L’évaluation de Ki67 dans le cancer du sein : actualités

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Prolifération
et cycle cellulaire
dossier
thématique
L’évaluation de Ki67
dans le cancer du sein : actualités
Ki67 assessment in breast cancer: an update
F. Penault-Llorca*,**,***, B. Bayol*,***, N. Radosevic-Robin*,**
soit utilisée depuis de nombreuses années pour évaluer la
prolifération cellulaire dans les cancers, ce biomarqueur n’est toujours
pas recommandé pour une utilisation en routine dans la prise en
charge des cancers du sein. La principale explication de cette nonreconnaissance demeure l’absence de procédure standardisée
applicable pour son emploi, ainsi que des interrogations persistantes
concernant l’interprétation du marquage et l’intérêt clinique de ce
biomarqueur. De nos jours, l’évaluation de Ki67 est principalement
utilisée comme facteur pronostique permettant de guider la
décision d’une thérapie adjuvante, mais également comme facteur
prédictif de réponse au traitement néo-adjuvant dans le cancer du
sein RE+/HER2–. Dans les cancers RE–/HER2+ et RE–/HER2–, un Ki67
élevé en post-néo-adjuvant est associé à un pronostic défavorable.
Nous rapportons ici les paramètres influençant la validité analytique
de l’immunodétection de Ki67, les éléments de preuve de son
utilité clinique ainsi que les recommandations actuelles pour son
utilisation dans la prise en charge du cancer du sein.
Mots-clés : Cancer du sein – Ki67 – Immunohistochimie – Facteur
pronostique – Facteur prédictif – Recommandations.
K
i67 est une protéine nucléaire non histone située
dans le cortex nucléolaire. Elle est impliquée dans
les premières étapes de la synthèse de l’ARN ribosomal par l’enzyme ARN polymérase I. Cette protéine a
été identifiée pour la première fois par J. Gerdes et al.,
en 1983, dans une lignée cellulaire d’un lymphome de
Hodgkin (1). La molécule a été nommée Ki en référence à
l’université de Kiel ; le nombre 67 était le numéro du clone
de l’anticorps capable de la détecter. Le gène codant
pour Ki67 (MKI67) est situé sur le chromosome 10 en
position 10q25-ter et est constitué de 15 exons et de
14 introns. L’exon 13 comporte 16 répétitions d’un motif
hautement conservé de 66 paires de bases, appelé le
motif Ki67 (2). Ki67 est exprimé dans le noyau pendant
les phases G1, S, G2 et M du cycle cellulaire, mais non
pendant la phase G0 (état de quiescence cellulaire).
Although immunohistochemical detection of the Ki67 antigen
has been used for many years to assess cancer proliferation,
this marker is still not recommended for routine use in clinical
management of breast cancer. The major reason for this
situation is the lack of a standardized procedure for Ki67
assessment as well as persistence of several issues of debate
with regards to the Ki67 assay interpretation and the marker’s
clinical utility. Nowadays Ki67 assessment is principally used
for estimation of prognosis and guiding the decision on
adjuvant treatment choice, as well as for prediction of response
to neoadjuvant treatment in ER+/HER2– breast cancer. In ER–/
HER2+ and ER–/HER2– tumours, a high post-neoadjuvant
Ki67 index is associated with an unfavourable prognosis.
We review here the elements impacting analytical validity
of the Ki67 immunohistochemical assay, the evidence of its
clinical utility and the current recommendations for its use
in breast cancer management.
Keywords: Breast cancer – Ki67 – Immunohistochemistry –
Prognosis – Prediction – Guidelines.
Durant l’interphase, la protéine Ki67 est localisée dans
les fibres denses du nucléole. Pendant la mitose, elle est
associée à la périphérie des chromosomes condensés.
L’expression de Ki67 varie tout au long du cycle cellulaire
et atteint son niveau maximal pendant la mitose. Bien
que sa fonction ne soit pas complètement élucidée, son
rôle dans la division cellulaire et dans la synthèse de l’ARN
ribosomal est clairement établi.
L’expression de Ki67 est classiquement détectée par
immunohistochimie (IHC) afin d’évaluer la prolifération cellulaire dans les tissus, et est rapportée sous
forme d’un index Ki67 (souvent dénommé simplement
“Ki67”). Celui-ci représente le pourcentage de cellules
marquées au sein de la population étudiée (dans les
cancers, il s’agit du pourcentage de cellules tumorales
marquées). L’index Ki67 n’est pas parfaitement corrélé
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Summary
RÉSUMÉ
» Bien que la détection immunohistochimique de l’antigène Ki67
* Département
d’anatomie et de
cytologie pathologiques,
centre Jean-Perrin,
Clermont-Ferrand.
** Inserm U1240,
université d’Auvergne,
Clermont-Ferrand.
*** Faculté de médecine,
université d’Auvergne,
Clermont-Ferrand.
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Phase préanalytique
Comme pour toute immunodétection, plusieurs paramètres préanalytiques tels que le temps de fixation, le
type de fixateur, la durée de fixation et le stockage des
lames comportant des coupes de tissus paraffinés non
colorés peuvent interférer dans la détection du Ki67 (4).
Les recommandations actuelles valables pour l’immunodétection du récepteur aux estrogènes (RE) [8 à 72 heures
de fixation au formol neutre tamponné] (5) peuvent être
appliquées pour la détection du Ki67. Heureusement, le
Ki67 est l’un des biomarqueurs les plus robustes en IHC,
présentant des marquages relativement constants sur
des échantillons de tissus traités dans des conditions
différentes (fixation, conditions de prétraitement, protocoles d’IHC).
Figure 1. Marquage immunohistochimique pour le Ki67, utilisant le clone MIB-1 (Dako, × 40).
Toute intensité de marquage nucléaire indique une cellule Ki67 positive. Les flèches noires
montrent des noyaux marron clair positifs.
à celui de l’histone H3 phosphorylée (PhH3) ni à l’index mitotique (r = 0,79 et r = 0,83, respectivement),
comme l’ont rapporté L.H. Lee et al. dans une série
de cancers du sein (3). Cela indique que PhH3 et Ki67
fournissent des informations biologiques distinctes et
doivent ainsi être analysés séparément. PhH3 est une
protéine nucléaire histone impliquée dans la condensation des chromosomes et dans la progression du
cycle cellulaire durant la mitose et la méiose. Il s’agit
d’un marqueur potentiel de l’activité mitotique, tandis
que Ki67 doit être considéré comme un marqueur de
l’activité proliférative.
Validité analytique
Le manque de standardisation des pratiques affecte la
validité analytique du Ki67. Un groupe international
de pathologistes, d’oncologues et de biologistes a
examiné les données disponibles relatives à Ki67 en
tant que biomarqueur du cancer du sein au stade
précoce afin d’établir des recommandations (4) .
Plusieurs clones d’anticorps, tels que MIB-1, MM-1,
Ki-S5 et SP6, ont été testés pour la détection du Ki67
par technique d’IHC sur des coupes de tissus fixés
au formol et inclus en paraffine (FFPE). L’anticorps
le plus populaire et le plus largement utilisé est le
clone MIB-1.
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Phase analytique
La phase analytique est assez classique. Il convient de
noter que les protéases et les méthodes à faible pH pour la
restauration antigénique doivent être évitées. Le résultat
donne un marquage nucléaire. Une cellule est considérée
positive quelle que soit l’intensité du marquage (figure 1).
Par conséquent, il est important d’avoir une contre-coloration optimale. En effet, si celle-ci est faible, cela risque
d’entraîner une surestimation de la mesure du Ki67.
Phase postanalytique
La phase postanalytique est la plus critique. La faible
reproductibilité rapportée pour l’évaluation du Ki67
résulte principalement d’un manque de consensus
concernant la zone tumorale à analyser : le front d’invasion tumorale, la surface tumorale entière ou les zones
de hot spots où l’activité proliférative est la plus élevée.
Un groupe d’experts internationaux, l’International Ki67
in Breast Cancer Working Group, a défini des recommandations concernant le scoring du Ki67 (encadré) [4]. En
résumé, le Ki67 peut être évalué soit sur des biopsies, soit
sur des coupes tumorales entières. Au moins 3 champs
au fort grandissement doivent être parcourus afin d’apprécier les différentes intensités de marquage présentes
sur la surface d’intérêt. Le front d’invasion tumorale et les
zones de hot spots doivent être inclus dans le score global
(figure 2). Le Ki67 représente le pourcentage de cellules
marquées parmi le nombre total de cellules cancéreuses
invasives dans la zone étudiée.
L’International Ki67 in Breast Cancer Working Group a
conclu que l’évaluation de la prolifération cellulaire présentait un intérêt dans la pratique clinique, notamment
dans les essais cliniques. L’anticorps monoclonal MIB-1
est le plus largement répandu dans la littérature pour la
détection par IHC du Ki67. Des efforts de standardisation
ont récemment été accomplis afin d’améliorer la repro-
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L’évaluation de Ki67 dans le cancer du sein : actualités
Encadré. Recommandations pour l’évaluation de Ki67 dans le cancer du sein, d’après l’International Ki67 Breast Cancer Working Group.
Préanalytique
• L’évaluation peut être réalisée soit sur des biopsies, soit sur des coupes entières.
• Dans le cas d’une évaluation à visée pronostique, le front d’invasion tumorale doit
être inclus dans le score.
Quand des comparaisons sont nécessaires, il est préférable d’utiliser le même type
d’échantillons (par exemple, dans des études néo-adjuvantes).
Les tissue micro-arrays (TMA) peuvent être utilisés pour l’évaluation du Ki67dans
les essais cliniques ou les études épidémiologiques.
La fixation au formol neutre tamponné doit être réalisée selon les mêmes protocoles
établis que pour les récepteurs hormonaux.
Une fois préparées, les sections de tissus ne doivent pas être conservées plus
de 14 jours à température ambiante. Les résultats obtenus après un temps de
stockage plus long doivent être interprétés avec prudence.
• Si des comparaisons pharmacodynamiques doivent être effectuées sur des coupes
Analytique
• Des contrôles positifs et négatifs doivent figurer dans tous les lots. Des noyaux
positifs de cellules non tumorales et des noyaux positifs avec des figures de mitoses
constituent une preuve de la qualité du prélèvement.
• Des procédures de restauration antigénique sont requises, en particulier le
démasquage par la chaleur.
• L’anticorps MIB-1 est actuellement approuvé pour le Ki67.
Traitement des données
• Le score Ki67 doit être exprimé comme le pourcentage de cellules positivement
marquées sur le nombre total de cellules invasives dans la zone analysée.
• L’analyse statistique doit tenir compte de la distribution selon une loi log-normale
généralement suivie par la mesure du Ki67.
• Le critère le plus approprié dans les essais thérapeutiques comparatifs concernant
l’efficacité ou la réponse au traitement est le pourcentage de réduction du nombre
de cellules Ki67 positives.
• Le critère le plus approprié pour évaluer le risque résiduel de récidive est la
proportion de cellules Ki67 positives en cours de traitement.
• Les seuils concernant le pronostic, la prédiction et la surveillance ne doivent être
appliqués que dans les conditions précises spécifiées à ce sujet dans les études.
•
•
•
Interprétation et scoring
• Sur des coupes entières, au moins 3 champs au fort grandissement (objectif × 40)
doivent être parcourus afin d’apprécier les différentes intensités du marquage
présentes sur l’ensemble de la zone à analyser.
A
de tissus, il est préférable d’utiliser des coupes entières.
• Il est nécessaire de tenir compte des zones de hot spots dans le score global.
• Seul un marquage nucléaire est considéré positif, quelle que soit son intensité.
• Le scoring doit comprendre le comptage d’au moins 500 cellules tumorales invasives
•
(et, de préférence, au moins 1 000 cellules), à moins qu’il n’existe un protocole
autorisant l’établissement d’un score pour un nombre plus faible de cellules.
Les méthodes d’analyse d’images pour Ki67 restent à valider pour une utilisation
en pratique.
B
Figure 2. Scoring du Ki67. A) Méthodologie pour les zones de hot spots : l’évaluation est effectuée dans la zone avec le plus grand nombre de noyaux positifs (cercles noirs).
B) Trois champs au fort grandissement incluant une zone de hot spots. Au moins 3 champs au fort grandissement doivent être parcourus afin d’apprécier les différentes
intensités du marquage présentes sur l’ensemble de la surface d’intérêt. Le front d’invasion tumorale et les zones de hot spots doivent être inclus dans le score global.
ductibilité de la quantification du Ki67 entre différents
laboratoires et pathologistes, en particulier en ce qui
concerne les niveaux intermédiaires d’expression (6,
7). Le coefficient de corrélation intra-classe (ICC), qui
correspond au pourcentage de la “vraie” variance d’un
biomarqueur (ici, le Ki67), doit être aussi élevé que possible (proche de 1). Dans le cas contraire, cela signifie
que la variance est liée à des variations d’interprétation.
Le groupe de travail international sur le Ki67 a montré
que, grâce à la mise en place de recommandations et
à des formations des pathologistes, l’ICC pour le Ki67
est passé de 0,71 (IC95 : 0,47-0,78) à 0,92 (IC95 : 0,880,96) [6]. Une étude d’assurance qualité menée par
le groupe suisse Swiss Working Group of Breast and
Gynaecopathologists (8) a évalué la fraction proliférative
dans les cancers du sein de grade 2 via la mesure du
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Ki67 suivant différentes méthodes : par exemple, par
observation simple ou par comptage dans des zones
auto-sélectionnées versus présélectionnées. La reproductibilité était satisfaisante pour les Ki67 faibles et
élevés. Cependant, pour les niveaux intermédiaires,
il existait une forte variabilité inter- et intra-observateur (8). Par ailleurs, la mise en œuvre d’un scoring
automatisé à l’aide d’outils numériques s’est révélée
efficace pour standardiser l’évaluation du Ki67 sur des
échantillons de cancer du sein dans l’essai GeparTrio.
Le score était bien corrélé aux critères cliniques (9).
Les conclusions de plusieurs experts aboutissent au
constat suivant : pour les niveaux intermédiaires de
Ki67, des tests ou des signatures multigéniques validés
pourraient être la meilleure option pour une prise en
charge optimisée des patientes (10, 11).
en post-néo-adjuvant pourrait fournir des informations
pronostiques supplémentaires dans le cancer du sein
RE+, où la pCR présente une valeur pronostique limitée, tandis que, dans le cancer du sein RE−, la valeur
pronostique du Ki67 en post-néo-adjuvant n’est pas
supérieure à celle de la pCR (21). La décroissance de
l’index Ki67 est à présent explorée comme critère de
jugement principal dans des essais thérapeutiques en
situation néo-adjuvante avec des inhibiteurs de CDK4/6,
comme dans l’essai MONALEESA-1 (NCT01919229) [22].
Utilité clinique, pronostique ou prédictive ?
Indice pronostique endocrinien préopératoire
Le Preoperative Endocrine Prognostic Index (PEPI) [23]
a été élaboré à partir de données issues de l’essai
thérapeutique P024, évaluant l’hormonothérapie néoadjuvante, dans lequel 5 paramètres tumoraux ont été
évalués indépendamment en tant que facteurs pronostiques de la survie sans récidive et de la survie globale : la
taille tumorale, le statut ganglionnaire, le statut pour le
récepteur aux estrogènes (RE), le grade histologique et
l’index Ki67. Les niveaux de l’index Ki67 ont été exprimés
sous la forme d’une échelle logarithmique. Le PEPI a
été établi comme un score représentant la somme des
valeurs de risque attribuées à chaque caractéristique,
selon leur risque relatif estimé (23).
Ce score distinguait 3 catégories, présentant chacune
un risque significativement différent de mortalité. Il a
été validé de manière indépendante sur 203 patientes
incluses dans l’essai néo-adjuvant IMPACT (23) et est
actuellement testé de manière prospective dans l’essai
ALTERNATE, dirigé par The Alliance for Clinical Trials in
Oncology et dont l’objectif est d’identifier les patientes
encourant un faible risque de récidive à la suite d’une
hormonothérapie néo-adjuvante (24).
Index Ki67 seul
Plusieurs méta-analyses (4, 12-15) ont montré que le
Ki67 constitue un facteur pronostique indépendant
dans les cancers du sein RE+ sans envahissement
ganglionnaire (et, par extension, dans les cancers avec
métastases ganglionnaires). Une étude de l’Institut
européen d’oncologie, ayant porté sur 1 241 patientes
atteintes d’un cancer du sein de type luminal et présentant 1 à 3 ganglions axillaires métastatiques, a
révélé que des valeurs élevées de Ki67 (≥ 32 %) constituent un facteur prédictif de réponse à une chimiothérapie adjuvante (16). Néanmoins, d’autres études
ont modéré (essai PACS 01, évaluant le docétaxel [17])
voire réfuté (essai BCIRG 001 [18]) cette observation
chez les patientes atteintes de cancers avec métastases
ganglionnaires axillaires. En situation néo-adjuvante,
l’index Ki67 constitue un facteur prédictif de réponse
complète pathologique (pCR) selon de nombreuses
études (12, 14, 19). De plus, l’évaluation de Ki67 a montré
une utilité clinique importante comme critère pharmacodynamique ou critère de jugement en cas d’hormonothérapie néo-adjuvante (20). La plus large étude
ayant évalué la valeur pronostique du Ki67 après une
chimiothérapie néo-adjuvante dans le cancer du sein,
GeparTrio, a distingué 3 groupes de patientes, selon
le niveau de l’index Ki67 (0-15 % versus 15,1-35 % versus > 35,1 %) [21]. Le groupe avec un Ki67 faible avait
un résultat comparable à celui du groupe présentant
une pCR, tandis que le groupe avec un Ki67 élevé présentait un risque de récidive et de mortalité significativement plus élevé que les groupes avec un Ki67 faible
ou intermédiaire. Dans l’ensemble, le niveau du Ki67
20
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Biomarqueurs combinant l’index Ki67
avec d’autres paramètres
L’index Ki67 a été intégré dans plusieurs formules
mathématiques qui ont été testées comme facteurs
prédictifs de différents paramètres dans le cancer du
sein. Les plus importantes sont détaillées ci-dessous.
Residual proliferative cancer burden
Le score Residual proliferative cancer burden (RPCB) [25]
a été obtenu en appliquant une formule qui intègre les
niveaux de l’index Ki67 en post-néo-adjuvant au score
RCB qui, développé par W.F. Symmans et al., évalue la
charge tumorale résiduelle (26). Sa valeur pronostique
pour le risque de récidive tumorale a été évaluée dans
une cohorte de 220 patientes atteintes d’un cancer du
sein et traitées par chimiothérapie néo-adjuvante. Le
score RPCB permet de classer les patientes en 3 groupes,
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L’évaluation de Ki67 dans le cancer du sein : actualités
aux taux significativement différents de survie sans
récidive et de survie globale après un suivi médian
de 5 ans (25).
IHC4
IHC4 est un test fondé sur la détection immunohistochimique de 4 marqueurs parmi lesquels Ki67. Il a été
développé dans l’essai ATAC (Anastrozole, tamoxifène,
seuls ou associés) afin de prédire un risque résiduel de
récidive à distance chez des patientes ayant reçu une
hormonothérapie adjuvante, et ce de manière aussi
robuste que le risque de récidive (recurrence score [RS])
indiqué par l’Oncotype DX® (27). J.A. Engelberg et al. ont
récemment publié sur Internet un guide de formation
pour les pathologistes, intitulé “Score the Core”, afin d’améliorer la reproductibilité du score IHC4 et, donc, éventuellement d’accroître son utilisation en pratique (28).
Cependant, ce score n’est toujours pas approuvé par
les récentes recommandations de la Société américaine
d’oncologie clinique (ASCO®) [29].
MAGEE equation-based recurrence score
Le MAGEE equation-based recurrence score (MS) est fondé
sur les caractéristiques de la tumeur (le grade SBR, le
H-score pour les RE et les récepteurs à la progestérone [RP],
HER2, l’index Ki67 et la taille tumorale) et peut être utilisé comme moyen d’estimer le RS de l’OncotypeDX®,
en utilisant l’équation de Magee (http://path.upmc.edu/
onlineTools/ptvr.html) [30, 31]. La concordance entre le
MS (score gradué) et le RS était de 98,6 % en cas d’exclusion de la catégorie de risque intermédiaire dans le MS.
Mais elle a chuté à 54,3 % quand toutes les catégories ont
été incluses dans la comparaison. Par conséquent, le score
MS peut être utilisé à la place de l’actuel RS Oncotype DX®,
à condition que le MS estimé soit nettement élevé ou bas.
Synthèse sur l’utilité clinique du Ki67
dans le cancer du sein
Les biomarqueurs les plus fréquemment utilisés pour
l’estimation de la prolifération cellulaire dans le cancer
du sein sont présentés dans le tableau.
Le Ki67 sert aujourd’hui principalement à distinguer les
cancers du sein luminaux A des luminaux B parmi les cancers RE+/HER2− et, par conséquent, à orienter la décision
d’une chimiothérapie adjuvante au lieu d’une hormonothérapie seule. Comme il a été mentionné par le comité
d’experts de Saint-Gall en 2015, “la distinction entre les
cancers luminaux A, hormonosensibles, faiblement proliférants et de bon pronostic, et les cancers luminaux B,
moins sensibles à l’hormonothérapie, avec une prolifération plus élevée et un pronostic plus faible, pourrait être
définie selon les tests IHC pour les RE, RP et le Ki67, bien
que l’interprétation du Ki67 nécessite la connaissance des
valeurs locales du laboratoire” (11).
Pour résumer la difficulté d’apprécier l’intérêt clinique
du Ki67 dans le cancer du sein, C. Denkert et al. (32) ont
défini 3 groupes différents de cancers :
“• a. les cancers peu proliférants, ne répondant pas à la
chimiothérapie mais de bon pronostic (un Ki67 faible
est associé à un bon pronostic) ;
• b. les cancers fortement proliférants et chimiosensibles,
pour lesquels un Ki67 élevé est associé à un meilleur
taux de pCR et à une meilleure survie (un Ki67 élevé
est ici associé à un bon pronostic) ;
• c. les cancers fortement proliférants, chimio- ou hormonorésistants, pour lesquels l’augmentation du Ki67
est associée à une réduction de la survie (un Ki67 élevé
est ici associé à un mauvais pronostic)”.
Ces données suggèrent que, dans le cadre d’un traitement adjuvant, il est toujours difficile de distinguer la
valeur pronostique de la valeur prédictive du Ki67 ; tandis
Tableau. Marqueurs de prolifération les plus fréquemment utilisés dans le cancer du sein.
Marqueurs
Types
d’échantillon
Techniques
Interprétation
Utilité clinique
IM
Tissus FFPE
Lames HE
Comptage sur
10 champs × 40
Pronostique (SG, SSR)
Phosphorylated
histone 3
Tous, plus fréquemment
des tissus FFPE
IHC
Comptage sur
10 champs × 40
Marqueur pronostique supposé
(en complément de l’IM)
Ki67
Tous
IHC
Pourcentage
de cellules marquées
Marqueur prédictif de réponse
à la chimiothérapie adjuvante
à base de taxanes, marqueur
pharmacodynamique pour
l’hormonothérapie néo-adjuvante
et marqueur pronostique (SG, SSR)
Ki67 intégré
à des formules dérivées
mathématiques (PEPI,
RPCB, IHC4)
Tissus FFPE
Lames HE et IHC
Scores
Pronostic (SSR)
FFPE : fixés au formol et inclus en paraffine ; HE : hématoxyline et éosine ; IHC : immunohistochimie ; IM : index mitotique ; SG : survie globale ; SSR : survie sans récidive.
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que, dans le cadre d’un traitement néo-adjuvant, l’index
Ki67 avant le traitement constitue un facteur prédictif
et devient un facteur pronostique après le traitement.
Existe-t-il un seuil idéal pour l’index Ki67 ?
F. Penault-Llorca, B. Bayol et
N. Radosevic-Robin déclarent
ne pas avoir de liens d’intérêts.
Malgré le manque de standardisation et la variabilité
des seuils utilisés pour définir un Ki67 élevé (de 5 % à
34 %, voire plus), sa valeur pronostique et prédictive
a été démontrée dans la majorité des études (32). La
conférence de consensus de Saint-Gall, en 2009 (33), a
proposé 3 catégories : faible (≤ 15 %), intermédiaire (1630 %) et élevée (> 30 %). La conférence de Saint-Gall de
2011 (34) a fixé à 14 % le seuil permettant de distinguer
les cancers de type luminal A et ceux de type luminal B ;
celle de 2013 (10) a modifié ce seuil, l’élevant à 20 %, et
a donné la possibilité de l’adapter aux valeurs seuils de
chaque laboratoire. En 2015, “une majorité de membres
du comité était prête à accepter une valeur seuil comprise
entre 20 % et 29 % pour distinguer les luminaux B” (11).
Une récente étude italienne monocentrique et rétrospective portant sur 1 577 patientes RE+/HER2– a comparé
les seuils de Ki67 de 14 % et 20 %. Les auteurs ont tout
d’abord montré que les patientes avec un Ki67 > 20 %
présentaient les plus faibles taux d’intervalle libre et de
survie spécifique à 5 ans et 10 ans, quel que soit le statut
ganglionnaire : non métastatique (70 % des patientes)
ou métastatique. De plus, la combinaison du Ki67 avec
la taille tumorale et l’envahissement ganglionnaire dans
une classification en 3 groupes permettait d’identifier les
patientes à risque de rechute (35).
Fait d’importance, une méta-analyse récente (36), portant
sur 41 études et plus de 64 000 patientes, s’est intéressée au problème de l’utilité clinique du Ki67 : quel seuil
apporte l’information pronostique la plus pertinente
dans le cancer du sein à un stade précoce (excepté dans
le cas d’un traitement néo-adjuvant) ? Parmi 25 études
disponibles ayant analysé la valeur seuil significative du
Ki67 comme facteur prédictif sur la survie globale, celui
de 25 % était le plus significatif (HR = 2,05 ; IC95 : 1,66-2,53 ;
p < 0,00001). De plus, parmi les patientes RE+, ce seuil de
25 % était également significatif (HR = 1,51 ; IC95 : 1,251,81 ; p < 0,00001). Toutefois, en raison de la complexité
et de l’importance du Ki67 dans différents contextes, la
quête d’un seuil optimal unique semble illusoire.
Conclusion
L’évaluation de la prolifération cellulaire constitue un biomarqueur important dans la prise en charge du cancer
du sein, utilisé en tant que facteur pronostique et/ou
prédictif. Elle est primordiale dans les cancers du sein RE+/
HER2–, afin d’orienter la prise en charge thérapeutique.
Le Ki67 est un biomarqueur largement répandu et de
faible coût, utilisé pour mesurer et surveiller la prolifération cellulaire dans les échantillons tumoraux, en dépit
d’un faible consensus sur sa validité analytique en ce qui
concerne son évaluation, les méthodes de scoring, les
seuils, son interprétation et son utilité clinique. Le Ki67
semble être un marqueur de type “variable continue”,
reflétant la biologie tumorale. Des efforts internationaux
coordonnés ont permis de définir des recommandations
pour la standardisation de l’évaluation du Ki67, afin d’améliorer sa reproductibilité. L’utilité clinique du Ki67 très bas
ou très élevé est satisfaisante. Le seuil de 25 % constitue
un facteur prédictif significatif de la survie globale. En ce
qui concerne la zone intermédiaire (entre 15 % et 25 %),
des signatures multigéniques pourraient apporter des
informations utiles afin de guider la prise en charge
des patientes atteintes de cancers du sein RE+/HER2–
(cf. “Classification et signatures moléculaires des cancers
du sein en 2016”, de N. Joyon et M. Lacroix-Triki, p. 23). ■
Références
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monoclonal antibody reactive with a human nuclear antigen associated with cell proliferation. Int J Cancer 1983;31:
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