Discussion J.-M. Vanelle

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L’Encéphale (2007) Supplément 2, S67-S69
j o u r n a l h o m e p a g e : w w w. e l s e v i e r. c o m / l o c a t e / e n c e p
Discussion
J.-M. Vanelle
Hôpital Saint-Jacques, 85 rue Saint-Jacques, 44093 Nantes cedex
L’observance des patients psychotiques est un problème
majeur, souligné déjà lors de la première Conférence de
Consensus en France sur le traitement au long cours des
schizophrénies [1] : « 25 à 60 % des patients présentent une
mauvaise observance, ce qui est responsable de la plupart
des rechutes et réhospitalisations ». Comme la tolérance
des médicaments est déterminante pour l’observance, la
manière dont les neuroleptiques atypiques ont modifié ce
paramètre mérite d’être précisée.
La prise en compte de l’état somatique des schizophrènes est désormais plus systématique, avec une meilleure
connaissance de leur surmortalité, liée en partie à des facteurs de risque propres, en particulier addictifs (tabac,
autres toxiques).
Les exigences actuelles vis-à-vis de la chimiothérapie
sont également plus importantes, en particulier en terme
de rapport efficacité/tolérance.
Il faut rappeler les remarquables intuitions de Delay et
Deniker [3] car leur définition des neuroleptiques intégrait
non seulement leurs effets thérapeutiques, mais aussi leurs
effets indésirables et leur mécanisme d’action sous-cortical.
Les antipsychotiques atypiques ont, par définition, un
profil de tolérance différent des neuroleptiques classiques.
Moins inducteurs de troubles neurologiques, ils ont des
effets indésirables plus marqués dans d’autres domaines
(métabolique, cardiologique), sans être totalement dépourvus des effets indésirables classiques des conventionnels
(survenue d’un syndrome malin par exemple). Ils peuvent
être par ailleurs révélateurs d’une morbidité associée, et
pourraient avoir des propriétés nouvelles : réduction du
risque suicide ou du craving, amélioration des cognitions.
Observance et antipsychotiques atypiques
L’une des données importantes de la littérature récente sur
l’observance est qu’il ne semble pas exister de changement
majeur avec les antipsychotiques atypiques par rapport aux
conventionnels.
L’étude de Valenstein et al. [5] porte sur 63 214 patients,
vétérans américains, recevant un (78 % des cas) ou deux
neuroleptiques sur 12 mois. L’outil de mesure de l’observance utilisé est le MPR (nombre de jours de traitement
délivré par la pharmacie/nombre de jours de traitement
prescrit). Il révèle sous neuroleptiques conventionnels et
sous antipsychotiques atypiques un niveau d’observance
équivalent : le MPR moyen est de 0,81 sous neuroleptiques
conventionnels et de 0,79 sous atypiques. La proportion de
patients avec une mauvaise observance (MPR < 0,80) est de
37,8 % sous conventionnels et de 41,5 % sous atypiques.
Seule la clozapine s’accompagne d’une bien meilleure
observance (MPR moyen de 1,01, le taux de patients avec
un MPR < 0,80 étant de seulement 4,6 %), ce qui peut être
lié à la médicalisation importante rattachée à cette médication, ou à la plus grande efficacité du produit.
Cette étude montre également, pour les patients passant d’un neuroleptique conventionnel à un antipsychotique atypique (n = 1 661), une diminution (de 46 à 40 %) de
la mauvaise observance, alors qu’une détérioration de
* Auteur correspondant.
E-mail : [email protected]
L’auteur n’a pas signalé de conflits d’intérêts.
© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
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l’observance (de 49 à 64 %) s’observe lors du passage
inverse (n = 504).
Facteurs d’amélioration de l’observance
Pitschel-Walz et Kissling [4] montrent un bénéfice de la psycho-éducation sur l’observance, avec une réduction des
réhospitalisations à 12 et 24 mois. Les patients de cette
étude recevaient 8 séances de psychoéducation, incluant
systématiquement la famille.
L’importance de l’alliance thérapeutique avait été soulignée dès la Conférence de Consensus de 1994 [1] ; elle est
confirmée par une étude anglaise de Day et al. [2]. D’autres
facteurs retentissent négativement sur l’observance : l’importance des troubles cognitifs, la polypharmacie et les
effets indésirables du traitement. Par contre, un rôle essentiel favorable semble dévolu à l’amélioration globale du
patient, à la qualité de son insight et à son niveau de
conscience de la maladie.
Schizophrénies, problèmes somatiques
et antipsychotiques atypiques
Indépendamment des effets délétères du traitement antipsychotique, la comorbidité entre schizophrénies et certaines pathologies somatiques (diabète, syndrome métabolique)
est connue.
Si certains antipsychotiques de seconde génération
entraînent plus de syndrome métabolique et d’allongement
de l’espace QT que les antipsychotiques conventionnels, on
observe aussi avec certains d’entre eux des effets secondaires anciennement décrits, comme des effets extra-pyramidaux, volontiers dose-dépendants.
Il en résulte une légitime « médicalisation » de la prise
en charge, incluant un examen clinique et une surveillance
paraclinique (biologie, ECG), sans négliger un interrogatoire minutieux. En effet, celui-ci peut retrouver des antécédents personnels et familiaux de malaises, de perte de
connaissance, de mort subite dans la famille ou encore
découvrir des antécédents personnels de mauvaise tolérance aux traitements psychotropes prescrits antérieurement (Tableau 1).
Enfin, certaines populations sont particulièrement à risque, comme les patients sans domicile fixe.
Certains antipsychotiques atypiques s’accompagnent
d’un risque accru de syndrome métabolique, de diabète, et
d’une altération du profil lipidique. Le risque métabolique
ne semble pas particulièrement influencé par la posologie
administrée ; en revanche, la durée du traitement est
importante. On peut souligner, dans ce contexte, l’intérêt
du changement de traitement pour un autre antipsychotique atypique, avec une réversibilité possible de certaines
anomalies biologiques.
D’autres effets secondaires sont retrouvés avec les
antipsychotiques atypiques : hyperprolactinémie avec aménorrhée/galactorrhée, troubles sexuels…
Il faut, enfin, mettre en garde contre les fortes posologies d’antipsychotiques, souvent hors AMM, et contre les
associations d’antipsychotiques sans réévaluation régulière.
Conclusion
Le degré d’observance est insuffisant sous antipsychotiques
atypiques comme il l’était sous neuroleptiques conventionnels, surtout par méconnaissance du caractère pathologique des troubles chez le malade. Cette observance est à
renforcer, notamment par l’alliance thérapeutique.
Pour les antipsychotiques atypiques, de nouvelles exigences en matière de tolérance imposent une vigilance
accrue du prescripteur sur l’état général de son patient
schizophrène. Les progrès apportés par les nouveaux antipsychotiques n’en demeurent pas moins indéniables, avec
un service rendu probablement plus substantiel chez les
« jeunes » patients où ils sont prescrits en première intention par rapport aux malades plus âgés ayant déjà reçu des
conventionnels.
Tableau 1 Importance de la recherche d’ATCDs
Antécédents
Justification
Histoire de la maladie psychiatrique et de sa thérapeutique
Repérer les symptômes cibles
Cure(s) neuroleptique(s) antérieure(s)
Leur efficacité/leur tolérance
Insuffisance rénale ou hépatique
Modification du métabolisme du médicament
Antécédents cardio-vasculaires personnels ou familiaux : perte
de connaissance, syncope, cardiopathie
Syndrome du QT long congénital, risque d’arythmie, de
torsades de pointes
Antécédents personnels ou familiaux de diabète
Majoration d’une pathologie diabétique
Troubles digestifs à type de constipation
Terrain allergique
Majoration possible
Prises d’autres médicaments, psychotropes ou non
Danger de certaines associations
Risques d’interactions
Habitus : alcool, tabac, autres toxiques
Modification du catabolisme des médicaments + risque
d’interactions
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Références
[1] Conférence de Consensus 1994. Stratégies thérapeutiques à
long terme dans les psychoses schizophréniques. Paris : Frison-Roche Ed ; 1998 ; 440.
[2] Day JC, Bentall RP, Roberts C et al. Attitudes toward antipsychotic medication. The impact of clinical variables and relationships with health professionals. Arch Gen Psychiatry
2005 ; 62 : 717-24.
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[3] Delay J, Deniker P. Méthodes chimiothérapiques en psychiatrie. Paris : Masson Ed ; 1961 ; 496.
[4] Pitschel-Walz G, Bäuml J, Bender W et al. Psychoeducation
and compliance in the treatment of schizophrenia : results of
the Munich Psychosis Information Project Study. J Clin Psychiatry 2006 ; 67 : 443-52.
[5] Valenstein M, Blow FC, Copeland LA et al. Poor antipsychotic
adherence among patients with schizophrenia : medication
and patient factors. Schizophrenia Bull 2004 ; 30 : 255-64.
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