S114 N. Correard et al.
cibler l’anxiété, notamment les techniques émotionnelles
(relaxation, cohérence cardiaque…), la restructuration cogni-
tive, la résolution de problème, les techniques d’exposition,
les techniques d’affi rmation de soi et de communication. Si
les diffi cultés de communication et l’expression d’un haut
niveau d’émotion au sein de la famille, infl uent sur le niveau
d’anxiété, la thérapie centrée sur la famille pourrait avoir
également avoir un intérêt.
Le « neuroticisme »
Le « neuroticisme », qui est l’un des cinq facteurs du modèle
de la personnalité à cinq facteurs (ou Big Five), désigne
une disposition : aux émotions négatives (comme l’anxiété,
la colère, la dépression) ; à une réactivité émotionnelle
accrue (s’émouvoir face à des événements qui n’affectent
peu ou pas la plupart des gens, à percevoir les situations
ordinaires comme menaçantes et les frustrations mineures
comme insurmontables) ; à des réactions négatives plus
longues. En outre, les émotions éprouvées peuvent entraver
les capacités à raisonner, à prendre des décisions et à faire
face aux situations stressantes.
Nowakowska et al. [43] montrent, dans leur étude, que
les patients présentant un trouble bipolaire ont des scores de
« neuroticisme », mesurés avec le « the Revised NEO Personality
Inventory » (NEO-PI-R) [44], signifi cativement plus élevés que
les sujets contrôles sains. Les études de jumeaux suggèrent,
quant à elles, que l’héritabilité des traits de personnalité du
modèle à cinq facteurs se situerait entre 40 % et 60 % [45- 47].
La thérapie cognitive et comportementale de la dépres-
sion et la thérapie des schémas de Young [48] peuvent être
utiles pour cibler le « Neuroticisme ».
Les rythmes circadiens
Les rythmes circadiens sont des rythmes biologiques d’une
durée de 24 heures environ. Ils se manifestent par des
variations cycliques d’un grand nombre de paramètres
physiologiques (activité métabolique, sécrétion d’hormones,
veille-sommeil…).
Les individus souffrant d’un trouble bipolaire en
phase d’euthymie présentent une instabilité des rythmes
circadiens [49], sont plus sensibles aux infl uences envi-
ronnementales, telles que les conditions climatiques et
les changements de saison [50] et ont une perturbation
signifi cative du fonctionnement relié au sommeil caractérisé
par un faible niveau d’activité journalière et des insomnies
nocturnes [51]. Les résultats d’études de jumeaux, dans des
fratries saines, sont en faveur d’une héritabilité de l’horloge
circadienne humaine [52]. En outre, un polymorphisme dans
le gène de l’horloge circadienne humaine hPER2 semble
signifi cativement associé aux fl uctuations circadiennes de
l’humeur et à la récurrence de la maladie dans le trouble
bipolaire [53].
La thérapie interpersonnelle et des rythmes sociaux,
en permettant la régularisation et la stabilité des rythmes
veille/sommeil et des rythmes sociaux ainsi qu’une gestion
plus effi cace des problèmes interpersonnels, induit une
meilleure régulation des rythmes circadiens, et ainsi dimi-
nue le risque de récidive thymique. Par ailleurs, certaines
composantes de la thérapie cognitive et comportementale
et de la psychoéducation visent également la régularité des
rythmes veille/sommeil et des rythmes sociaux.
Conclusion
Les études génétiques sont en faveur de l’existence d’en-
dophénotypes dans les troubles bipolaires. Présents avant
et pendant la maladie, mais également chez les apparentés
sains, ils participent à la vulnérabilité aux troubles bipo-
laires. Un des objectifs des approches psychothérapeutiques
et psychosociales pourrait être, en ciblant spécifi quement
certains endophénotypes, de limiter les conséquences de
leur expression, par conséquent d’améliorer le cours de la
maladie, et d’avoir une action préventive.
Notamment, pour certains endophénotypes candidats,
comme les défi cits neurocognitifs, l’impulsivité, l’anxiété, le
« neuroticisme » et les rythmes circadiens, il serait possible
d’envisager une prise en charge intégrant, sous forme de
modules, des techniques issues de différentes approches.
Premièrement, un tel programme devrait proposer de la
psychoéducation sur les troubles bipolaires incluant, de
l’information sur les défi cits cognitifs. Deuxièmement, un
module de remédiation cognitive qui adresserait spécifi que-
ment les endophénotypes neurocognitifs et la composante
cognitive de l’impulsivité. Troisièmement, un module centré
sur la régulation des rythmes circadiens avec les techniques
issues de la thérapie interpersonnelle et des rythmes sociaux
et des Thérapies Cognitives et Comportementales des
troubles bipolaires. Quatrièmement un module, utilisant des
techniques issues des TCC pour cibler l’anxiété, l’impulsivité
et le « neuroticisme », telles que la restructuration cognitive,
la thérapie centrée sur les schémas, les techniques de gestion
des émotions et les techniques comportementales. Enfi n,
la thérapie centrée sur la famille pourrait également être
utile dans le cas ou le contexte familial pourrait favoriser
l’augmentation de l’expression de ces endophénotypes.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent n’avoir aucun confl it d’intérêt en lien
avec cet article.
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