Correspondances en Métabolismes Hormones DiabÚtes et Nutrition - Vol. XIV - nos 1-2 - janvier-février 2010
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dossier thématique
Sommeil et obésité
Syndrome d’apnĂ©es du sommeil chez
l’obĂšse : mĂ©canismes et consĂ©quences
Sleep apnoea in obese subjects: mechanisms and outcomes
Isabelle Poirot*
*Praticien hospitalier, clinique
de la Charité, CHRU de Lille.
»Le syndrome d’apnĂ©es du sommeil est particuliĂšrement frĂ©quent
chez l’obùse.
»
Son retentissement est d’autant plus grave que le sujet est d’ñge
moyen.
»
Son diagnostic est Ă©voquĂ© par l’existence d’un ronïŹ‚ement et d’une
somnolence diurne excessive, et par un score d’Epworth Ă©levĂ©.
»
Il est conïŹrmĂ© par diverses explorations, la plus performante Ă©tant
la polysomnographie.
»
Chez l’obĂšse, il est associĂ© Ă  un syndrome d’hypoventilation
alvéolaire.
»
Le syndrome d’apnĂ©es du sommeil a des consĂ©quences
mĂ©taboliques et inïŹ‚ammatoires, systĂ©miques et locales.
»
Le traitement par pression positive continue améliore le syndrome
d’apnĂ©es du sommeil et ses consĂ©quences.
Mots-clĂ©s : Sommeil – Syndrome d’apnĂ©es du sommeil – Risque cardio-
vasculaire – Inammation – ObĂ©sitĂ©.
Keywords: Sleep – Sleep apnoea – Cardiovascular risk – Inammation
– Obesity.
Points forts
L
e syndrome d’apnĂ©es du sommeil associĂ© Ă  un
problĂšme d’obĂ©sitĂ©, ou syndrome de Pickwick,
rĂ©pond Ă  la description littĂ©raire qu’en a fait
Charles Dickens en 1837 : le cocher, imaginĂ© par l’au-
teur, roneur, somnolent, érythrosique et en surpoids,
lui a donné son nom dans les années 1950.
Le syndrome d’apnĂ©es obstructives du sommeil (SAOS),
le plus souvent retrouvĂ© en cas d’obĂ©sitĂ©, est une patho-
logie chronique, caractérisée par des pauses respira-
toires survenant pendant le sommeil, liées au collapsus
répété des voies aériennes supérieures (VAS). La fer-
meture des VAS peut ĂȘtre totale (apnĂ©e) ou partielle
(hypopnée). Ce problÚme mécanique, local, implique
des hypoxies intermittentes de l’ensemble des tissus et
la fragmentation du sommeil. Ces derniÚres décennies,
le concept d’apnĂ©e du sommeil a beaucoup Ă©voluĂ©,
arguant de la complexité de cette pathologie, conco-
mitant le plus souvent à d’autres pathologies comme
l’obĂ©sitĂ©, l’hypertension artĂ©rielle, les dyslipidĂ©mies, le
diabĂšte de type 2, les pathologies cardio-vasculaires,
dont l’association peut constituer un syndrome mĂ©ta-
bolique.
Cette pathologie du sommeil est particuliĂšrement
frĂ©quente. On estime, Ă  partir de diérentes Ă©tudes,
et par extrapolation dans la population générale, que
2 % des femmes et 4 % des hommes, d’ñge moyen (30
à 60 ans) et présentant un surpoids ou une obésité,
seraient touchés. Les études épidémiologiques sont
difficiles en raison de nombreux biais méthodolo-
giques ou dĂ©î‚Čnitionnels. Trois Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur de
grands Ă©chantillons sont cependant particuliĂšrement
intéressantes car elles répondent aux critÚres les plus
admis actuellement (1) : la Wisconsin Cohort Study (2),
la Southern Pennsylvania Cohort (3), et une Ă©tude
européenne, la Victoria-Gasteiz Spain Cohort (4). Plus
largement, 17 Ă  24 % des hommes et 5 Ă  9 % des femmes
répondent aux critÚres diagnostiques établis par la
Task Force de l’American Academy of Sleep Medecine
(AASM) [1999], critÚres qui seront exposés ultérieure-
ment. La prĂ©valence d’un ronement associĂ© Ă  une
somnolence diurne excessive et comportant une forte
probabilitĂ© de syndrome d’apnĂ©es du sommeil (SAS)
est estimée à 30 %.
L’obĂ©sitĂ© est un facteur de risque essentiel de SAS. La
Sleep Heart Health Study montrait que, sur 6 132 sujets, la
proportion de personnes obĂšses augmentait en mĂȘme
temps que la sévérité du SAS et atteignait un taux de
personnes obĂšses proche de 60 % lorsque le SAS Ă©tait
sĂ©vĂšre. La prĂ©valence du SAS dans l’obĂ©sitĂ© est moins
connue. On estime que 10 % des sujets obÚses présen-
teraient un SAS, voire 40 % des sujets présentant une
obésité massive de classe 3 (5).
Le SAS augmente Ă©galement avec l’ñge : la prĂ©valence
d’un indice d’apnĂ©es et d’hypopnĂ©es (IAH) supĂ©rieur Ă 
10 serait multipliĂ©e par 2 dans la tranche d’ñge de 65
Ă  99 ans, et s’associerait Ă  une prĂ©valence accrue de
SAS centraux (3). L’eet Ăąge a une autre particularitĂ© :
Correspondances en Métabolismes Hormones DiabÚtes et Nutrition - Vol. XIV - nos 1-2 - janvier-février 2010
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Syndrome d’apnĂ©e du sommeil chez l’obĂšse : mĂ©canismes et consĂ©quences
si les femmes sont peu touchées avant la ménopause
–cela Ă©tant en partie liĂ© Ă  l’eet protecteur hormonal–,
le risque d’ĂȘtre aectĂ©es augmente ensuite.
Si le traitement d’un SAS sĂ©vĂšre ne fait pas de doute,
il est parfois dicile et complexe de dĂ©terminer un
seuil au-delĂ  duquel survient un retentissement cardio-
vasculaire ou une somnolence diurne excessive. En
eet, de nombreux travaux tendent à montrer qu’avec
l’ñge, la prĂ©valence du SAS augmente mais ils dĂ©mon-
trent en outre qu’il existe deux types de SAS : l’un qui
apparaĂźt chez le sujet d’ñge moyen, souvent associĂ© Ă 
d’autres pathologies comme le syndrome mĂ©tabolique
et comportant un risque cardio-vasculaire important
et l’autre, qui survient, au-delà de 65 ans, et dont les
conséquences sont moindres (3, 4, 6).
CritĂšres diagnostiques du SAS
Le diagnostic d’apnĂ©e du sommeil est posĂ© Ă  partir
de faisceaux d’arguments cliniques et paracliniques.
Cliniquement, ronchopathie, sensations d’étoue-
ment, pauses respiratoires, fragmentation du sommeil,
sommeil non réparateur, fatigue diurne, somnolence
diurne excessive, céphalées matinales, hypersudation
nocturne, nycturie, troubles attentionnels, troubles
cognitifs et syndromes dépressifs sont classiquement
décrits dans le cadre du SAS. On y associe également le
surpoids ou l’obĂ©sitĂ©, l’hypertension artĂ©rielle, souvent
dicile à stabiliser. Des anomalies morphologiques
ont été rapportées (cou court et épais, obésité viscé-
rale, microrétrognacie, anomalies ORL (hypertrophie
amygdalienne, par exemple
). NĂ©anmoins, si la lit-
térature est exhaustive à ce sujet, la grande majorité
des adultes sourant d’apnĂ©e du sommeil n’a aucune
anomalie morphologique touchant les VAS et vice
versa (7).
Diérents examens peuvent aider au diagnostic : la
saturation en oxygĂšne nocturne (comptabilisant le
nombre d’épisodes de dĂ©saturation de 3 ou 4 % par
rapport à la valeur de base de l’enregistrement), la
polygraphie ventilatoire, en milieu hospitalier ou en
ambulatoire (mesurant le débit nasal ou naso-buccal,
les mouvements thoraco-abdominaux, l’oxymĂ©trie, la
position et le ronement). Néanmoins, ces examens
restent des examens de dĂ©pistage. L’examen de rĂ©fĂ©-
rence est la polysomnographie Ă  domicile ou en milieu
hospitalier, analysant les événements respiratoires, mais
aussi la qualité du sommeil.
Selon les critùres actuels, lors d’un enregistrement de
la respiration pendant le sommeil, la somme des évé-
nements respiratoires, apnées ou hypopnées, durant
plus de 10 secondes, rapportés par heure de sommeil,
constitue un indice appelĂ© l’IAH. Le SAS est caractĂ©risĂ©
par un IAH supérieur ou égal à 5 événements par heure
de sommeil, associé à un sommeil non récupérateur
et/ou à une somnolence diurne excessive. Plus l’IAH
est élevé, plus le SAS est sévÚre : entre 5 et 15, le SAS
est modeste, entre 15 et 30, le SAS est modéré mais
au-delà de 30, le SAS est sévÚre.
Il existe diffĂ©rents types d’évĂ©nements respiratoires :
ils peuvent ĂȘtre obstructifs (prĂ©sence d’efforts respi-
ratoires liés à la lutte contre un obstacle en amont, au
niveau des VAS), centraux (disparition de tout effort
ventilatoire) ou mixtes. Dans le cadre d’évĂ©nements
respiratoires obstructifs, la ronchopathie est la forme
la plus modérée et le SAS, la forme la plus sévÚre.
Un syndrome obstructif particulier a été décrit par
Guilleminault et al. en 1993 (8) : le syndrome de hautes
résistances des voies aériennes supérieures, défini
par un IAH inférieur ou égal à 5, une somnolence
diurne excessive, une augmentation de la dépression
inspiratoire mesurĂ©e par la pression intra-Ɠsopha-
gienne et un indice de microéveils de plus de 10 par
heure (rĂ©actions d’éveil de moins de 15 secondes,
secondaires aux efforts respiratoires). Quel que soit
le type de trouble respiratoire obstructif, il est, le
plus souvent, associĂ© Ă  un problĂšme d’obĂ©sitĂ© ou
de surpoids, et repose sur les mĂȘmes aspects phy-
siopathologiques.
Dans le cadre de l’obĂ©sitĂ©, le syndrome d’hypoventila-
tion alvéolaire peut compliquer un SAS. Ce syndrome
est dĂ©î‚Čni par un indice de masse corporelle supĂ©rieur
à 30 (kg/m2), associé à une hypoventilation (avec PaCO2
supĂ©rieure Ă  45 mmHg). L’association des deux patholo-
gies nĂ©cessite la rĂ©alisation d’explorations respiratoires
plus poussées.
La Task Force de l’AASM a proposĂ© des critĂšres diagnos-
tiques reconnus et faisant l’objet d’un consensus quant
Ă  la dĂ©î‚Čnition du SAS (tableau).
Tableau. Critùres diagnostiques de la Task Force de l’AASM (1).
Diagnostic de SAS : association des critĂšres A et/ou B et C
CritÚre A : Somnolence diurne excessive inexpliquée
CritĂšre B : 2 au moins des critĂšres suivants : ‱ ronïŹ‚ement sĂ©vĂšre
‱ arrĂȘts respiratoires nocturnes
‱ Ă©veils nocturnes rĂ©pĂ©tĂ©s
‱ sommeil non rĂ©parateur
‱ fatigue diurne
‱ altĂ©ration de la concentration
CritĂšre C : critĂšre polysomnographique : ‱ IAH + microĂ©veils respiratoires ≄ 5/heure
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dossier thématique
Sommeil et obésité
SAOS et poids : un problÚme mécanique
Pendant le sommeil, la perméabilité des voies aériennes
supĂ©rieures dĂ©pend de diérents facteurs. Les structures
pharyngées sont collabables. Selon les lois physiques
élémentaires de Starling ou de Bernoulli, le débit de
l’air circulant Ă  l’intĂ©rieur dĂ©pend du niveau de pression
d’amont et du gradient de pression rĂ©gnant entre les
voies aériennes supérieures et les tissus qui les entou-
rent. Ce gradient de pression transmurale est déterminé
par trois variables : la pression Ă  l’intĂ©rieur du conduit
ou pression intraluminale, la pression liĂ©e Ă  l’activitĂ©
tonique et phasique des muscles dilatateurs du pharynx
ou pression pĂ©ritissulaire et, enî‚Čn, la pression liĂ©e au
poids des tissus mous ou pression tissulaire. Les forces
contribuant au collapsus sont la pression intraluminale
et la pression tissulaire, normalement contrebalan-
cées par la pression péritissulaire. La pression critique
de fermeture représente la pression présente autour de
la partie collabable et dépend de la balance existant
entre les forces empĂȘchant le collapsus et celles qui,
au contraire, le facilitent. Chez le sujet normal, elle est
estimĂ©e Ă  environ – 8 cm d’eau (pression subatmos-
phĂ©rique), alors que dans l’apnĂ©e du sommeil elle est
moins nĂ©gative, voire positive (gure 1). Il existe une
réponse réexe à la baisse de pression dans les VAS
par augmentation de l’activitĂ© neuro-musculaire des
muscles dilatateurs pharyngés. La réponse neuro-
musculaire dépend également de la sensibilité des
chémorécepteurs, notamment des chémorécepteurs
sensibles au CO2 (gure 2).
Au cours du sommeil, il existe une diminution phy-
siologique de l’activitĂ© tonique des muscles pharyn-
gés, contribuant à la diminution du volume des VAS
et aggravĂ©e par la diminution signiî‚Čcative du réexe
Ă  la diminution de pression intraluminale ; une modi-
î‚Čcation de la chĂ©mosensibilitĂ© au CO2 s’y adjoint. Le
sommeil diminue la stimulation des neurones respira-
toires bulbaires par les centres supĂ©rieurs. L’instabilitĂ©
des VAS est majorée pendant le sommeil par les uc-
tuations d’origine centrale de la ventilation, lors des
transitions entre stades ou pendant le sommeil para-
doxal (gure 3).
La traduction mĂ©canique de l’activitĂ© neuro-muscu-
laire sur la pression musculaire dépend de certaines
conditions mécaniques de contraction musculaire, à
savoir de la forme et du diamĂštre des VAS et des pro-
priétés mécaniques des tissus périmusculaires. Pour
une pression critique donnée, le débit inspiratoire sera
diminué si la pression intraluminale diminue par aug-
mentation des pressions d’amont (permĂ©abilitĂ© des
voies nasales) et/ou si la pression tissulaire augmente
(déplacement postérieur de la langue en décubitus
dorsal). L’obĂ©sitĂ© est responsable de dĂ©pĂŽts graisseux
le long des parois pharyngées latérales et contribue à
modiî‚Čer la morphologie des voies aĂ©riennes, gĂȘnant
ainsi le travail musculaire. Pour compenser, il est
nĂ©cessaire alors d’augmenter les eorts musculaires
respiratoires. Cela se traduit par une augmentation
signiî‚Čcative et permanente (Ă  l’éveil comme pendant
le sommeil) de l’activitĂ© des muscles dilatateurs chez
le sujet apnéique par rapport à celle-ci chez le sujet
normal. Les muscles se comportent comme s’ils Ă©taient
soumis à un entraßnement résistif supramaximal de
longue durée. Les contractions de ces muscles sont
moins ecaces.
Figure 1. SchĂ©ma illustrant les diî€ƒĂ©rentes pressions au niveau des voies aĂ©riennes supĂ©rieures.
Pression musculaire (péritissulaire)
Pharynx
Structure collabable
Pression tissulaire
Pression
motrice d'aval
DĂ©bit
inspiratoire
Pression intraluminale
Figure 2. Diî€ƒĂ©rents niveaux de rĂ©gulation de la ventilation.
Cortex
Veille – sommeil
Centres respiratoires
Muscles
des VAS
Diaphragme
Muscles
accessoires
Motoneurones respiratoires
Mécanorécepteurs
thoraciques
Chémorécepteurs
périphériques
VAS = voies aériennes supérieures.
centraux
PaO2PaCO2
VENTILATION
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Syndrome d’apnĂ©e du sommeil chez l’obĂšse : mĂ©canismes et consĂ©quences
Le SAS, comme l’obĂ©sitĂ©, est responsable d’une rĂ©ac-
tion inflammatoire systémique, mais aussi locale
(augmentation de l’IL-6, infiltrations de polynu-
cléaires neutrophiles et lymphocytaires retrouvées
au niveau des VAS) [9]. L’inflammation locale des
VAS peut ĂȘtre mise sur le compte des vibrations
répétées associées au ronflement ou à des méca-
nismes inflammatoires plus complexes. Le calibre, le
diamÚtre et la morphologie des VAS, les propriétés
contractiles des muscles dilatateurs du pharynx et la
charge mécanique des tissus mous sont modifiés par
la surcharge pondérale, les réactions inflammatoires
locales et l’impact des altĂ©rations mĂ©taboliques et
inflammatoires mises en Ă©vidence dans le SAS mais
Ă©galement dans l’obĂ©sitĂ©. Ces altĂ©rations engendrent
l’augmentation du risque de collapsibilitĂ© existant
pendant le sommeil (10-12).
SAS et inïŹ‚ammation systĂ©mique
Le SAS, en raison des arrĂȘts respiratoires intermittents,
est responsable d’hypoxies rĂ©pĂ©tĂ©es Ă  l’origine d’un
stress oxydatif important, de réactions inammatoires,
d’un dysfonctionnement mitochondrial, de modiî‚Č-
cation des cytochrome oxydases et de la diminution
du monoxyde d’azote (NO), anomalies rĂ©versibles
aprĂšs traitement (13). De nombreux marqueurs de
l’inammation ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s, hĂ©las de façon non
systématique. De nombreuses études ont retrouvé
une augmentation de la protéine C réactive (CRP), de
l’IL-6, du TNFα, du Vascular Endothelial Growth Factor,
des adipokines, de l’érythropoiĂ©tine (EPO), des reactive
O2 species ou une diminution du NO (vasodilatateur)
[9]. La perturbation de la balance oxydative liée au SAS
est responsable du dysfonctionnement endothélial,
de l’inammation vasculaire et de l’athĂ©rosclĂ©rose.
Le stress oxydatif contribue à l’augmentation des
facteurs d’adhĂ©sion, d’activation plaquettaire (14) et
des polynucléaires neutrophiles ou des monocytes
(15). L’obĂ©sitĂ© est Ă©galement un marqueur important
de stress oxydatif et explique en partie son impact
particuliÚrement délétÚre sur les pathologies cardio-
vasculaires (16).
Les conséquences ne sont pas uniquement vasculaires.
En eet, les cytokines pro-inammatoires (comme l’IL-1
ou le TNFα) sont considérées comme des substances
régulant le sommeil, et, chez le sujet normal, elles ont
un rythme circadien de sécrétion (17). La diminution
des interleukines est liée à une bonne nuit de som-
meil et Ă  un sentiment de bien-ĂȘtre le matin au rĂ©veil
(impression de sommeil récupérateur). Lors du SAS, ces
facteurs sont nettement augmentés, proportionnelle-
ment à l’existence d’une somnolence diurne excessive.
Le taux de TNFα, comme le taux de l’IL-6, est corrĂ©lĂ©
au degré de déstructuration du sommeil, au degré de
l’hypoxie, mais en plus, le taux de l’IL-6 est corrĂ©lĂ© Ă 
l’IMC. L’élĂ©vation de ces marqueurs reste nĂ©anmoins
indĂ©pendante de l’obĂ©sitĂ© (18).
Les Ă©tudes concernant le lien entre la CRP et le SAS
sont contradictoires mais la CRP serait un marqueur
intéressant de la réaction inammatoire systémique
du SAS, indĂ©pendamment de l’obĂ©sitĂ© (19).
SAS, hormones et mĂ©tabolisme
✓
Le SAS est Ă©galement responsable d’une rĂ©sistance
à la leptine. L’hypothalamus joue un rîle central dans
la régulation de la prise alimentaire. Il y coexiste un
centre de la satiété et un centre de la faim. La leptine
est libĂ©rĂ©e par les adipocytes et sert de signal Ă  l’hy-
pothalamus et le renseigne sur l’état des rĂ©serves du
tissu adipeux. Si le stock de graisse de l’organisme
augmente, le taux de leptine va augmenter et l’hy-
pothalamus, ainsi informé, va diminuer son besoin
de nourriture. La synthÚse de leptine est corrélée
au taux d’insuline et est modulĂ©e par les systĂšmes
de stress et de cytokines. Outre le rĂŽle de la leptine
dans la rĂ©gulation de l’appĂ©tit et la dĂ©pense Ă©nergĂ©-
tique, il a Ă©tĂ© montrĂ© chez l’animal qu’elle inuence
Figure 3. RĂŽle du sommeil sur la physiologie respiratoire.
Sommeil
 ActivitĂ© respiratoire centrale
 Calibre
 Traction trachĂ©ale
 EïŹƒcacitĂ© de contraction
ModiïŹcation de la contraction
musculaire, fatigue
Collapsus des VAS
 Pression musculaire ï€Ł Pression tissulaire
ï€Ł Pression critique
 ActivitĂ© des muscles
dilatateurs des VAS
 ActivitĂ© des muscles
respiratoires
VAS = voies aériennes supérieures.
Correspondances en Métabolismes Hormones DiabÚtes et Nutrition - Vol. XIV - nos 1-2 - janvier-février 2010
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dossier thématique
Sommeil et obésité
la croissance pulmonaire et le contrĂŽle respiratoire !
Son rĂŽle est donc complexe. Les perturbations du sys-
tÚme leptine sont multiples : augmentation retrouvée
habituellement ; rythme circadien altéré dans le SAS,
indĂ©pendamment de l’existence d’une obĂ©sitĂ©, dans
le cadre de laquelle l’on constate une rĂ©sistance Ă  la
leptine (20, 21).
✓
Une insulinorĂ©sistance, peut-ĂȘtre en lien avec l’aug-
mentation du taux de leptine, est également retrouvée
dans le SAS, mĂȘme en l’absence d’obĂ©sitĂ© (20, 22).
Le taux d’insuline est plus important chez les patients
apnéiques que chez les patients obÚses contrÎles
(5, 18, 22). Mais il semble que l’insulinorĂ©sistance n’ait
pas toujours de lien bien Ă©tabli avec l’obĂ©sitĂ© dans
l’apnĂ©e du sommeil. Les rĂ©sultats sont controversĂ©s ;
le lien entre SAS et insulinorésistance semble com-
plexe et hĂ©tĂ©rogĂšne : eet de l’obĂ©sitĂ© des patients
observés ? insulinorésistance absente chez certains
patients apnéiques ? (18). Néanmoins, plusieurs études
ont retrouvé une prévalence plus importante de SAS
chez les patients atteints de diabĂšte de type 2 (23).
Quoi qu’il en soit, obĂ©sitĂ© et SAS, lorsqu’ils sont asso-
ciés, comportent un risque cumulatif de diabÚte de
type 2 (24) et le diabĂšte constitue lui aussi un facteur
de risque de SAS (25).
✓Le SAS a de plus un impact sur l’axe hypothalamo-
hypophysaire adrénergique, permettant la gestion des
stress aigus, physiques et psychiques. Le sommeil pro-
fond a un eet inhibiteur sur l’axe adrĂ©nergique, et
l’hyperactivation adrĂ©nergique ou les glucocorticoĂŻdes
ont un eet Ă©veillant et peuvent ĂȘtre responsables
de microĂ©veils. L’existence d’un SAS, par l’alternance
d’hypoxie et de rĂ©oxygĂ©nation, mais aussi par le biais
de l’alternance de sommeil et de rĂ©actions d’éveil,
contribue Ă  activer l’axe adrĂ©nergique. Les Ă©veils noc-
turnes répétés sont responsables de pics de cortisol
et d’activation autonomique. Les catĂ©cholamines uri-
naires sont élevées dans le SAS. Le taux de cortisol
semble augmenté lors du SAS, indépendamment de
l’obĂ©sitĂ© (18).
Conclusion
Par les altérations métaboliques, inammatoires, sys-
témiques et locales, et par les anomalies métaboliques
qu’il provoque, le SAS est responsable d’une mortalitĂ©
plus Ă©levĂ©e et notamment d’une mortalitĂ© cardio-vas-
culaire accrue (5,5 ‰ par an sur 5 ans), notamment
chez les sujets de moins de 60 ans symptomatiques
(16). En eet, le risque cardio-vasculaire, mais Ă©gale-
ment vasculaire cĂ©rĂ©bral, est signiî‚Čcativement aug-
menté : hypertension artérielle (50 % des SAS sont
hypertendus), insusance cardiaque (dysfonctionne-
ment systolique ou diastolique), arythmie cardiaque
(bradycardie, bloc auriculo-ventriculaire, î‚Čbrillation
auriculaire), ischémie cardiaque (maladie corona-
rienne, infarctus du myocarde [IDM], sous-décalage
du segment ST pendant la nuit, angor nocturne et,
enî‚Čn, accident vasculaire cĂ©rĂ©bral [AVC] [10 Ă  15 %
des SAS ont une pathologie vasculaire incluant IDM
ou AVC]) [6, 16, 26]. Ces risques cardio-vasculaires et
vasculaires cĂ©rĂ©braux sont d’autant plus importants
que le SAS est associé à un autre facteur de risque tel
que l’obĂ©sitĂ©, l’hypertension artĂ©rielle, une dyslipidĂ©-
mie
 (27). Or, on sait le lien particuliùrement impor-
tant entre ces diérents dysfonctionnements, leur
association fréquente pouvant constituer un syndrome
métabolique. En 2004, S.R. Coughlin et al., ont montré
qu’il existait un risque multipliĂ© par 9 de prĂ©senter un
SAS dans le cas d’un syndrome mĂ©tabolique (28). Ces
pathologies surviennent de façon concomitante et
aggravent mutuellement les anomalies inammatoires
et mĂ©taboliques qu’elles provoquent. Le traitement par
pression positive continue du SAS a fait ses preuves,
mĂȘme si les rĂ©sultats sont parfois controversĂ©s et que
la compliance thĂ©rapeutique n’est pas toujours su-
sante. Certaines Ă©tudes ont montrĂ© les eets cumulĂ©s
de l’association de ces pathologies et le traitement du
SAS pourrait entrer dans un cercle vertueux.
■
Figure 4. RĂŽle central du stress oxydatif dans le dysfonctionnement endothĂ©lial et la formation de l’athĂ©rosclĂ©rose
(d’aprùs 16).
SAS, hypoxies
intermittentes
Dysfonctionnement endothélial
ATHÉROSCLÉROSE
HTA
DiabĂšte de type 2
Dyslipidémie
InïŹ‚ammation
– molĂ©cules d’adhĂ©sion
– cytokines
– adipokines
– leucocytes
– plaquettes
– cellules endothĂ©liales
Stress
oxydatif
Obésité
HTA = hypertension artérielle.
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