ANTHROPOLOGIE CLINIQUE ET APPROCHE BIO-ME
´DICALE / CLINICAL ANTHROPOLOGY AND BIOMEDICAL APPROACH
Pour une re
´habilitation de la notion de schizoı
¨die
P. Bovet
De
´partement de psychiatrie, CHUV, Universite
´de Lausanne, 9, avenue d’Echallens, CH-1004 Lausanne, Suisse ;
site de Cery, CH-1008 Prilly, Suisse
Re
´sume
´:La notion psychopathologique de schizoı
¨die ne
se retrouve pas de manie
`re reconnaissable dans les
actuels DSM-IV et CIM-10. Cependant, celle-ci se re
´ve
`le
utile a
`la psychiatrie phe
´nome
´nologique qui s’en inspire
pour atteindre une conception dynamique des troubles
schizophre
´niques. Au travers de l’e
´coute du discours du
patient, la de
´marche phe
´nome
´nologique cherche la
spe
´cificite
´caracte
´ristique des troubles du spectre shizo-
phre
´nique, allant au-dela
`de la simple e
´nume
´ration de
sympto
ˆmes. Les recherches en neurosciences, de leur
co
ˆte
´, sugge
`rent une e
´tiopathologie de type neurode
´velop-
pemental, mettant en e
´vidence la question de la
connectivite
´intersynaptiqueetlero
ˆle du glutathion.
Sans s’exclure l’un l’autre, ni pour autant se trouver en
correspondance stricte, ces deux domaines distincts
d’appre
´hension que sont la phe
´nome
´nologie et les
neurosciences semblent pouvoir s’enrichir mutuellement
dans l’e
´tude de la schizophre
´nie : l’un par l’e
´tude du
substrat biologique en cause dans la maladie, l’autre par
la compre
´hension descriptive et le traitement clinique
des malades.
Mots cle
´s: Schizoı
¨die – Schizophre
´nie – Psychiatrie
phe
´nome
´nologique
Rehabilitating the concept of schizoid disorder
Abstract: The notion of the schizoid disorder appears in a
somewhat tainted form in the current DSM-IV and CIM-10.
Yet this notion is of great use in phenomenological
psychiatry, which draws on it to conceptualise dynami-
cally schizophrenic disorders. Phenomenology traces the
specifics of the schizophrenia spectrum disorders
through the discourse of patients. By contrast, neuro-
science suggests neurodevelopmental pathogenesis,
emphasizing the role of synaptic connectivity and the
importance of glutathione. Phenomenology and neuro-
science are neither mutually exclusive nor in complete
concordance; instead, each seems to benefit from the
other’s approach to schizophrenia, phenomenology
through the descriptive understanding and clinical
treatment of patients, neuroscience through the study
of the illness’s biological substrate.
Keywords: Schizoid disorder – Schizophrenia – Pheno-
menological psychiatry
La notion de schizoı
¨die a, depuis la cre
´ationdeceterme
il y a biento
ˆt cent ans, subi bon nombre de changements
[24]. Ce qu’il en subsiste aujourd’hui dans le DSM-IV ou
la CIM-10 ne pre
´sente gue
`re d’inte
´re
ˆt, ni pour le
psychopathologue, ni pour le psychothe
´rapeute, mais
on aurait tort d’ignorer la richesse des conceptions
e
´labore
´es a
`son propos de part et d’autre de l’Atlantique
durant plus d’un demi-sie
`cle, conceptions qu’e
´voquent
par exemple Essen-Mo
¨ller [8] et Nannarello [18]. Nous
aimerions montrer ici en quoi certaines de ces re
´flexions
peuvent encore inspirer aussi bien la recherche des
me
´canismes e
´tiopathoge
´niques de la schizophre
´nie que
la de
´tection pre
´coce des psychoses e
´mergentes, et la prise
en charge psychothe
´rapeutique des patients.
Le terme de schizoı
¨diesembleavoire
´te
´forge
´dans
lentouragedeBleulera
`Zurich vers 1910, mais c’est la
publication du livre de Kretschmer [13] qui lui a assure
´
son succe
`s – et qui est probablement aussi a
`l’origine,
quelques de
´cennies plus tard, de son de
´clin.
« Les caracte
´ristiques de la maladie peuvent se
retrouver, sous une forme atte
´nue
´e, non seulement
dans les ‘‘schizophre
´nies latentes’’, dans le tableau
clinique pre
´morbide des schizophre
´nies franches, ou
dans l’e
´tat re
´siduel des patients ame
´liore
´s voire ‘‘gue
´ris’’,
mais aussi dans la parente
´de tels malades. Et voici que
Kretschmer a cherche
´ces caracte
´ristiques parmi des
gens sains et a
`l’he
´re
´dite
´saine ; selon lui, chez ces
sujets, ces caracte
´ristiques forment un type psychique
particulier
1
L’extension ainsi donne
´ea
`la schizoı
¨die, et a
`l’autisme
qui y tenait une part centrale dans les descriptions
cliniques, a permis a
`des ge
´ne
´rations de psychiatres de
pouvoir s’identifier, fu
ˆt-ce partiellement, avec la patho-
logie de leurs patients, puisque la schizoı
¨die formait une
sortede«fondscommun»potentiel.
1
Bleuler [4].
Correspondance : E-mail : [email protected]
Psychiatr Sci Hum Neurosci (2007) 5: S58–S61
©Springer 2007
DOI 10.1007/s11836-007-0018-y
« Le concept de schizoı
¨die a aide
´a
`ouvrir largement
la voie vers une the
´orie ‘‘psychodynamique’’ de la
schizophre
´nieetversunerencontreaveclemalade
mental, empreinte de compre
´hension, de
´gage
´edes
dogmes froids et desse
´che
´squide
´crivaient ces patients
comme diffe
´rents, inaccessibles, au-dela
`des limites de
l’empathie humaine
2
Mais par la
`me
ˆme, cette extension niait toute
« organisation existentielle » spe
´cifique des troubles de
type schizophre
´nique. Et en associant la schizoı
¨die a
`des
caracte
´ristiques morphologiques, Kretschmer a permis
quesede
´veloppe l’ide
´e que celle-ci e
´tait purement
he
´re
´ditaire, « donc » une structure fige
´e sur laquelle on
ne pouvait avoir aucune emprise the
´rapeutique.
Conceptions phe
´nome
´nologiques
Re
´fle
´chissant a
`la schizoı
¨die [15], aux formes prototypi-
ques de la pre
´sence humaine [1], ou aux schizophre
´nies
paucisymptomatiques [2], la psychiatrie phe
´nome
´no-
logique s’est au contraire attache
´ea
`tenter de de
´gager ce
qu’il pouvait y avoir de spe
´cifiqueaumodedexistence
des sujets souffrant d’un trouble de type schizophre
´-
nique. Minkowski voyait dans la « perte du contact vital
avec la re
´alite
´» (proche de la « perte du sens commun »
ou de « l’e
´videncenaturelle»deBlankenburg)letrouble
ge
´ne
´rateur de la schizophre
´nie : une modification spe
´ci-
fiquedelastructure ge
´ne
´rale de la subjectivite
´,quise
manifesteparunedistorsiondelacapacite
´du sujet a
`
«re
´sonner en accord avec le monde », d’e
ˆtre en relation
avec lui-me
ˆme et avec autrui. Le trouble ge
´ne
´rateur
transparaı
ˆta
`travers les sympto
ˆmes, en leur donnant
forme, en donnant sens a
`leurs interconnexions, et a
`leur
e
´volution [16,21]. Minkowski [17] souligne que cet aspect
« constitutionnel » n’est pas pour autant quelque chose
de foncie
`rement statique, mais au contraire « comprend
un facteur de nature plus dynamique et de ce fait plus
proche de la vie que ne saurait l’e
ˆtre une e
´nume
´ration de
(sympto
ˆmes) ».
Le concept phe
´nome
´nologique de la pre
´sence propose
que, dans nos transactions quotidiennes avec le monde,
le sentiment de soi et le sentiment d’immersion dans le
monde sont inse
´parables : « Le sujet et l’objet sont deux
moments abstraits d’une structure unique qui est la
pre
´sence
3
.» Mes pense
´es, mes perceptions ou mes
douleurs m’apparaissent dans un mode de pre
´sentation
a
`la premie
`re personne qui me les re
´ve
`le imme
´diatement
comme e
´tant miennes. Quand l’expe
´rience m’est donne
´e
surunmodedepre
´sentation a
`la premie
`re personne, elle
est donne
´e en tant que ma propre expe
´rience, et peut
alors e
ˆtre conside
´re
´e comme conscience de soi fonda-
mentale, e
´le
´mentaire (ipse
´ite
´).
Les troubles de ce sentiment de pre
´sence ont e
´te
´
de
´crits par plusieurs auteurs du de
´but du xx
e
sie
`cle (par
exemple J. Berze, B. Gadelius, H.W. Gruhle, A. Hesnard,
P. Janet). Hesnard [12] ou Gadelius [11] en donnent de
nombreuses vignettes cliniques.
«Jeneperc¸ois jamais nettement le monde exte
´rieur. Il
me semble que je n’ai jamais e
´te
´en contact direct et
imme
´diat avec lui. Entre les choses et moi, il y a toujours
une sorte de paroi isolante, de couche interme
´diaire,
semblable a
`un reve
ˆtement de coton
4
... » « Souvent, il me
semble que je ne suis pas de ce monde. Ma voix me paraı
ˆt
e
´trange
`re, et quand je vois mes camarades d’ho
ˆpital, je me
dis a
`moi-me
ˆme : ce sont les figures d’un re
ˆve. Tre
`s
souvent, je ne sais, en ve
´rite
´,sijere
ˆve ou si je suis
e
´veille
´;ilmesemblequejenesuispasmoi-me
ˆme
5
«Lepatientparledesone
´tat ainsi : ‘‘Ma personnalite
´
est entie
`rementpartie,etcestcommesijemesentais
mort depuis deux ans. La chose qui existe n’a rien a
`voir
avecmonancienSoi,etnesaitriendelui.’Lepatientse
de
´nomme une ‘‘chose’’, qu’il compare a
`‘‘une boı
ˆte en
carton vide’’. Il mange, mais ce n’est que ‘‘l’ombre d’une
nourriture qui est conduite a
`l’ombre d’un estomac’’. Son
pouls n’est que ‘‘l’ombre d’un pouls’’. Par ailleurs, il est
parfaitement conscient de l’absurdite
´de ces affirmations,
dont il ne peut cependant pas se de
´faire
6
Ces dernie
`res anne
´es, diverses investigations ont e
´te
´
conduites, dans une perspective phe
´nome
´nologique, sur
la nature de ces troubles du sens de soi, et leur spe
´cificite
´
comme caracte
´ristique de trait des troubles du spectre
schizophre
´nique [22,24], aboutissant a
`l’e
´laboration
d’une e
´chelle semistructure
´e en vue de leur e
´valuation
[23].
The
´ories e
´tiopathoge
´niques de la schizophre
´nie
La mise en e
´vidence, par l’e
´pide
´miologie, de facteurs de
risque pour la schizophre
´nie pre
´sents de
`slape
´riode
ne
´onatale (ge
´ne
´tique ; complications obste
´tricales ; sai-
sonnalite
´des naissances) et la pre
´sencedemalforma-
tions discre
`tes des structures ectodermiques chez les
schizophre
`nes ont permis d’e
´laborer, il y a une vingtaine
d’anne
´es, l’hypothe
`se neurode
´veloppementale [6], cadre
ge
´ne
´raldanslequelpenserlesme
´canismes qui pour-
raient constituer l’origine de la vulne
´rabilite
´a
`cette
maladie. Cette hypothe
`se postule que des e
´le
´ments
nocifs interfe
`rent de
`slanaissance(voirede
`slavie
intra-ute
´rine) avec les processus normaux de maturation
ce
´re
´brale. Il faut souligner que si l’existence de ces
2
Bleuler [5], p. 434.
3
Merleau-Ponty [14], p. 492.
4
Hesnard [12] p. 49.
5
Hesnard [12] pp. 51-2.
6
Gadelius [11] p. 134.
S59
facteurs de risque pre
´coces est maintenant bien e
´tablie,
on n’a que tre
`s peu d’hypothe
`ses solides sur la fac¸on
dont ces facteurs (ge
´ne
´tiques, viraux, anoxie ce
´re
´brale,
autres facteurs environnementaux) perturberaient la
maturation ce
´re
´brale et favoriseraient la constitution de
la vulne
´rabilite
´. Et curieusement, la plupart des cher-
cheurs travaillant avec cette hypothe
`se ne font aucun lien
avec les travaux de la psychologie de
´veloppementale ;
cette science a pourtant, durant ces dernie
`res anne
´es,
bouleverse
´notre connaissance des premiers mois de
de
´veloppement du nourrisson et de l’enfant, et notam-
ment de la fac¸on dont le nourrisson construit pre
´coce-
ment sa « repre
´sentation » du monde, des autres, et
de
´veloppe un sens de soi primaire [26], autrement dit
construit sa pre
´sence au monde.
Par ailleurs, de nombreux travaux de neuro-anato-
mie, neurophysiologie et neuropsychologie tendent a
`
montrer que les alte
´rations ce
´re
´brales chez les schizo-
phre
`nes ne concernent pas tant telle ou telle re
´gion du
cerveau, mais bien pluto
ˆtlamise en re
´seau de structures
distantes les unes des autres a
`traverslesmilliardsde
connexions synaptiques forme
´es par les neurones
(syndromededysconnectivite
´[10]). L’inte
´grite
´de ce
re
´seau de connectivite
´joue un ro
ˆle majeur dans toutes
nos fonctions mentales [27]. Ce re
´seau n’est pas constitue
´
de fac¸on fixe a
`la naissance, il se modifie constamment
tout au long de la vie (plasticite
´synaptique) en fonction
des expe
´riences rencontre
´es par le sujet, et subit
notamment des remaniements tre
`simportantsaucours
des deux premie
`res anne
´es, ainsi qu’a
`l’adolescence.
Nous avons sugge
´re
´[19] que des troubles de la
connectivite
´pouvaient rendre compte de perturbations
pre
´coces du de
´veloppement du sens de soi et du rapport
au monde ; ce de
´veloppement repose en effet beaucoup
sur les capacite
´s d’inte
´gration intermodale du nourrisson
[26], sur ses capacite
´sa
`mettre en relation des
perceptions provenant de canaux sensoriels diffe
´rents
(par exemple, lors d’un mouvement du corps propre,
d’inte
´grer les informations visuelles et proprioceptives).
L’inte
´gration intermodale est rendue possible par la
cohe
´rencetemporelledelactivite
´e
´lectrique des assem-
ble
´es neuronales concerne
´es – cohe
´rence assure
´epar
l’architecture fine des connexions ce
´re
´brales [27].
Ces dernie
`res anne
´es, un groupe de chercheurs en
neurosciences a mis en e
´vidence un important de
´ficit du
taux ce
´re
´bral de glutathion chez les schizophre
`nes. Le
glutathion est un antioxydant majeur dans les processus
me
´taboliques ; or, le catabolisme de la dopamine, qui
sert de neurome
´diateur dans de nombreuses connexions
synaptiques, produit des compose
´s hautement oxydants
qui, s’ils ne sont pas re
´duits, sont de
´le
´te
`res pour les
membranes des boutons synaptiques. Un de
´ficit de
glutathion ce
´re
´bral peut donc conduire a
`des troubles
de la connectivite
´[7]. Des anomalies ont e
´te
´re
´cemment
mises en e
´vidence chez les schizophre
`nes sur des ge
`nes
contro
ˆlant la synthe
`se du glutathion [28].
Il ne s’agit bien entendu pas d’e
´tablir une « ligne
directe » entre les descriptions phe
´nome
´nologiques des
troubles fondamentaux de l’expe
´rience et de la pre
´sence
chez les schizoı
¨des et les schizophre
`nes d’une part, et les
perturbations biologiques dont il est fait e
´tat ici d’autre
part. Il s’agit de deux domaines de la connaissance
radicalement diffe
´rents. Nous aimerions simplement
souligner que les re
´flexions dans ces deux domaines
peuvent s’enrichir mutuellement – et que la recherche
biologique a probablement tout a
`gagner a
`s’appuyer sur
des descriptions psychopathologiques fines, visant a
`
mettre a
`jour les troubles fondamentaux ou ge
´ne
´rateurs,
pluto
ˆtqua
`s’attarder sur les manifestations secondaires
que sont les sympto
ˆmes psychotiques florides.
« Nous devons donc encore chercher le substrat
ge
´ne
´tique de la schizophre
´nie. Il est lie
´aux formes
symptomatiques de la maladie par une longue chaı
ˆne
causale, dont la complexite
´est l’œuvre de nombreux
facteurs internes et externes. Il ne faut pas s’e
´tonner que
nous ne parvenions pas a
`cerner la composante
ge
´ne
´tique si nous commenc¸ons par l’autre bout, par la
symptomatologie manifeste
7
Clinique
Lestroublesdelexpe
´rience subjective, et notamment du
sens fondamental de soi et de la pre
´sence, sont encore
mal connus des psychiatres et psychologues qui
s’occupent de patients schizotypes ou schizophre
`nes.
Ils le sont d’autant moins que ces patients en parlent
rarement spontane
´ment : non seulement ces troubles
sont ve
´cus par le sujet comme profonde
´ment embarras-
sants, « inhumains », re
´serve
´sa
`lui seul, mais en outre
beaucoup de ces expe
´riences posse
`dent une qualite
´
pre
´re
´flexive, peu accessible a
`une e
´laboration verbale.
Elles ne font pas l’objet d’une attention the
´matise
´e, et
constituent pluto
ˆtlarrie
`re-fond ge
´ne
´ral de la conscience.
De
`s lors, un patient peut, a
`l’occasion, re
´ussir a
`de
´crire
lunedesesexpe
´riences anormales par une me
´taphore
tre
`s pertinente et marquante, dont il ne disposera plus a
`
un autre moment [23]. Il est donc important que les
the
´rapeutes se familiarisent avec ces troubles, et les
investiguent spe
´cifiquement. Le simple fait de permettre
au sujet de les e
´voquer, souvent pour la premie
`re fois,
ame
`ne un soulagement conside
´rable du patient, et
contribue fortement a
`la cre
´ation d’une alliance the
´ra-
peutique. Le patient qui apprend alors qu’il n’est pas
seul a
`vivre ces expe
´riences inquie
´tantes se sent moins
«e
´tranger » au monde, moins « extraterrestre » ; il peut
aussi progressivement acque
´rir une certaine maı
ˆtrise
7
Bleuler [3].
S60
sur ces difficulte
´s, dans le sens de se sentir moins envahi
par l’angoisse qu’elles ge
´ne
`rent. Reconnaı
ˆtre ces trou-
bles permet aussi de donner sens, dans une relation
psychothe
´rapeutique, a
`nombre d’autres sympto
ˆmes
et difficulte
´s plus « visibles » (par exemple, au contenu
de certains de
´liresoudhallucinationsauditives).
Les troubles de l’expe
´rience subjective et du sens de
soi se retrouvent non seulement chez les schizophre
`nes
ave
´re
´s, mais chez nombre de schizotypes, et dans les
phases prodromiques de la maladie [20,24]. Un des
proble
`mes majeurs auxquels se confrontent les pro-
grammes de de
´tection et de prise en charge pre
´coces des
psychoses e
´mergentes est la difficulte
´de repe
´rer les
sujets avant l’e
´closion de sympto
ˆmes psychotiques,
fussent-ils de moindre intensite
´ou de bre
`ve dure
´e[25].
Investiguer les sujets a
`risque de fac¸on plus syste
´matique
sur l’existence de troubles de l’expe
´rience subjective et
du sens de soi permettrait peut-e
ˆtre d’anticiper encore la
prise en charge de ces patients.
Conclusion
Comme le sugge
`re Henri Ey [9], la de
´couverte des
neuroleptiques en 1952 a focalise
´l’attention des cher-
cheurs comme des cliniciens sur les sympto
ˆmes florides
de la schizophre
´nie, au de
´triment de questions telles
que : « quelle est la de
´finition de la Schizophre
´nie ? Quel
est son trouble fondamental ? » La notion de schizoı
¨die,
comme celle de schizotypie telle qu’elle a e
´te
´de
´fendue
par S. Rado et P. Meehl [24], vise en revanche a
`de
´couvrir
un mode spe
´cifique d’e
ˆtre-au-monde qui sous-tend la
psychopathologie proprement psychotique chez les
schizophre
`nes. Une telle compre
´hension enrichit non
seulement l’abord clinique de ces patients, mais aussi les
hypothe
`ses biologiques qui peuvent e
ˆtre e
´labore
´es sur
l’e
´tiologie de la maladie.
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