données nouvelles Évaluation gériatrique en cancérologie thoracique : faut-il la faire et comment ? Comprehensive geriatric assessment in elderly lung cancer: should we do it and how? C. Dujon* L * Service de pneumologie, hôpital André-Mignot, Le Chesnay. es sujets de plus de 65 ans représentaient 16,4 % de la population française en 2005, et ce pourcentage pourrait atteindre 30 % en 2050, ce qui posera un problème de prise en charge spécifique (source INED). Le cancer bronchique (CB) est un cancer fréquent dont le diagnostic est porté dans un tiers des cas chez des personnes âgées (PA) de plus de 70 ans (1). L’incidence du CB est en augmentation chez la PA et la question d’une prise en charge thérapeutique adaptée se pose quotidiennement au pneumologue. À quel âge est-on une PA ? Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), c’est à partir de 65 ans et les gériatres affinent cette définition, également à partir de 65 ans (65-74 ans : “âgé précoce”, 75-84 ans : “âgé moyen”, plus de 84 ans : “âgé avancé”, plus de 94 ans : “élite de l’âge” et plus de 99 ans : “centenaire”). Dans la pratique clinique quotidienne et dans la plupart des essais cliniques récents, l’âge le plus communément retenu est 70 ans. Mais ce n’est qu’un paramètre chronologique et non fonctionnel. Les PA constituent une population hétérogène et fragile du fait des altérations physiologiques, ­physiques et métaboliques liées à l’âge. Ces phénomènes sont éminemment variables d’un individu à l’autre, ce qui complique l’évaluation de ces patients par le clinicien non gériatre, évaluation d’autant plus difficile à réaliser que les PA atteintes de cancer sont souvent exclues ou sous-représentées dans les études (2). Les traitements du CB sont agressifs, parfois multimodaux, et s’adressent à des patients porteurs, dans plus d’un tiers des cas, de comorbidités modérées à sévères (3). Les traitements par chimiothérapie des CB métastatiques apportent aux PA un bénéfice en termes de survie et améliorent également la qualité 158 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XI - n° 4 - juillet-août 2008 de vie (4). Une étude rétrospective récente analysant le sous-groupe des plus de 65 ans (31 % des patients) inclus dans l’étude JBR.10 – dont le rôle est d’évaluer l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante après une chirurgie complète pour CB – montre que les PA bénéficient de la chimiothérapie en termes de survie, même si la dose-intensité du traitement reçu est inférieure à celle que l’on peut délivrer aux sujets plus jeunes (5). La chirurgie thoracique n’est pas un obstacle chez les PA, sous réserve d’une bonne sélection des patients, qu’il convient de définir (6, 7). Plusieurs études ont montré que l’utilisation seule du performance status (PS) reste trop globale pour caractériser une PA (8, 9). Le PS est un indice pronostique majeur de survie, mais il méconnaît certaines atteintes gériatriques spécifiques qui, par elles-mêmes, ont un impact sur la tolérance au traitement et sur la survie (8, 10). Il est donc nécessaire de valider et d’utiliser des échelles gériatriques spécifiques de sélection en pneumo-oncologie. Des outils gériatriques existent, mais la plupart sont mal connus des pneumologues et sont souvent perçus comme chronophages. Quels sont ces outils et comment les utiliser ? Le “comprehensive geriatric assessment” L’évaluation gériatrique en oncologie s’est développée depuis une vingtaine d’années sous l’impulsion des travaux de Balducci et Monfardini (11). Solomon et al. ont défini, en 1988, le comprehensive geriatric assessment, ou évaluation gériatrique standardisée (EGS). L’EGS a pour but une “évaluation Résumé Le diagnostic de cancer bronchique (CB) est porté dans un tiers des cas chez des patients âgés de plus de 70 ans. L’augmentation du nombre de personnes âgées (PA) dans les années à venir va poser un problème de prise en charge spécifique de cette population hétérogène, fragile et encore peu incluse dans les essais cliniques. Les PA tirent un bénéfice des traitements du CB, comme cela a été montré dans plusieurs études. Ces traitements restent néanmoins agressifs. La sélection des PA reposant seulement sur le performance status (PS) est insuffisante. Le PS méconnaît un certain nombre d’atteintes spécifiques à la PA et peut sous-évaluer les dépendances de ces patients. La Société internationale d’oncologie gériatrique (SIOG) recommande la réalisation d’une évaluation gériatrique standardisée (EGS) chez tout patient de plus de 70 ans atteint de cancer. Cette EGS comporte plusieurs items : fonctionnels, psychocognitifs et nutritionnels, auxquels l’évaluation des comorbidités et de l’environnement sociofamilial du patient se surajoute. L’EGS permet d’évaluer finement les réserves de la PA face au cancer et à ses traitements, et ainsi de définir trois groupes de PA (PA indépendantes, PA vulnérables et PA fragiles), apportant une aide au clinicien pour administrer le traitement le plus adapté. Cependant, à ce jour, il n’y a pas d’EGS dans le CB, ni de validation de ces échelles gériatriques. Des essais cliniques spécifiques à cette population sont nécessaires. multidisciplinaire standardisée permettant d’apprécier l’ensemble des atteintes fonctionnelles, psychocognitives et socio-environnementales caractérisant la personne âgée et permettant une prise en charge adaptée et spécifique à cette population” (National Institutes of Health Consensus Conference on Geriatric Assessment Methods for Clinical Decision-making). L’EGS va permettre de repérer et surtout de prévenir un certain nombre de limitations spécifiques à la PA par la mise en place d’actions visant à les compenser. Elle permet également un suivi longitudinal temporel du patient. La SIOG recommande la réalisation d’une EGS chez tout patient atteint de cancer de plus de 70 ans, car c’est à partir de cet âge que l’incidence des atteintes gériatriques augmente (12). L’EGS analyse plusieurs domaines : – fonctionnel, reflétant l’autonomie du patient face à des situations de la vie quotidienne ; – cognitif et thymique, appréciant une dépression préexistante et/ou induite par le cancer ; – nutritionnel/biologique, évaluant les réserves physiologiques ; – social, évaluant l’entourage et les possibilités de déplacement ; – médical, marqué par la présence ou non de comorbidités, le nombre de médicaments pris. Les principales échelles retenues pour l’EGS sont résumées dans le tableau I. Les seuils pathologiques communément retenus sont rapportés, mais ne sont pour la plupart pas validés dans le CB. L’EGS apporte des informations complémentaires au PS. Elle permet de détecter une atteinte gériatrique sous-jacente qui aurait été méconnue avec la simple utilisation du PS. Dans une étude portant sur 363 patients atteints de cancers métastatiques et âgés de plus de 65 ans, 269 avaient un PS inférieur à 2. L’analyse par l’EGS a permis de montrer que 9 % d’entre eux avaient une limitation ADL (activities of daily living), 39 % une limitation IADL (instrumental activities of daily living) et 13 % au moins 2 comorbidités (8). Ces résultats ont également été rapportés dans une série chirurgicale chez des PA de plus de 70 ans (7). L’EGS permet de déceler une vulnérabilité chez la PA. Les chutes répétées, l’incontinence fécale et/ou urinaire, la démence, la présence de trois comorbidités ou plus et une dépendance fonctionnelle ou plus (ADL) vont définir un syndrome gériatrique. Les PA atteintes de cancer avec un ou plusieurs syndromes gériatriques présentent une situation clinique de fragilité et relèvent de soins palliatifs (13). Tableau I. Domaines et échelles les plus couramment utilisés pour l’EGS (adapté de la SIOG, 12). Oken, 1982 Karnovsky, 1948 Katz, 1963 (14) Lawton, 1969 (17) Podsiadlo, 1991 (18) PS-ECOG PS-K ADL IADL T-GuG 5 10 6 9 4 0-4 0-100 0-6 0-9 0-12 >2 < 70 ≥1 ≥1 >1 Corrélé avec survie1 Oui Oui Oui Oui Non2 Cognitif Folstein, 1975 (19) MMSE 30 0-30 < 24 Oui Thymique Yesavage, 1982 (20) GDS 30 0-30 >9 Non Nutritionnel Guigoz, 2002 (22) Ingenbleek, 1985 (23) 18 43 < 12 > 20 Oui Oui Comorbidités Charlson, 1987 (26) Colinet, 2005 (27) Miller, 1991 (28) MNA PINI Charlson4 Charlson modifié5 CIRS-G 19 7 146 >2 ≥9 >2 Oui Oui Oui Domaine PS Fonctionnel 1 Pathologies Auteur Échelle N items Extrêmes Seuil hors cancer et tous cancers confondus. 2 Morbidité importante. 3 Quatre paramètres biologiques : albuminémie, préalbuminémie, protéine C réactive et orosomucoïde. 4 Le calcul du score doit être pondéré par l’âge du patient à partir de 50 ans : + 1 point (pt) par décennie, soit 50-59 ans : + 1 pt ajouté au score obtenu ; 60-69 ans : + 2 pts ; 70-79 ans : + 3 pts ; 80-89 ans : + 4 pts. 5 Développé dans le CB. 6 Quatorze organes listés, chaque fonction d’organe est cotée de 0 (aucune dysfonction) à 4 (dysfonction majeure). ADL : activities of daily living ; IADL: instrumental activities of daily living ; MMSE : mini mental state examination ; GDS : geriatric depression scale ; MNA : mini nutritional assessment ; PINI : prognostic inflammatory and nutritional index ; T-GuG : timed get up and go test. Mots-clés Cancer bronchique Sujet âgé Évaluation gériatrique standardisée Highlights Elderly lung cancer patients are a growing population. Lung cancers are for one third diagnosed in patients over 70 years. Elderly patients (EP) constitute a heterogeneous population that is underrepresented in trials. Dependence and frailty are very common presentations of this population. Clinicians have to detect these clinical situations. Several studies have shown that the treatments are effective in elderly selected lung cancer patients. But these treatments remain aggressive. The selection of EP based only on the performance status is insufficient. The International Society of Geriatric Oncology recommends the realisation of a Comprehensive Geriatric Assessment (CGA) for all cancer patients over 70 years. CGA includes several items: functional, cognitive, psychological and nutritional status. Comorbidity, social and family situations of the patient must also be assessed. CGA assesses physiologic components of the EP facing lung cancer and its treatments. CGA is used to define three groups of elderly cancer patients: fit, intermediate and frail. This classification could help the clinicians in the choice of the best treatment for their patients. However, today, there is no standardised CGA in lung cancer or validation of these geriatric scales. Clinical trials are needed for the elderly lung cancer patients. Keywords Lung cancer Elderly patients Comprehensive geriatric assessment La Lettre du Pneumologue • Vol. XI - n° 4 - juillet-août 2008 | 159 données nouvelles Évaluation gériatrique en cancérologie thoracique : faut-il la faire et comment ? Les échelles composant l’EGS Les échelles proposées ci-dessous sont celles le plus souvent utilisées dans les différentes publications sur les PA atteintes de cancers. Évaluation fonctionnelle Les échelles fonctionnelles sont composées de l’ADL et de l’IADL. Ces deux paramètres sont corrélés au PS (8-10). L’ADL explore les activités de la vie quotidienne : toilette, habillage, continence, alimentation, soins personnels, mobilité (14). Les items sont cotés 0 ou 1, “dépendant” ou “indépendant”. Il s’agit d’un test rapide d’observation du patient, simple en hospitalisation. Une atteinte ADL traduit une vulnérabilité qu’il convient de dépister. Cependant, les items de l’ADL les plus discriminants ne sont actuellement pas connus et leur significativité clinique non plus en ce qui concerne le traitement par chimiothérapie. C’est également un facteur pronostique de complications postopératoires dans les 30 jours suivant une chirurgie thoracique pour un CB (15). De 14 à 49 % des PA atteintes de CB ont au moins une dépendance à l’ADL. Il n’est pas observé d’impact sur la survie dans les CB métastatiques (16). L’IADL est plus complexe dans la mesure où cet index explore les activités de la vie relationnelle et la dépendance – ou non – par rapport à la communauté. Il se compose de 10 items : faire les courses, prendre ses médicaments, prendre les transports, faire ses comptes, utiliser le téléphone, préparer les repas, faire le ménage, faire la lessive, bricoler et entretenir la maison (17). Ces activités plus élaborées prennent en compte des paramètres intellectuels, psychiques et physiques. Les items sont cotés 0 ou 1, “dépendant” ou “indépendant”. Ils sont plus déclaratifs, puisque ce sont des activités domestiques personnelles non observables d’emblée par le médecin. De 48 à 95 % des PA atteintes de CB présentent une atteinte IADL dans les différentes séries publiées. L’IADL est corrélé à la survie dans le CB (16). L’atteinte IADL est en corrélation avec une moins bonne tolérance à la chimiothérapie (11). Une dépendance établie selon l’IADL est un facteur prédictif de complications postopératoires à 30 jours chez les PA atteintes de cancers opérables (7). Le timed get up and go test explore la mobilité (marche et équilibre) du patient (18). Il est rapide à réaliser par l’observation chronométrée du patient, à qui l’on demande de se lever d’une chaise avec accoudoirs, de marcher, d’effectuer un demi-tour et de retourner s’asseoir. Chaque partie du test est 160 | La Lettre du Pneumologue • Vol. XI - n° 4 - juillet-août 2008 cotée en fonction de la capacité du patient à effectuer les mouvements demandés. Ce test n’est pas corrélé au PS. Évaluation cognitive L’évaluation mnésique par le MMSE (mini mental state examination) est fondamentale (19). Un score inférieur à 24 doit faire suspecter un syndrome démentiel et faire poursuivre les explorations par un gériatre. Les troubles mnésiques vont avoir un rôle sur la tolérance au traitement, sur l’adhésion du patient aux traitements proposés. Ils sont également corrélés à la survie. Près d’un quart des patients âgés atteints de cancer, y compris de CB, souffrent de troubles cognitifs significatifs qui ne peuvent être mis en évidence par la seule utilisation du PS (8). Un MMSE inférieur à 24 est un facteur prédictif de survenue de complications postopératoires après chirurgie thoracique pour un CB (15). Le MMSE est corrélé au PS. Évaluation thymique La dépression doit être également recherchée. Celleci a un impact direct sur la motivation du patient à recevoir un traitement et à en tolérer les effets indésirables. Plusieurs échelles existent, mais le GDS (geriatric depression score) est la plus utilisée (20). Le GDS est un score d’autoévaluation comprenant de 5 à 30 items (en fonction des versions) auxquels le patient répond par oui ou non. Dans la version à 30 items, un score supérieur à 9 traduit un syndrome dépressif sous-jacent qu’il convient d’évaluer et de traiter avec un psychiatre. Vingt-quatre à 40 % des patients atteints de CB ont un score GDS anormal. Cet état dépressif est corrélé à l’asthénie ressentie par le patient atteint de CB avancé, et retentit de manière significative sur les indices fonctionnels (21). Le GDS reste un outil de dépistage et doit faire adresser le patient à l’oncopsychologue et/ou au psychiatre en cas de score pathologique. Évaluation nutritionnelle L’évaluation nutritionnelle est majeure, particulièrement en cancérologie pulmonaire. Un tiers des PA sont dénutries et 10 % d’entre elles ont un indice de masse corporelle (IMC) inférieur à 18 kg/m 2. Le MNA (mini nutritional assessment) se compose de deux parties, une première partie de dépistage comportant 6 items puis, si le score est inférieur à 12, le test est poursuivi (22). Un MNA inférieur à 17 semble augmenter le risque de décès précoce de 40 % chez des PA atteintes de cancer. Le PINI DONNÉES NOUVELLES (prognostic inflammatory and nutritional index) est important à calculer : PINI = CRP (mg/l) x orosomucoïde (mg/l)/albumine (g/l) x préalbumine (mg/l) [23]. Il regroupe des paramètres inflammatoires et nutritionnels dont le rôle dans l’asthénie des patients atteints de CB avancés a été démontré (24). Il existe un risque de dénutrition sévère en cas de score supérieur à 20. Cependant, le PINI reste peu utilisé en routine clinique. Sur une petite série de PA atteintes de CB, nous avons observé que le PINI et le MNA sont corrélés au PS, mais cela reste à valider sur de plus larges séries de patients (9). à 2 (25, 29). Les PA porteuses de comorbidités (CCI supérieur à 2) ont également plus de toxicités de grades 3-4 (29). Dans une série française portant sur 588 patients (âge moyen de 62,7 ans) opérés pour des CB de stade I, un CCI supérieur à 2 apparaissait comme un facteur indépendant défavorable de survie (30). L’impact réel des comorbidités sur la survie est plus discuté dans les stades métastatiques (3, 25). Évaluation socio-environnementale L’évaluation gériatrique n’est pas standardisée, ni validée dans le CB. Le choix de l’échelle dans chaque domaine de l’EGS et l’interprétation des résultats doivent être prudents, adaptés au niveau socio­culturel du patient, à ses déficits sensoriels préexistants et à sa pathologie cancéreuse. La réalisation d’une évaluation gériatrique complète est chronophage, en particulier pour le pneumologue non formé à l’utilisation et l’interprétation de ces outils. Le temps moyen estimé pour une EGS complète est de 1 h 30, en dehors de toute autre explication sur la pathologie dont souffre le patient et des informations indispensables au traitement. L’utilisation d’un autoquestionnaire a été évaluée sur une série de 266 patients (60 % de PA) comportant 12 % de CB, montrant que 69 % d’entre eux avaient au moins une atteinte ADL et 58 % une dépendance à l’IADL (31). La VES-13 (vulnerable elders survey-13) est une alternative à l’EGS complète (32). Elle se compose de 13 items dont l’âge, et reprend certains des items de l’EGS sous la forme de questions auxquelles le patient répond par oui ou non. Le temps de réalisation estimé est de 5 mn. La VES-13 a été comparée à l’EGS dans le cancer de la prostate et apparaît aussi discriminante, mais elle n’a pas été évaluée dans le CB (33). Une version abrégée de l’EGS existe : il s’agit de l’abbreviated comprehensive geriatric assessment (CGAa), mais il n’a pas été validé dans le CB (34). On observe de bonnes corrélations avec l’EGS complète (0,84 à 0,96) pour les items retenus : ADL (toilette, mobilité, continence), IADL (courses, repas, ménage, lessive), MMSE (attention et calcul, lecture et compréhension, écriture, reproduction), GDS (4 questions auxquelles le patient répond par oui ou non). Le CGAa permettrait de ramener le temps nécessaire à l’évaluation gériatrique à 5 mn (35). Un seul paramètre atteint de l’ADL et de l’IADL, un MMSE inférieur ou égal à 6, un GDS supérieur ou égal à 2 réponses positives Les facteurs socio-économiques, l’environnement de la PA, ses soutiens familiaux ou amicaux, son statut matrimonial sont à prendre en compte. Le vieillissement de la population pose de plus en plus le problème d’un(e) conjoint(e) dépendant(e) ou malade. Les comorbidités L’incidence des comorbidités augmente avec l’âge (25). Une étude de registre portant sur plusieurs cancers, dont le CB, a montré que les patients atteints de CB ont le plus fort taux de comorbidités (38,9 %) par rapport à ceux qui développent d’autres cancers (3). L’échelle de Charlson (CCI) est la plus utilisée (26). Colinet et al. ont développé un score de comorbidité modifié validé dans le CB et composé de 7 items dont le tabagisme, qui n’est pas pris en compte dans le CCI. Il existe une corrélation entre ces 2 échelles (27). Le CIRS-G (cumulative illness rating scale geriatric) est une autre échelle de comorbidité, mais elle est d’utilisation plus complexe, cotant 14 systèmes d’organes (28). Un index CIRS-G supérieur à 2 est un facteur pronostique de mortalité. La corrélation entre le Charlson et le CIRS-G est modérée (10). Plusieurs séries publiées, y compris dans le CB, ont montré que les comorbidités évaluées par le CCI ou le CIRS-G sont indépendantes du PS et de l’EGS (9, 10). La présence de comorbidités intervient dans le choix du traitement. Le corollaire à un nombre élevé de comorbidités est le nombre de médicaments associés, qui, par eux-mêmes, vont interagir avec la chimiothérapie et avoir leurs propres effets délétères. Les PA présentant un CCI supérieur ou égal à 1 ou 2 ont une moins bonne tolérance à la chimiothérapie et reçoivent une dose-intensité inférieure à celle administrée aux sujets ayant un CCI inférieur Les limitations actuelles de l’EGS La Lettre du Pneumologue • Vol. XI - n° 4 - juillet-août 2008 | 161 Évaluation gériatrique en cancérologie thoracique : faut-il la faire et comment ? données nouvelles font réaliser une EGS complète. Ces valeurs seuils ont été développées rétrospectivement pour différents cancers, mais pas dans le CB (35). Le CGAa n’a pas été comparé au VES-13. L’EGS peut-elle être un outil prédictif de la survenue de toxicités durant la chimiothérapie ? Les facteurs les plus discriminants pour le CB restent à définir. Une étude portant sur des PA atteintes de cancer de l’ovaire a montré qu’un PS supérieur à 1, une dépendance domestique et la présence de symptômes dépressifs étaient des facteurs pronostiques de survenue d’une toxicité sous chimiothérapie (36). Cependant, la dépendance fonctionnelle dans cette étude n’était pas évaluée par l’ADL ou l’IADL, et la dépression n’était pas évaluée par une échelle de dépression spécifiée. Une récente série préliminaire portant sur 182 patients de plus de 70 ans atteints de CB avancés semble montrer qu’une limitation du MMSE ou de l’IADL est un facteur prédictif de survenue d’une toxicité à la chimiothérapie (37). Perspectives et conclusions Indépendant Vulnérable ADL Indépendant (= 0) Indépendant (= 0) Dépendant (≥ 1) IADL Indépendant (= 0) Dépendant (≥ 1) Dépendant ou non Comorbidités 0-1 2 ≥3 Syndrome(s) gériatrique(s)1 Non Non Oui (≥ 1) Oui Oui avec restrictions (discuter doses réduites, monothérapie, Eb3 en essais cliniques) Non : soins palliatifs (discuter Eb3 en essais cliniques ?) Balducci et al. ont proposé une sélection des PA atteintes de cancers reposant sur l’EGS et permettant de classer les patients en trois catégories (tableau II) [13]. Cette présélection fondée sur l’EGS pourrait être affinée en intégrant le PS, des facteurs nutritionnels, le tabagisme du patient et d’autres items spécifiques au CB. Il est nécessaire que les pneumologues, en collaboration avec les équipes gériatriques dans le cadre de confrontations multidisciplinaires, proposent des outils gériatriques de sélection spécifiques des patients atteints de CB et valident leurs algorithmes décisionnels. Le CGAa mériterait d’être affiné et, peut-être, validé dans le CB. Les items et seuils pathologiques correspondant à nos patients doivent également être définis. De récents travaux ont montré de manière préliminaire, dans deux études de phase II ouvertes, que le choix d’un traitement par mono- ou bithérapie dans les CB métastatiques en fonction du PS et du score de Charlson pondéré par l’âge était réalisable (38, 39). Des essais de phase III sont en cours de préparation dans les groupes coopératifs français, et ceci avec un soutien actif de l’Institut national du cancer. L’évaluation gériatrique doit être faite, au besoin avec la coopération d’un gériatre, chez toute PA atteinte de CB. Nos patients âgés doivent systématiquement être sollicités pour participer aux essais cliniques qui leur sont consacrés. ■ gériatriques(s) définis par une démence et/ou une incontinence urinaire/fécale et/ ou des chutes répétées et/ou une ou plusieurs atteintes ADL ; 2 proposition de traitement pour les ­personnes âgées atteintes de CB avancés et métastatiques ; 3 Eb : erlotinib (Tarceva®). Remerciements au Dr R. Azarian pour sa relecture critique et constructive de ce travail. Tableau II. Définition des groupes de patients de plus de 70 ans par l’EGS, d’après Balducci (13). Sujet Traitement spécifique2 (proposer un essai clinique) 1 Syndrome(s) Fragile Références bibliographiques 1. Piquet J, Blanchon F, Grivaux M et les membres du CPHG. Le cancer bronchique primitif du sujet âgé en France. Résultats de l’étude KBP-2000 du Collège des pneumologues des Hôpitaux généraux. Rev Mal Respir 2003;20:691-9. 2. Hutchins LF, Unger JM, Crowley JJ, Coltman CA, Albain KS. 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N.B. Le barème des crédits de FMC publié par le ministère de la Santé (décret du 13 juillet 2006, paru au Journal officiel le 9 août 2006) propose quatre catégories d’action de FMC et d’évaluation des pratiques professionnelles dont la catégorie 2, comprenant les formations individuelles et à distance utilisant tout support matériel ou électronique, notamment les abonnements à des périodiques ou l’acquisition d’ouvrages médicaux. La Lettre du Pneumologue • Vol. XI - n° 4 - juillet-août 2008 | 163