2 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 3 - mars 2017
RÉTROSPECTIVE
PERSPECTIVES
Cancers bronchiques :
quoi de neuf entre fin 2015
et fin 2016 ?
Lung cancer: what’s new between the end of 2015
and the end of 2016?
D. Moro-Sibilot*
* Unité médicale d’oncologie thora-
cique, clinique de pneumologie,
pôle Thorax et vaisseaux (PTV),
CHU Grenoble-Alpes.
L’
année 2016 restera dans les mémoires, avec
des sessions plénières de congrès presque
entièrement dédiées à l’oncologie thoracique,
des standing ovations pour certaines présentations et
des congressistes regroupés en grand nombre devant
des salles de conférence surchargées et espérant
malgré tout pouvoir y assister et être témoins de
ces événements. En quelques années, la biologie
molé culaire, les traitements ciblés et maintenant
l’immuno thérapie sont venus transformer la prise
en charge des cancers bronchiques et améliorer leur
pronostic. Le progrès déjà amorcé ces dernières
années a été très perceptible en 2016 ; toutefois,
ce n’est pas encore le début de la fin pour les cancers
bronchiques : le chemin reste long, mais l’essor de
l’amélioration est en cours.
Par ailleurs, cette année a aussi été marquée par
des travaux prometteurs dans les cancers à petites
cellules. Enfin, nous détaillerons quelques études
randomisées concernant certaines options théra-
peutiques du quotidien.
Nouveautés administratives
et réglementaires
Plusieurs molécules ont franchi avec succès “tout ou
partie” du passage obligé de chaque médicament.
Après une autorisation de mise sur le marché (AMM)
obtenue en 2015, le nivolumab a satisfait à toutes
les exigences administratives, et son prix ainsi que
son indication dans les carcinomes épidermoïdes
viennent d’être annoncés. Pour les carcinomes
bronchiques non épidermoïdes, le nivolumab
garde les mêmes modalités de prescription et de
prise en charge qu’auparavant. Un autre anti-PD-1,
le pembrolizumab, a eu son AMM européenne en
deuxième ligne des cancers bronchiques non à petites
cellules (CBNPC) présentant une expression de PD-L1
dans plus de 1 % des cellules tumorales. Le premier
anti-PD-L1, l’atézolizumab, vient quant à lui d’obtenir
un avis favorable du comité des médicaments à usage
humain de l’Agence européenne du médicament pour
le traitement de deuxième ligne des CBNPC.
Après une AMM en première ligne pour le ciblage de
tumeurs EML4-ALK, le crizotinib vient d’obtenir son
AMM pour le traitement des tumeurs ROS1, quelques
semaines après une recommandation temporaire
d’utilisation (RTU) pour cette indication. Cette
dernière RTU reste d’actualité jusqu’à la possibilité
de prescrire selon l’AMM.
Losimertinib est le premier inhibiteur de tyrosine
kinase (ITK) de l’EGFR de troisième génération
disponible dans le cadre d’une AMM, depuis cette
année, pour le traitement des CBNPC métastatiques,
mutés pour l’EGFR et porteurs de la mutation de
résistance T790M.
Le rocilétinib semblait être une molécule intéres-
sante pour cibler les patients avec mutation T790.
Après des débuts prometteurs, des résultats finaux
d’étude décevants ont entraîné l’arrêt de son déve-
loppement. En ce qui concerne les patients atteints
de tumeurs EML4-ALK déjà traités par crizotinib et/
ou céritinib, il est possible de proposer, dans le cadre
d’une ATU, le lorlatinib ou le brigatinib, des anti-ALK
de nouvelle génération.
En ce qui concerne le programme AcSé (Accès
sécurisé à des thérapies ciblées innovantes) por
par Unicancer et l’INCa, les différentes cohortes
BRAF muté restent ouvertes aux inclusions ; dans
ce cadre, les malades peuvent recevoir du vému-
rafénib, à l’exception bien sûr des patients atteints
de mélanomes, qui ne peuvent être inclus dans ce
programme. Le programme AcSé concernant le crizo-
tinib est toujours en cours mais ne s’intéresse plus
maintenant qu’aux mutations de l’exon 14 de c-MET.
La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 3 - mars 2017 | 3
Points forts
Ces mutations semblent plus inhabituelles que celles
qui avaient fait l’objet d’une publication (1). Para-
doxalement, les techniques NGS (Next-Generation
Sequencing) qui se sont développées cette dernière
année dans la majorité des plateformes n’ont pas
contribué à plus de diagnostics de cette mutation.
Parmi les raisons évoquées, on retient principalement
la grande variabilité des mutations de l’exon 14, et
notamment de celles concernant le site d’épissage.
Certaines délétions de grande taille sont difficiles à
identifier par séquençage ; enfin, l’amplicon le plus
largement utilisé par les plateformes de biologie
moléculaire couvre essentiellement la région 3’ de
l’intron et méconnaît les mutations ponctuelles du
côté 5’. Cette difficulté d’analyse doit être connue
des cliniciens prescripteurs, qui ne doivent pas se
contenter d’une analyse NGS négative et doivent
demander une recherche spécifique de la mutation
de l’exon 14 dans le cadre du programme AcSé.
Révolution thérapeutique
de la modulation de l’immunité
Le nivolumab est devenu un des standards de
traitement au-delà de la première ligne théra-
peutique. Il est proposé dès la deuxième ligne en
cas de carcinome épidermoïde et représente une des
options possibles pour les carcinomes non épider-
moïdes. Sa supériorité sur le docétaxel en termes
de survie globale a été démontrée dans 2 études
randomisées publiées en 2015 (2, 3). Cette dernière
année, 2 nouvelles études sont venues conforter
la supériorité de cette stratégie sur le docétaxel
(tableau) [4, 5]. Ces 2 études ont concerné l’en
-
semble des CBNPC, sans subdivision histologique.
Létude concernant le pembrolizumab – un anti-PD-1,
rappelons-le – a sélectionné les patients sur la base
de la positivité de l’immunohistochimie (IHC) PD-L1,
tandis que celle portant sur l’atézolizumab – quant
à lui un anti-PD-L1 – a pris en compte l’ensemble
des patients, quelle que soit l’immunohistochimie
de la tumeur. Pour ces 2 molécules, le bénéfice était
observé dans l’ensemble de la population étudiée
et était d’autant plus important que l’expression
du PD-L1 en IHC était forte. Pour l’atézolizumab, le
bénéfice de survie globale était aussi observé dans
la population n’exprimant PD-L1 ni sur la tumeur
ni dans les cellules immunitaires du stroma. Cette
efficacité chez les patients PD-L1– doit probablement
être nuancée, car il est vraisemblable que cette popu-
lation comporte un certain nombre de patients “faux
négatifs de l’IHC”, le marquage utilisé dans cette
étude semblant être la moins sensible des techniques
disponibles actuellement. Les inhibiteurs de PD-1 ou
PD-L1 vont donc s’imposer en deuxième ligne et très
sûrement au-delà de celle-ci pour certains patients.
Cependant, l’arrivée prévisible de ces traitements
en première ligne va inéluctablement bouleverser
ce nouvel ordre établi.
»
Le pembrolizumab a été comparé à la chimiothérapie de première ligne chez des patients atteints d’un
cancer bronchique non à petites cellules métastatiques dont la tumeur exprimait le PD-L1 dans au moins
50 % des cellules. La survie sans progression (objectif principal) a été améliorée de façon significative par
le pembrolizumab.
»
L’atézolizumab a été comparé au docétaxel en deuxième ligne thérapeutique et a montré une amélioration
en survie sans progression mais aussi en survie globale.
»
L’étude de phase III AURA3 en deuxième ligne chez des patients EGFR muté porteurs de la mutation
T790M montre une amélioration de la survie sans progression dans le groupe osimertinib par rapport au
groupe chimiothérapie.
»
Dans l’étude ASCEND-4, chez des patients ALK+, le céritinib diminue de 45 % le risque de progression par
rapport au doublet de chimiothérapie de référence.
Mots-clés
Cancers bronchiques
Épidémiologie
Biomarqueurs
Chimiothérapie
Thérapeutiques
ciblées
Immunothérapie
Highlights
»
Pembrolizumab mono-
therapy was compared with
standard first-line platinum -
doublet chemotherapy in a
phase III enrolling patients
with advanced NSCLC having
at least 50% tumor cell PD-L1
staining. The PFS (progression
free survival, primary endpoint)
was prolonged with pembroli-
zumab compared with plat-
inum-doublet chemotherapy.
»
Atezolizumab monotherapy
was compared with standard
second line docetaxel chemo-
therapy in pretreated patients
with advanced NSCLC. Both
overall survival (OS) and
PFS were prolonged with
pembrolizumab compared with
mono-chemotherapy.
»
The AURA3 phase III trial
in second-line treatment
enrolled patients with T790M
mutation-positive EGFR. This
study met its primary endpoint,
demonstrating a superior PFS
with osimertinib compared
to standard platinum-based
doublet chemotherapy.
»
Patients treated with first-
line ceritinib had a 45% reduc-
tion in the risk of progression of
advanced ALK-positive NSCLC
compared with standard first-
line platinum-doublet chemo-
therapy, according to the
results of the ASCEND-4 study.
Keywords
Lung cancer
Epidemiology
Biomarkers
Chemotherapy
Targeted therapy
Immunotherapy
Tableau. Comparaison d’études randomisées de phase III des différentes molécules d’immunothérapie anti-PD-1 ou PD-L1
versus docétaxel.
Histologie Immunohistochimie
de PD-L1
Survie sans
progression
(mois)
Survie globale
(mois)
Réponse
objective
(%)
Nivolumab J.Brahmer
etal.
(3)
Épidermoïde Tous PD-L1 3,5 versus 2,8 9,2 versus 6 20 versus 9
H.Borghaei
etal.
(2)
Non épidermoïde Tous PD-L1 2,3 versus 4,2 12,2 versus 9,4 19 versus 12
Pembrolizumab M.Reck
etal.
(6)
Tous cancers
bronchiques non
àpetites cellules
PD-L1 ≥ 1 % 3,9 versus 4
versus 4*
10,4 versus
12,5 versus 8,5*
18 versus 9
Atézolizumab L.Fehrenbacher
etal.
(4)
Tous cancers
bronchiques non
àpetites cellules
Tous PD-L1 2,8 versus 4 13,8 versus 9,6 14 versus 13
* Comparaison pembrolizumab 2 mg/kg et 10 mg/kg.
4 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 3 - mars 2017
Cancers bronchiques : quoideneuf entre fin 2015 etfin 2016 ?
RÉTROSPECTIVE
PERSPECTIVES
Lors des 2 derniers congrès de 2016, l’ESMO (Euro-
pean Society for Medical Oncology) et la WCLC
(World Conference on Lung Cancer), les premières
présentations suivies immédiatement de publica-
tions ont montré l’impact important de l’immuno-
thérapie en première ligne. L’étude KEYNOTE-024 (6)
a comparé le pembrolizumab (200 mg en dose fixe
toutes les 3 semaines pendant un maximum de
35 cycles) à un doublet fondé sur les sels de platine
au choix des investigateurs (carboplatine ou cispla-
tine et pémétrexed ou gemcitabine ou carboplatine
et paclitaxel) ; la maintenance par pémétrexed était
possible. Lobjectif principal de cette étude était la
survie sans progression (SSP). Les patients devaient
notamment avoir un CBNPC avancé exprimant PD-L1
dans au moins 50 % des cellules tumorales. Ils ne
devaient pas présenter de mutation de l’EGFR ni de
réarrangement d’ALK. Ils ne devaient pas avoir de
métastases cérébrales ou celles-ci devaient avoir
été traitées. La stratification portait sur l’indice de
performance (0 versus 1), l’histologie (épidermoïde
versus non épidermoïde) et le lieu de traitement
(Asie versus reste du monde). Trois cent cinq patients
ont été inclus. Cette étude est positive quant à son
objectif principal, la SSP, mais on note également une
supériorité en termes de réponse au pembrolizumab
(44,8 versus 27,8 % ; p = 0,0011) et de survie globale
(SG). Tous les sous-groupes étudiés ont montré un
avantage en SG du pembrolizumab sur la chimio-
thérapie. Le profil de tolérance était également en
faveur du pembrolizumab, qui a moins d’effets indé-
sirables de tous grades. Cette étude a été suivie de
l’enregistrement par la FDA (Food and Drug Admi-
nistration) du pembrolizumab comme traitement de
première ligne en monothérapie chez les patients
atteints d’un CBNPC et chez qui PD-L1 est positif
dans au moins 50 % des cellules tumorales.
Létude CheckMate-026 a comparé, en phase III et
en première ligne, le nivolumab chez les patients
PD-L1+ (7). Cette étude a inclus des patients dont
la tumeur exprimait PD-L1 dans au moins 1 % des
cellules, avec une randomisation nivolumab contre
chimiothérapie. Le crossover était autorisé pour
ceux recevant la chimiothérapie. Cette étude n’a
pas atteint ses objectifs et n’a pu démontrer, ni dans
la population PD-L1+ (≥ 5 % des cellules) ni dans la
population globale, un avantage en termes SSP, de
SG ou de réponse. L’analyse complète de cette étude
est en attente, tout comme les résultats de l’étude
CheckMate-227, actuellement en cours d’inclusion
et qui compare nivolumab, nivolumab + ipilimumab
ou nivolumab + un doublet de chimiothérapie à un
simple doublet de chimiothérapie.
Lenregistrement du pembrolizumab en première
ligne aux États-Unis et probablement bientôt en
Europe va modifier de façon importante les pratiques.
La sélection des malades à traiter selon l’expression
de PD-L1 devient de fait indispensable dès que le
diagnostic de CBNPC métastatique est obtenu. Cela
va impliquer une sensibilisation et une formation des
anatomopathologistes, ainsi que la définition d’un
consensus acceptable sur la technique, l’anticorps
et la plateforme automatisée d’immunohistochimie
à utiliser. Si on fait en pratique courante la même
sélection des patients que dans l’étude KEYNOTE-
026, un peu plus de 15 % des patients seront éligibles
pour le pembrolizumab seul en première ligne. Cela
pose la question du traitement de ceux qui ne sont
pas éligibles, et en particulier de ceux qui n’expriment
pas ou faiblement PD-L1. Les stratégies d’associa-
tion avec les anti-CTLA-4 ou avec la chimiothérapie
actuellement en évaluation pourraient représenter
une option d’avenir pour ces patients.
Dans ce contexte des associations, KEYNOTE-021 est
une étude multicohortes qui fait, notamment, une
comparaison pembrolizumab associé à la chimio
-
thérapie contre chimiothérapie seule (cohorte G) [8].
Cette étude a inclus des patients atteints de CBNPC
non épidermoïdes sans mutation de l’EGFR ni réar-
rangement d’ALK. L’expression de PD-L1 devait être
évaluable lors de l’inclusion. Les 2 groupes étaient
traités soit par pembrolizumab associé à carbopla-
tine et pémétrexed pendant 4 cycles avec traitement
d’entretien par pémétrexed possible, soit par chimio-
thérapie seule. Lobjectif principal était l’améliora-
tion du taux de réponse, et celui-ci était atteint,
avec 55 % de réponses pour l’association contre
29 % pour la chimiothérapie seule. Lexpression de
PD-L1 dans 50 % ou plus des cellules semblait le
seuil au-delà duquel l’amélioration de la réponse
était la plus tranchée. Ces résultats sont encoura-
geants pour les associations avec la chimiothérapie,
mais doivent encore être analysés avec prudence car
de nombreuses questions demeurent, telles que le
seuil d’expression du PD-L1, celui de la meilleure
chimiothérapie à associer ou celle de la place des
antiangiogènes. L’hypothèse d’une optimisation de
l’immunothérapie par l’association avec la chimio-
thérapie chez les malades faiblement expresseurs ne
semble pas se confirmer dans cette étude.
Létude de phase Ib CheckMate-012 (9) évalue le
nivolumab en monothérapie ainsi que plusieurs
combinaisons ipilimumab + nivolumab à diffé-
rents niveaux de posologie. L’objectif principal est
la tolérance du traitement ; les critères de jugement
secondaires sont le taux de réponse objective, la SSP
La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 3 - mars 2017 | 5
RÉTROSPECTIVE
PERSPECTIVES
Résistance acquise
aux ITK de l’EGFR
A
B
T790M+ ITK de l’EGFR de 3e génération
T790M– Chimiothérapie
Résistance acquise
aux ITK de l’EGFR
Évaluation de la T790M
et des mutations de l’EGFR
sur l’ADN tumoral circulant
ITK : inhibiteur de tyrosine kinase.
T790M+ Ne pas faire la biopsie, initier les ITK de l’EGFR de 3e génération
T790M– Biopsie systématique
analyse de la T790M
ITK de l’EGFR
de 3e génération
Chimiothérapie
T790M+
T790M–
Biopsie systématique :
analyse de la T790M
Figure 1. Proposition d’analyse de la T790M et des conséquences thérapeutiques (D’après
R. Oxnard ([XX]).
A. Proposition fondée exclusivement sur les rebiopsies.
B. Proposition fondée sur l’évaluation de l’ADN circulant et les rebiopsies.
et la SG. Soixante-dix-sept patients ont été inclus :
38 patients dans le groupe 3 mg/kg/2 semaines de
nivolumab + 1 mg/kg/12 semaines d’ipilimumab et
39 patients dans le groupe 3 mg/kg/2 semaines de
nivolumab + 1 mg/kg/6 semaines d’ipilimumab. Les
données du groupe nivolumab 3 mg/kg en mono-
thérapie servent ici de comparateur, mais il n’y avait
pas de randomisation. Là encore, les taux de réponse
ont augmenté proportionnellement à l’expression de
PD-L1 par les cellules tumorales. En l’absence d’ex-
pression de PD-L1, le taux de réponse n’était que de
21 % pour l’association ipilimumab + nivolumab ; en
revanche, le taux de réponse était de 57 % pour les
patients avec une tumeur exprimant PD-L1. La SSP
médiane avec l’association ipilimumab + nivolumab
était de 12,7 mois pour les patients avec une tumeur
exprimant PD-L1. Les taux de SG des tumeurs avec
expression de PD-L1 étaient élevés (87 % à 1 an) dans
le groupe ipilimumab + nivolumab. Trente et un et
42 % des patients, respectivement, ont présenté
des événements indésirables de grade supérieur ou
égal à 3 dans les groupes nivolumab + ipilimumab
toutes les 12 semaines et nivolumab + ipilimumab
toutes les 6 semaines (principalement d’origine
digestive, pulmonaire, endocrinienne ou cutanée).
Cela a entraîné un arrêt du traitement chez 8 % des
patients seulement.
Mutations de l’EGFR
L’afatinib, l’erlotinib et le géfitinib – 3 ITK de l’EGFR –
sont le standard de prise en charge de première ligne
des patients présentant une tumeur avec mutation
de l’EGFR. En dépit de taux de réponse élevés, la
majorité des patients développe une résistance à ces
traitements. Plus de la moitié des patients présente
une résistance liée à l’acquisition d’une nouvelle
mutation sur l’exon 20, T790M. Losimertinib est un
ITK irréversible de troisième génération, sélectif pour
les mutations de l’EGFR et la mutation T790M. Dans
les essais de phases I et II AURA et AURA2, le taux de
réponse à l’osimertinib chez les patients présentant
la mutation T790M est d’environ 61 % (10). Létude
AURA3, dont les résultats viennent d’être récemment
publiés, confirme la bonne impression initiale (11).
Dans cette étude, 419 patients déjà traités par ITK et
présentant une progression avec présence de T790M
ont été randomisés (ratio 2:1) entre osimertinib et
pémétrexed + cisplatine ou carboplatine pendant
6 cycles, suivis éventuellement d’un traitement d’en-
tretien. Cette étude a atteint son objectif principal,
avec une SSP qui passe de 4,4 mois avec la chimio-
thérapie à 10,1 mois avec l’osimertinib (HR = 0,30 ;
p < 0,001). Parmi les objectifs secondaires, le taux de
réponse à l’osimertinib était de 71 versus 31 % pour
la chimiothérapie. Par ailleurs, cette étude a montré
une bonne efficacité au niveau cérébral, traduisant sa
bonne biodisponibilité. Dans ce groupe de patients,
la SSP était de 8,5 mois avec l’osimertinib contre
4,2 mois avec la chimiothérapie. Le profil de tolé-
rance favorisait de façon évidente l’ITK. Losimertinib
devient donc le standard de deuxième ligne après
un traitement par afatinib, erlotinib ou géfitinib.
Ce nouveau standard rend obligatoire l’évaluation
du mécanisme de résistance soit par rebiopsie, si
elle est possible, soit par analyse de l’ADN tumoral
circulant (figure 1) [12].
Ciblage d’ALK
Plusieurs anti-ALK de nouvelle génération ont été
présentés dans des études de phase III.
Les résultats de l’étude de phase III ASCEND-5, qui
a comparé le céritinib (n = 115) à une monochimio-
thérapie (n = 113) par pémétrexed ou docétaxel après
la première ligne par crizotinib, ont été présentés
lors du congrès de l’ESMO (13). Lobjectif principal
était la SSP ; les objectifs secondaires étaient le
taux de réponse, la durée de réponse, la durée de
contrôle, la SG, l’efficacité intracrânienne, la tolé-
rance et la qualité de vie. Deux cent trente et un
6 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 3 - mars 2017
Cancers bronchiques : quoideneuf entre fin 2015 etfin 2016 ?
RÉTROSPECTIVE
PERSPECTIVES
Céritinib
Chimiothérapie
100
80
60
Survie sans progression (%)
40
20
0
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18
Mois
20 22 24 26 28 30 32 34
189
187
Patients à risque (n)
Céritinib
Chimiothérapie
155
136
139
114
125
82
116
71
105
60
98
53
76
35
59
24
43
16
32
11
23
5
16
3
11
1
1
1
1
0
1
0
0
0
Céritinib
(n = 189)
Événements, n (%)
Médiane (IC95), mois
HR (IC95)
p
Chimiothérapie
(n = 187)
89 (47,1)
16,6 (12,6-27,2)
0,55 (0,42-0,73)
< 0,001
113 (60,4)
8,1 (5,8-11,1)
Figure 2. Étude ASCEND-4, comparaison entre céritinib et chimiothérapie en première
ligne chez les patients ALK réarrangé.
patients ont été inclus, et l’étude a atteint son
objectif principal, avec une médiane de SSP très
supérieure pour le céritinib comparativement à la
chimiothérapie (5,4 [IC95 : 4,1-6,9] versus 1,6 mois
[IC
95 :
1,4-2,8 ; p < 0,001]). Le profil de tolérance était
en revanche plutôt en défaveur du céritinib, avec des
diarrhées ainsi que des nausées et vomissements
plus fréquents. Les arrêts de traitement liés aux
effets indésirables étaient observés chez 5,2 % des
patients sous céritinib, contre 6,9 % de ceux sous
chimiothérapie. Il s’agit de la première étude rando-
misée comparant, après échec du crizotinib, un ITK à
une chimiothérapie, et elle démontre la supériorité
de l’ITK. En première ligne thérapeutique, le céri-
tinib a été comparé à la chimiothérapie dans l’étude
randomisée ASCEND-4 (14). La chimiothérapie
consistait en une association, laissée au choix du
médecin, de 4 cycles de pémétrexed + cisplatine ou
de pémétrexed + carboplatine. Le critère de juge-
ment principal était la SSP (revue centralisée indé-
pendante en aveugle). Dans cette étude, la réduction
du risque de progression était de 45 % avec céri-
tinib par rapport à la chimiothérapie (figure 2).
Les données de SG étaient encore immatures lors
de la deuxième analyse intermédiaire (42,3 % des
événements requis) ; cependant, bien que 60,0 %
des patients (n = 105) reçoivent un inhibiteur d’ALK
comme premier traitement post-chimiothérapie,
une tendance en faveur du céritinib est observée.
L’alectinib est un autre ITK de seconde génération.
Comme le céritinib, son activité sur le réarrange-
ment d’ALK est plus large que celle du crizotinib, et
comporte certaines des mutations de résistance.
Dans l’étude J-ALEX, entièrement réalisée au Japon,
l’alectinib est comparé au crizotinib en première
ligne, avec comme objectif principal la SSP. Lors de
l’analyse intermédiaire, J-ALEX a atteint son objectif
principal, avec une supériorité de SSP de l’alectinib
sur le crizotinib (HR = 0,34). Concernant les objectifs
secondaires, une amélioration des taux de réponse
et un profil de tolérance de l’alectinib plus favorable,
avec moins d’arrêts ou d’interruptions de traitement,
ont pu être notés.
Dans cette population de patients, le traitement des
métastases cérébrales est un enjeu thérapeutique
majeur. Environ 70 % des patients traités par
crizotinib ont une progression cérébrale, celle-ci
constituant généralement un tournant évolutif
de la maladie. Ces progressions cérébrales sont
plutôt le fait de problèmes pharmacocinétiques
que d’une résistance biologique au crizotinib. La
problématique doit prendre en compte le nombre
de métastases, leur taille, le fait qu’elles soient
accessibles à un traitement neurochirurgical ou à
une radiothérapie stéréotaxique ; enfin, la situation
diffère si elles sont présentes au moment du diag-
nostic ou si elles représentent le site de progres-
sion unique ou non sous crizotinib. La survie de ces
patients ALK atteints de métastases cérébrales est
généralement prolongée, avec des valeurs médianes
de l’ordre de 49 mois. Cela doit faire prendre en
considération le risque de séquelles thérapeutiques
neurologiques à long terme. Ainsi, des techniques
de radiothérapie moins agressives pour le tissu
cérébral doivent être préférées à la radiothérapie
panencéphalique traditionnelle. Les nouveaux
anti-ALK – céritinib, alectinib et brigatinib – ont
des taux de contrôle intracrânien de la maladie
supérieurs à celui du crizotinib, et cette plus grande
efficacité (15) enrichira la discussion sur leur rôle
en première ligne thérapeutique.
Cancers à petites cellules
Depuis l’introduction des associations à base de
sels de platine et d’étoposide à la fin des années
1980, aucune avancée significative n’a été obtenue.
Cela, conjugué à une diminution de l’incidence de
ce type histologique de cancer, faisait évoquer, lors
d’un congrès américain en oncologie clinique, le fait
que “ce cancer se retire invaincu”. Néanmoins, en
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