L’Encéphale, 2006 ;
32 :
925-6, cahier 4
S 925
Les schizophrénies résistantes : définitions et conduite à tenir
V. DELAUNAY
(1)
(1) CHU de Nantes, Hôpital Hôtel-Dieu, 44093 Nantes cedex 1.
Une des approches possibles de la question des schi-
zophrénies résistantes est de chercher à déterminer des
endophénotypes, permettant de définir un sous-groupe de
patients susceptibles d’évoluer vers des troubles schi-
zophréniques résistants. Ceci permettrait d’anticiper les
réponses thérapeutiques, afin de mettre en place le plus
rapidement possible, chez ces patients, des thérapies plus
efficaces ( tant médicamenteuses que psychothérapiques
ou institutionnelles). Les signes neurologiques mineurs
par exemple, témoins d’une altération plus marquée au
niveau neurobiologique, sont peut-être capables de pré-
dire une moins grande sensibilité à différents traitements
pharmacologiques.
D’autres facteurs qui rentrent en jeu dans la résistance,
doivent être identifiés comme les facteurs toxiques et les
facteurs environnementaux.
L’abord des schizophrénies résistantes nécessite
d’élargir l’approche de ce trouble au-delà d’une vision
symptomatique simple (symptomatologies positive ou
négative), pour prendre en compte également les altéra-
tions cognitives, les altérations du fonctionnement social,
la qualité de vie ressentie par les patients.
Les classifications qui ont permis de valider la notion
de schizophrénie résistante restent pertinentes, comme
celles de Kahn ou de May et Dencker. Cependant, elles
privilégient de manière exagérée la symptomatologie
positive, au détriment des versants négatifs ou des alté-
rations cognitives.
Par ailleurs, l’usage des toxiques doit être pris en
compte : environ la moitié des patients atteints de troubles
schizophréniques consomment des toxiques, en particu-
lier le cannabis, qui perturbent le tableau clinique, mais
également la réponse aux traitements. Après un sevrage
cannabique, il faut même souvent plusieurs semaines ou
plusieurs mois avant que le traitement prescrit ne retrouve
son efficacité.
Sur le plan clinique, les différentes dimensions symp-
tomatiques (positive, négative, cognitive, fonctionnelle…)
n’évoluent pas de manière synchrone, et ceci doit être pris
en compte dans la démarche thérapeutique.
Aborder les schizophrénies résistantes nécessite donc
d’intégrer différents critères et différentes variables, con-
duisant à une résultante permettant un classement déci-
sionnel le plus cohérent possible.
Pour parler de résistance, il faut que le patient ait béné-
ficié de la prescription d’au moins deux antipsychotiques,
dont un agent antipsychotique atypique, sur une durée de
temps suffisante (au moins huit semaines) et à posologie
jugée efficace. Les dosages médicamenteux peuvent par-
fois être utiles, surtout pour contrôler l’observance, mais
également pour vérifier qu’il existe une bonne imprégna-
tion médicamenteuse, du fait des différences de métabo-
lisme ou de catabolisme médicamenteux entre individus.
Les associations médicamenteuses, soit de deux anti-
psychotiques, soit d’un antipsychotique et d’un psycho-
trope d’une autre classe, signent souvent déjà en elles-
mêmes un processus de schizophrénie résistante.
Il faut également prendre en compte, pour la définition
de la résistance, du niveau d’attente par rapport au trai-
tement, aussi bien de la part des patients que de la part
des médecins : il existe ainsi aujourd’hui de nouvelles exi-
gences, avec une recherche de restitution
ad integrum
du
fonctionnement psychique des patients. La plupart des
médecins pensent ainsi, à tort ou à raison, que le pronostic
à long terme sera d’autant meilleur que le traitement initial
aura visé une restitution « symptomatique » la plus com-
plète possible.
CONDUITE À TENIR
Avant de mettre en place une stratégie thérapeutique
chez les schizophrènes résistants, il serait intéressant de
réaliser un bilan cognitif, de même qu’une imagerie, voire
un bilan pharmacogénétique ; néanmoins, l’accessibilité
de ces différents examens est très variable d’un établis-
sement hospitalier à l’autre.