La schizotypie : évolution d’un concept 21
Schizotypie et vuln´
erabilit´
e`
a la psychose
Ainsi, la schizotypie apparaˆ
ıt non pas associ´
ee
sp´
ecifiquement `
a la schizophr´
enie mais une caract´
eristique
g´
en´
erale des apparent´
es de sujets psychotiques et un
possible endoph´
enotype clinique transnosographique de
la psychose. Ou comme sugg´
er´
e par Kendler et al. [20],
il existe un spectre de la schizophr´
enie consistant en un
grand ´
eventail de troubles psychotiques, incluant le trouble
bipolaire d´
elirant et la schizotypie qui pourraient en partie
ˆ
etre sous l’influence de m´
ecanismes physiopathologiques
communs.
Il apparaˆ
ıt de plus en plus qu’´
etudier les troubles dans
une approche dimensionnelle plutˆ
ot que cat´
egorielle en
permet une approche plus fine dans une d´
efinition moins
h´
et´
erog`
ene d’une mˆ
eme vuln´
erabilit´
e. Notamment, les
trois dimensions, qu’il s’agisse de celles de la schizotypie
ou de la schizophr´
enie, semblent pr´
esenter des patterns
d’agr´
egation et de risque familiaux diff´
erents, sugg´
erant des
m´
ecanismes physiopathologiques sp´
ecifiques `
a chacune, ce
qui dans une approche uniquement cat´
egorielle du trouble
serait n´
eglig´
e.
La dimension positive n’apparaˆ
ıt pas familiale
[10,33,37,39] et n’accroˆ
ıt pas le risque familial de
psychose [10,11,33,37]. La dimension n´
egative apparaˆ
ıt
familiale [32,33,37,39] mais n’augmente pas le risque
familial de psychose [10,19,33].
La dimension de d´
esorganisation apparaˆ
ıt selon les
´
etudes, soit familiale [21,25], soit non familiale [39] et est
associ´
ee `
a un risque familial accru de psychose (schizo-
phr´
enie et trouble bipolaire d´
elirant) chez les proposants
schizophr`
enes ou bipolaires [10,11,37] comme chez leurs
apparent´
es non psychotiques [33], sugg´
erant un continuum
de risque dans les familles. Cette dimension pourrait ainsi
ˆ
etre un marqueur de vuln´
erabilit´
e aux troubles psycho-
tiques et ˆ
etre utile en g´
en´
etique mol´
eculaire, les ´
etudes
men´
ees chez les apparent´
es schizotypiques pr´
esentant
l’int´
erˆ
et d’explorer des sujets ayant une vuln´
erabilit´
e
g´
en´
etique commune avec les patients mais dont l’expression
ph´
enotypique n’est pas alt´
er´
ee par l’influence des traite-
ments ou de la maladie. Des ´
etudes de biologie mol´
eculaire
cherchant des associations entre des g`
enes candidats et
des dimensions sp´
ecifiques ont d´
ej`
a´
et´
er
´
ealis´
ees. Ainsi,
Fanous et al. [13] rapportent, dans une population de schi-
zophr`
enes, une association entre un haplotype du g`
ene
de la dysbindine et la dimension n´
egative, dont il serait
int´
eressant de s’assurer de l’existence chez leurs apparent´
es
sains.
Conclusion
La schizotypie est une entit´
e nosographique r´
ecente en
´
evolution, dont la d´
efinition a ´
et´
e´
elabor´
ee sur l’observation
des traits de personnalit´
e caract´
eristiques des apparent´
es
de schizophr`
enes. Outre l’´
etroite concordance de la struc-
ture tridimensionnelle de la schizotypie avec celle de la
schizophr´
enie [14,15] et l’existence d’anomalies neurophy-
siologiques et cognitives communes [9], son appartenance
au spectre de la schizophr´
enie ainsi que l’h´
eritabilit´
eet
l’existence d’un lien g´
en´
etique avec la schizophr´
enie ont
´
et´
e mis en ´
evidence par la g´
en´
etique ´
epid´
emiologique.
Notamment, le risque de schizotypie est accru chez les appa-
rent´
es de schizophr`
enes, comme le risque de schizophr´
enie
chez les apparent´
es de sujets schizotypiques, sugg´
erant
des bases ´
etiopathog´
eniques communes aux deux entit´
es.
Cependant, alors que la schizotypie est incluse dans le
spectre de la schizophr´
enie, elle semble ´
egalement li´
ee au
trouble bipolaire avec une pr´
evalence accrue chez les appa-
rent´
es de bipolaires et une fr´
equence accrue de troubles
thymiques chez les apparent´
es de sujets schizotypiques.
La schizotypie entame donc un glissement conceptuel. Par
ailleurs, il apparaˆ
ıt qu’une d´
efinition dimensionnelle du
trouble permet d’´
etudier plus pr´
ecis´
ement ce ph´
enotype
et une approche plus fine de l’intrication avec les autres
troubles, comme en t´
emoignent les diff´
erents patterns
d’agr´
egation et de risque familiaux de psychose li´
es `
a ces
dimensions. Mais de nombreuses recherches restent `
a faire,
afin de mieux pr´
eciser les liens g´
en´
etiques et environ-
nementaux unissant schizophr´
enie, schizotypie et trouble
bipolaire.
Remerciements
Les auteurs remercient Marie-Jos´
e De Sousa et Emmanuelle
Abadie pour leur aide technique.
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