Éditorial Le cycle cellulaire dérégulé, principe de base de la cancérologie Deregulated cell cycle as a fundamental principle in cancer research A u milieu du XIXe siècle, Rudolf Virchow énonce le fameux aphorisme : “Omnis cellula e cellula”, faisant émerger l’idée qu’une cellule cancéreuse naît d’une autre cellule, et qu’une tumeur prolifère dans une partie du corps, procédant de celui-ci. La biologie cellulaire devient alors le fondement de la compréhension de la cancérologie. Les dérégulations du cycle cellulaire qui aboutissent à la prolifération anarchique des cellules néoplasiques apparaissent comme un pilier de la cancérogenèse. Ce cycle cellulaire, stimulé par une balance entre signaux oncogéniques et signaux antimitotiques, progressant par phases spécifiques et contrôlé par une séquence de points de contrôle, est maintenant de mieux en mieux compris (1). De nombreuses protéines de régulation y jouent un rôle majeur : des anomalies de ces protéines apparaissent comme prépondérantes dans le développement de la plupart des cancers, à commencer par p53 (voir “Ciblage thérapeutique de p53”, de H. Bourien et J.S. Frénel, page 7). D’autres protéines moins connues sont, elles, plutôt impliquées dans des types tumoraux particuliers (comme la protéine BAP1 [voir “BAP1 : un gène aux multiples fonctions impliqué dans de nombreux processus tumoraux”, de A. de la Fouchardière, page 11]). Dans le modèle du cancer du sein, l’étude de la prolifération des cellules cancéreuses aboutit rapidement à classer les tumeurs à des fins pronostiques. En 1957, la classification de Bloom et Richardson (reprise plus tard par Scarff) est fondée sur le grade nucléaire de la tumeur. Aujourd’hui encore, la détermination de l’index mitotique se fait par comptage du nombre de mitoses. Cet indice de prolifération reste l’un des facteurs pronostiques les plus pertinents pour apprécier le risque de rechute, mais également les chances de réponse aux chimiothérapies. L’intérêt de l’utilisation du Ki67 dans ce domaine est donc revu dans ce dossier (voir “L’évaluation de Ki67 dans le cancer du sein : actualités”, de F. Penault-Llorca, B. Bayol et N. Radosevic-Robin, page 17). Au-delà de l’évaluation de l’index mitotique, les signatures multigéniques pronostiques, qui permettent d’affiner l’évaluation du risque de rechute, reposent elles aussi en partie sur une évaluation des dérégulations du cycle cellulaire (via des gènes liés à la prolifération cellulaire) [voir “Classification et signatures moléculaires des cancers du sein en 2016”, de N. Joyon et M. Lacroix-Triki, page 23]. Un siècle après l’aphorisme de Virchow, les divisions cellulaires deviennent la principale cible des agents anticancéreux en développement. Par exemple, l’Institut national du cancer américain (NCI) a analysé plus de 700 000 composés chimiques, en testant notamment leur pouvoir antiprolifératif. Près de 80 traitements actifs ont ainsi vu le jour grâce à ce programme de découverte d’antimitotiques. Encore aujourd’hui, le ciblage des mécanismes moléculaires de la progression du cycle cellulaire reste un élément prépondérant dans la recherche thérapeutique. Au début des années 1990, les premières utilisations du flavopiridol étaient prometteuses (2). En ce moment, ce sont les inhibiteurs de CDK 4/6 (dont l’autorisation de mise sur le marché est récente) qui concentrent toutes les attentions dans le traitement du cancer du sein. Et, sans nul doute, demain, d’autres inhibiteurs de protéines de contrôle du cycle cellulaire verront le jour. O. Trédan Département de cancérologie médicale, centre Léon-Bérard, Lyon ; CNRS UMR5286, Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL). Références 1. Sherr CJ. Cancer cell cycles. Science 1996;274:1672-7. 2. Senderowicz AM, Sausville EA. Preclinical and clinical development of cyclin-dependent kinase modulators. J Natl Cancer Inst 2000;92:376-87. 4 0004_COO 4 O. Trédan déclare avoir des liens d’intérêts avec Pfizer, Novartis, Roche, AstraZeneca. Correspondances en Onco-Théranostic - Vol. VI - n° 1 - janvier-février-mars 2017 13/04/2017 09:32:22