L’Encéphale, 2006 ;
32 :
870-2, cahier 3 Compte-rendu du groupe de travail : la place des soignants non médecins
S 871
Les problèmes de dénominations étaient également
soulevés : quelle est la signification du terme atypique ?
pourquoi utiliser le terme d’antipsychotique ? qu’en est-il
de ce terme avec les nouvelles indications de ces
produits ? Ne vaut-il pas mieux utiliser le terme
d’« antipsychotiques de seconde génération » ?
QUELLES ATTENTES
FACE À DE NOUVEAUX TRAITEMENTS
?
La première attente des soignants par rapport aux nou-
veaux produits était celle d’une meilleure tolérance, avec
des produits qui entraînent moins de prise de poids, moins
de troubles neurovégétatifs, moins de syndromes extrapy-
ramidaux, moins de sédation, un moindre risque en cas
de surdosage, qui permettent d’éviter les troubles glycé-
miques et qui soient dépourvus d’effets cardio-vasculai-
res, en particulier sur l’allongement de l’espace QT.
Une autre attente des soignants est également une dif-
férence d’efficacité, en souhaitant que le produit permette
d’être plus dans la réalité, de faciliter le travail émotionnel,
de faciliter l’allégement psychique, d’améliorer l’humeur,
d’augmenter l’élan vital, de prouver une réelle efficacité
dans le délire. D’une façon générale, les soignants sont
en attente d’un produit qui guérisse, et non qui soit sim-
plement symptomatique.
Les soignants attendent des preuves quant à la sécurité
et l’efficacité des produits, des comparaisons cliniques et
pharmacologiques fiables entre antipsychotiques, des
études avec des comparateurs utilisés en France (comme
l’amisulpride et le sulpiride), et des études de relation
dose/efficacité, permettant une argumentation du choix
des posologies.
Une autre attente par rapport aux nouveaux produits
est l’obtention d’une meilleure qualité de vie pour le
patient, avec un respect pour le patient, un confort de vie
supplémentaire, éléments qui reçoivent un écho favorable
chez les familles.
Des besoins pratiques ont été exprimés : la disposition
de formes unitaires, de formes injectables ; par ailleurs,
un problème éthique peut se poser avec l’utilisation de for-
mes à dissolution immédiate dans la bouche.
Enfin, l’impact socio-économique est abordé par les
soignants : il doit être mesuré de façon précise, le coût
important de ces produits nécessitant d’éclaircir leur place
dans l’arsenal thérapeutique. Les soignants expriment le
sentiment d’une pression trop importante des laboratoires
pharmaceutiques sur les médecins, et, de manière plus
indirecte, sur les infirmiers, ce qui implique également de
s’interroger sur la façon la plus adéquate d’impliquer les
laboratoires dans la formation.
COMPTE-RENDU DE LA SECONDE RÉUNION
Les soignants ont exprimé, lors de la seconde réunion
tenue en l’absence de médecin et de pharmacien, un éton-
nement quant à la proximité de leur discours par rapport
à celui des médecins, ne laissant apparaître que peu d’élé-
ments spécifiques de la pratique infirmière.
Ils se sont interrogés sur une nature « médicale » de
leur discours, et sur une possible écoute plus attentive des
médecins et des laboratoires que des patients, en souli-
gnant la présence accrue des laboratoires auprès des per-
sonnels non médicaux, des propositions de formations
intéressantes par les laboratoires, et un manque de for-
mation par des professionnels indépendants.
Les médecins restent les prescripteurs : les patients le
savent et réservent leur opinion sur le traitement au méde-
cin. Quand les patients parlent de leur traitement aux infir-
miers, ils évoquent leurs craintes, les effets positifs et
négatifs de celui-ci ; les infirmiers sont donc souvent plus
attentifs aux effets du traitement chez le patient, aussi bien
effets bénéfiques qu’effets secondaires.
Les effets secondaires les plus volontiers rapportés aux
infirmiers par les patients sont les effets sédatifs, la prise
de poids, la peur de l’injection, et les troubles de la libido.
Ces effets secondaires sont à relier aussi bien aux neu-
roleptiques classiques qu’aux antipsychotiques de
seconde génération.
Le rôle infirmier principal vis-à-vis du médicament
réside dans l’éducation du patient. Il faut expliquer au
patient à quoi sert un traitement, ses éventuels effets sur
le corps ; parler du traitement n’est pas une fin en soi, mais
une opportunité d’évoquer la pathologie. Il faut être à
l’écoute des attentes du patient, trouver le dosage phar-
macologique qui permette de vivre en société, intégrer le
médicament dans d’autres prises en charge, telles la réha-
bilitation et la resocialisation, compléter les explications
données par le médecin.
L’éducation au traitement se fait au moment de la dis-
tribution du médicament, le dialogue avec le patient per-
mettant de repérer les difficultés, les attentes et de pro-
poser un rendez-vous infirmier ; il se fait également tout
au long de l’évolution, positive ou négative, car l’obser-
vance n’est jamais assurée.
Il est important de permettre la discussion du traitement,
mais il faut que chacun reste dans sa position : celle du
savoir pour le soignant, celle du décideur pour le patient.
Les nouveaux antipsychotiques ont induit des change-
ments dans la pratique de la psychiatrie : ce sont des pro-
duits plus désinhibiteurs ; les manières de prescrire sont
différentes, avec un ajustement des doses à chaque
patient, une tendance à réduire les doses, à limiter la séda-
tion. Les prescriptions sont plus « rationnelles », avec un
rôle accru du pharmacien, et une gestion des interactions
médicamenteuses par ordinateur. Enfin, il existe plus
d’échanges entre infirmiers et médecins sur les prescrip-
tions, basés sur le ressenti par les patients de leur traite-
ment.
Les prescriptions des antipsychotiques de seconde
génération se font volontiers en première intention, tandis
qu’ils apparaissent aux soignants moins efficaces chez les
patients traités de longue date, ou chez les patients résis-