Résection digestive pour cancer chez le sujet âgé
Session de FMC
Organisateur : B. Sastre
Lieu : Congrès de l’AFC porte Maillot
Date : jeudi 7 octobre 2010, salle 352A, de 16h à 17h 30
Président : Pr SASTRE
Modérateurs : I. SIELEZNEFF ; P. VALLEUR
Programme de la séance :
Evaluation gériatrique du patient âgé
cancéreux
E. CRETEL (Marseille)
Résections hépato-biliaires et
pancréatiques : indications résultats et
limites
O. FARGES ( Paris)
Résection en chirurgie colo-rectale :
indications, résultats et limites
JJ. DURON (Paris)
Indications et limites de la chimiothérapie
après résection pour tumeur maligne
JF. SEITZ (Marseille)
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Evaluation gériatrique du patient cancéreux.
Dr Elodie Crétel
(Equipe Mobile de Gérontologie Centre
Hôpital de la Timone, Marseille
264, rue St Pierre
13385 – Marseille cedex 05)
Les sujets de plus de 65 ans représenteront 25% de la population des Européens en 2030 et
ont une incidence de cancers 11 fois plus importante que les sujets plus jeunes [1]. Cette
augmentation de la population âgée atteinte de cancer nécessitera une prise en charge
spécifique.
Le vieillissement correspond à un déclin progressif de la tolérance au stress par une restriction
des réserves fonctionnelles de multiples systèmes aussi bien que dans les ressources
personnelles et sociales [2]. L’évaluation gériatrique explore la situation d’une personne âgée
à l’aide d’outils validés. Elle s’inscrit dans une démarche d’évaluation de l’âge fonctionnel du
sujet âgé ainsi que dans une démarche diagnostique de pathologies sous diagnostiquées. Elle
va permettre la mise en place d’un plan de soins.
Rubinstein, en 1984, a été un des pionniers de l’évaluation en gériatrie en montrant son
impact dans plusieurs domaines. En comparant 2 populations de sujets hospitalisés en unité de
court séjour gériatrique, il notait une réduction de la mortalité à 1 an, des ré-hospitalisations,
un retard à la perte d’autonomie, une amélioration des fonctions cognitives et une
augmentation du maintien au domicile pour les patients ayant bénéficié d’une évaluation
gériatrique [3]. Dans une méta-analyse parue dans le Lancet en 1993, Stuck et al démontraient
que des programmes d’évaluation gérontologique standardisée (EGS) avec contrôle des
recommandations médicales, suivis d’une prise en charge et d’un suivi ambulatoire rapproché,
permettaient une amélioration de la survie , du statut fonctionnel (OR = 1,72), un
prolongement du maintien à domicile (OR=1,8) et une diminution des réadmissions à
l’hôpital [4] . L’EGS des francophones correspond à la CGA (Comprehensive Geriatric
Assessment) des anglo-saxons [Tableau 1].
La population âgée est hétérogène, et selon le type de vieillissement (réussi, normal, ou
pathologique), on peut définir plusieurs profils de sujets âgés : les patients « vigoureux » qui
n’ont aucune dépendance fonctionnelle et des comorbidités négligeables, les patients
« fragiles » et entre les 2, les patients dits « intermédiaires».
Parmi ces patients, le groupe « fragile » est le mieux défini. La fragilité correspond à un état
dans lequel un stress minimum peut entrainer des complications sévères voire létales, du fait
de réserves fonctionnelles minimes[5]. Le groupe de patients dits « intermédiaires »
correspond à des patients avec des réserves fonctionnelles résiduelles, un risque élevé de
déclin fonctionnel dans les 2 ans. Le terme « vulnérable » peut également leur être attribué.
La vulnérabilité représente l’étape initiale mais réversible vers la fragilité [6].
En oncologie, l’absence d’évaluation gérontologique standardisée peut conduire à 2 écueils:
- L’éviction thérapeutique, la réduction non validée des posologies ou le non accès aux
thérapeutiques innovantes du seul fait de l’âge pouvant conduite à une perte de chance
oncologique.
- Au contraire, l’application d’un traitement standard, conduisant à l’exposition des
patients les plus fragiles à des risques de complications, de perte d’autonomie, ou
d’institutionnalisation, d’hospitalisation prolongée et renouvelée.
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Les objectifs de l’EGS sont donc :
- de dépister les fragilités et les syndromes gériatriques
- d’évaluer l’état fonctionnel,
- d’estimer l’espérance de vie d’un patient en fonction des comorbidités et de la
présence des grands syndromes gériatriques
- de hiérarchiser les problèmes de santé et rechercher les comorbidités réversibles
- de prévenir la iatrogénie et d’anticiper la réponse fonctionnelle au traitement du cancer
en appréciant les facteurs de risque pouvant gêner la prise en charge oncologique
- de proposer des actions préventives, correctives et de suivi en établissant un plan
d’action médico-psycho-social.
L’EGS explore essentiellement 3 domaines : un domaine physique, un domaine psychique et
un domaine relationnel. Le domaine physique explore le statut fonctionnel physique et
nutritionnel d’un sujet âgé.
Le statut fonctionnel physique comprend l’examen complet du patient, l’exploration de la
marche, la recherche de troubles de l’équilibre et d’éventuelles chutes à répétition.
Le “Timed up and go” est un test rapide [7], dérivé du « Get-up and go test » qui demande au
patient de se lever d’une chaise sans accoudoirs, de marcher 3 mètres, de faire demi-tour et
revenir s’asseoir [8]. Le « timed up and go » est la version chronométrée du get up and go
test. Un score inférieur à 20 secondes permet de prédire la capacité du patient à sortir de son
domicile seul en sécurité et donc un état fonctionnel correct. La station unipodale de Tinetti
est un examen simple, traduisant un risque majoré de chutes lorsqu’elle est maintenue moins
de 5 secondes.
Le statut nutritionnel est exploré à l’aide de données simples comme le poids, l’indice de
masse corporelle (IMC) et d’outils plus sophistiqués comme le Mini-Nutritional Assessement
(MNA) qui est un test très sensible et validé pour dépister la dénutrition ou le risque de
dénutrition chez le sujet âgé [9]. On parle de dénutrition en gériatrie lorsque l’IMC < 21 ou
l’albumine < 35 g/l. Le MNA permet d’orienter vers un risque de dénutrition pour des scores
compris entre 17 et 23,5 sur 30 et de dénutrition avérée à moins de 17/30 [10].
Le domaine psychique recherche la présence de troubles cognitifs et d’éléments dépressifs.
Les outils les plus fréquemment utilisés sont le MMSE, le test des 5 mots et le test de
l’horloge. Le Mini-Mental State Examination (MMSE), de réalisation facile (il dure moins de
10 minutes pour un professionnel entraîné), est un test peu sensible ne dépistant pas les
troubles cognitifs discrets, néanmoins c’est un examen de dépistage utile [11]. La recherche
de troubles cognitifs permet de prédire un éventuel syndrome confusionnel fréquent chez les
patients âgés en post-opératoire [12] et associé à un surcroit de la mortalité [13]. Lorsque leur
score au MMSE est strictement inférieur à 25, la survie de patients atteints de cancer est
diminuée de moitié (41,8 mois vs 93,5mois) [14].
Certains outils ont été validés en gériatrie pour la recherche d’un syndrome dépressif comme
l’échelle GDS-15 de Yesavage (N < 6/15) ou encore la mini-GDS, échelle à 4 items de
passation plus rapide [15].
Le domaine relationnel de l’EGS permet d’établir l’autonomie d’un sujet âgé dans sa vie
quotidienne. L’évaluation du PS (performans status) par l’échelle classique de Karnofski ou
ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) a une utilité limitée chez le sujet âgé car un
certain nombre de conditions chroniques qui ne raccourcissent pas la survie, peuvent
compromettre le PS [16]. L’autonomie dépend des capacités du sujet à effectuer les taches de
la vie quotidienne (explorée par l’échelle ADL) ainsi que ses capacités à vivre de façon
indépendante, à savoir gérer son traitement, son budget, sortir de son domicile, voyager,
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effectuer ses courses (capacités explorées par l’échelle IADL) [17, 18]. Les échelles ADL et
IADL sont les plus sensibles et leur résultat a un impact sur la mortalité qui est doublée quand
un ou plusieurs IADLs sont altérées et multipliée par 3 quand une ADL est affectée[19].
Ce domaine est indissociable de la structure sociale de ce patient avec notamment les
renseignements sur son mode de vie, les aides mises en place au domicile, les aidants et l’état
de santé de ces aidants qui peut influencer directement l’état de santé du patient dont le dégré
d’épuisement peut être évalué par l’échelle de Zarrit. Ces éléments permettront de renforcer
éventuellement les aides au domicile dans le plan de soins établi.
Le domaine relationnel comprend également la recherche de troubles sensoriels
essentiellement de troubles de la vision ou de l’audition qui peuvent être explorés
sommairement au lit du patient (vision de près et de loin, Whisper test qui consiste à
chuchoter 3 mots à 50 cm de l’oreille du patient) ou faire l’objet de consultations spécialisées.
La recherche de syndrome gériatrique permet d’authentifier une fragilité du patient qui aura
une importance réelle dans la décision thérapeutique. On définit par syndrome gériatrique des
pathologies spécifiques au sujet âgé comme un syndrome confusionnel, dépressif voire
démentiel, un syndrome ostéoporotique (correspondant à une ostéoporose sévère compliquée
de fractures), ou une incontinence (lorsqu’elle est permanente).
L’évaluation des traitements fait partie intégrante de l’EGS. Elle permet de lister les
médicaments potentiellement inappropriés (MPI) et de conseiller l’arrêt ou l’adaptation de ces
traitements dès que possible [20,21,22]
En oncogériatrie, l’évaluation des co-morbidités est indispensable car c’est un facteur
indépendant du pronostic fonctionnel [23]. Les échelles les plus fréquemment utilisées sont
l’échelle de Charlson et le score de comorbidités CIRS-G (Cumulative Ilness Rating Scale in
Geriatry) qui est le plus adapté au sujet âgé[24].
Certains marqueurs biologiques doivent être plus volontiers évalués comme le dosage de
l’albumine qui fait partie de l’évaluation du statut nutritionnel, la recherche d’une anémie,
dont la présence est corrélée à diminution des performances physiques avec augmentation de
la mortalité, ainsi que l’estimation de la fonction rénale soit par la mesure de la clearance de
la créatininémie par la formule de Cokcroft soit par le MDRD [25].
Une donnée importante à prendre en compte dans les décisions thérapeutiques est l’espérance
de vie estimée d’un patient en fonction de son âge et de ses comorbidités. Selon l’état du
patient, la balance penche parfois vers l’abstention thérapeutique…
On peut se demander quelle information rajoute l’EGS par rapport à certaines données comme
le Perfomans Status. Dans l’étude de Répetto et al en 2002, pour 269 patients ayant un PS <
2 , ayant bénéficié d’une EGS (ADL, IADL, MMSE, GDS, échelle de Comorbidités), 13%
avaient plus de 2 comorbidités, 9.3% avaient une limitation ADL, 38% avaient une limitation
IADL, 28% avaient MMSE <24, et 32% avaient une probable dépression GDS [26].
Dans une autre étude portant sur 60 patients avec un cancer de la prostate, 83% avaient un
score de Karnofski à plus de 60%. L’EGS permettait de révéler 19 cas de prescriptions
médicamenteuses inappropriées, 45% de troubles cognitifs, 33% de syndromes dépressifs et
65% de patients dénutris [27].
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L’EGS permet de révéler des conditions non suspectées pouvant entraver le traitement d’un
cancer chez plus de 50% des patients [28]. L’EGS permet de définir des groupes de patients
qui ont été définis par Balducci [29] et de poser des algorithmes décisionnels [Tableau 2]. Ces
algorithmes doivent être nuancés et adaptés au patient. Ils constituent néanmoins une aide
décisionnelle pour la prise en charge oncologique.
En conclusion, le bilan pré-opératoire d’un cancer chez un patient âgé doit inclure les données
gériatriques et anticiper la plus ou moins grande tolérance du patient à l'agression
chirurgicale. La période post-opératoire est souvent délicate, et plusieurs éléments doivent
être spécifiquement surveillés : l'apparition d'un état confusionnel, qui concerne 15 à 50 % des
patients de plus de 70 ans ; l'installation d'une dénutrition, ainsi que les risques qui lui sont
associés : fonte musculaire et chutes, insuffisance respiratoire, infections.
L’EGS permet d’apprécier l’état global d’un patient et d’anticiper certains de ces risques[30].
Tableau 1 : Domaines et outils utilisés pour l’EGS
Tableau 2 : Algorithme décisionnel en fonction des résultats de l’EGS
E ta t g é n é ra l, a u to n o m ie P S (P e rfo rm a n s s ta tu s )
A D L (A c tiv itie s o f D a ily L ife )
IA D L (In s tru m e n ta l A c tiv itie s o f
D a ily life )
S ta tu t fo n c tio n n e l p h y s iq u e
S ta tio n u n ip o d a le , G e t u p a n d G o
te s t, c h u te s ?
F o n c tio n s c o g n itiv e s M M S E , h o rlo g e , 5 m o ts
D é p re s s io n , tro u b le s d e
lh u m e u r G D S , m in iG D S
E ta t n u tritio n n e l P o id s , IM C , A lb u m in e , M N A
S e n s o ria lité V is io n (d e lo in , n b d e d o ig ts ),
A u d itio n (w h is p e r te s t)
S yn d ro m e s g é ria triq u e s D é m e n c e , c h u te s, in c o n tin e n c e ,
d é p e n d a n c e
C o -m o rb id ité s (c a rd ia q u e ,
ré n a le ..) N o m b re , S é v é rité (C h a rls o n ,
C IR S -G )
M é d ic a m e n ts N o m b re , in te ra c tio n s , M P I
C o n d itio n s s o c io -
é c o n o m iq u e s A id e s , a id a n ts
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