E. CorrubleS144
portant sur 25 000 patients et 113 000 sujets contrôles issus
des registres médicaux danois, a étudié l’augmentation du
risque d’hypertension artérielle chez les patients bipolaires.
Cette étude montre un risque augmenté (risque relatif de
1,27) d’hypertension artérielle dans le trouble bipolaire par
rapport à la population générale, alors qu’il n’existe pas de
majoration de ce risque dans le trouble schizophrénique.
Prise de poids et obésité
La moitié des patients bipolaires présentent soit une obé-
sité soit un surpoids [17]. Concernant l’obésité, une étude
canadienne réalisée en population générale sur 37 000 sujets
dans le cadre de la National Community Health Survey [13]
évalue la prévalence de l’obésité à 19 % chez les patients
bipolaires et à 15 % en population générale, cette diffé-
rence de prévalence étant signifi cative. Ce travail souligne
également un effet signifi catif des antipsychotiques.
Deux articles de l’équipe de Pittsburgh [4, 5] tendent à
montrer que l’obésité est un facteur de pronostic péjoratif
dans les troubles bipolaires tant d’un point de vue somati-
que que d’un point de vue psychiatrique. Dans cette étude,
175 patients bipolaires de type I ont été suivis pendant
deux ans, la majorité d’entre eux étant traités par sel de
lithium : 35 % des patients de cet échantillon étaient obè-
ses (Indice de Masse Corporelle (IMC) > 30). Par rapport aux
patients bipolaires non obèses, les patients bipolaires obè-
ses ont un pronostic plus péjoratif de leur trouble bipo-
laire, avec davantage d’épisodes maniaques et dépressifs
et de tentatives de suicides, des phases aigues plus prolon-
gées et des récurrences plus précoces.
Des facteurs de risque de prise de poids sous traitement
ont été identifi és chez les patients bipolaires. Ces prises de
poids surviennent de façon préférentielle chez les sujets
jeunes, chez les femmes, chez les sujets dont l’IMC avant
traitement est faible, qui ont des antécédents personnels
ou familiaux d’obésité, et qui ont des fl uctuations mar-
quées du poids au cours de la vie adulte ; la présence de
caractéristiques psychotiques au cours des épisodes thymi-
ques est également un facteur de risque de prise de poids ;
enfi n, les sujets qui prennent du poids très précocement
sous traitement (3 premières semaines) sont ceux qui sont
le plus à risque de présenter une prise de poids ultérieure.
Le rôle des médicaments psychotropes, en particulier
des antipsychotiques, est évidemment essentiel dans le ris-
que de prise de poids. Le risque de survenue de syndrome
métabolique avec les antipsychotiques est aujourd’hui lar-
gement démontré, et relativement différent selon les
molécules (Tableau 1).
Les thymorégulateurs entrainent également des prises
de poids. Les sels de lithium entrainent des prises de poids
chez environ 60 % des patients traités, les prises de poids
moyennes étant de 4 à 15 kg en 2 ans. Elles sont associées
à une augmentation de l’appétit, une rétention hydrique,
une modifi cation du métabolisme des glucides et des grais-
ses, et/ou une hypothyroïdie. Le valproate entraîne une
stimulation de l’appétit. En revanche, plusieurs publica-
tions suggèrent l’intérêt potentiel de la lamotrigine dans
ce domaine, puisque cette molécule pourrait entraîner une
perte de poids chez les sujets obèses [2]. En ce qui concerne
le risque de syndrome métabolique sous thymorégulateurs
(revue 16), on ne dispose à l’heure actuelle que de peu de
données. Toutefois, le valproate pourrait entrainer des pri-
ses de poids, une hyperlipidémie, une intolérance au glu-
cose, une insulinorésistance ; le risque serait moindre avec
la carbamazépine et la lamotrigine.
Les prises de poids sous antidépresseurs sont également
connues depuis longtemps et constituent une plainte fré-
quente des patients dans le traitement au long cours. On
dispose aujourd’hui de données préliminaires en faveur
d’un effet des antidépresseurs sur le métabolisme lipidique
et glucidique, et l’on peut donc s’interroger sur le risque
de survenue de syndrome métabolique sous antidépres-
seurs. Nous conduisons actuellement une étude nationale
(étude METADAP) pour évaluer le risque de survenue de
syndromes métaboliques chez des patients déprimés trai-
tés par antidépresseurs.
Conclusion
La comorbidité somatique dans les troubles bipolaires est
ubiquitaire, mais en premier lieu cardio-vasculaire. La per-
tinence de cette comorbidité est d’ordre somatique, avec
une mortalité particulièrement importante et précoce,
mais aussi psychiatrique, avec le risque d’altération du
pronostic psychiatrique du trouble bipolaire.
Dans la pratique clinique, il est donc nécessaire pour les
patients bipolaires comme pour tout autre individu, de
faire un dépistage régulier des facteurs de risque somati-
ques, et une surveillance médicale systématique, clinique
et biologique. L’objectif thérapeutique somatique doit être
identique pour tout patient, qu’il souffre ou non d’un trou-
ble bipolaire.
Références
[1] Alberti KG, Zimmet P, Shaw J et al. The metabolic syndrome-
a new worldwide defiition. Lancet 2005 ; 366 : 1059-62.
[2] Bowden CL, Calabrese JR, Ketter TA et al. Impact of lamotri-
gine and lithium on weight in obese and nonobese patients
with bipolar I disorder. Am J Psychiatry 2006 Jul ; 163 (7) :
1199-201.
Tableau 1 Antipsychotiques atypiques et anomalies
métaboliques [14]
Molécule Prise
de poids Risque
de diabète Hyperlipémie
Olanzapine +++ + +
Clozapine +++ + +
Rispéridone ++ ? ?
Quétiapine ++ ? ?
Ziprasidone +/– – –
Aripiprazole +/– – –