Acceptabilité au long cours des antipsychotiques F. Petitjean

© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
L’auteur n’a pas signalé de con its d’intérêts.
L’Encéphale (2007) Supplément 2, S84-S87
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
La qualité de vie de patients schizophrènes
en hôpital de jour
Notre équipe a réalisé une étude sur la qualité de vie des
patients, incluant 117 patients hospitalisés en hôpital de
jour, avec un diagnostic de schizophrénie (DSM IV) et un trai-
tement neuroleptique stable depuis au moins 2 mois [10].
Elle a comparé, sur des variables socio-démographiques, cli-
niques et de qualité de vie, trois groupes de patients, classés
selon leur traitement neuroleptique : conventionnel (n = 36),
Acceptabilité au long cours des antipsychotiques
F. Petitjean
Centre hospitalier Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris
L’acceptabilité suppose d’accepter le traitement, mais
aussi la maladie. Cela pose donc la question de la prise de
conscience de la maladie, de la capacité d’insight, des
effets des traitements sur les symptômes, et de leurs effets
sur le fonctionnement psychosocial.
En ce qui concerne les effets secondaires, il faut distin-
guer les effets secondaires perçus par le patient, de
manière immédiate (effets extra-pyramidaux, akathisie,
dystonies aiguës) ou de manière un peu plus retardée (prise
de poids), et les effets secondaires qui sont à craindre et à
investiguer, comme les dyskinésies, le syndrome métaboli-
que, les troubles cardio-vasculaires.
Il faut situer l’ensemble de cette démarche dans le
cadre d’une alliance thérapeutique à établir entre le
patient, son médecin, et son entourage : l’acceptabilité se
trouve au carrefour de ces trois intervenants, qui peuvent
en avoir des perceptions différentes, nécessitant donc la
recherche de dénominateurs communs.
Un schéma de G. Awad et al. [2] offre une représenta-
tion pertinente de la qualité de vie du patient (Fig. 1). La
question du fonctionnement psychosocial est au centre de
la qualité de vie du patient, et est déterminée par ses
caractéristiques (personnalité prémorbide, compétences
professionnelles, niveau éducatif), son adaptation psycho-
sociale (capacité à utiliser le réseau social et les ressources
disponibles), et l’interprétation subjective qu’il peut avoir
de la maladie, des traitements antérieurs et des effets
secondaires du traitement actuel.
Figure 1 Qualité de vie.
Effets secondaires
Symptômes
Attitude/
Traitement(s)
antérieur(s)
vécu(s) Interprétation
subjective
Caractéristiques
prémorbides Personnalité
Compétences
professionnelles
Niveau
éducatif
Fonctionnement
Psychosocial
Adaptation
psychosociale
Capacité à
utiliser :
Réseau
social
Ressources
disponibles
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clozapine (n = 28), et autres atypiques (n = 52). Les outils
cliniques étaient les échelles CGI, GAF, DAI, EAS, et PANSS ;
l’échelle de qualité de vie était la LQOLP.
Les résultats de cette étude indiquent que les patients
suivis en hôpital de jour et traités par clozapine, par com-
paraison avec ceux traités par neuroleptiques convention-
nels d’une part et par d’autres atypiques d’autre part, ont
des paramètres de gravité de la maladie plus marqués : ils
vivent plus souvent seul, sont plus fréquemment hospitali-
sés en psychiatrie, présentent plus souvent un surpoids
(évalué par l’indice de masse corporelle (IMC)), sont globa-
lement plus symptomatiques, et perçoivent plus souvent
une allocation d’État.
Pourtant, malgré ces facteurs peu favorables, les
patients traités par clozapine ont un point de vue subjectif
sur leur qualité de vie plus favorable : ils sont notamment
plus satisfaits pour les loisirs, le bien-être général, et expri-
ment un meilleur équilibre affectif.
Cette étude illustre bien la question de l’équilibre entre
ef cacité et effets secondaires, qui doit prendre en compte
le point de vue des patients.
Mesures psycho-éducatives
La question des mesures psycho-éducatives est un autre
aspect important de l’acceptabilité à long terme des anti-
psychotiques. Il est important d’insister sur cet aspect, car
en dépit du nombre d’études qui prouvent une ef cacité de
ces mesures psycho-éducatives, celles-ci restent peu appli-
quées en pratique clinique.
J. Bauml [3] a dé ni la psycho-éducation comme une
méthode qui chercherait à « trouver un dénominateur com-
mun entre connaissances sur la pathologie et point de vue
subjectif du sujet malade ». Cette recherche peut relever
de la quadrature du cercle…
Dans une autre étude réalisée sur 100 patients schi-
zophrènes (DSM IV) suivis en hôpital de jour, nous avons
comparé en parallèle deux groupes de patients, appariés
sur plusieurs variables (nombre d’épisodes, âge, sexe,
durée de la maladie, CGI, PANSS-positive, PANSS-négative),
selon qu’ils recevaient ou non le programme PACT®. Ce pro-
gramme PACT® est un programme psycho éducatif centré
sur la dimension pédagogique, composé de cassettes vidéo
et de livrets destinés aux soignants et aux patients [11].
Les 2 groupes de patients étaient comparables sur les
variables sociodémographiques, cliniques et de qualité de
vie à T0 [10].
La qualité de vie subjective des patients a été compa-
rée à T0 et T12, soit un an plus tard (n = 38). Les résultats
montrent à T0 que les patients schizophrènes qui ont béné-
cié d’une démarche psycho éducative centrée sur l’infor-
mation (patients PACT®) présentent une meilleure qualité
de vie subjective sur certains domaines (santé, travail,
nances, bien-être, loisirs) que les patients qui n’ont pas
béné cié de cette approche (patients non-PACT®). Cette
amélioration de la qualité de vie se maintient à 12 mois, et
les patients qui ont béné cié de cette approche ont une
qualité de vie subjective presque identique à celle qu’ils
avaient à T0.
Cette étude montre donc qu’une démarche psycho édu-
cative centrée sur l’information et la maladie peut amélio-
rer la qualité de vie subjective des patients schizophrènes
suivis en hôpital de jour, et que l’amélioration de la qualité
de vie subjective favorisée par cette approche peut se
maintenir dans le temps.
Une étude allemande, dans le cadre du Psychosis
Information Project [3], a comparé des patients pris en
charge dans le cadre d’un programme psycho-éducatif
associant les patients et les familles (n = 125) et des
patients contrôles (n = 111). Les résultats montrent que le
taux de réhospitalisation est signi cativement plus faible,
à un an comme à deux ans, dans le groupe psycho-éduca-
tion, de même que le nombre de jours d’hospitalisation
(Fig. 2 et 3).
Acceptabilité et effets secondaires
L’étude CATIE [7] est un protocole prospectif, randomisé,
en cinq groupes parallèles, qui se situe dans une démarche
d’évaluation de l’ef cience, dans des conditions proches
de la pratique réelle. Réalisé à l’initiative du NIMH, ce pro-
Figure 2 Psychosis Information Project [3].
0
10
20
30
40
50
60
Year 1* Year 2*
Intervention group
(n = 125)
Control group
(n = 111)
Rehospitalization rates in percent after
1 year and 2 years.
* P < 0.05
Figure 3 Psychosis Information Project [3].
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Year 1 Year 2*
Days in hospital after
1 year and 2 years.
* Mean 39 vs mean 78 P < 0.05
Intervention
group
Control group
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tocole a été soumis au préalable à la discussion d’associa-
tions d’usagers. Il a concerné 57 centres aux USA, incluant
1 493 patients âgés de 18 à 65 ans et ayant présenté plus
d’un épisode. Le critère d’analyse principal était le taux
d’arrêt de traitements toutes causes confondues (inef ca-
cité, mauvaise tolérance, préférence du patient).
Les résultats montrent des taux très importants d’arrêt
du traitement. Sur ce critère, l’olanzapine se révèle supé-
rieure en termes d’ef cience, mais avec un risque d’effets
indésirables métaboliques et de prise de poids plus impor-
tant comparativement aux autres traitements [12].
En ce qui concerne le syndrome métabolique, celui-ci
était retrouvé dans l’étude CATIE chez 42,7 % des
689 patients évalués [6]. L’IMC moyen était de 29,7, avec
un risque de syndrome métabolique multiplié par 2,3 pour
les hommes et par 3,2 chez les femmes (p < 0,001). Ceci
conduisait W Fenton et al. à se demander si le syndrome
métabolique n’est pas la « dyskinésie tardive » des antipsy-
chotiques de seconde génération.
Une ré-analyse des données de l’étude CATIE a été
effectuée en utilisant comme critère le rapport NNT/NNH
(Number Needed to Treat/Number Needed to Harm), per-
mettant une comparaison des rapports ef cacité/tolérance
des produits [5]. Ces données con rment la supériorité de
l’olanzapine en terme d’ef cacité et son infériorité en
terme de tolérance, par rapport à ses comparateurs ; elles
suggèrent un rapport ef cacité/tolérance légèrement en
faveur de cette molécule.
Une autre étude, incluant plus de 50 000 patients, a éva-
lué le risque d’apparition de diabète de type II, chez des
patients indemnes de diabète lors de leur inclusion dans
l’étude [7]. Les résultats montrent que la clozapine (RR
= 1,57) et l’olanzapine (RR = 1,15) entraînent les risques les
plus élevés de survenue d’un diabète de type II (Fig. 4).
Une étude récente sur les hyperlipidémies compare des
patients traités par les différents antipsychotiques atypi-
ques ou par les neuroleptiques conventionnels [9]. Les
résultats montrent que l’ensemble des traitements aug-
mente de manière signi cative le risque d’apparition d’hy-
perlipidémie (après contrôle des autres facteurs de
dyslipidémie), à l’exception notable de l’aripiprazole.
Ces données conduisent à préconiser une surveillance
des différents paramètres cliniques et paracliniques (anté-
cédents personnels et familiaux, poids et IMC, tour de
taille, pression artérielle, glycémie, pro l lipidique) [1].
Préférences du patient
L’étude EU-BETA [4] a comparé l’aripiprazole aux autres
antipsychotiques atypiques en termes de préférence du
patient. Elle a porté sur 833 patients attribués de façon
randomisée vers un traitement en ouvert de huit semai-
nes d’aripiprazole ou vers un traitement standard (selon
le choix du praticien : autres antipsychotiques atypi-
ques, halopéridol, ou autre antipsychotiques de première
génération, aux doses recommandées par les guidelines).
Le critère d’évaluation était le score à l’échelle POM
(Preference of Medication). Les résultats montrent que
chez les personnes impliquées dans les soins (« caregi-
vers »), le score à la POM est plus favorable avec l’aripi-
prazole par rapport aux produits de comparaison (Fig. 5).
Ce résultat est également retrouvé chez les patients
eux-mêmes (Tableau 1).
Figure 4 Apparition des risques de diabète de type II [7].
Subjects receiving clozapinea
Subjects receiving olanzapineb
Subjects receiving quetiapinec
Subjects receiving risperidoned
Comparaison group receiving
conventional antipsychotic
medication
0 5 10 15 20 25
0.88
0.90
0.92
0.94
0.96
0.98
1.00
Proportion of subjects without
diabetes diagnosis
Time (months)
a Hazard ratio = 1.57, 95 %
confidence interval
(CI) = 1.311.89
b Hazard ratio = 1.15,
95 % CI = 1.071.24
c Hazard ratio = 1.20,
95 % CI = 0.991.44
d Hazard ratio = 1.01,
95 % CI = 0.931.10
Figure 5 Percent of Patients Rating Current Therapy as
Much Better than Prior Therapy.
0
2722
40
24
49
30
42
28
8
17
60
50
40
30
20
10
Percent of patients (%)
Week 1 Week 2 Week 4 Week 8
Endpoint
SoC
Aripiprazole
Aripiprazole N = 621 N = 598 N = 563 N = 503 N = 650
SoC N = 133 N = 130 N = 124 N = 107 N = 140
Weekly assessments : OC analysis ;
Endpoint assessment : week 8 LOCF analysis
Tableau 1 Préférence du patient
L’acceptabilité du traitement à long terme est liée à un
ensemble de paramètres impliquant patient, médecin et
entourage formant une alliance thérapeutique.
Les antipsychotiques de 2e génération constituent
maintenant le socle du traitement.
La surveillance de leurs effets métaboliques et cardio
vasculaires doit maintenant être effectuée « en routine ».
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Acceptabilité au long cours des antipsychotiques S87
Conclusion
L’acceptabilité du traitement à long terme est liée à un
ensemble de paramètres impliquant le patient, son méde-
cin et son entourage, formant une alliance thérapeutique.
Les antipsychotiques de seconde génération constituent
maintenant le socle du traitement, mais la surveillance de
leurs effets métaboliques et cardio-vasculaires doit désor-
mais être effectuée « en routine ».
Références
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[12] Siari V, Salomé F, Villamaux M et al. La qualité de vie des
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