L’Encéphale (2008) 34, 17—22
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
M´
EMOIRE ORIGINAL
La schizotypie : ´
evolution d’un concept
The schizotypal personality disorder: Historical
origins and current status
A. Laguerrea,b,c,, M. Leboyera,b,c,F.Sch
¨
urhoffa,b,c
aD´
epartement hospitalo-universitaire de psychiatrie adulte, hˆ
opital Albert-Chenevier, AP—HP, 40 rue Mesly, groupe
Henri-Mondor—Albert-Chenevier, 94000 Cr´
eteil, France
bInserm, unit´
e 841, IMRB, d´
epartement g´
en´
etique, eq 15, 94000 Cr´
eteil, France
cFacult´
edem
´
edecine, IFR10, universit´
e Paris—12, 94000 Cr´
eteil, France
Rec¸u le 24 aoˆ
ut 2006 ; accepté le 19 mars 2007
Disponible sur Internet le 6 septembre 2007
MOTS CL´
ES
Schizotypie ;
Trouble bipolaire ;
Schizophr´
enie ;
Approche
cat´
egorielle ;
Approche
dimensionnelle
R´
esum´
eLa schizotypie est un concept nosographique r´
ecent ´
elabor´
e par Spitzer `
alafin
des ann´
ees 1970, reposant sur l’analyse des caract´
eristiques des apparent´
es de sujets schi-
zophr`
enes ayant particip´
e aux ´
etudes d’adoption r´
ealis´
ees par Kety, Wender et Rosenthal
dans la mˆ
eme d´
ecade. Cependant, cette entit´
e trouve ses bases dans des observations plus
anciennes datant du d´
ebut du si`
ecle dernier et r´
ev´
elant certaines particularit´
es comporte-
mentales et ´
emotionnelles des apparent´
es de patients schizophr`
enes. N´
eanmoins, sa place
au sein de nos nosographies actuelles reste incertaine, tantˆ
ot class´
ee dans les troubles de la
personnalit´
e, tantˆ
ot dans la mˆ
eme cat´
egorie que les troubles du spectre schizophr´
enique. Les
avanc´
ees r´
ecentes concernant l’approche dimensionnelle des psychoses montrent une ´
evolution
du concept qui, d’un trouble ´
etroitement li´
e`
a la schizophr´
enie, devient un trouble plus lar-
gement li´
e au concept de psychose unitaire et notamment, montrant des intrications avec le
trouble bipolaire de l’humeur.
© L’Enc´
ephale, Paris, 2008.
KEYWORDS
Schizotypal
personality disorder;
Bipolar disorder;
Schizophrenia;
Summary
Background. — The schizotypal personality disorder is a recent psychiatric nosological concept
developed by Spitzer at the end of the 1970s, based on the analysis of the characteristics of
relatives of schizophrenic subjects included in the adoption studies carried out in the same
decade by Kety, Wender and Rosenthal.
Historical aspects. — However, this entity is based on older observations, at the beginning of
the past century, showing common behavioural characteristics in relatives of schizophrenics. Its
status within our current nosography remains dubious, sometimes classified among personality
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : audrey[email protected] (A. Laguerre).
0013-7006/$ — see front matter © L’Enc´
ephale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2007.07.007
18 A. Laguerre et al.
Nosological approach;
Dimensional approach
disorders, sometimes in the schizophrenia spectrum disorders. It is interesting to present the
origins of this concept that stem from two complementary approaches: a family approach and a
clinical approach of sporadic cases and then to redefine the framework within which the diagnos-
tic approach was based and its continuity, up until our current classifications, the DSM and CIM.
Current status. — The historical origins cannot summarize the disorder and it appears impor-
tant to redefine the multidimensional characteristics of the schizotypal personality disorder,
generally a three-factor model. Indeed, dimensional models of psychosis are becoming esta-
blished as conceptually and clinically useful. Recent studies on the dimensionality of psychosis
show an evolution of the schizotypal concept, initially defined as being part of the schizophrenia
spectrum and which now appears to be more broadly linked to a concept of unitary psychosis,
including the bipolar disorder.
Conclusion. — Dimensions of psychosis seem to be associated with different familial aggrega-
tion and risk of psychosis, suggesting that they are underlined by different physiopathological
processes. Hence, the dimensional approach can help to disentangle the genetic heterogeneity
of the disease.
© L’Enc´
ephale, Paris, 2008.
Apparu au si`
ecle dernier, le concept de schizotypie, bas´
e
sur des descriptions symptomatiques ´
elabor´
ees `
a partir
d’observations cliniques, a ensuite ´
et´
e explor´
e via diverses
´
etudes afin d’en pr´
eciser les liens avec certaines entit´
es des
classifications actuelles. Aussi, nous nous proposons de faire
le point sur l’´
evolution de ce concept.
Les pr´
ecurseurs du concept
La description des caract´
eristiques cliniques de person-
nalit´
es du «spectre de la schizophr´
enie »a´
et´
e bas´
ee,
d’une part, sur une approche familiale et d’autre part, sur
l’observation de cas sporadiques.
Approche familiale
D`
es le d´
ebut du xxesi`
ecle, de nombreux cliniciens ont
rapport´
e l’existence de symptˆ
omes rappelant ceux de la
schizophr´
enie chez certains de leurs apparent´
es non psy-
chotiques.
Kraepelin [23] et Bleuler [8] ont fait naˆ
ıtre le concept
de spectre de la schizophr´
enie, notant souvent, chez les
apparent´
es des sujets souffrant de «d´
emence pr´
ecoce »,
des symptˆ
omes att´
enu´
es de la maladie (bizarrerie,
excentricit´
e, pauvret´
e des relations sociales et interper-
sonnelles, pens´
ees inhabituelles). Bleuler nomme cette
forme att´
enu´
ee d’aspect non psychotique, «schizophr´
enie
latente », la maladie ou «schizophr´
enie chronique »n’´
etant
que l’exag´
eration des traits cliniques pr´
eexistants dans les
familles des patients.
Kretschmer [24] d´
etailla les troubles de la personnalit´
e
des apparent´
es de schizophr`
enes et ´
elabora une th´
eorie sur
les temp´
eraments, dans laquelle schizophr´
enie et psychose
maniacod´
epressive sont l’exag´
eration de temp´
eraments non
pathologiques, «schizothyme »ou «cyclothyme », observ´
es
chez les apparent´
es, appel´
es «schizo¨
ıde »ou «cyclo¨
ıde »
lorsqu’ils deviennent pathologiques.
Enfin, Kallmann [17] analysa plus syst´
ematiquement
la psychopathologie des apparent´
es de schizophr`
enes.
Il d´
ecrivit deux types de personnalit´
es («excentrique-
borderline »et «schizo¨
ıde psychopathe ») qui, avec les
cas patents et douteux de schizophr´
enie, constituent «le
groupe des anomalies schizoformes »ou «complexe des
maladies schizophr´
eniques »o`
u les sujets pr´
esentent de
fr´
equentes pr´
eoccupations excentriques et autistiques et
un «d´
efaut »commun du fonctionnement ´
emotionnel et
social.
Parall`
element, des ´
etudes de sujets sans ant´
ec´
edents
familiaux mais ayant certains traits fondamentaux de schizo-
phr´
enie sans psychose chronique ni de d´
et´
erioration s´
ev`
ere
ont ´
et´
e faites.
´
Etude des cas sporadiques
Zilboorg [41] d´
ecrit les «schizophr´
enies ambulatoires »chez
des sujets apparemment normaux, adapt´
es au travail mais
ayant des signes att´
enu´
es du trouble (introversion, absence
d’amis intimes, tendance `
a confondre r´
eel et imaginaire). Il
distingua les notions d’´
etat et de trait psychopathologiques,
sugg´
erant que ces sujets souffrent de la mˆ
eme vuln´
erabilit´
e
que les schizophr`
enes ou trait symptomatique mais sans
souffrir de l’´
etat schizophr´
enique.
Deutsch [12] d´
ecrit la «personnalit´
eAs-if », qui lui paraˆ
ıt
li´
ee `
a la schizophr´
enie par la similitude de certains traits
avec des ´
el´
ements pr´
emorbides de la maladie (manque
d’investissement affectif des relations interpersonnelles,
vide interne, troubles identitaires).
Enfin, Hoch et Catell [16] d´
evelopp`
erent des crit`
eres per-
mettant d’identifier les sujets non psychotiques mais ayant
une psychopathologie li´
ee `
a la schizophr´
enie et identifi`
erent
une personnalit´
e vuln´
erable `
aund
´
eveloppement plus tar-
dif de schizophr´
enie, la «schizophr´
enie pseudon´
evrotique »,
caract´
eris´
ee par trois symptˆ
omes principaux : «pan-
anxi´
et´
e»,«pan-sexualit´
e»,«pan-n´
evrose ». Des troubles du
cours de la pens´
ee, de l’identit´
e, du sch´
ema corporel, des
affects inappropri´
es et labiles et des ´
episodes psychotiques
transitoires peuvent aussi exister.
Naissance du concept
Rado [28], afin d’individualiser les troubles refl´
etant une
pr´
edisposition g´
en´
etique `
a la schizophr´
enie et susceptibles
La schizotypie : évolution d’un concept 19
d’en favoriser le d´
eveloppement ´
emit l’hypoth`
ese d’une
interaction de l’environnement avec une pr´
edisposition
h´
erit´
ee. Il introduisit le terme schizotype, condensation de
schizophrenic genotype, afin de classifier ces sujets non
psychotiques g´
en´
etiquement li´
es `
a des schizophr`
enes et
ayant toute leur vie un potentiel de d´
ecompensation vers
la schizophr´
enie sous l’effet d’un stress environnemental.
Ces sujets pr´
esentent divers traits de personnalit´
e avant
l’´
eventuelle d´
ecompensation et partagent avec les schi-
zophr`
enes certaines caract´
eristiques : anh´
edonie (principal
trait), restriction des affects et des relations interper-
sonnelles, capacit´
e d’empathie alt´
er´
ee, surd´
ependance `
a
autrui et alt´
eration de la conscience de leur corps. Cette
approche repose sur la qualit´
e des relations interperson-
nelles et le fonctionnement du sujet sans tenir compte des
distorsions cognitives.
Meehl poursuivit ce travail et d´
ecrivit un mod`
ele de
vuln´
erabilit´
eg
´
en´
etique, «mod`
ele de schizotaxie schizoty-
pie »o`
u les sujets schizotypiques partagent avec les schi-
zophr`
enes une anomalie g´
en´
etiquement d´
etermin´
ee de la
s´
electivit´
e du signal synaptique (hypokrisia), entraˆ
ınant une
alt´
eration neurophysiologique (schizotaxie) caract´
eris´
ee par
une anomalie de l’acquisition et l’activation des fonctions
perceptive, s´
emantique, motivationnelle et affective du
sujet. Quatre traits cliniques principaux refl`
etent le d´
eficit
h´
erit´
e : anh´
edonie, aversion des relations sociales ou inter-
personnelles, ambivalence et distorsions cognitives. Tous
les sujets pr´
edispos´
es ont une personnalit´
e schizotypique
mais seuls certains d´
ecompensent vers une schizophr´
enie
sous l’action d’autres g`
enes ou de facteurs environnemen-
taux, faisant de la schizotaxie une condition n´
ecessaire mais
insuffisante `
a l’apparition d’une schizophr´
enie [26].
Tsuang et al. [36] s’appuyant sur les donn´
ees neuropsy-
chologiques et dimensionnelles ont r´
ecemment approfondi
le concept de schizotaxie et d´
efini la schizotypie n´
egative
(versus positive) comme le reflet clinique de ce concept,
celle-ci apparaissant plus volontiers li´
ee `
a l’existence d’une
histoire familiale de schizophr´
enie.
Approche cat´
egorielle
Les crit`
eres du DSM
Lors de l’´
elaboration des crit`
eres diagnostiques du DSM-III
[2], Spitzer et al. [34] d´
efinirent les huit items caract´
erisant
au mieux la schizotypie `
a partir des ´
etudes d’adoption
de Kety et al. [22] o`
u le terme borderline qualifiait
`
a la fois, des sujets caract´
eriellement instables et les
schizophr`
enes borderline ayant des particularit´
es cog-
nitives, initialement identifi´
ees chez les apparent´
es de
schizophr`
enes (pens´
ee ´
etrange, discours flou, distorsions
cognitives br`
eves, d´
epersonnalisation, relation interper-
sonnelle superficielle, manque d’affect et anh´
edonie).
Cinq crit`
eres refl`
etent une perturbation de l’organisation
perceptuelle cognitive, trois l’adaptation sociale et le
fonctionnement interpersonnel et quatre sont requis pour
le diagnostic. Le concept de schizotypie a peu ´
evolu´
e
depuis, le nombre ou la formulation des crit`
eres ayant
peu chang´
e jusqu’au DSM-IV-R [3] o`
u les troubles de la
personnalit´
e du cluster A de l’axe II (parano¨
ıaque, schizo-
typique et schizo¨
ıde) semblent admis comme appartenant
au spectre de la schizophr´
enie. La personnalit´
e schizoty-
pique y est d´
efinie par neuf crit`
eres, cinq ´
etant requis
pour le diagnostic : id´
ees de r´
ef´
erences non d´
elirantes,
croyances bizarres, perceptions inhabituelles, langage et
pens´
ee bizarres, id´
eation m´
efiante, affects inadapt´
es ou
pauvres, comportement ou aspect bizarre ou excentrique,
peu ou pas d’amis proches ou de confidents en dehors des
parents de premier degr´
e et anxi´
et´
e sociale excessive due
`
a des craintes pers´
ecutoires plus qu’`
a un jugement n´
egatif
de soi-mˆ
eme.
Les crit`
eres de la CIM-10
Bien que les d´
efinitions g´
en´
erales des troubles de la
personnalit´
e DSM et CIM-10 [27] soient tr`
es proches,
la schizotypie n’y est pas int´
egr´
ee mais figure dans la
section schizophr´
enie. Elle se caract´
erise par un compor-
tement excentrique, des anomalies de la pens´
ee et des
affects ressemblant `
a ceux de la schizophr´
enie mais sans
anomalie schizophr´
enique manifeste durant son ´
evolution
qui est chronique, fluctuante et de d´
ebut difficile `
a
dater. Le diagnostic requiert durant au moins deux ans,
au moins trois des neuf crit`
eres qui sont proches de
ceux du DSM-IV-R (affects inappropri´
es, comportement
bizarre excentrique, contact pauvre et tendance au retrait
social, croyances et id´
ees bizarres ou magiques, m´
efiance
ou id´
eation pers´
ecutoire, perceptions inhabituelles et
exp´
eriences de d´
epersonnalisation ou d´
er´
ealisation, pens´
ee
vague et discours bizarre) mais deux n’ont pas d’´
equivalence
(ruminations obsessionnelles souvent dysmorphophobiques,
sexuelles ou agressives contre lesquelles le sujet ne lutte
pas ; ´
episodes transitoires quasi psychotiques avec illusions,
hallucinations et id´
ees pseudo-d´
elirantes). Les th´
eories
g´
en´
etiques sont ´
evoqu´
ees avec un trouble plus fr´
equent
chez les apparent´
es de schizophr`
enes et un diagnostic plus
probable si un apparent´
e est schizophr`
ene. L’absence de
diff´
erence nette avec la schizophr´
enie simple ou les per-
sonnalit´
es schizo¨
ıde ou parano¨
ıaque est pr´
ecis´
ee et, bien
que l’´
evolution soit habituellement celle d’un trouble de
la personnalit´
e, elle se fait parfois vers une schizophr´
enie
manifeste.
Approche dimensionnelle
`
Ac
ˆ
ot´
e de l’approche cat´
egorielle et crit´
eriologique,
l’approche dimensionnelle de la schizotypie s’est
d´
evelopp´
ee ces derni`
eres ann´
ees et a ´
et´
e explor´
ee
via divers instruments et populations. Vollema et van den
Bosch [38] ont notamment r´
ealis´
e une revue de la litt´
erature
portant sur neuf ´
etudes ayant effectu´
e des analyses fac-
torielles des ´
echelles de schizotypie. Ces ´
etudes portant
sur des groupes de population distincts et employant un
nombre variable d’´
echelles ont montr´
e que trois, voire
quatre facteurs ´
etaient le plus souvent isol´
es par celles-ci.
Mais la plupart des ´
etudes s’accordent sur une structure
`
a trois facteurs comme la plus adapt´
ee dans la descrip-
tion des symptˆ
omes schizotypiques : positif (aberrations
perceptuelles, id´
eations magiques), n´
egatif (anh´
edonie,
introversion) et d´
esorganis´
e (anxi´
et´
e sociale, troubles
attentionnels) [7,15,30] et qui semble g´
en´
eralisable `
a
toute population quels que soient la culture, la religion,
20 A. Laguerre et al.
Tableau 1 R´
esultats obtenus lors de la r´
ealisation d’analyses factorielles dans la schizotypie.
R´
ef´
erence Population Instrument Crit`
eres Analyse
factorielle
Facteurs
Nombre Type
Gruzelier [15] ´
Etudiants issus de la
population g´
en´
erale
SPQ, PAS, Thayer
scale
Exploratoire 3 Actif, retrait,
d´
er´
ealisation
Bergman et al. [7] Apparent´
es 1er degr´
e
de schizophr`
enes
SIDP-R + SIS DSM-III-R Confirmatoire
(cinq mod`
eles)
3 Cognitif-perceptuel,
interpersonnel,
d´
esorganisation
Rossi et
Daneluzzo [30]
Sujets issus de la
population g´
en´
erale,
schizophr`
enes
SPQ DSM-III-R Confirmatoire
(huit mod`
eles)
3 Cognitif-perceptuel,
interpersonnel,
d´
esorganisation
PAS : physical anhedonia scale ; SIS : structured interview for schizotypy ; SIDP-R : structured interview for DSM-III-R personality disorders-revised ; SPQ : schizotypal personality
questionnaire.
le sex-ratio, la psychopathologie ou le statut social [29]
(Tableau 1).
Relation entre schizotypie et psychose
La recherche d’un lien entre schizophr´
enie et trouble bipo-
laire suscite beaucoup d’int´
erˆ
et. Aussi, depuis la description
de sujets schizotypiques parmi les apparent´
es de schi-
zophr`
enes et le d´
eveloppement des ´
etudes g´
en´
etiques,
l’exploration du lien entre schizotypie et troubles psycho-
tiques et en particulier avec la schizophr´
enie et le trouble
bipolaire s’est d´
evelopp´
ee.
Schizotypie et schizophr´
enie
La g´
en´
etique ´
epid´
emiologique met en ´
evidence un lien
g´
en´
etique entre schizophr´
enie et schizotypie avec une
agr´
egation familiale de la schizotypie dans les familles de
schizophr`
enes [1,18] (pr´
evalence de schizotypie de 10 `
a15%
chez les apparent´
es de premier degr´
e de schizophr`
enes,
contre 3 % en population g´
en´
erale [9]) et une pr´
evalence de
schizotypie plus importante chez les apparent´
es biologiques
de schizophr`
enes adopt´
es que de sujets t´
emoins dans les
´
etudes d’adoption [19,22]. De plus, il s’agit du trouble de la
personnalit´
e le plus fr´
equent chez ces apparent´
es [18].
Il existe aussi une transmission familiale de la schizo-
phr´
enie dans les familles de sujets schizotypiques avec
une pr´
evalence de schizophr´
enie augment´
ee chez les appa-
rent´
es de sujets schizotypiques, atteignant 4—5 % [5,6,9],
contre 1 % en population g´
en´
erale [9], transmission sem-
blant ´
egalement sous-tendue par l’intervention de facteurs
g´
en´
etiques avec un risque de schizophr´
enie plus important
chez les apparent´
es biologiques d’adopt´
es schizotypiques
(pr´
evalence de 6,9 %) que d’adopt´
es t´
emoins [22]. Enfin, le
risque de schizophr´
enie ou de schizotypie augmente avec le
nombre de parents atteints de schizotypie [4].
Ainsi, schizophr´
enie et schizotypie semblent partager des
facteurs de vuln´
erabilit´
eg
´
en´
etique communs.
Schizotypie et trouble bipolaire
Diverses ´
etudes ont ´
egalement r´
ev´
el´
e un lien entre trouble
bipolaire et schizotypie, avec une pr´
evalence de symptˆ
omes
schizotypiques similaire entre apparent´
es de schizophr`
enes
et de bipolaires [33,35,40]. Il existe une agr´
egation fami-
liale de la schizotypie dans les familles de bipolaires avec
une pr´
evalence de schizotypie plus importante (13,5 %) chez
les apparent´
es biologiques de sujets adopt´
es souffrant de
troubles thymiques, que de sujets t´
emoins et similaire `
a
celle chez les apparent´
es biologiques d’adopt´
es schizo-
phr`
enes [22].
Enfin, un taux significativement augment´
e de troubles
thymiques a ´
et´
e rapport´
e chez les apparent´
es de proposants
schizotypiques [31].
Ainsi, bien que moins commun´
ement admis que pour la
schizophr´
enie, il semble que trouble bipolaire et schizotypie
puissent partager des facteurs de vuln´
erabilit´
eg
´
en´
etique
communs.
La schizotypie : évolution d’un concept 21
Schizotypie et vuln´
erabilit´
e`
a la psychose
Ainsi, la schizotypie apparaˆ
ıt non pas associ´
ee
sp´
ecifiquement `
a la schizophr´
enie mais une caract´
eristique
g´
en´
erale des apparent´
es de sujets psychotiques et un
possible endoph´
enotype clinique transnosographique de
la psychose. Ou comme sugg´
er´
e par Kendler et al. [20],
il existe un spectre de la schizophr´
enie consistant en un
grand ´
eventail de troubles psychotiques, incluant le trouble
bipolaire d´
elirant et la schizotypie qui pourraient en partie
ˆ
etre sous l’influence de m´
ecanismes physiopathologiques
communs.
Il apparaˆ
ıt de plus en plus qu’´
etudier les troubles dans
une approche dimensionnelle plutˆ
ot que cat´
egorielle en
permet une approche plus fine dans une d´
efinition moins
h´
et´
erog`
ene d’une mˆ
eme vuln´
erabilit´
e. Notamment, les
trois dimensions, qu’il s’agisse de celles de la schizotypie
ou de la schizophr´
enie, semblent pr´
esenter des patterns
d’agr´
egation et de risque familiaux diff´
erents, sugg´
erant des
m´
ecanismes physiopathologiques sp´
ecifiques `
a chacune, ce
qui dans une approche uniquement cat´
egorielle du trouble
serait n´
eglig´
e.
La dimension positive n’apparaˆ
ıt pas familiale
[10,33,37,39] et n’accroˆ
ıt pas le risque familial de
psychose [10,11,33,37]. La dimension n´
egative apparaˆ
ıt
familiale [32,33,37,39] mais n’augmente pas le risque
familial de psychose [10,19,33].
La dimension de d´
esorganisation apparaˆ
ıt selon les
´
etudes, soit familiale [21,25], soit non familiale [39] et est
associ´
ee `
a un risque familial accru de psychose (schizo-
phr´
enie et trouble bipolaire d´
elirant) chez les proposants
schizophr`
enes ou bipolaires [10,11,37] comme chez leurs
apparent´
es non psychotiques [33], sugg´
erant un continuum
de risque dans les familles. Cette dimension pourrait ainsi
ˆ
etre un marqueur de vuln´
erabilit´
e aux troubles psycho-
tiques et ˆ
etre utile en g´
en´
etique mol´
eculaire, les ´
etudes
men´
ees chez les apparent´
es schizotypiques pr´
esentant
l’int´
erˆ
et d’explorer des sujets ayant une vuln´
erabilit´
e
g´
en´
etique commune avec les patients mais dont l’expression
ph´
enotypique n’est pas alt´
er´
ee par l’influence des traite-
ments ou de la maladie. Des ´
etudes de biologie mol´
eculaire
cherchant des associations entre des g`
enes candidats et
des dimensions sp´
ecifiques ont d´
ej`
a´
et´
er
´
ealis´
ees. Ainsi,
Fanous et al. [13] rapportent, dans une population de schi-
zophr`
enes, une association entre un haplotype du g`
ene
de la dysbindine et la dimension n´
egative, dont il serait
int´
eressant de s’assurer de l’existence chez leurs apparent´
es
sains.
Conclusion
La schizotypie est une entit´
e nosographique r´
ecente en
´
evolution, dont la d´
efinition a ´
et´
e´
elabor´
ee sur l’observation
des traits de personnalit´
e caract´
eristiques des apparent´
es
de schizophr`
enes. Outre l’´
etroite concordance de la struc-
ture tridimensionnelle de la schizotypie avec celle de la
schizophr´
enie [14,15] et l’existence d’anomalies neurophy-
siologiques et cognitives communes [9], son appartenance
au spectre de la schizophr´
enie ainsi que l’h´
eritabilit´
eet
l’existence d’un lien g´
en´
etique avec la schizophr´
enie ont
´
et´
e mis en ´
evidence par la g´
en´
etique ´
epid´
emiologique.
Notamment, le risque de schizotypie est accru chez les appa-
rent´
es de schizophr`
enes, comme le risque de schizophr´
enie
chez les apparent´
es de sujets schizotypiques, sugg´
erant
des bases ´
etiopathog´
eniques communes aux deux entit´
es.
Cependant, alors que la schizotypie est incluse dans le
spectre de la schizophr´
enie, elle semble ´
egalement li´
ee au
trouble bipolaire avec une pr´
evalence accrue chez les appa-
rent´
es de bipolaires et une fr´
equence accrue de troubles
thymiques chez les apparent´
es de sujets schizotypiques.
La schizotypie entame donc un glissement conceptuel. Par
ailleurs, il apparaˆ
ıt qu’une d´
efinition dimensionnelle du
trouble permet d’´
etudier plus pr´
ecis´
ement ce ph´
enotype
et une approche plus fine de l’intrication avec les autres
troubles, comme en t´
emoignent les diff´
erents patterns
d’agr´
egation et de risque familiaux de psychose li´
es `
a ces
dimensions. Mais de nombreuses recherches restent `
a faire,
afin de mieux pr´
eciser les liens g´
en´
etiques et environ-
nementaux unissant schizophr´
enie, schizotypie et trouble
bipolaire.
Remerciements
Les auteurs remercient Marie-Jos´
e De Sousa et Emmanuelle
Abadie pour leur aide technique.
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