OÙ EN EST L’ASIE Par Rofesseur Moustapha KASSE Doyen de la FASEG ************** INTRODUCTION La forte croissance économique de l’Asie de l’Est, surtout dans les années 80, avait dérouté par sa rapidité et par son ampleur à telle enseigne qu’il a été alors évoqué, tour à tour et sans références aux donnée des sociétés concernées, un « miracle » ou un « modèle » fondé sur des « valeurs asiatiques ». En l’intervalle d’une génération, de petit pays de culture non occidental et de peuplement non blanc complètement dépourvus de matières premières ont construit des systèmes économiques performants qui les ont fait accéder, en quelques années au rang de puissance mondiale. Ces petites économies ont accumulé des résultats impressionnants par une croissance régulière, harmonieuse et aux taux le plus élevés possible compte tenu des ressources mobilisées. Cela fait dire à la Banque Mondiale que l’Asie est l’avenir du monde car la moitié du surcroît de la production mondiale, viendra de cette région. Cependant, tout au long de l’année 1997, ces pays ont été traversés par un véritable cyclone monétaire et financier qui les a conduit à accepter les plans de restructuration des institutions financières internationales ( notamment le FMI) comme les économies sous-développées quelconques incapables de faire face à leurs échéances extérieurs. On peut alors dire que cette crise a fini par révéler que les explications fourre-tout en obscurci le débat. Du positif elles vire au négatifs en affirmant que : le « miracle » n’était qu’un mirage. A l’utopisme paresseux succède un pessimisme qui ne l’est pas moins Sans nulle doute, le développement de la région asiatique est sans précédent historique avec un taux de croissance, en moyenne annuelle, de 9.2% de 1987 à 1996 selon la banque mondiale. En trente ans (1965-1995) le revenu moyen par habitant a quadruplé en Thaïlande et en Malaisie, presque décuplé à Singapour et plus triplé à Hong Kong. Depuis 1960, ces pays très pauvres ont quasiment rattrapé le niveau de vie des pays riches alors que l’Afrique continue toujours d’être confrontée à la dégradation des fondamentaux de l’économie, à l’endettement, à la stagnation de la production, à l’enlisement dans la pauvreté. Le sous-développement, la misère et la famine continuent d’y peser comme une fatalité. Pour relancer les enjeux du développement africain, les décideurs ont privilégiés, depuis les années 80, les politiques de stabilisation et d’ajustement au détriment des politiques de développement à log terme. La comparaison dans le domaine des politiques agricoles nous conduit à observer : Afrique- Asie : greniers vides, greniers pleins. Depuis les années 70 l’Afrique a progressivement remplacé l’Asie et l’Amérique Latine dans le recours de l’assistance alimentaire internationale. En prenant l’indicateur du revenu réel par habitant en Asie, mesuré en parité de pouvoir d’achat (c’est-à-dire en tenant compte du niveau inférieur des prix pour un panier de bien donné), il représentait en moyenne plus des 2/3 de celui des pays riches en 1996, contre moins de 20% en 1965. En prenant le même indicateur, on observe qu’à l’inverse l’Afrique s’enfonce : ce revenu moyen n’a point progressé, son niveau moins représentait 7% de celui des pays développés en 1996 contre 13% trente ans plus tôt Schéma 1 : sur les performances mesurées par les revenues. Il est légitime de s’interroger avec les turbulences monétaires de 1997 et le ralentissement, depuis le début des années des années 90, de la locomotive japonaise pour savoir si la région pourrait poursuivre son dynamisme et son exemplarité pour les années à venir. Les « tigres asiatiques », comme l’on dit, peuvent-ils encore rugir ? En d’autres termes face à la crise monétaire et financière « le miracle » va-t-il se transformer en mirage avec les plans d’austérité (FMI) et la montée de la grogne sociale ? ILES ACQUIS ET L4EXEMPLARIT2 ONT-ILS ETE RUINEES PAR LA CRISE MONETAIRE ET FINANCIERE ? 1°) Le modèle de développement et ses performances : Comment s’explique le rattrapage réalisé par les pays asiatiques ? Schématiquement, toute croissance économique est la conjugaison organisée par l’Etat de plusieurs facteurs dont : le travail, le capital, la technologie et les ressources naturelles. Du dosage de ces composantes dépend la compétitivité. De nos jours, les variables de cette équation se modifient. Le capital et les technologies circulent plus librement et les différences vont se jouer principalement sur les avantages comparatifs des coûts de main-d’œuvre et la qualité des infrastructures. Ces composantes auxquelles s’ajoutent d’autres sont constitutives des modèles de développement économique et social. Les succès économiques et financiers des pays d’Asie et notamment le fait qu’ils sont su en une trentaine d’années : - régler la question du sous-développement, - rattraper leur retard technologique, - construire des systèmes économiques et financiers performants, demeure incompréhensible si l’on évoque pas en détail la rationalité économique de leur stratégie. Schéma 1 & 2 : Les performances des NPI : situation. Certaines des variables sont bien connues, mais ce qui manque souvent c’est la compréhension de leurs enchaînements, de leur mise en synergie, dans les politiques économiques appropriées. Les enchaînements constitutifs du modèle de développement s’effectuent à partir de 4 préalables : 1- Les préalables philosophiques et culturels sont essentiellement au nombre de 2 : * Le mode d’organisation sociale inspirée de CONFUCIUS (où l’individu acquiert son identité par son appartenance à la famille et, par extension à la société entière) à transposer le respect de la hiérarchie dans l’activité productive de même que le développement de l’esprit de solidarité et de groupe ; * Les relations sociales ramenées à une relation hiérarchique : liens sociaux verticaux de supérieur à inférieur, plutôt qu’horizontaux entre égaux 2- Les préalables économiques se réduisent à la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie de développement fondée sur : * des options macroéconomiques et macro financières qui ont tourné autour : . des réformes agraires pertinentes faisant du secteur agricole le moteur du développement. La révolution verte avec ses semences sélectionnées à haut rendement, l’irrigation des deltas, l’utilisation intense des facteurs modernes de production ont permis de haut niveau de production et une croissance de la production alimentaire plus rapide que celle de la population liquidant du coup des pénuries alimentaires, . D’une population mieux nourrie et qui a disposé de revenus plus Importants. Elle s’est alors fixé dans les zones rurales, . D’une agriculture qui a relancé, en amont comme en aval, L’industrialisation, ce qui donne une industrialisation Amorcée à partir de l’agriculture pour s’étendre aux exportations, . Politique financière, commerciale et fixale appropriée ; *les règles appliquées dans la pratique . Être différent, . S’appuyer sur ses propres forces . Concentrer ses ressources là où on a un avantage concurrentiel . Choisir le domaine le plus étroit possible, * les acteurs . L’Etat est le principal architecte du développement et des transformations. C’est Donc un Etat organisateur qui mobilise et oriente tous les investissements. Il prend en charge les secteurs stratégiques de l’économie, des infrastructures de base aux industries lourdes et l’éducation. L’industrialisation s’est déroulée à partir d’une étroite articulation entre l’Etat soucieux du développement et un secteur privé dynamique. Cette régulation économique par l’Etat a souvent permis de qualifier le modèle de développement asiatique comme une variante du capitalisme d’Etat fortement décrié par les institutions financières internationales et les tenants de la nouvelle orthodoxie libérale, . Les entrepreneurs : talents exceptionnels, souplesse et agilité . Les élites intellectuelles et techniques et la valorisation des ressources humaines permettant d’élever le niveau de qualification de la main-d’œuvre. 3 - Les préalables institutionnels permettent de réduire les coûts des transactions. Elles sont de trois ordres : * le gage de performance durable réside dans mise en place les arrangements institutionnels compatibles avec les objectifs fixés * un bon Etat géré par un bon gouvernement * les investissements importants dans le capital humain : éducation et santé. 4Les préalables sociales : un pacte social nouveau différent du taylorisation a été pratiquée et s’inspire des traditions culturelles de travail, d’hiérarchie, de discipline et d’obéissance. Ce dernier point est pour Paul KUGMAN du MIT, la clé du succès en Asie qui selon lui « croit par transpiration, mais pas par innovation, c’est ainsi que la plupart des NPI sont de véritables « sweat shop » c'est-à-dire des ateliers de sueur. S’il n’existe pas de recette toute faite pour accéder au développement, il y a partout quelques points de passage obligés que les NPI ont suivi. Dans notre analyse des stratégies comparée de développement entre l’Afrique, l’Asie et l’Amérique Latine, les éléments caractéristiques de la stratégie stratégique peuvent se ramener en définitive aux éléments - - - - - une géostratégie mondiale favorable qui s’est traduite par une aide financière américaine massive pour contenir le communisme asiatique particulièrement actif et conquérant (Chine, Corée du Nord, Viêt-Nam, Cambodge, Laos, etc.) mais il faut souligner que l’Afrique a aussi bénéficié d’importantes ressources mais celles-ci ont été mal utilisées, dilapidées. D’ailleurs Paul KRUGMAN selon Amar Bhahacharya, Peter, J. Montrel et Sunil Sharma, l’Afrique par le biais de modes d’organisation et de développement inefficient a reçu la proposition la plus élevée de fonds publics. Bien que l’Europe et l’Asie centrale aient reçu des montants en aide progression, l’Afrique subsaharienne continue d’obtenir la plus forte part de l’aide public au développement et cette proportion a même progressé de 1990 à 1995 elle a reçu 26 % du total de la l’APD fournie à l’ensemble des pays en développement. Les prêts hautement concessionnels ou les dons représentaient presque 95% de cette aide » (Finances et Développement juin 1997). Deux deccennis auparavant G. AMOA dans « Echanges internationaux et sous-développement » (Edit. Antropos, 1994) jasait la même observation que l’Afrique a reçu des ressources aussi importantes que celle du Plan Marshall mais celles-ci ont été au service de mauvaises orientations de développement et n’ont pas en conséquence impulsé ni révolution agraire ni industrialisation. un développement endogène et nationale avec une intervention forte de l’Etat (fut-il un Etat de qualité) appuyé sur une planification à log terme avec un secteur public souvent omnipotent. La stratégie de développement privilégie l’agriculture puis l’industrie tournée résolument vers le secteur primaire et les exportations ; une politique cohérente ressources humaines avec un système éducatif et de formation approprié et performant en liaison étroite avec les besoins de l’économie et de la société ; une élite enracinée sur ces valeurs propres de cultures mais ouverte sur l’extérieur ; un coup social par moment excessif. La Banque mondiale et le FMI ont tenté d’accréditer l’idée que les NPI se sont développés grâce à l’application de leur recette. Qu’en est-il exactement ? tous les analystes du modèle asiatique montre que celui est assez loin du modèle libéral pur que certains zélateurs de ces institutions ont cru pouvoir décrire. Ainsi un auteur comme Philippe CHALMIN l’assimile à un « colbertisme de marché » ! Evaluant les performances du développement en Asie l’auteur note que « depuis le Japon, il y a un siècle, à la Chine aujourd’hui le modèle adapté a été peu ou prou le même un développement tiré par les exportations dans un premier temps de produits à fort contenu en main-d’œuvre (textiles, petites industries) montant en gamme peu à peu vers des produits plus sophistiqués bifurquant à un moment, vers l’industrie lourd ; un marché intérieur protégé souvent complètement opaque, un capitalisme certes libérale et parfois sauvage mais souvent fortement organisé autour de conglomérats bénéficiant de la protection et de la bénédiction des Etats, une maind’œuvre disponible faisant preuve d’un niveau d’épargne élevé ; enfin des régimes politiques rarement démocratiques et très souvent corrompus sans que ce dernier point ne nuise à l’efficacité économique contrairement au cas africain….Tout ceci ne correspondait guère aux canaux économiques ni des marxistes, ni des libéraux « ( Bulletin de la SFAC N°1016, Décembre 1997) Le modèle de la banque mondiale (1991) retient 4 pôles dont l’interaction explique le développement. Des facteurs favorables se renforcent mutuellement et engendrent un processus vertueux. une économie concurrentielle, - un cadre macroéconomique stable, l’insertion dans le système économique mondial, l’investissement dans les ressources humaines. Schéma 3 : Les enchaînement du modèle de la Banque Mondiale En comparant les stratégies mises en place par les pays asiatiques et les politiques préconisées par la Banque Mondiale, on observe de notables différences au niveau : - de la conception des politiques économiques et leur mise en œuvre. Sous ce point il faut souligner le rôle imparti à la planification ; - du rôle imparti à l’Etat et au marché : le marché est un instrument d’allocation des biens et services mais l’Etat reste l’agent principal de régulation qui anime l’économie à partir d’un important secteur publique stratégique, - du secteur bancaire commercial qui a grandement ouvert les vannes du crédit ce qui va entraîner un accroissement de la liquidité apparaissant dans le niveau élevé du ratio M2 /PIB qui était avant la crise 111% pour la Malaisie, 123% en Thaïlande, 80% en philippines, 57% en Indonésie, 83% à Singapour. Il en résultera un taux d’inflation élevé (environ 5,5% en moyenne pour les pays de la région ) Il est plus invraisemblable que la croissance rapide puisse être tirée exclusivement par les seules exportations. Comme la Banque Mondiale l’a longtemps soutenu au mépris de l’histoire économique, y compris celle des pays asiatique. Ces expériences positives de fortes croissances qui ont de l’Asie un pôle émergent et dynamique de l’économie mondiale vont être entraîné dans un cyclone monétaire et financière en 1997 avec les banques qui font faillite, des bourse qui s’effondrent. Tout cela rappelle étrangement la crise de 1929. 2- La crise financière et ses effets : la rançon du sur investissement Commençons d’abord par établir le chronogramme de la crise pour ensuite chercher les causes profondes. Cependant il importe de préciser « la montée en puissance de la fiance spéculative » (Domiurque PLIHON, 1996) directement liées au processus de globalisation financière qui donne un pouvoir exorbitant aux marchés et à la spéculation. Il s’agit selon D.PLIHON d’une mise en place d’un marché unifié de l’argent au niveau planétaire où les entreprises multinationales industrielles ou financière peuvent emprunter ou placer de l’argent sans limite où elles le souhaitent, quand elles le souhaitent en utilisant tous les instruments financiers existants. La chronologie de la crise financière : Sans établir un chronogramme complet de la crise, prenons quelques repères significatifs : * tout est parti de la vague de spéculation contre le Baht thaïlandais ( mars 1997), * la crise s’étend avec rapidité obligeant les Banques Asiatiques à se réunir à Shanghai pour trouver une solution (25 juillet 1997). En vain, * l’Indonésie (roupie), la Malaisie (ringgit), la Corée du Sud (Won) et Singapour (Dollar) sont secouées et mettent en place avec le FMI des plans de sauvetage. Les trois premières s’effondrent. * Le cas coréens est le plus intéressant. Le pays reçoit une enveloppe totale (en décembre 1997) de 55 milliard de dollars: 35 milliards du FMI, 10 des Etats-Unis, 5 du Japon et 5 des autres pays. * Le Japon, locomotive de la région finira par être affecté en janvier 1997 et va lancer un méga plan de sauvetage des Banques. - Quelle est la signification de cette crise monétaire et financière et quelles en son les incidences sur le développement et la croissance ? Schéma 4 : Taux d’investissement et taux d’épargne Le secteur financier asiatique fait aujourd’hui les frais de sa politique passée. D’ailleurs, le Président du FMI il observait en 1996 que « les systèmes bancaire en Asie sont restés à l’âge de la pierre ». Pendant longtemps, les banques (souvent étroitement liées aux pouvoirs politiques) ont massivement prêté aux entreprises locales à des taux peu élevés si biens qu’elles vivaient sur des matelas de créance douteuses estimées à 73 milliards de dollars (soit 13 % du PIB) Par ailleurs ces banques bénéficiaient de la stabilité de leur taux de change visà-vis du dollar donc d’une monnaie forte qui leur permettaient d’emprunter à moindre coût sur les marchés internationaux mais cette situation a favorisé un cercle vicieux : des sur investissements ( notamment dans l’immobilier) et des déficits de la balance des paiements courants excessif. Déjà Paul KRUGMAN observait en 1979 que dans le cadre d’un système changes fixes, une expansion du crédit intérieur supérieure à la croissance de la demande de monnaie entraîne une baisse graduelle mais persistante des réserves internationales. Elle finira par soumettre la monnaie à des attaques spéculatives qui vont épuiser les réserves et obliger les autorités à abandonner la parité. Cette prédication se réalise avec une série d’attaques spéculatives à partir à partir de Mai 1997 sur le Gacht thaïlandais qui va fortement se déprécier. La Banque Centrale défendra sa monnaie jusqu’en Juillet et finira par abandonner. Cette crise se prolonge et se généralise entraînant de fortes dépréciations des taux de change (entre 40 et 50%) et des cours boursiers (entre 20 et 30%). Des politiques d’austérité ont alors été mises en place pour freiner l’emballement de l’activité. Mais elles ont provoqué un ralentissement de l’activité et révéler les failles du système : les investissements surdimensionnés dans l’industrie comme par exemple en Corée du Sud, où tous les « chaedols » ont voulu se diversifier dans les mêmes productions (dans l’immobilier en Malaisie ou en Thaïlande). Dans ce contexte des plans d’austérité imposés par les Fonds Monétaire internationale depuis Juillet dernier en contrepartie de son aide, tentent de rétablir la crédibilité des systèmes financiers de la région. Dans les faits ces plans sont de savants montages de sauvetage financiers impliquant les organisations financières internationales ( FMI principalement et BM), les gouvernements pays industrialisés ( Etats-Unis, Japon, UE ) et des Banques créditrices. Par exemple mis en place le 03 Dec 1997 a mobilisé 57 milliards de dollars ainsi répartis : FMI ( 21 milliards) La Banque Mondiale ( 10 milliards) la Banque asiatique (4 milliards) et sept pays riches ont apportés 22 milliards (Etas Unis, Canada, Japon, France , Allemagne, Grande Bretagne, Australie) les ressources devrait permettre à la Corée du Sud d’entreprendre les réformes requises. Mais le risque d’un effondrement du secteur demeure. Ces plans annoncés sont en effet annoncés très sévères : - fermetures des Banques en situation de quasi-faillite et amélioration de la gestion en évitant d’acquérir des actifs de qualité médiocre et de prendre des risques excessifs enfin de limiter les distorsions qu’elle entrait et la réglementation et le contrôle bancaire, - coupes drastiques dans les dépenses publiques, - resserrement des crédits à l’économie - explosions de l’endettement du fait des dévaluations monnaies - restructuration des entreprises avec de très fortes déflations des effectifs des salariés : le taux de chômage pourrait alors progresser de 2% à 6% de la population active. Schéma : Le financement des plans de sauvetage Ces plans inspirés par le FMI sont très fortement contestés au double niveau économique et social. Certains critiques libérales s’opposent aux sauvetages qui sont totalement contraires a la logique des marchés financiers qu’il faut laisser fonctionner sans entrave .D’autres critiques comme J. STIGLITZ (économiste en chef de la Banque Mondiale souligne l’inefficacité des actions entrevues dans ces plans. Il observe que « nous ne devons pas pousser ces pays dans une sévère récession. Tous les économistes américains rejettent le principe de l’équilibre budgétaire en période de récession. Devrions-nous ignorer cela lorsque nous donnons des conseils aux autres pays. » Regardons de plus prés la situation au niveau social qui a toujours été la jambe faible du développement l’Asie. Présentement , la situation sociale est explosive avec les restructurations monétaire qui provoquent des licenciements en chaîne. En Corée du Sud, un million de personnes devrait venir grossir le rang des chômeurs, estimes le Ministre du travail, et le taux de chaumage pourrait progresser de 2.8% à 6% de la population active. Un an après les violentes manifestations qui ont secoué le pays, la Corée du Sud est au bord de l’explosion sociale ; le Gouvernement, qui avait reporté la libéralisation du marché du travail sous la pression des syndicats, veut aujourd’hui faciliter les licenciements. Le nouveau président, ancien dissident, issu d’une véritable élection, démocratique, bénéficie dans l’histoire de la Corée du Sud, d’une grande légitimité. En Indonésie, deux millions de personnes ont déjà perdu leur emploi depuis le début de la crise (dont prés d’un quart dans le textile) et le nombre de chômage pourrait progresser d’un million cette année (soit 6 millions au total) sans compter les quelques centaines de milliers travailleurs immigrés que la Malaisie souhaite renvoyer. Le renversement du Président Suharto, au pouvoir depuis le coup d’Etat sanglant de 1965, est un puissant facteur d’instabilité dans un pays de 200 millions d’habitants qui, après trente ans de dictature a une unité fragile et une faible cohésion sociale. Faut-il rappeler que toute crise financière entraîne une redistribution du pouvoir et de la recherche entre entreprises, banques et Etats. C’est ainsi que les difficultés du secteur financier entretenues par la finance spéculative qui caractérise le méga marché unique de l’argent, vont offrir aux Etats-Unis et aux Européens, le moyen de forcer l’entrée de leurs firmes dans le capital des banques et des entreprises de la région, notamment en Corée, jusque là, très fermée aux capitaux étrangers. II – LE DEVELOPPEMENT PORTE PAR UNE FORTE CROISSANCE SURVIVRE A LA CRISE MONETAIRE ET FINANCIERE ? VA-T-ELLE A l’analyse, la crise monétaire et financière a parfaitement été révélatrice des limites du modèle asiatique au double niveau financier et social. Est-ce alors la fin du miracle asiatique et de la croissance rapide ? La crise monétaire et financière qui a frappé les NPI a révélé les revers de leur croissance accélérer : surinvestissements, spéculations, corruption massive des responsables politique. Les élites « développementatialistes » civiles comme militaires qui ont accédé aux pouvoir ont imposé presque partout des règles de partage permettent une accumulation forcée. En effet, le pouvoir bien que corrompu redistribuait une partie de la richesse sous forme de hausse de hausse de salaire et d’autres avantages. Le contexte d’argent facile autorisé par la libéralisation financière (crédit très bob marche financé par des capitaux étrangers) a prouver une suraccumulation forcée de capital. Cette suraccumulation a alors engendré un cercle vicieux : des investissements massifs sur des marchés saturés (comme l’automobile et l’immobilier) et des déficits extérieurs excessifs liés à l’essor des importations (des biens équipements ou de consommation). Cette situation a alors entraîné des investissements non rentables, des circuits qui ne seront jamais remboursés et surtout l’opacité des circuits de financement résultant des liens étroits entre pouvoir financier et pouvoir politique. Il faut dire que les pays de l’UEMOA avaient connu en 1990 une situation quasi semblable qui avait conduit à une faillite de l’ensemble du secteur bancaire. En prenant le cas du Sénégal, les ¾ des banques étaient en liquidation : BNDS, USB, SOFISEDIT, BIAO, Banque Sénégalo-Kowétienne, BCS, etc. La différence avec l’Asie est que les ressources distribuées ont été utilisées à nourrir des consommations somptuaire et improductives et la fuite des capitaux organisés utilisées à des fins spéculatives. Les politiques de restructuration bancaire ont liquidé le début de formation d’un système financier et réintroduit le capital financier français. En revanche en Asie la fuite des capitaux des places boursières a provoqué la chute des monnaies et des cours des actions locales avec de très brusques changements de change. Cependant, malgré la crise que le potentiel productif est resté intact et les dévaluations en cascade Vont sans doute relancer les enjeux des exportations donc le cycle vertueux de croissance. Examinons ces 2 points : 1°) Le potentiel de développement reste encore élevé et même intact La dépréciation des monnaies asiatiques et la baisse des bourses locales s’explique par le retrait d’une partie des capitaux étrangers. La crainte de défauts de paiement débouchant sur une crise bancaire mondiale, via le Japon, explique les à-coups des autres grandes places financières mondiales, en dépit de la bonne conjoncture américaine et de la reprise européenne. Mais l’Asie du SUD-EST, qui a absorbé prés de 40% des flux de capitaux privés à destination des pays en développement en 1996, conserve un fort potentiel de développement : passée la crise actuelle, la croissance devrait demeurer élevée. Le poids des capitaux étrangers dans le financement de la croissance régionale est d’ailleurs limité : moins de 10% de l’investissement local en moyenne 1995 selon la CNUCED, En d’autres termes, les pays possédant de haut de haut niveau d’épargne intérieure seront moins dépendant des capitaux étrangers. En effet, les investigations étrangers jouent un rôle majeur dans trois pays : la Malaisie(18%) Singapour(25%) et la Chine (plus de 25% dont une bonne partie sont des capitaux chinois qui transitent par Hong Kong). 2°) Les dévaluations réparatrices peuvent sans nul doute relancer les exportations Les dépréciations des monnaies asiatiques, de 30 à 50% depuis le début de la crise financière, devrait donner le monde un coup de fouet aux exportations de la région. Depuis 1996 en effet, la progression des exportations s’est ralentie. La hausse du dollar, auquel les monnaies de la région étaient arrimées, avait en effet rendu moins compétitifs les produits asiatiques. Une situation d’autant plus difficile que ces derniers subissaient aussi la concurrence croissante des exportations chinoises depuis la dévaluation du yuan en 1994. Il demeure que l’intégration économique croissante de la région (prés de 40% des exportations sont réalisées au sein même de la région) pourrait freiner la reprise. En effet, la Chine perd désormais son avantage compétitif, risque de dévaluer à son tour. De quoi entraîner une cascade de dévaluations de combat dans la région et précipiter la déflation. Ce scénario me semble peu probable. En définitive tous les acquis majeurs des pays asiatiques en termes de développement demeurent : infrastructure de base, niveau d’éducation, accès aux services, tissu industriels diversifié, savoir technologique. Le problème de l’Asie aujourd’hui se situe beaucoup plus sur le terrain politique. En effet l’émergence des classes moyennes a fait naître des revendications démocratiques très fortes qu’il faut satisfaire par l’instauration des régimes démocratiques. Schéma 5 : Les perspectives révisées de croissance EN CONCLUSION / QUELLE LEÇONS POUR L’AFRIQUE ? Quelles leçons pouvons-nous tirer, pour l’Afrique, de ces expériences de développement ? Il serait facile de dire que la recette des pays asiatiques est claire : essor du secteur agricole, insertion dans la mondialisation, bonne articulation entre un Etat fort et un secteur privé dynamique. La première est que les stratégies de développement élaborées sont endogènes et différentes de ce qui se fait ailleurs. Le mimétisme mécanique est systématiquement écarté au profit de politiques qui s’appuient sur les ressources disponibles et les exigences du marché, c’est-à-dire, que les efforts internes sont principalement, orientés dans les domaines où le pays a un avantage concurrentiel. La deuxième leçon concerne l’Etat et ses nouvelles missions dans le développement. Contrairement à l’Asie, on assiste en Afrique à une mise à mort de l’Etat pourtant doublement précarisé en haut par la mondialisation et en bas par l’informalisation de l’économie. A cela s’ajoute une crise chronique des finances publiques du fait de multiples prédations qui rendent l’Etat incapable d’opérer sur les externalités positives : infrastructures, éducation et formation, santé, environnement, etc. Face à cela les marchés sont défaillants et accusent des dysfonctionnements les rendant inopérants comme instrument d’allocation optimale des ressources. La troisième leçon d’une plus brûlante actualité à trait aux problèmes monétaires. Après l’expérience monétaire et financière des pays d’Asie, les pays d’Afrique qui appartiennent à des zones monétaires comme le Zone Franc ont-ils intérêt à y rester ou plutôt à créer leur propre système financier. En d’autres termes, l’arrimage à l’Euro est-il la meilleure politique ? Pour ma part, la réponse est positive pour 3 raisons : - d’abord l’euro est un bon instrument pour réguler les différentes formes d’instabilité financière internationale, - ensuite un meilleur espèce d’organisation de la convergence des politiques et de la coopération, enfin, un nouveau système d’insertion dans la mondialisation. La quatrième leçon est relative à la démocratie. Les expériences asiatiques ont été à la fois peu libérales et pas démocratiques. Partout, on observe un leadership autoritaire avec des Etats forts qui monopolisent le pouvoir d’orientation et de décision en partant de l’idée qu’on est responsable que sur les choses pour lesquelles on a un certain pouvoir. Il s’est constitué en conséquence une bureaucratie publique mais qui s’est fixée pour mission primordiale de promouvoir le secteur privé. Les acteurs des stratégies du développement sont alors les entrepreneurs nationaux, les élites intellectuelles et techniques et les nouvelles forces sociales notamment les syndicats et les partis politiques. Cependant, ce qui est remarquable, c’est que les dirigeants politiques cherchent à légitimer leur pouvoir à travers leurs succès économiques ; c'est-à-dire que l’incrustation au pouvoir est sanctionnée par une obligation des résultats. Rien de semblable ne se réalise en Afrique Subsaharienne qui s’enfonce dans l’immobilisme économique et social malgré quelques éclaircis.