
psychose [10,11,33,37]. La dimension négative apparaı̂t
familiale [32,33,37,39] mais n’augmente pas le risque
familial de psychose [10,19,33].
La dimension de désorganisation apparaı̂t selon les
études, soit familiale [21,25], soit non familiale [39] et est
associée à un risque familial accru de psychose (schizophrénie et trouble bipolaire délirant) chez les proposants
schizophrènes ou bipolaires [10,11,37] comme chez leurs
apparentés non psychotiques [33], suggérant un continuum
de risque dans les familles. Cette dimension pourrait ainsi
être un marqueur de vulnérabilité aux troubles psychotiques et être utile en génétique moléculaire, les études
menées chez les apparentés schizotypiques présentant
l’intérêt d’explorer des sujets ayant une vulnérabilité
génétique commune avec les patients mais dont l’expression
phénotypique n’est pas altérée par l’influence des traitements ou de la maladie. Des études de biologie moléculaire
cherchant des associations entre des gènes candidats et
des dimensions spécifiques ont déjà été réalisées. Ainsi,
Fanous et al. [13] rapportent, dans une population de schizophrènes, une association entre un haplotype du gène
de la dysbindine et la dimension négative, dont il serait
intéressant de s’assurer de l’existence chez leurs apparentés
sains.
Conclusion
La schizotypie est une entité nosographique récente en
évolution, dont la définition a été élaborée sur l’observation
des traits de personnalité caractéristiques des apparentés
de schizophrènes. Outre l’étroite concordance de la structure tridimensionnelle de la schizotypie avec celle de la
schizophrénie [14,15] et l’existence d’anomalies neurophysiologiques et cognitives communes [9], son appartenance
au spectre de la schizophrénie ainsi que l’héritabilité et
l’existence d’un lien génétique avec la schizophrénie ont
été mis en évidence par la génétique épidémiologique.
21
Notamment, le risque de schizotypie est accru chez les apparentés de schizophrènes, comme le risque de schizophrénie
chez les apparentés de sujets schizotypiques, suggérant
des bases étiopathogéniques communes aux deux entités.
Cependant, alors que la schizotypie est incluse dans le
spectre de la schizophrénie, elle semble également liée au
trouble bipolaire avec une prévalence accrue chez les apparentés de bipolaires et une fréquence accrue de troubles
thymiques chez les apparentés de sujets schizotypiques.
La schizotypie entame donc un glissement conceptuel. Par
ailleurs, il apparaı̂t qu’une définition dimensionnelle du
trouble permet d’étudier plus précisément ce phénotype
et une approche plus fine de l’intrication avec les autres
troubles, comme en témoignent les différents patterns
d’agrégation et de risque familiaux de psychose liés à ces
dimensions. Mais de nombreuses recherches restent à faire,
afin de mieux préciser les liens génétiques et environnementaux unissant schizophrénie, schizotypie et trouble
bipolaire.
Remerciements
Les auteurs remercient Marie-José De Sousa et Emmanuelle
Abadie pour leur aide technique.
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