L’Encéphale (2009) 35, 570—576
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP
PSYCHOPATHOLOGIE
Dépistage des troubles bipolaires :
une revue de la littérature
Screening for bipolar disorders:
A review of the literature
B. Weber-Rouget, J.-M. Aubry
Programme bipolaire, service de psychiatrie adulte, hôpitaux universitaires de Genève, 06—08,
rue du 31-Décembre, 1207 Genève, Suisse
Rec¸u le 27 septembre 2007 ; accepté le 24 juin 2008
Disponible sur Internet le 5 f´
evrier 2009
MOTS CLÉS
Troubles bipolaires ;
Instruments de
dépistage ;
Questionnaire ;
Diagnostic ;
Détection précoce
Résumé Cet article passe en revue les instruments de dépistage du trouble bipolaire (TB),
au sein des populations cliniques ou générales, adultes ou juvéniles, développés pour facili-
ter l’identification de cette maladie encore trop souvent sous-diagnostiquée. Certains d’entre
eux sont traduits et validés dans plusieurs langues. C’est le cas notamment du Mood Disorder
Questionnaire qui présente l’avantage d’être bref, disponible tant pour une population adulte
que juvénile et d’avoir fait l’objet de nombreuses publications. Son pouvoir de détection est
bon dans des échantillons adultes psychiatriques mais plus limité dans la population générale.
Il repère aussi plus difficilement les individus ne remplissant pas les critères d’un TB de type
I (type II ou cas subsyndromaux). Ces constats sont également vrais pour d’autres instruments
de dépistage (par exemple le HCL-32). Des travaux sont en cours pour améliorer le pouvoir
de détection pour ces sous-types diagnostiques et tester la faisabilité des outils développés
au sein d’autres groupes cliniques ou non de la population. Ces instruments de dépistage ne
remplaceront jamais l’interview clinique conduit par un expert et nous abordons la place qu’ils
peuvent occuper, à même titre que d’autres sources d’information (notamment la famille du
patient), dans l’évaluation diagnostic du TB.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
KEYWORDS
Bipolar disorders;
Screening
instruments;
Summary
Objective. — The aim of this article is to review the major instruments proposed for scree-
ning for bipolar disorder among clinical or general, adult or paediatric populations. They were
developed in order to improve the detection of this illness which, far too often, remains unre-
cognized. Several of these screening instruments are already translated into several languages
and validated.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (B. Weber-Rouget).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2008.06.017
Dépistage des troubles bipolaires : une revue de la littérature 571
Questionnaire;
Diagnosis;
Early recognition
Methodology. — A systematic review of the literature published on this topic up to July 2007 was
carried out, using the main electronic data base (Medline). The keywords employed included
bipolar disorder, screening, questionnaire, diagnosis and early recognition.
Results. — The studies reported here examine whether screening instruments perform similarly
in various clinical and non-clinical samples. Different forms of the same questionnaire (like self-
report or parent report used in paediatric samples) are sometimes compared, usually showing
that parent reports supersede the adolescent self-report form. This is namely the case for the
Mood Disorder Questionnaire (MDQ) which is a brief and widely tested tool, available both in
adult and adolescent versions.
The MDQ exhibits good psychometric properties in relation to sensitivity and specificity in
adult psychiatric samples, but these are more limited in the general population. Moreover,
it yields better sensitivity for BP type I than for other bipolar subtypes. This is also true for
other screening instruments like the hypomania check list (HCL-32). In order to optimize the
sensitivity for bipolar II disorders, proposals for changing the MDQ screening algorithm have
been tested.
Discussion. — Even though it does not replace a thorough clinical interview, the use of screening
tools for bipolar disorder is widely advocated. We discuss the need for clinicians to rely upon
instruments allowing for a rapid and economically feasible identification of this disorder. Invol-
ving family members in the evaluation process may also increase the rate of recognition. More
studies are still required in order to improve diagnostic efficiency of the screening instruments.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
Débutant classiquement avant 25 ans, le trouble bipolaire
(TB) se caractérise à l’âge adulte par une chronicité impor-
tante, un risque élevé de suicide [36], ainsi qu’un taux
important de récidives et d’hospitalisations [3] entraînant
des conséquences parfois dramatiques sur le plan du fonc-
tionnement socioprofessionnel et de la qualité de vie [18].
De plus, sa comorbidité avec une autre affection psychia-
trique ou médicale générale est fréquente [20].
L’intérêt pour l’étude du TB dans des populations juvé-
niles est plus récent [2]. Une prévalence (pour TB type II et
spectre bipolaire) d’environ 6 % et de 2—15 % est rapportée
[5], respectivement dans la population générale et dans des
échantillons cliniques. Certaines études visent à mieux cer-
ner des marqueurs potentiels prédictifs du développement
ultérieur d’un TB [22].
Enfin, chez l’adulte âgé, l’état de la recherche sur le TB
n’est guère avancé [30]. Les épisodes maniaques y semblent
moins sévères et une période moyenne de latence supé-
rieure à 15 ans peut s’écouler entre la survenue d’un épisode
dépressif et le moment où le premier épisode maniaque est
rapporté.
Si on dispose heureusement aujourd’hui de théra-
peutiques plus efficaces (médicaments, psychothérapies,
psychoéducation, ...) pour traiter cette affection [38,42],
de gros efforts doivent toutefois encore être consentis pour
améliorer le dépistage de cette maladie susceptible de se
présenter sous des formes très variées et variables de symp-
tômes (modifications extrêmes de l’humeur, des pensées, de
l’énergie et des comportements), rendant ainsi son diagnos-
tic délicat. Selon deux enquêtes de la National Depressive
and Manic-Depressive Association (NDMDA), environ sept
sujets sur dix souffrant de troubles bipolaires ont rec¸u au
minimum un faux diagnostic et un bon nombre d’entre eux
ont attendu plus de dix ans après la survenue des symp-
tômes avant d’être correctement diagnostiqués [16,24].Or,
Franchini, et al. [8] ont montré que l’introduction d’un trai-
tement de lithium au cours des premières années de la
maladie s’accompagnait d’une meilleure évolution que si
celui-ci était introduit plus tardivement. De plus, Goldberg
et Ernest [10] ont rapporté une augmentation du risque sui-
cidaire avec le délai d’introduction d’un stabilisateur de
l’humeur.
Cet article recense une série d’instruments de dépistage
du TB au sein de populations cliniques ou générales, adultes
ou juvéniles et présente brièvement quelques résultats des
études disponibles.
Instruments de dépistage chez l’adulte
Mood Disorder Questionnaire
Le Mood Disorder Questionnaire (MDQ) [13] est le premier
outil développé spécifiquement pour reconnaître la pré-
sence sur la vie de symptômes du TB de types I et II.
Il s’agit d’un autoquestionnaire constitué de 13 items en
réponse oui/non, tirés de critères diagnostiques (DSM-IV)
et de l’expérience clinique. En complément à ces items,
deux questions additionnelles portent respectivement sur la
co-occurrence éventuelle de ces symptômes au cours d’une
même période de temps et sur le degré de perturbation
du fonctionnement de l’individu imputable aux symptômes.
Un score positif en faveur de la présence d’un TB requiert
qu’au moins sept des items soient admis par le patient,
qu’au moins certains de ces items co-apparaissent et que les
symptômes donnent lieu à des perturbations psychosociales
d’intensité au minimum modérée. Il est à ce jour traduit
et validé en plusieurs langues, notamment en franc¸ais, en
italien, en finlandais et en turc [12,19,23,37].LeTableau 1
présente plusieurs études s’y rapportant à ce jour, dans sa
572 B. Weber-Rouget, J.-M. Aubry
Tableau 1 Sensibilité et spécificité selon les études de quelques instruments de dépistage du TB chez l’adulte et l’enfant.
Seuils diagnostiques Sensibilité Spécificité
MDQ
Hirschfeld et al. 2000 [13] Sept items, co-occurrence et perturbations
modérées ou sévères
Bipolaires versus unipolaires 0,73 0,90
Hirschfeld et al. 2003 [15] Sept items, co-occurrence et perturbations
modérées ou sévères
Bipolaires versus unipolaires 0,28 0,97
Weber Rouget et al. 2005 [37] Sept items, co-occurrence et perturbations
modérées ou sévères
Bipolaires versus unipolaires 0,74 0,91
Bipolaires type I 0,99
Bipolaires type II 0,52
Bipolaires versus unipolaires (algorithme
modifié)
Sept items, co-occurrence et perturbations
mineures, modérées ou sévères
0,87 0,86
Bipolaires type I (algorithme modifié) 0,97
Bipolaires type II (algorithme modifié) 0,76
Hardoy et al. 2005 [12]/Carta et al. 2006 [7] Six items
Bipolaires versus unipolaires 0,76 0,86
Bipolaires type II 0,55 0,65
Isometsä et al. 2003 [19] Sept items, co-occurrence et perturbations
modérées ou sévères
Bipolaires versus Unipolaires 0,85 0,47
Miller et al. 2004 [27] Sept items, co-occurrence et perturbations
modérées ou sévères
Bipolaires versus unipolaires 0,58 0,67
Bipolaires type I 0,69
Bipolaires type II et NOS 0,30
Konuk et al. 2007 [23] Sept items, co-occurrence et perturbations
modérées ou sévères
Bipolaires versus unipolaires 0,64 0,77
MDQ-A
Wagner et al. 2006 [35] > 5 items, co-occurrence et perturbations
modérées ou sévères
Version parent-report 0,72 0,81
Version self-report 0,38 0,73
Version attributional report 0,38 0,74
HCL-32
Angst et al. 2005 [1] 14 items
Bipolaires versus unipolaires 0,80 0,51
Carta et al. 2006 [7] 12 items
Bipolaires versus unipolaires 0,85 0,61
Bipolaires type II versus unipolaires 0,80 0,54
Vieta et al. 2007 [34] 14 items
Bipolaires versus unipolaires 0,85 0,79
Wu et al. 2008 [39] 14 items
Bipolaires versus unipolaires 0,82 0,67
CBQ
Papolos et al. 2006 [28] Algorithms variables selon les phénotypes
(TB, TB + THADA, THADA)Bipolaires versus non-bipolaires 0,76 0,97
Conners Abbreviated Parent Quest
Tillman et al. 2005 [32] Résultats de la formule d’algorithm 6, 8
et 9, selon tranches d’âgeBipolaires versus non-bipolaires 0,73 0,86
version pour adulte et celle pour adolescent (MDQ-A) et
inclut également les résultats obtenus pour d’autres instru-
ments cités plus loin.
Dans un groupe de patients psychiatriques ambulatoires
[13], le MDQ identifie correctement sept patients sur dix
présentant un TB (sensibilité) et écarte neuf patients sur dix
n’en souffrant pas (spécificité). Une seconde étude de vali-
dation du MDQ [15], conduite sur une population générale
[14] conclut à une moins bonne sensibilité de l’instrument,
le MDQ ne reconnaissant alors que trois individus sur dix avec
un TB. Il permet toutefois toujours d’exclure correctement
la grande majorité des patients n’en souffrant pas. Parmi
les sujets soignés cette fois pour dépression dans un service
de médecine générale, la sensibilité et la spécificité du MDQ
étaient respectivement de 0,58 et de 0,93 [17]. Environ deux
tiers d’entre eux n’avaient jamais rec¸u un diagnostic de TB.
Dépistage des troubles bipolaires : une revue de la littérature 573
On peut encore signaler la difficulté du MDQ de repérer
les individus ne remplissant pas totalement les critères d’un
TB de type I (type II ou cas subsyndromaux).
Parmi les autres recherches portant sur le MDQ, la vali-
dation de la version franc¸aise [37] a permis de confirmer les
conclusions de l’étude américaine originale portant sur une
population clinique similaire : le MDQ identifiait correcte-
ment sept patients sur dix présentant un TB. Sa sensibilité
était meilleure pour les bipolaires de type I parmi les-
quels le MDQ dépistait correctement neuf sujets sur dix,
que pour ceux de type II dont la moitié seulement étaient
correctement identifiés. Parmi les autres caractéristiques
psychométriques du MDQ, cette étude permit de confirmer
la cohérence interne de l’instrument et de vérifier sa bonne
stabilité (fidélité test-retest), jamais calculée auparavant.
Hypomania Checklist
À part le MDQ, d’autres instruments ont été développés
en vue d’améliorer le dépistage du TB chez l’adulte. C’est
le cas notamment du Hypomania Checklist (HCL) de Angst
et al. [1], autoquestionnaire plus spécifiquement conc¸u
pour dépister l’hypomanie chez l’adulte. Il repose sur une
vision dimensionnelle du spectre bipolaire, allant d’une
élévation normale de l’humeur à l’hypomanie et à la manie.
Dans une première étude franc¸aise, une version à 20 items
(HCL-20) fut testée et permit de doubler le nombre de
sujets bipolaires identifiés [11]. Afin d’implémenter sur le
plan international une version standardisée du HCL, une
nouvelle version (HCL-32) fut proposée, qui comprend les
items d’origine de même que des questions additionnelles
permettant d’améliorer la reconnaissance de l’hypomanie.
Cette version, se composant de 32 items en réponse
oui/non, examine également la durée des symptômes,
les conséquences personnelles et sociales des symptômes
d’hypomanie et prend en considération l’état thymique
actuel du patient (élevé ou bas) en tant que variable
susceptible de biaiser ses réponses. Enfin, certains items
abordent la question de l’insight, en d’autres termes,
la reconnaissance ou déni par le patient de sa maladie.
Disponible en de multiples langues (anglaise, franc¸aise,
allemande, italienne, espagnole, portugaise, suédoise, nor-
végienne, hollandaise, flamande, polonaise, russe, croate,
grecque et chinoise), il fait l’objet d’études de validation
sur le plan international. Les premiers résultats publiés à
ce jour et portant sur la version italienne et suédoise du
HCL-32 semblent encourageants [1,7]. La validation de la
version chinoise [39] menée sur des patients psychiatriques
souffrant de troubles de l’humeur, suivis en ambulatoire
ou hospitalisés, va dans le même sens. Dans une population
adulte de patients psychiatriques, un seuil diagnostique de
14 items ou plus, aboutissait à la meilleure combinaison de
sensibilité (80 %) et de spécificité (51 %) dans la distinction
des sujets bipolaires de ceux souffrant de dépression
majeure unipolaire [1]. Par ailleurs, bien que ne permet-
tant pas de distinguer les différents sous-types bipolaires
I ou II entre eux, le HCL-32 semblait, comparativement
au MDQ, mieux détecter les troubles bipolaires type II
[7]. Dans l’étude de la version chinoise, cet instrument
distingue entre eux les sous-types bipolaires I ou II, avec
une sensibilité de 64 % et une spécificité de 73 %, sur la base
d’un seuil diagnostique de 21 items. Au sein d’une popu-
lation psychiatrique adulte ambulatoire, le HCL-32 dans
sa version espagnole [34] identifiait correctement, avec
un seuil diagnostique optimal de 14 items, huit patients
sur dix souffrant de cette affection (sensibilité de 0,85)
et excluait la grande majorité des sujets n’en souffrant
pas (spécificité de 0,79). Notons par ailleurs dans cette
étude une excellente corrélation entre le MDQ et le HCL-32
(r = 0,84, p< 0,01) et fidélité test-retest pour ces deux
instruments. La sensibilité et spécificité du MDQ en version
espagnole rapportées indiquent que, comparativement au
HCL-32, cet instrument dispose d’une meilleure spécificité
mais d’une sensibilité moindre. Avant de pouvoir tirer des
conclusions définitives quant au HCL-32, il convient tou-
tefois d’attendre les résultats des travaux en cours sur les
versions dans les autres langues, ainsi que de tester encore
cet instrument sur d’autres populations générales [26].
Bipolar Spectrum Diagnostic Scale
Le Bipolar Spectrum Diagnostic Scale (BSDS) [9] consiste en
un texte sur une page relatant des expériences typiques
de fluctuations de l’humeur. Il est demandé au patient
de cocher chacune des phrases correspondant à sa propre
expérience. Sur une population psychiatrique adulte ambu-
latoire, la sensibilité et la spécificité du BSDS étaient de
0,73 et de 0,90, soit identiques à celles du MDQ dans l’étude
originale de validation [13] sur un échantillon comparable.
Instruments de dépistage chez l’enfant et
l’adolescent
Pour le dépistage du TB dans l’enfance et l’adolescence,
il existe plusieurs instruments, certains déjà traduits mais
à notre connaissance pas encore validés en franc¸ais. Dans
un article comparatif de six instruments prometteurs [40],
on trouve le MDQ pour adolescent, utilisé dans ses ver-
sions complétées par l’adolescent (A-MDQ) ou par ses
parents (P-MDQ). Deux autres instruments, le Young Mania
Rating Scale (YMRS) et le General Behavior Inventory, eux
aussi sous formes d’autopassation (AGBI à 28 items) ou
d’hétéropassation en version abrégée à 10 items (PGBI-SF10)
sont également examinés. Les résultats de cette étude por-
tant sur un échantillon de patients ambulatoires (N = 262)
âgés de5à17ans, montrent que comparés aux réponses
à des entretiens diagnostiques semi-structurés, les instru-
ments complétés par les parents discriminent les sujets
bipolaires de ceux ne souffrant pas de cette affection et
sont plus performants que dans leur formes en autopassa-
tion. De manière générale, le questionnaire le plus efficace
est le PGBI-SF10, suivi par le P-MDQ et le P-YMRS. Notons
des performances différentes de certains instruments selon
le groupe d’âge considéré (5—10 ans versus 11—17 ans). Si
aucune différence significative n’apparaît entre le P-MDQ
et le PGBI-SF10 quel que soit le groupe d’âge, ce dernier
instrument est plus performant que les trois instruments
en autopassation, ainsi que le P-YMRS chez les 11 à 17 ans.
Chez les plus jeunes (5—10 ans), le PGBI-SF10 est également
plus efficace que le P-YMRS. La supériorité de l’estimation
des parents sur celle du jeune lui-même dans le dépis-
tage de son TB se confirme dans l’étude spécifique du MDQ
574 B. Weber-Rouget, J.-M. Aubry
dans sa forme pour adolescent (MDQ-A) tel que testé sur
une population juvénile (N = 104), âgée de 12 à 16 ans, sui-
vie en ambulatoire dans quatre cliniques psychiatriques des
États-Unis [35]. Trois versions du MDQ-A y sont étudiées :
une s’adressant aux parents (parent report), une complé-
tée directement par l’enfant ou l’adolescent (self-report)et
une troisième complétée aussi par l’enfant ou l’adolescent
mais en indiquant comment il pense que ses enseignants ou
ses pairs le décriraient (attributional-report). Les scores au
MDQ sont comparés aux réponses à un entretien diagnos-
tique semi-structuré (K-SADS-PL) mené par un interviewer
entraîné, aveugle aux résultats du MDQ. Si parents et
enfants admettent le même nombre de symptômes, leur avis
divergent en revanche pour la troisième question portant sur
le degré de perturbation du fonctionnement imputable aux
symptômes et à laquelle les parents rapportent plus de per-
turbations psychosociales d’intensité modérée à sévère que
leur progéniture (66 % versus 47 %, p= 0,008). Pour l’étude de
la sensibilité et spécificité des trois versions du MDQ-A dans
cette étude, les auteurs utilisent le seuil diagnostique opti-
mal de cinq symptômes admis. Comparé au MDQ (Tableau 1)
validé par Hirschfeld et al. dans une population adulte simi-
laire [13] et pour sa traduction et validation en franc¸ais par
Weber Rouget et al. [37], le MDQ-A dans sa version parent
bénéficie d’une sensibilité identique et d’une spécificité très
proche, bien qu’inférieure.
Child Bipolar Questionnaire
Le Child Bipolar Questionnaire (CBQ), instrument de dépis-
tage développé par une équipe américaine [28] pour faciliter
le recrutement des sujets dans des études sponsorisées par
la Fondation de recherche sur le TB juvénile (Juvenile Bipo-
lar Research Foundation), a été conc¸u initialement sous
forme d’un autoquestionnaire de 85 items à compléter par
les parents. Dans sa version finale recouvrant 65 symptômes
ou comportements et traduit à ce jour en franc¸ais, espa-
gnol, polonais et portugais (pas de validation publiée à notre
connaissance dans ces langues), cet instrument identifie cor-
rectement 76 % des enfants bipolaires (sensibilité) et exclut
l’essentiel (spécificité de 97 %) des enfants n’en souffrant
pas. Classant correctement la quasi-totalité des sujets libres
de toute affection psychiatrique (97 %), il reconnaît aussi
67 % des patients souffrant de trouble d’hyperactivité avec
déficit de l’attention (ADHD) sans comorbidité bipolaire. En
ce qui concerne les sujets bipolaires avec ou sans ADHD
comorbide, le CBQ reconnaît 77 % des sujets avec comorbi-
dité d’ADHD et 68 % de ceux sans ADHD. Il convient enfin de
mentionner les conditions d’administration simples de cet
instrument (complété en une dizaine de minutes et même
par Internet), ce qui parle en faveur de son usage aisé à des
fins cliniques et de recherche.
Child Behavior Checklist
Le Child Behavior Checklist (CBCL-6-18) d’Achenbach est
cité par Youngstrom et al. [41] comme étant l’instrument le
plus largement utilisé, dans des échantillons tant cliniques
que de recherche, pour comparer des phénotypes issus de
divers sites. Il s’agit d’une mesure complétée par les parents
(ou autre figure significative) afin d’évaluer les compétences
sociales (participation de l’enfant à des activités sportives,
jeux, loisirs et contacts sociaux) et les problèmes compor-
tementaux/émotionnels de l’enfant de6à18ans. Le CBCL
inclut 118 items se rapportant à d’éventuels troubles inter-
nalisés (anxiété, dépression, problèmes somatiques,...)ou
externalisés (opposition, agressivité, délinquance). En tout,
huit problèmes ou syndromes sont identifiés : retrait, soma-
tisation, anxiété/dépression, problèmes sociaux, troubles
psychologiques, troubles de l’attention, comportements
délinquants et comportements agressifs. La validation en
langue franc¸aise du CBCL a été réalisée par Vermeersch
et al. [33]. Dans le cadre du TB, le CBCL présente toute-
fois le désavantage de ne pas porter véritablement sur la
manie.
Conners’ Abbreviated Parent Questionnaire
Le Conners’ Abbreviated Parent Questionnaire, complété
par les parents, est un instrument en dix items développé
pour examiner l’hyperactivité avec déficit d’attention
(ADHD). En 2005, Tillman et Geller [32] l’utilisent comme
outil de screening du TB en phase prépubertaire et de début
d’adolescence. Ils le proposent aux parents d’un échantillon
âgé de sept à 16 ans, composé de sujets bipolaires, de sujets
souffrant d’ADHD et de sujets témoins sains. Les sujets
bipolaires obtiennent des scores plus élevés que l’autre
sous-échantillon clinique, sur les items sept, huit, neuf et
dix de l’échelle. Les auteurs proposent alors un algorithme
de screening permettant d’identifier correctement 73 %
des sujets du sous-échantillon clinique bipolaire, avec une
spécificité de 0,86, performances de détection compa-
rables, comme le soulignent justement ces auteurs, à celles
obtenues à l’aide du MDQ dans une population adulte.
Discussion
Le recours aux outils de dépistage doit permettre de faciliter
la reconnaissance de l’existence d’un TB chez la personne
qui en présente actuellement les symptômes, mais égale-
ment lorsque aucun signe d’hypomanie n’est objectivable
sur le moment. Toutefois, l’instrument de screening ne doit
donc pas être utilisé en lieu et place, mais en complément
de l’entretien clinique.
Un point qui mérite notre attention est celui du moment
le plus approprié pour interviewer le patient. Que savons-
nous de l’indépendance ou non des réponses aux outils de
dépistage par rapport à l’état thymique du sujet au moment
de la passation ? Il serait en effet gênant que les scores
obtenus varient en fonction de l’humeur, avec des banalisa-
tions ou amplifications des symptômes présentés selon que
le sujet se trouve en phase de décompensation maniaque
ou dépressive. À ce stade, nous ne pouvons encore exclure
l’influence de l’état thymique du sujet sur ses réponses à
des outils de screening. En ce qui concerne le MDQ, selon les
études menées à ce jour, les populations considérées étaient
en rémission [4] ou non [13]. L’impact de symptômes hypo-
manes ou maniaques sur les réponses au HCL-32 ne peut
être négligé [39]. Et comme le souligne Benazzi [6], on peut
se poser la question de la fiabilité des réponses concer-
nant des épisodes passés d’hypomanie lorsqu’on interroge
des patients présentant un épisode dépressif majeur sévère
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