R É U N I O N S G E M H E P 3e Journée annuelle du Groupe d’étude moléculaire des hépatites Cette journée s’est tenue le 15 janvier 1999 au Centre ChaillotGalliera (Paris). Le thème était les “Données récentes sur les virus des hépatites”, mais une grande partie du congrès a été consacrée au virus de l’hépatite C (VHC). TRANSPLANTATION HÉPATIQUE ET VIRUS DE L’HÉPATITE C C. Feray (Paris) a rappelé que la transplantation hépatique concernait 600 patients par an. Dans le cas d’une transplantation hépatique liée à une infection par le VHC, la récidive spontanée sur le greffon est très fréquente : récidive virologique (présence de l’ARN-VHC dans le greffon ou dans le sérum) dans plus de 90 % des cas dès le premier mois, récidive histopathologique (survenue d’une hépatite sur le greffon puis à terme d’une cirrhose) dans 75 % des cas, 4 ans après transplantation. Chez le transplanté, l’infection du greffon par le virus de l’hépatite C est plus sévère que chez le sujet immunocompétent, avec une progression accélérée vers la cirrhose. Il semble exister une corrélation entre le génotype viral et la sévérité de la maladie : le génotype 1b du VHC serait associé à des récidives histologiques plus graves sur le greffon. Ces souches 1b induiraient une réponse immune et une apoptose plus importantes que les autres génotypes entraînant une évolution plus rapide vers la fibrose. En fait, le génotype viral n’est probablement que le marqueur indirect de mutations définissant des souches virales associées à une pathogénicité accrue. Lors de l’infection du greffon, il existe un haut niveau de réplication du VHC. La charge virale intrahépatique mesurée au moment de l’hépatite aiguë est très significativement prédictive de l’évolution vers la cirrhose. Pendant cette phase, les propriétés pathogéniques directes du VHC prédominent en raison de l’immunosuppression thérapeutique. Par la suite, l’immunosuppression étant progressivement diminuée, la réponse immune antivirale se développe, et on observe une diminution de la réplication intrahépatique du VHC lors de l’évolution vers l’hépatite chronique. L’utilisation précoce post-transplantation d’une bithérapie associant interféron et ribavirine semble donner des résultats intéressants, puisque près de la moitié des patients présentent une négativation de l’ARN-VHC plasmatique. Néanmoins, la réponse virologique à long terme n’est que rarement obtenue. L’interféron doit être utilisé avec prudence, car il peut être à l’origine d’un rejet chronique du greffon. CHARGE VIRALE VHC : TECHNIQUES ET APPLICATIONS J.P. Zarski (Grenoble) a présenté les différentes techniques de mesure de la charge virale du VHC ainsi que leurs applications. 126 Techniques Les techniques de détection de l’ARN du VHC par PCR qualitative dans le sang sont actuellement les plus sensibles. Le test Amplicor™ HCV Roche a une sensibilité de 100 à 1 000 copies/ml de sérum. La nouvelle version du test Amplicor™ HCV, dont le seuil de détection est de 100 copies/ml, est maintenant disponible. Leur grande sensibilité rend ces tests particulièrement indiqués dans le diagnostic de l’infection à VHC et dans le suivi d’un traitement antiviral. La quantification de l’ARN du VHC dans le sang fait appel à deux types de techniques : technique d’amplification de la cible par PCR (Amplicor™ HCV Monitor 2.0) ou technique d’amplification du signal d’hybridation par ADN branché (Quantiplex™ HCVRNA 2.0, Chiron Diagnostic). Le seuil de détection est de 1 000 copies/ml pour le test Monitor™ 2.0 et de 200 000 Eq.génomes/ml pour le test Quantiplex™ 2.0. Ces tests de deuxième génération quantifient de manière équivalente les différents génotypes. Applications de la mesure de la charge virale du VHC Épidémiologie. Le niveau de la charge virale plasmatique du VHC intervient dans le risque de contamination en cas de transmission nosocomiale, sexuelle ou mère-enfant. Les études réalisées dans le cadre de la transmission mère-enfant montrent que seules les mères ayant une charge virale élevée sont susceptibles de transmettre l’infection, celle-ci n’étant cependant pas constante. En l’absence de standardisation des tests, il est impossible de définir avec précision les seuils permettant d’évaluer le risque de transmission. ! Évaluation de la gravité de la maladie. Il n’existe pas de corrélation entre le niveau de la réplication virale et la sévérité de la maladie. Néanmoins, au stade de cirrhose C sévère, la charge VHC diminue de façon significative du fait de la raréfaction des hépatocytes. ! Prise en charge thérapeutique. Plusieurs études ont montré que la charge VHC plasmatique préthérapeutique était un facteur prédictif indépendant de la réponse au traitement. Les patients ayant une charge virale basse ont un taux de réponse prolongée significativement supérieur à ceux ayant une charge élevée. La limite entre charge “élevée” et “basse” varie selon les études. Elle est de l’ordre de 2 x 106 Eq.génomes/ml pour le QuantiplexTM 2.0 et de 105 copies/ml pour le test MonitorTM. À l’échelon individuel, il est impossible de prédire avec certitude la réponse en fonction de la charge virale. Le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques (modes d’administration différents de l’interféron, association de molécules anti-VHC) permettra l’adaptation du traitement à chaque malade en fonction des facteurs prédictifs de réponse, notamment de la charge virale préthérapeutique. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 3 - mars 1999 R G E M H E P É U N I O N S En cours de traitement, la mesure de la charge virale pourrait permettre d’évaluer l’efficacité du traitement sur la réplication virale. En effet, on observe fréquemment une dissociation entre l’évolution des transaminases et celle de la charge virale, en particulier en cas d’association interféron-ribavirine. Le suivi de la charge pendant et après traitement est donc le seul moyen permettant d’apprécier l’effet du traitement sur le virus. Par ailleurs, la cinétique de décroissance de la charge VHC observée en début de traitement serait un facteur prédictif de réponse prolongée. Des études prospectives contrôlées et randomisées sont en cours. hémolytique chez environ 30 % des patients, nécessitant parfois une réduction des doses. L’utilisation de ribavirine présente un risque cardiovasculaire, en particulier chez les patients athéromateux. ! Suivi après transplantation hépatique. Chez les patients transplantés pour cirrhose virale C, lors de la réinfection du greffon, on observe un pic de virémie précédant de quelques jours l’hépatite aiguë avec une élévation significative de la charge virale par rapport à son niveau pré-greffe. L’observation de ces pics permettrait de faire la preuve d’une hépatite liée à la réinfection du greffon. ! Charge virale préthérapeutique et génotype. Un génotype TRAITEMENT DE L’HÉPATITE CHRONIQUE C PAR L’ASSOCIATION INTERFÉRON-RIBAVIRINE P. Marcellin (Paris) a rapporté les résultats des dernières études concernant le traitement des patients porteurs d’une hépatite C chronique par l’association interféron-ribavirine. Chez les patients naïfs, l’association interféron-ribavirine entraîne une réponse complète prolongée chez 33 à 48 % des patients versus 6 à 18 % pour ceux traités par l’interféron seul. Deux études récentes incluant plus de 1 700 patients (Poynard et coll. Lancet 1998 ; 352 : 1426-32 ; McHutchison et coll. N Engl J Med 1998 ; 339 : 1485-92) montrent la supériorité de l’association interféron-ribavirine (31 à 35 % de réponse virologique prolongée après 6 mois de bithérapie, 38 à 43 % après 12 mois) par rapport à l’interféron en monothérapie (13 à 19 % après 12 mois). Les patients infectés par un génotype 2 ou 3 et/ou présentant une charge virale 2 x 106 Eq.génomes/ml ont une réponse virologique prolongée de 47 à 64 % après un traitement d’un an. Chez les patients infectés par un génotype 1, 4, 5, ou 6 et/ou présentant une charge virale > 2 x 106 Eq.génomes/ml, la réponse virologique prolongée est de 30 à 40 % après un traitement d’un an. Ces résultats doivent inciter à traiter les patients par l’association interféronribavirine, qui peut désormais être considérée comme le traitement de choix de l’hépatite C chronique. Chez les patients ayant rechuté après un premier traitement par l’interféron, une étude portant sur 345 patients (Davis et coll. N Engl J Med 1998 ; 21 : 1493-9) a montré l’efficacité de la bithérapie. Une réponse virologique prolongée a été obtenue chez 49 % des patients traités par l’association interféron-ribavirine contre 5 % chez ceux traités par l’interféron seul pendant six mois. Une amélioration significative de l’histologie hépatique a pu être obtenue avec la bithérapie. Les patients non répondeurs à un premier traitement par l’interféron en monothérapie ont des taux de réponse faibles en bithérapie, allant de 0 à 19 %. L’association interféron-ribavirine est généralement bien tolérée. La ribavirine est responsable de l’apparition d’une anémie La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 3 - mars 1999 FACTEURS VIRAUX DE RÉSISTANCE AUX TRAITEMENTS : EXEMPLE DU VHC J.M. Pawlotsky (Paris) a rappelé les différents paramètres virologiques identifiés comme prédictifs de la réponse virale prolongée après traitement. 2 ou 3 ainsi qu’une faible charge virale sont indépendamment associés à une forte probabilité de réponse virologique soutenue chez les sujets traités par interféron seul ou associé à la ribavirine. Cinétique de réplication virale. Les études de dynamique virale montrent que la demi-vie du VHC dans la circulation périphérique est d’environ 3 heures, et 1012 particules virales sont produites quotidiennement. Lors d’une administration intermittente d’interféron (3 injections par semaine), la chute de la charge virale dans les 24 heures qui suivent l’injection est suivie d’un rebond à 48 heures. Ce rebond n’est pas observé lorsque l’injection d’interféron est quotidienne. L’administration quotidienne de fortes doses d’interféron provoque dans les deux premiers jours du traitement une diminution rapide de la charge virale, cette diminution étant dose-dépendante. Un traitement agressif de l’hépatite C permettrait ainsi un contrôle précoce de la réplication virale augmentant le taux de réponse virologique prolongée. ! ! Chez un sujet infecté, le VHC circule sous forme d’un mélange de variants viraux génétiquement distincts définissant une répartition en quasi-espèces. La complexité génétique des quasi-espèces du VHC avant traitement chez un patient donné semble être un paramètre prédictif indépendant de la réponse virologique soutenue. Seuls les patients présentant une faible complexité génétique de leur quasi-espèce circulante pourraient éliminer le virus après un traitement standard par l’interféron. ! La présence de séquences particulières dans certaines régions du génome, notamment la région NS5A, pourrait également être associée à la résistance des souches au traitement. La protéine NS5A inhiberait l’autophosphorylation de la protéine kinase, indispensable à son action antivirale. L’interféron exerce une pression de sélection qui modifie profondément la composition des sous-populations virales circulantes. Chez les malades résistants au traitement, des sous-populations majoritaires avant traitement vont disparaître ou devenir minoritaires, alors que des variants minoritaires avant traitement vont être sélectionnés en raison de leur meilleure adaptation aux nouvelles conditions environnementales. P. Trimoulet, Bordeaux 127