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RAPPEL DU SUJET
SUJET 1 : Suffit-il d'avoir le choix pour être libre ?
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Examen : Bac ES
Epreuve : Philosophie
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LE CORRIGÉ
Première étape : l’analyse du sujet
Il s’agit d’un sujet assez classique, qui interroge les conditions de la liberté. Cependant le sujet porte précisément sur
l’articulation entre choix et liberté, et non pas sur la liberté en général. Le risque serait donc de traiter la question de savoir si
l’homme est libre, ou s’il peut l’être, sans s’occuper précisément de la question du choix.
Il faut être particulièrement attentif au terme interrogateur « suffit-il », pour éviter de faire un exposé purement notionnel
sur la liberté en général : demander s’il suffit d’avoir le choix pour être libre, cela suppose qu’on considère qu’avoir le
choix est nécessaire pour être libre, et qu’on se demande s’il faut aussi autre chose. La question alors est : qu’est-ce qui
pourrait être nécessaire pour définir la liberté en plus du choix. Il ne s’agit pas de savoir si on peut être libre sans avoir le
choix, mais bien si on peut avoir le choix sans pour autant être réellement libre !
Avoir le choix, ce n’est pas la même chose que choisir : choisir est un acte, alors que l’expression « avoir le choix »
désigne plutôt une situation dans laquelle on se trouve. Le choix y est proposé au sujet (de l’extérieur), il ne vient pas du
sujet lui-même. On peut penser par exemple à la société de consommation qui offre le choix aux individus entre une
multiplicité de biens et de services. Quand on a le choix, c’est qu’on est en présence de deux ou plusieurs options : il
peut s’agir de biens matériels (choix entre un plat ou un autre sur un menu, par exemple) mais aussi d’orientations
professionnelles, de candidats aux élections, de systèmes de valeurs, ou d’opinions. Il conviendra alors de faire varier
les exemples.
Le fait d’avoir le choix n’implique pas qu’on choisisse effectivement : on peut hésiter sans fin, et être empêché d’agir
(c’est le cas de l’âne de Buridan). Il faut distinguer donc deux moments du choix : celui où on est en présence de
plusieurs possibilités, et celui du choix lui-même qui consiste à s’engager dans une voie précise, en renonçant aux
autres. On peut alors se demander où se situe la liberté : l’homme est-il libre avant de choisir (quand il a encore le choix)
ou après avoir choisi (quand il n’a plus le choix !)
Quand on a le choix entre deux possibilités on peut aussi, paradoxalement se sentir contraint ! Si je dois choisir entre
partir à la guerre ou déserter, j’ai le choix, et pourtant ce choix lui-même m’est imposé de l’extérieur. Si j’avais suivi ma
seule volonté, je n’aurais sans doute choisi ni l’un ni l’autre !
Inversement ne pas avoir le choix c’est être contraint ou déterminé : la pierre qui tombe n’a pas le choix de la direction
qu’elle va prendre, un homme emprisonné n’a pas le choix du lieu où il se trouve.
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Ainsi on peut remarquer que le choix suppose la liberté : pour choisir il faut être libre. Il est absurde de donner le choix à des
êtres privés de liberté. Ce qui montre que le choix peut être défini comme l’exercice de la liberté. Si c’est le cas, les termes du
sujet semblent s’inverser : il faut être libre pour choisir, et non avoir le choix pour être libre. Cela permet de comprendre
pourquoi les deux termes (choix et liberté) sont souvent considérés comme synonymes.
Pour analyser la notion de liberté, qui est la notion du programme concernée par le sujet, et donc la plus générale, il faut se
cantonner aux éléments qui seront pertinents pour le sujet.
La liberté est en général le fait d’agir ou de penser sans y être contraint ni déterminé, et donc par la seule volonté de
l’individu. Avoir le choix c’est pouvoir décider soi-même, et donc ne pas être contraint ni déterminé à agir ou à penser
d’une certaine manière. Les définitions du choix et de la liberté se rejoignent.
Mais il faut distinguer volonté et désir : être libre c’est aussi être capable de résister à certains désirs pour suivre sa
volonté (par exemple je ne suis plus libre si je cède au désir de fumer quand j’ai pris la décision d’arrêter de fumer). Il
faudra alors se demander si le choix qui est présenté au sujet ne l’empêche pas parfois d’être réellement libre, dans la
mesure où il peut s’adresser davantage à ses désirs qu’à sa volonté. On pourra à nouveau penser à la société de
consommation qui en offrant une quantité de choix possibles soumet sans cesse le sujet à la tentation. Ce dernier peut
alors se retrouver incapable de savoir ce qu’il veut vraiment.
Deuxième étape : la problématique du sujet
D’emblée on peut remarquer que le sujet remet en question une opinion commune qui identifie choix et liberté : quand nous
avons le choix, nous nous sentons libres. La question est alors de savoir si ce sentiment est bien fondé, ou s’il s’agit d’une
illusion.
Si on identifie la capacité de choisir et la liberté, on peut penser alors que la seule condition de la liberté est bien d’avoir
effectivement le choix : c’est une nécessité pour que la liberté puisse s’exercer réellement. Si je suis libre, mais que je n’ai
jamais le choix, alors ma liberté est vaine, ou théorique, et ne peut jamais être mise en pratique. Inversement si j’ai le choix,
ma capacité de choisir peut s’exercer, j’ai alors le sentiment d’être libre.
Cependant on peut apporter au moins deux objections à cette idée.
Premièrement, je peux être aveuglé par la profusion de choix, et ne plus savoir ce qui est réellement bon pour moi, le
choix sera alors guidé par ce qui m’est proposé, et ne viendra pas de moi-même, de ce fait je ne serai pas vraiment libre.
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Deuxièmement, si les options entre lesquelles je dois choisir ne me conviennent pas je peux me sentir contraint alors
même que j’ai le choix, ce qui remet en cause l’idée qu’il suffit d’avoir le choix pour être libre.
On peut donc se demander si « avoir le choix » est une condition suffisante pour être libre, ou si la liberté ne suppose pas
aussi que les choix proviennent du sujet lui-même sans lui être proposés ou imposés de l’extérieur.
Troisième étape : la boîte à outils
Le libre arbitre, ou liberté d’indifférence, est précisément la faculté qui nous permet de nous décider sans raison pour
l’une ou l’autre de deux possibilités. Ici on voit que le lien entre la liberté et le choix s’impose. Le premier degré de la
liberté selon Descartes c’est bien cette capacité, dont les animaux sont dépourvus, et qui nous permet de choisir, même
arbitrairement. Pour que le libre arbitre s'exerce, il faut avoir un choix à faire ; inversement, le simple fait d’avoir le choix
nous permet d’exercer notre libre arbitre et de sentir ainsi notre liberté.
La contrainte qui s’oppose à la liberté, c’est précisément le fait de ne pas avoir le choix, puisque celui qui est contraint
est forcé à agir d’une certaine façon, sans qu’on lui demande de se prononcer. Il n’y a donc pas d’alternative dans la
contrainte. Par conséquent, la seule présence d’une alternative est une liberté. Pour développer cette idée on peut aller
jusqu’à remarquer que ceux qui défendent l’idée que l’homme est libre doivent alors reconnaître que même contraint on
a toujours le choix : celui de mourir !
Le même développement est possible avec le déterminisme : si l’homme est déterminé, c’est que ses actes ou ses
pensées sont produits par des causes extérieurs à sa volonté, de telle sorte qu’il ne peut pas agir autrement (il est
soumis, comme les choses et les animaux à la nécessité naturelle) : par conséquent la liberté est aussi ici conçue
comme la possibilité d’agir autrement, et donc le fait d’avoir le choix entre plusieurs façons d’agir. On peut penser à la
critique que fait Spinoza du libre arbitre : pour Spinoza, le libre arbitre est une illusion, parce qu’en réalité, même quand
l’homme croit choisir, en réalité son choix est déterminé par des causes dont il n’a pas conscience : là encore on voit que
pour critiquer le libre arbitre, Spinoza dénonce l’illusion d’un choix, qui en réalité n’en est pas un.
Si on pense à la dimension politico-économique de la liberté, on peut aussi remarquer que le libéralisme est un système
qui met le choix de l’individu au centre, comme garant de sa liberté : choisir ses représentants, choisir ce que l’on
consomme, choisir son mode de vie, sa religion, etc., c’est bien le fait d’avoir le choix qui caractérise ici la liberté, par
opposition à un système dans lequel une seule voie serait possible.
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Pour remettre en question l’assimilation entre choix et liberté, on peut s’interroger sur l’expérience familière de la
consommation : on a vu que le problème tient à ce que le choix vient de l’extérieur, sans qu’on ait toujours le loisir de se
demander ce que l’on veut. La société de consommation offre le choix, avant même que la volonté du sujet puisse se
déterminer. Ainsi c’est l’offre qui crée le désir, et non la volonté qui détermine son objet : on nous propose des biens de
consommation comme désirables, et nous les désirons. Il y a là une inversion : je désire ce qu’on me propose, et non
l’inverse. Et cela s’oppose à un modèle de la liberté dans lequel l’homme serait maître de lui-même. On pourrait alors
penser à exploiter la référence à Epicure, pour montrer comment la profusion du choix nous entraine dans une infinité de
désirs qui s’oppose à la liberté bien conçue.
A partir de là on peut montrer, avec Epicure toujours, qu’avoir le choix n’est pas une condition suffisante pour être libre :
il faut encore que le choix soit ensuite opéré par la volonté (et non le désir) et en fonction de ce qui est effectivement bon
pour soi-même. En effet : être libre suppose de renoncer à certains désirs, et non de multiplier les possibles à l’infini.
Une autre possibilité serait d’analyser précisément les situations dans lesquelles les choix à faire sont imposés au sujet,
sans lui convenir : plusieurs exemples sont possibles. Celui de la démocratie peut être intéressant : avoir le choix entre
plusieurs partis politiques est une des conditions de la liberté démocratique, mais qui ne suffit pas si les citoyens ne sont
pas aussi acteurs de la vie politique. La référence à Tocqueville peut ici être utile pour montrer comment la démocratique
instaure une liberté illusoire, parce qu’elle réduit les citoyens à une passivité consommatrice.
La question alors est de savoir quelles sont les conditions de la liberté au-delà du simple fait d’avoir le choix. La
distinction entre « avoir le choix » et choisir est utile ici : la liberté se situerait moins dans le fait d’avoir le choix que dans
l’acte de choisir, et dans la manière dont on aborde le choix. On peut penser à Sartre et à ce qu’il dit de la liberté : être
libre pour Sartre c’est choisir. Or, il explique que l’on choisit toujours, même quand on a le sentiment de ne pas avoir le
choix. Cela permet de remettre en cause les termes mêmes du sujet, et de revenir sur une évidence discutable.
Quand on a le sentiment de ne pas avoir le choix (d’être contraint par exemple, ou d’être déterminé), c’est pour Sartre de
la mauvaise foi : quelle que soit la situation dans laquelle on se trouve, l’attitude qu’on a par rapport à cette situation (un
choix à faire, une décision à prendre, ou même un événement que l’on subit) est toujours un choix qui se révèle.
Prétendre qu’on n’avait pas le choix et donc qu’on n’était pas libre, c’est refuser de reconnaître que la situation dans
laquelle nous sommes nous incombe. La liberté ne consiste donc pas à avoir le choix de ce que nous vivons, mais à agir
dans la situation qui est la nôtre. Je suis libre non pas avant de choisir (quand j’ai le choix, et que j’hésite entre deux
partis à prendre) mais quand je m’engage dans une attitude, quelle qu’elle soit : refuser de choisir c’est encore choisir !
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