D. Leguay L’Encéphale, 2006 ;
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866-9, cahier 3
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lise le comportement. Les familles se plaignent par ailleurs
d’un relatif manque de conviction des médecins par rap-
port à ce qu’ils peuvent attendre d’une innovation théra-
peutique, d’une relativisation excessive de l’apport des
nouveaux médicaments ou de nouvelles stratégies médi-
camenteuses. Les familles souhaitent tenter la chance
d’une amélioration, même s’il existe un risque de rechute
ou d’effet indésirable majeur.
La monothérapie neuroleptique semble aux familles un
objectif à atteindre, même si cela est difficile. Pour favo-
riser cet objectif, il leur semble qu’il faut des entretiens de
bilan plus longs, au moins une fois par an, et de toute façon
à chaque changement de traitement. Un bilan médical
annuel est également souhaitable. Surtout, il est néces-
saire de prendre le temps d’instaurer de manière optimale
le traitement, avec une mise en place très progressive, une
écoute des réactions du patient et de la famille, des expli-
cations quant aux raisons de changements et quant aux
doses utilisées.
Selon les familles, toute modification importante du trai-
tement devrait se faire à l’hôpital. Elles souhaitent que
dans ces moments-là, les médecins ne responsabilisent
pas trop la famille, et ne lui demandent pas de choisir les
stratégies thérapeutiques. Dans tous les cas, elles sont
attentives à éviter un arrêt brutal du traitement, par une
substitution progressive d’un produit à l’autre.
Les proches des patients souhaitent également par-
ticiper de façon régulière à un bilan complet, et être pris
en compte à part entière comme des aidants autant que
comme des observateurs, pour ce qui concerne la
symptomatologie, les effets des traitements, et l’obser-
vance.
Ce dernier point semble particulièrement important aux
familles. Une des principales causes de mauvaise obser-
vance est l’absence de reconnaissance de la maladie par
le patient, en particulier du fait du défaut de diagnostic :
les patients ne sont alors souvent pas convaincus de la
nécessité du traitement. Il semble cependant s’établir une
différence entre les patients à symptomatologie positive
(hallucinations, délires) et ceux dont la maladie s’exprime
sur un mode plus déficitaire : ces derniers semblent mieux
comprendre l’utilité d’un traitement.
Parmi les principales causes évoquées par les patients
pour l’arrêt du traitement, les familles rapportent le blo-
cage de la créativité, les pertes de mémoire, la prise de
poids, les troubles de la sexualité ; elles craignent aussi
l’influence négative des discussions entre patients,
qu’elles estiment responsables de plus de la moitié des
arrêts de traitement.
Les familles pensent toutefois qu’elles ne doivent pas
s’impliquer directement dans la surveillance de l’obser-
vance, mais renvoyer systématiquement le patient vers
l’équipe médicale : plus une famille insiste sur la prise du
traitement auprès du patient, plus l’échec est proche.
Les familles proposent également la mise à disposition
d’un cahier de suivi quotidien, qui pourrait porter sur
l’observance du traitement, mais aussi sur les faits et évé-
nements de la vie quotidienne : certaines familles utilisent
individuellement des agendas où elles notent des infor-
mations quotidiennes, « à la façon d’un journal intime ».
Parmi les phrases emblématiques recueillies :
« Mon fils n’a pas le même comportement dans le cabi-
net du médecin, à l’hôpital et quand il est chez nous… » ;
« Quelquefois, nous informons le médecin d’une
nouveauté
: on a l’impression qu’il n’est pas au courant,
voire même que ça ne l’intéresse pas
! » ;
« Quand il accepte d’essayer un nouveau traitement
sous notre influence, la façon dont il le prescrit conduit évi-
demment à l’échec (comme s’il voulait nous prouver notre
erreur…) ».
Recommandations de prise en charge
Dans le cadre d’une prise en charge globale, les
patients et les familles demandent que soit faite une ana-
lyse complète et multifactorielle avant la prescription, que
le traitement chimiothérapique soit accompagné d’une
approche psychothérapique, que les questions de vie en
général, de loisirs, de sports, de vie affective, de culture,
d’argent soient abordées, et enfin que les soignants puis-
sent proposer des occupations, le vide conduisant au ris-
que de suicide.
En ce qui concerne les médicaments, patients et
familles souhaitent que, dans sa prescription, le médecin
puisse adapter la posologie avec finesse et stabiliser la
maladie avec la plus petite dose efficace, afin de permettre
la reconstruction avec le médicament, d’éviter la sédation
et tous les signes qui stigmatisent le patient, soulignant
ainsi son rôle social, et d’éviter ce qui supprime la volonté
et les idées, car c’est ce qui conduit à arrêter le traitement.
Pour eux, le rôle du médecin est aussi de faire ressentir
au patient le besoin du médicament, car à chaque arrêt,
le délire repart toujours ; lors des changements de traite-
ment, son rôle est de bien encadrer la substitution pour
donner toutes les chances au patient, et de garder à l’esprit
que les patients sont toujours prêts à essayer un nouveau
traitement, s’il y a un espoir de mieux-être.
D’autres recommandations apparaissent également
autour du médicament : éviter les formes galéniques qui
sont douloureuses ou qui ont un rituel angoissant (comme
les neuroleptiques d’action prolongée) lorsqu’elles ne sont
pas nécessaires ; proposer des aides à l’observance,
avec des piluliers qui ne soient pas archaïques ; enfin, être
plus précis dans les notices des médicaments, qui disent
toutes la même chose, alors que les produits sont diffé-
rents…
Pour ce qui concerne la famille, les recommandations
apparues soulignent la nécessité de prendre en compte
les problèmes familiaux car ils sont liés à ceux du patient,
de s’appuyer quand elle est disponible sur la famille car
elle peut représenter une aide importante, d’écouter la
famille car elle peut transmettre des informations essen-
tielles sur le comportement du patient, qui est différent au
domicile et face au médecin. Il apparaît également impor-
tant de mieux expliquer ce que sont les décompensations