> XPress 6 Noir L’Encéphale (2007) Supplément 2, S88-S89 j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / e n c e p Discussion B. Lachaux EPS Paul Guiraud, 54 avenue de la République, 94806 Villejuif Cedex Même si les recherches sur l’efficience, c’est-à-dire en conditions réelles, plutôt que sur l’efficacité, c’est-à-dire en condition expérimentale, commencent à progresser, de nombreux facteurs limitant l’interprétation de ces études persistent. Ainsi, aux États-Unis, l’inclusion dans un protocole de recherche permet une gratuité des soins, ce qui constitue un biais considérable de recrutement par rapport à la pratique courante ? Cet aspect n’est que rarement abordé ni sur le plan éthique, ni sur le plan de la technique d’interprétation. Par ailleurs, le simple fait d’inclure un patient dans un protocole, surtout lorsque celui-ci nécessite des évaluations lourdes soutenues par l’industrie pharmaceutique (or les protocoles imposés en conditions expérimentales sont de plus en plus importants et contraignants), conduit à lui consacrer plus de temps, et d’utiliser des outils de classification et dévaluation rarement utilisés en conditions naturelles. Le regard porté sur les soins aux patients dépend largement du contexte global de la société. Après une longue période où les préoccupations, où l’essentiel des efforts et du travail d’évaluation, était centré surtout sur l’AMM, on entre désormais dans une phase centrée sur l’ASMR (amélioration du service médical rendu), ce qui influe nécessairement sur nos pratiques. De même, le passage actuel de la compliance (point de vue extérieur) à l’acceptabilité (point de vue de l’usager) souligne l’importance de la réappropriation par le patient de son traitement. Il s’agit d’un progrès important, mais qui introduit une complexité supplémentaire. Ceci peut être compris dans une perspective psycho-dynamique, mais aussi dans une perspective cognitive, mieux formalisée et donc mieux évaluable. Un rôle de plus en plus important est attribué à la qualité de vie, qui a des liens avec l’acceptabilité, avec l’existence de co-morbidités, avec la violence dont les patients sont victimes (les schizophrènes en Île-de-France auraient par exemple un risque multiplié par 6 à 20 d’être victimes de délits ; alors qu’il est plus spectaculaire et plus fréquent de mettre en exergue leurs passages à l’acte pourtant moins fréquents). Les enjeux financiers dans la réalisation des protocoles thérapeutiques sur de nouveaux médicaments prennent également aujourd’hui de plus en plus d’importance, ce qui entraîne une limitation maximale des risques encourus, et des réticences importantes à explorer des dimensions qui ne soient pas directement en rapport avec le résultat recherché. De plus le médicament doit aussi être envisagé comme objet épistémologique. L’efficacité des traitements sur différentes pathologies peut par exemple conduire à reconsidérer les constructions nosographiques actuelles. Enfin, le contexte social est important. Le patient est un citoyen doté désormais de très nombreux droits, pouvant le conduire à demander des comptes quant à la conduite de son traitement. Dans les expertises actuelles, les questions portent de plus en plus sur le savoir-faire, en particulier par rapport aux avis de consensus. Des réunions scientifiques sont donc nécessaires, pour permettre un étayage qui rendra l’expertise prévisible. * Auteur correspondant. E-mail : [email protected] L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts. © L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés. 4490_17_La c ha ux. i ndd 4490_17_Lachaux.indd 88 88 1 2 / 1 2 / 0 710:07:04 12/12/07 10: 07: 04 > XPress 6 Noir Discussion S89 Le taux de sinistralité pour un chirurgien, auprès des assurances professionnelles, est de 30 %, ce qui signifie que sur 100 chirurgiens, 30 auront, sur une année, des comptes à rendre au civil. La même tendance pourrait se développer en psychiatrie, avec une nécessité de plus en plus importante de prévoir une argumentation solide pour chaque décision thérapeutique. En conclusion, il existe, pour les psychiatres, un risque de se perdre, entre un modèle ancien reposant sur les ter- 4490_17_La c ha ux. i ndd 4490_17_Lachaux.indd 89 89 mes de paternalisme-efficacité-faute-punition, et un modèle nouveau fondé sur les termes efficience-acceptabilité-droits du citoyen-préjudice-indemnisation. Ces termes devraient sans doute être modulés en fonction de la phase de la maladie, avec des périodes marquées par la dissociation et la rupture de la relation, qui nécessitent des mesures d’urgence, et des périodes de maladie au long cours, nécessitant une bonne acceptabilité des traitements. 1 2 / 1 2 / 0 710:07:08 12/12/07 10: 07: 08