
Dépistage des troubles bipolaires : une revue de la littérature 573
On peut encore signaler la difficulté du MDQ de repérer
les individus ne remplissant pas totalement les critères d’un
TB de type I (type II ou cas subsyndromaux).
Parmi les autres recherches portant sur le MDQ, la vali-
dation de la version franc¸aise [37] a permis de confirmer les
conclusions de l’étude américaine originale portant sur une
population clinique similaire : le MDQ identifiait correcte-
ment sept patients sur dix présentant un TB. Sa sensibilité
était meilleure pour les bipolaires de type I parmi les-
quels le MDQ dépistait correctement neuf sujets sur dix,
que pour ceux de type II dont la moitié seulement étaient
correctement identifiés. Parmi les autres caractéristiques
psychométriques du MDQ, cette étude permit de confirmer
la cohérence interne de l’instrument et de vérifier sa bonne
stabilité (fidélité test-retest), jamais calculée auparavant.
Hypomania Checklist
À part le MDQ, d’autres instruments ont été développés
en vue d’améliorer le dépistage du TB chez l’adulte. C’est
le cas notamment du Hypomania Checklist (HCL) de Angst
et al. [1], autoquestionnaire plus spécifiquement conc¸u
pour dépister l’hypomanie chez l’adulte. Il repose sur une
vision dimensionnelle du spectre bipolaire, allant d’une
élévation normale de l’humeur à l’hypomanie et à la manie.
Dans une première étude franc¸aise, une version à 20 items
(HCL-20) fut testée et permit de doubler le nombre de
sujets bipolaires identifiés [11]. Afin d’implémenter sur le
plan international une version standardisée du HCL, une
nouvelle version (HCL-32) fut proposée, qui comprend les
items d’origine de même que des questions additionnelles
permettant d’améliorer la reconnaissance de l’hypomanie.
Cette version, se composant de 32 items en réponse
oui/non, examine également la durée des symptômes,
les conséquences personnelles et sociales des symptômes
d’hypomanie et prend en considération l’état thymique
actuel du patient (élevé ou bas) en tant que variable
susceptible de biaiser ses réponses. Enfin, certains items
abordent la question de l’insight, en d’autres termes,
la reconnaissance ou déni par le patient de sa maladie.
Disponible en de multiples langues (anglaise, franc¸aise,
allemande, italienne, espagnole, portugaise, suédoise, nor-
végienne, hollandaise, flamande, polonaise, russe, croate,
grecque et chinoise), il fait l’objet d’études de validation
sur le plan international. Les premiers résultats publiés à
ce jour et portant sur la version italienne et suédoise du
HCL-32 semblent encourageants [1,7]. La validation de la
version chinoise [39] menée sur des patients psychiatriques
souffrant de troubles de l’humeur, suivis en ambulatoire
ou hospitalisés, va dans le même sens. Dans une population
adulte de patients psychiatriques, un seuil diagnostique de
14 items ou plus, aboutissait à la meilleure combinaison de
sensibilité (80 %) et de spécificité (51 %) dans la distinction
des sujets bipolaires de ceux souffrant de dépression
majeure unipolaire [1]. Par ailleurs, bien que ne permet-
tant pas de distinguer les différents sous-types bipolaires
I ou II entre eux, le HCL-32 semblait, comparativement
au MDQ, mieux détecter les troubles bipolaires type II
[7]. Dans l’étude de la version chinoise, cet instrument
distingue entre eux les sous-types bipolaires I ou II, avec
une sensibilité de 64 % et une spécificité de 73 %, sur la base
d’un seuil diagnostique de 21 items. Au sein d’une popu-
lation psychiatrique adulte ambulatoire, le HCL-32 dans
sa version espagnole [34] identifiait correctement, avec
un seuil diagnostique optimal de 14 items, huit patients
sur dix souffrant de cette affection (sensibilité de 0,85)
et excluait la grande majorité des sujets n’en souffrant
pas (spécificité de 0,79). Notons par ailleurs dans cette
étude une excellente corrélation entre le MDQ et le HCL-32
(r = 0,84, p< 0,01) et fidélité test-retest pour ces deux
instruments. La sensibilité et spécificité du MDQ en version
espagnole rapportées indiquent que, comparativement au
HCL-32, cet instrument dispose d’une meilleure spécificité
mais d’une sensibilité moindre. Avant de pouvoir tirer des
conclusions définitives quant au HCL-32, il convient tou-
tefois d’attendre les résultats des travaux en cours sur les
versions dans les autres langues, ainsi que de tester encore
cet instrument sur d’autres populations générales [26].
Bipolar Spectrum Diagnostic Scale
Le Bipolar Spectrum Diagnostic Scale (BSDS) [9] consiste en
un texte sur une page relatant des expériences typiques
de fluctuations de l’humeur. Il est demandé au patient
de cocher chacune des phrases correspondant à sa propre
expérience. Sur une population psychiatrique adulte ambu-
latoire, la sensibilité et la spécificité du BSDS étaient de
0,73 et de 0,90, soit identiques à celles du MDQ dans l’étude
originale de validation [13] sur un échantillon comparable.
Instruments de dépistage chez l’enfant et
l’adolescent
Pour le dépistage du TB dans l’enfance et l’adolescence,
il existe plusieurs instruments, certains déjà traduits mais
à notre connaissance pas encore validés en franc¸ais. Dans
un article comparatif de six instruments prometteurs [40],
on trouve le MDQ pour adolescent, utilisé dans ses ver-
sions complétées par l’adolescent (A-MDQ) ou par ses
parents (P-MDQ). Deux autres instruments, le Young Mania
Rating Scale (YMRS) et le General Behavior Inventory, eux
aussi sous formes d’autopassation (AGBI à 28 items) ou
d’hétéropassation en version abrégée à 10 items (PGBI-SF10)
sont également examinés. Les résultats de cette étude por-
tant sur un échantillon de patients ambulatoires (N = 262)
âgés de5à17ans, montrent que comparés aux réponses
à des entretiens diagnostiques semi-structurés, les instru-
ments complétés par les parents discriminent les sujets
bipolaires de ceux ne souffrant pas de cette affection et
sont plus performants que dans leur formes en autopassa-
tion. De manière générale, le questionnaire le plus efficace
est le PGBI-SF10, suivi par le P-MDQ et le P-YMRS. Notons
des performances différentes de certains instruments selon
le groupe d’âge considéré (5—10 ans versus 11—17 ans). Si
aucune différence significative n’apparaît entre le P-MDQ
et le PGBI-SF10 quel que soit le groupe d’âge, ce dernier
instrument est plus performant que les trois instruments
en autopassation, ainsi que le P-YMRS chez les 11 à 17 ans.
Chez les plus jeunes (5—10 ans), le PGBI-SF10 est également
plus efficace que le P-YMRS. La supériorité de l’estimation
des parents sur celle du jeune lui-même dans le dépis-
tage de son TB se confirme dans l’étude spécifique du MDQ