Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017
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Éditorial
Le cycle cellulaire dérégulé,
principe de base de la cancérologie
Deregulated cell cycle as a fundamental principle in cancer research
A
u milieu du XIX
e
siècle, Rudolf Virchow énonce le fameux aphorisme : “Omnis cellula e cellula”, faisant
émerger l’idée qu’une cellule cancéreuse naît d’une autre cellule, et qu’une tumeur prolifère dans
une partie du corps, procédant de celui-ci. La biologie cellulaire devient alors le fondement de la
compréhension de la cancérologie. Les dérégulations du cycle cellulaire qui aboutissent à la prolifération anarchique
des cellules néoplasiques apparaissent comme un pilier de la cancérogenèse. Ce cycle cellulaire, stimulé par une
balance entre signaux oncogéniques et signaux antimitotiques, progressant par phases spécifiques et contrôlé
par une séquence de points de contrôle, est maintenant de mieux en mieux compris (1). De nombreuses protéines
de régulation y jouent un rôle majeur : des anomalies de ces protéines apparaissent comme prépondérantes
dans le développement de la plupart des cancers, à commencer par p53 (voir “Ciblage thérapeutique de p53”, de
H. Bourien et J.S. Frénel, page 7). D’autres protéines moins connues sont, elles, plutôt impliquées dans des types
tumoraux particuliers (comme la protéine BAP1 [voir “BAP1 : un gène aux multiples fonctions impliqué dans de
nombreux processus tumoraux”, de A. de la Fouchardière, page 11]).
Dans le modèle du cancer du sein, l’étude de la prolifération des cellules cancéreuses aboutit rapidement à classer
les tumeurs à des fins pronostiques. En 1957, la classification de Bloom et Richardson (reprise plus tard par Scarff)
est fondée sur le grade nucléaire de la tumeur. Aujourd’hui encore, la détermination de l’index mitotique se fait par
comptage du nombre de mitoses. Cet indice de prolifération reste l’un des facteurs pronostiques les plus pertinents
pour apprécier le risque de rechute, mais également les chances de réponse aux chimiothérapies. L’intérêt de
l’utilisation du Ki67 dans ce domaine est donc revu dans ce dossier (voir “L’évaluation de Ki67 dans le cancer du sein :
actualités”, de F. Penault-Llorca, B. Bayol et N. Radosevic-Robin, page 17). Au-delà de l’évaluation de l’index mitotique,
les signatures multigéniques pronostiques, qui permettent d’affiner l’évaluation du risque de rechute, reposent elles
aussi en partie sur une évaluation des dérégulations du cycle cellulaire (via des gènes liés à la prolifération cellulaire)
[voir “Classification et signatures moléculaires des cancers du sein en 2016”, de N. Joyon et M. Lacroix-Triki, page 23].
Un siècle après l’aphorisme de Virchow, les divisions cellulaires deviennent la principale cible des agents
anticancéreux en développement. Par exemple, l’Institut national du cancer américain (NCI) a analysé plus de
700 000 composés chimiques, en testant notamment leur pouvoir antiprolifératif. Près de 80 traitements actifs
ont ainsi vu le jour grâce à ce programme de découverte d’antimitotiques. Encore aujourd’hui, le ciblage des
mécanismes moléculaires de la progression du cycle cellulaire reste un élément prépondérant dans la recherche
thérapeutique. Au début des années 1990, les premières utilisations du flavopiridol étaient prometteuses (2). En ce
moment, ce sont les inhibiteurs de CDK 4/6 (dont l’autorisation de mise sur le marché est récente) qui concentrent
toutes les attentions dans le traitement du cancer du sein. Et, sans nul doute, demain, d’autres inhibiteurs de
protéines de contrôle du cycle cellulaire verront le jour.
O. Trédan
Département de cancérologie médicale, centre Léon-Bérard, Lyon ; CNRSUMR5286,
Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL).
Références
1. Sherr CJ. Cancer cell cycles. Science 1996;274:1672-7.
2. Senderowicz AM, Sausville EA. Preclinical and clinical development
of cyclin-dependent kinase modulators. J Natl Cancer Inst 2000;92:376-87.
O. Trédan déclare avoir des liens d’intérêts
avec Pfizer, Novartis, Roche, AstraZeneca.
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