Efficacité et tolérance des antipsychotiques : quelles problématiques actuelles ? O. CANCEIL (1) L’apparition des antipsychotiques atypiques a considérablement modifié les pratiques cliniques, avec des règles de prescription nouvelles qui obligent à s’adapter à de nouveaux schémas thérapeutiques, comme par exemple le recours à des posologies faibles. Les antipsychotiques atypiques semblent avoir une efficacité équivalente à celle des neuroleptiques conventionnels sur la symptomatologie positive, et peut-être supérieure sur la symptomatologie négative. Le rapport efficacité/tolérance est l’un des critères essentiels de choix du produit antipsychotique. Ce choix se fonde sur les données de la littérature, mais aussi sur l’expérience clinique en intégrant, plus récemment, des critères médico-économiques. C’est par exemple le cas avec l’apparition de nouveaux antipsychotiques sous forme d’action prolongée. Par ailleurs, le principe de précaution infiltre également les choix thérapeutiques, mais il tend à s’appliquer surtout sur un plan collectif, alors que l’efficacité reste l’argument essentiel dans la prescription individuelle. La prise en compte du rapport efficacité/tolérance peut différer selon le moment de la prise en charge : la prescription initiale a pour objectif de favoriser l’observance en évitant des effets indésirables qui conduiraient le patient à interrompre son traitement, alors que l’adaptation ultérieure du traitement vise surtout à maintenir une stabilité clinique et une optimisation de la rémission. L’habitude est de poursuivre le produit initial, en diminuant autant que possible les posologies, mais sans qu’il existe d’argument déterminant étayant cette attitude thérapeutique. Le contexte de la prescription initiale (consultation ou hospitalisation par exemple) entre également en ligne de compte dans le choix du traitement, de même que le choix ou la demande du patient, et sa situation sociale (études en cours, activité professionnelle…). La question de la tolérance influe aussi sur la relation médecin-malade. Le patient a des droits désormais for- malisés à l’information. Par ailleurs, plus la connaissance des effets indésirables éventuels est grande, plus la responsabilité du prescripteur en cas d’effet indésirable est engagée. La balance efficacité/tolérance diffère selon les produits : la clozapine reste le traitement des troubles schizophréniques résistants, mais ses risques sont trop importants pour un usage systématique. Parmi les antipsychotiques atypiques, plusieurs s’accompagnent d’un risque accru de syndrome métabolique, avec ou sans prise de poids. La nécessité du dépistage de ce syndrome métabolique est au centre des problématiques actuelles sur le rapport efficacité/tolérance des antipsychotiques. Il suppose un bilan biologique initial, accompagné de recommandations diététiques, d’une éducation à la santé, de la recommandation d’une activité physique. Cet aspect somatique conduit, dans la logique de la politique actuelle de médecin traitant et de parcours de soin, à restaurer le rôle du généraliste dans la prise en charge des patients schizophrènes. Le bilan devrait être répété après 3 mois de traitement, puis tous les ans. La prise en compte du risque d’allongement de l’espace QT justifierait de pratiquer un ECG avant l’instauration d’un traitement antipsychotique et de vérifier la kaliémie. Il n’est toutefois pas aisé de pratiquer ces examens de façon systématique, surtout en ambulatoire. Parallèlement à ces effets indésirables, il faut néanmoins souligner que les nouveaux produits diminuent la sédation et la stigmatisation liée aux effets neurologiques, modifiant l’approche du patient. L’une des questions centrales en pratique psychiatrique est de déterminer, pour un patient atteint de schizophrénie, le niveau d’amélioration symptomatique et de rémission fonctionnelle qu’il est légitime de viser. Cette question dépend bien sûr en grande partie de celle du rap- (1) CMP, 14, rue Mathurin Régnier, 75015 Paris. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 927-8, cahier 4 S 927 O. Canceil port efficacité/tolérance. L’objectif doit satisfaire à la fois le patient et sa famille, le rôle du médecin étant soit de limiter des ambitions irréalistes, soit au contraire d’être plus exigeant et ambitieux que le patient ou sa famille, qui peuvent être découragés par la lourdeur du tableau clinique. S 928 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 927-8, cahier 4 La recherche d’une efficacité optimale ne règle pas le problème de l’observance médicamenteuse, mais elle permet l’intégration par le patient d’une expérience positive du traitement, et pourra favoriser dans un second temps, en cas de rupture thérapeutique ou de rechute, une reprise du traitement dans de meilleures conditions.