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Examen : Bac ES
Epreuve : Philosophie
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L’ANALYSE DU SUJET
Le sujet est aisé à comprendre mais sa difficulté tient à ce qu’il met en jeu deux notions du
programme, l’art et la science qu’il ne faut évidemment pas traiter séparément. Ainsi un plan qui traiterait
successivement de l’art puis de la science pour les confronter ensuite dans une dernière partie a toutes
chances d’être hors sujet. Car il s’agit bien ici d’envisager ces deux domaines d’activités en relation à la
question de leur nécessité ainsi qu’y invitait la présence du comparatif «moins».
Le terme «nécessaire» exigeait une analyse précise, d’autant qu’il fait partie des repères du
programme. Ce qui est nécessaire, c’est d’abord, en un sens courant, ce qui est utile, voire indispensable
et qui se distingue donc de l’accessoire. La nécessité désigne ainsi ce qui est de l’ordre du besoin, de ce
dont on ne peut se passer sauf à mettre sa vie en danger.
En un autre sens, le nécessaire se distingue du possible ou du contingent. Dans cette perspective,
dire que l’art et la science sont nécessaires, ce qui est présupposé par le sujet, c’est affirmer qu’ils sont
en quelque sorte essentiellement liés à la condition humaine. Le sujet ne met pas en question cette
nécessité mais demande s’il y a moins de nécessité dans l’art que dans la science. Si l’on s’en tient à
cette acception stricte du terme «nécessaire», on peut dire qu’en toute rigueur, une chose est nécessaire
ou pas : elle ne peut donc pas être moins nécessaire qu’une autre ; le nécessaire, ce qui ne peut pas ne
pas être n’est pas susceptible de l’être plus ou moins (comme c’est le cas pour ce qui est possible ou
contingent).
Pour donner le sens le plus large au sujet, on peut donc engager la réflexion sur le terrain de
l’opposition de l’utile et du superflu. En effet, on entend souvent dire que l’art est une activité futile sinon
un loisir, auquel les hommes s’adonnent une fois qu’ils ont pourvu à la satisfaction de leurs besoins
vitaux. Au contraire, la science, parce qu’elle produit des connaissances, permet de transformer et de
maîtriser le monde, contribue au progrès des conditions de vie de l’humanité. Mais cette opposition n’est-
elle pas discutable ? La science qui se propose de dégager l’intelligibilité du monde n’est-elle pas aussi,
en un sens, une activité gratuite dès lors qu’on la considère indépendamment de ses applications
techniques ? Et l’art n’est-il pas ce qui enrichit notre vision du monde etveloppe notre imaginaire ?
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Il faut donc interroger, d’une part, la valeur de cette hiérarchie, qui accorde à la science un statut
privilégparce qu’elle serait dotée d’une utilité supérieure, et d’autre part, questionner cette opposition
entre art et science, qui récuse l’idée que l’art pourrait lui aussi accroître nos connaissances. Il faut aussi
se demander si, étant donné leurs différences essentielles, l’art et la science ne pourraient pas, chacun à
sa manière, combler des attentes qui, pour être différentes, n’en seraient pas moins indispensables à
l’existence humaine.
LA PROBLEMATIQUE
Le problème que soulève ce sujet est donc celui de la fonction et du sens de l’art et de la science.
Pour savoir si l’un(e) est moins nécessaire que l’autre, il faut d’abord examiner leurs finalités respectives :
quelle(s) fin(s) visent l’art et la science ? Ces fins sont-elles divergentes, complémentaires,
hiérarchisables comme semble le suggérer le sujet ? Et selon quels critères ?
Peut-on dire que ce qui vise une fin, établie de l’extérieur de surcroît, est plus utile que ce qui est à
soi- même sa propre fin ? De ce point de vue, l’activité artistique et l’activité scientifique ne se recoupent-
elles pas dans la mesure où le savant est l’artiste fixent les règles de leurs activités ?
N’est-ce pas d’ailleurs pour cette raison que science et art sont tous deux, chacun selon sa propre
mesure, nécessaires à l’humanité ?
LA BOÎTE A OUTIL
Kant analyse la distinction entre art et science dans le § 43 de la Critique de la faculté de juger :
l’art comme savoir-faire est différent du savoir ; l’œuvre n’existe pas en théorie mais en pratique. Il
distingue aussi le beau de l’utile : l’art, en effet, est une activité qui est à elle-me sa propre fin, c’est
pourquoi on le qualifie de «libéra, alors que l’artisanat est une activité mercantile. Il y a une gratuité de
la création artistique qui ne répond à aucun besoin utilitaire particulier : en cela réside tout son intérêt, il
est comparable à un jeu qui permet l’investissement libre de l’artiste comme du spectateur.
Nietzsche montre, au contraire, que comme les autres activités humaines - et donc comme la
science - la création artistique est intéressée dans la mesure elle répond toujours à des motivations :
l'art peut embellir la vie et rendre ainsi l’existence supportable. En ce sens, il n’est pas moins utile que la
science, qui, tout aussi fictive que l’art, nous permet d'avoir prise sur la réali(voir Par-delà le bien et le
mal).
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« La science rassure, l’art est fait pour troubler » : par cette affirmation, Georges Braque, artiste de
la première moitié du XXe siècle, ne valorise pas l’activité artistique mais souligne les limites de la
science (dans sa version positiviste qui lui accorde le monopole de la vérité) lorsqu’elle est strictement
conçue comme dépositaire du vrai. L’intérêt de l’art réside précisément dans le trouble qu’il suscite par
les représentations non conventionnelles qu’il nous donne du monde et de la vie.
Nelson Goodman montre que la science et l’art procèdent de la même façon dans leur recherche
et leur construction : plutôt que de les opposer, il faut montrer comment ils sont chacun une «manière de
faire des mondes») (cf. Manière de faire des mondes).
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