Les schizophrénies résistantes : définitions et conduite à tenir V. DELAUNAY (1) Une des approches possibles de la question des schizophrénies résistantes est de chercher à déterminer des endophénotypes, permettant de définir un sous-groupe de patients susceptibles d’évoluer vers des troubles schizophréniques résistants. Ceci permettrait d’anticiper les réponses thérapeutiques, afin de mettre en place le plus rapidement possible, chez ces patients, des thérapies plus efficaces ( tant médicamenteuses que psychothérapiques ou institutionnelles). Les signes neurologiques mineurs par exemple, témoins d’une altération plus marquée au niveau neurobiologique, sont peut-être capables de prédire une moins grande sensibilité à différents traitements pharmacologiques. D’autres facteurs qui rentrent en jeu dans la résistance, doivent être identifiés comme les facteurs toxiques et les facteurs environnementaux. L’abord des schizophrénies résistantes nécessite d’élargir l’approche de ce trouble au-delà d’une vision symptomatique simple (symptomatologies positive ou négative), pour prendre en compte également les altérations cognitives, les altérations du fonctionnement social, la qualité de vie ressentie par les patients. Les classifications qui ont permis de valider la notion de schizophrénie résistante restent pertinentes, comme celles de Kahn ou de May et Dencker. Cependant, elles privilégient de manière exagérée la symptomatologie positive, au détriment des versants négatifs ou des altérations cognitives. Par ailleurs, l’usage des toxiques doit être pris en compte : environ la moitié des patients atteints de troubles schizophréniques consomment des toxiques, en particulier le cannabis, qui perturbent le tableau clinique, mais également la réponse aux traitements. Après un sevrage cannabique, il faut même souvent plusieurs semaines ou plusieurs mois avant que le traitement prescrit ne retrouve son efficacité. Sur le plan clinique, les différentes dimensions symptomatiques (positive, négative, cognitive, fonctionnelle…) n’évoluent pas de manière synchrone, et ceci doit être pris en compte dans la démarche thérapeutique. Aborder les schizophrénies résistantes nécessite donc d’intégrer différents critères et différentes variables, conduisant à une résultante permettant un classement décisionnel le plus cohérent possible. Pour parler de résistance, il faut que le patient ait bénéficié de la prescription d’au moins deux antipsychotiques, dont un agent antipsychotique atypique, sur une durée de temps suffisante (au moins huit semaines) et à posologie jugée efficace. Les dosages médicamenteux peuvent parfois être utiles, surtout pour contrôler l’observance, mais également pour vérifier qu’il existe une bonne imprégnation médicamenteuse, du fait des différences de métabolisme ou de catabolisme médicamenteux entre individus. Les associations médicamenteuses, soit de deux antipsychotiques, soit d’un antipsychotique et d’un psychotrope d’une autre classe, signent souvent déjà en ellesmêmes un processus de schizophrénie résistante. Il faut également prendre en compte, pour la définition de la résistance, du niveau d’attente par rapport au traitement, aussi bien de la part des patients que de la part des médecins : il existe ainsi aujourd’hui de nouvelles exigences, avec une recherche de restitution ad integrum du fonctionnement psychique des patients. La plupart des médecins pensent ainsi, à tort ou à raison, que le pronostic à long terme sera d’autant meilleur que le traitement initial aura visé une restitution « symptomatique » la plus complète possible. CONDUITE À TENIR Avant de mettre en place une stratégie thérapeutique chez les schizophrènes résistants, il serait intéressant de réaliser un bilan cognitif, de même qu’une imagerie, voire un bilan pharmacogénétique ; néanmoins, l’accessibilité de ces différents examens est très variable d’un établissement hospitalier à l’autre. (1) CHU de Nantes, Hôpital Hôtel-Dieu, 44093 Nantes cedex 1. L’Encéphale, 2006 ; 32 : 925-6, cahier 4 S 925 V. Delaunay La modalité de prise en charge la plus reconnue, dans les schizophrénies résistantes, est le recours à la clozapine, qui souvent, signe en lui-même la résistance. La clozapine* est indiquée chez les patients schizophrènes résistants qui présentent avec les autres agents antipsychotiques, y compris les antipsychotiques atypiques, des effets indésirables neurologiques sévères, impossibles à corriger. La clozapine doit, comme les autres antipsychotiques, être utilisée à des posologies suffisantes et pendant des durées suffisantes, celles-ci pouvant aller de trois mois à un an, avant de conclure à une inefficacité. Mais d’autres stratégies thérapeutiques peuvent ou doivent compléter le recours possible à la clozapine. L’électro-convulsivothérapie est une alternative thérapeutique légitime, en curatif, parfois jusqu’à 20 séances, et en préventif, si les ECT ont démontré une efficacité, toutes les 2 à 4 semaines, voire par de courtes séries d’ECT « de rappel ». L’utilisation d’associations médicamenteuses avec d’autres psychotropes (autre antipsychotique, benzodiazépine, antidépresseur, thymorégulateur, antiépileptique) * La clozapine est indiquée chez les patients schizophrènes résistants au traitement et patients schizophrènes qui présentent avec les autres agents antipsychotiques, y compris les antipsychotiques atypiques, des effets indésirables neurologiques sévères, impossibles à corriger. Se reporter page S 931 pour les mentions sur la toxicité de la clozapine. S 926 L’Encéphale, 2006 ; 32 : 925-6, cahier 4 est souvent l’objet de stratégies thérapeutiques personnelles à chaque praticien, la décision étant souvent prise en fonction du tableau symptomatique prédominant. De telles stratégies trouvent leur légitimité en terme « d’expérience et souvent de pragmatisme ». Il faut toutefois rappeler que peu d’études accréditent ces prescriptions et surtout qu’elles doivent faire l’objet d’une surveillance clinique et paraclinique essentielle, d’une réévaluation régulière de son intérêt et surtout d’éviter la stratégie du « millefeuilles » (l’empilement des prescriptions…). Les thérapies comportementales et cognitives sont également utiles dans les troubles schizophréniques en général mais trouvent une place très intéressante vis-àvis des troubles schizophréniques résistants, dans leur dimension négative par les thérapies d’entraînement aux habiletés sociales, ou sur les symptômes positifs (thérapie cognitive des hallucinations ou des idées délirantes). Si les techniques de remédiation cognitive (comme les modules de Brenner) restent encore peu utilisées, l’intérêt n’en reste pas moins à développer de même que les rTMS.