Th´eor`eme du point fixe de Markov-Kakutani:
applications `a l’existence de mesures de Haar
et aux chaines de Markov
Bachir Bekka
14 Novembre 2005
On donne quelques exemples d’utilisation d’une version faible du th´eor`eme
du point fixe de Markov-Kakutani (celle concernant une seule application).
Tout d’abord, on montre que l’existence d’une mesure de Haar sur tout
groupe compact (non n´ecessairement commutatif!) est une cons´equence di-
recte de ce th´eor`eme. Une application en est donn´ee `a l’´etude des sous-
groupes compacts de GLn(R).On montrera aussi que l’existence de mesures
invariantes pour les chaines de Markov finies peut ˆetre d´eduite du th´eor`eme
du point fixe.
1 Th´eor`eme du point fixe de Markov-Kakutani:
version faible
Soit Eun espace vectoriel norm´e (r´eel ou complexe). On note E0l’espace dual
de E, espace des formes lin´eaires continues sur E. Muni de la norme habituelle
des applications lin´eaires continues, E0est un espace de Banach. On rappelle
(Th´eor`eme d’Alaoglu-Banach-Bourbaki) que les parties convexes, born´ees et
ferm´ees de E0sont compactes pour la topologie -faible sur E0.
Si Kest une partie convexe de E0,une application T:KKest une
transformation affine si
T(tx + (1 t)y) = tT (x) + (1 t)T(y),x, y K, 0t1.
1
Th´eor`eme 1 (Markov-Kakutani: version faible) Soit Eun espace
vectoriel norm´e et Kune partie convexe, born´ee, ferm´ee et non vide de E0.
Soit T:KKune application affine et continue pour la topologie -faible.
Alors Tposs`ede un point fixe dans K.
Preuve Dans toute la preuve, Ksera muni exclusivement de la topologie
topologie -faible. On fixe un point x0K. Pour tout nN,on consid`ere
le point
xn=1
n+ 1
n
X
i=0
Ti(x0).
Comme Kest convexe, xnK. Comme Kest compact, l’ensemble
C=\
nN
{xm:mn},
intersection d’une suite d´ecroissante de parties ferm´ees (toujours pour la
topologie -faible, les adh´erences ´etant prises dans cette topologie), est non
vide. Soit xC. Alors T x =x. En effet, soit vE. Alors, par d´efinition de
C, il existe une sous-suite (xnk)ktelle que limkxnk(v) = x(v).Comme Kest
born´e, C= supyK|y(v)|est fini. On a alors
|(T xnkxnk)(v)|=1
nk+ 1|Tnk+1x(v)x(v)| ≤ 2C
nk+ 1
et donc limk(T xnkxnk)(v) = 0.Comme Test continue, il s’ensuit que
(T x x)(v) = lim
k(T xnkxnk)(v) = 0,
c-`a-d T x(v) = x(v) pour tout vE, ce qui signifie que T x =x.
2 Mesure de Haar
Soit Gun groupe topologique et Fla tribu des bor´eliens de G. Une mesure
de Haar µsur Gest une mesure non nulle sur Fqui est invariante par
translation `a gauche, c-`a-d
µ(gA) = µ(A),pour tout A∈ F et tout gG,
et qui est r´eguli`ere, c-`a-d µ(K)<pour tout compact KG. Quand
Gest compact, on exige de plus que µsoit normalis´ee, c-`a-d que µest une
mesure de probabilit´e.
2
Th´eor`eme 2 Soit Gun groupe compact poss`edant une base d´enombrable de
la topologie. Alors il existe une unique mesure de Haar normalis´ee sur G.
De plus, µest ´egalement invariante par translation `a droite.
Preuve Soit E=C(G) l’espace vectoriel des fonctions continues f:GR,
muni de la norme f7→ kfk.L’espace Prob(G) des mesures de probabilit´e
sur Gs’identifie `a la partie de E0form´ee des ϕE0telles que ϕ(f)0 pour
toute fonction positive fC(G) et telles que ϕ(1G) = 1 : toute µProb(G)
d´efinit une telle forme lin´eaire sur C(G),not´ee encore µ, par
µ(f) = ZG
f(x)µ(dx),fC(G).
Chaque ´el´ement gGd´efinit une transformation affine gµ : Prob(G)
Prob(G) donn´ee par
gµ(f) = µ(gf),fC(G),
o`u gfC(G) est la fonction gf(x) = f(gx).Alors µProb(G) est une
mesure de Haar si et seulement si gµ =µpour tout gG.
Il est clair que Prob(G) est une partie convexe et ferm´ee de E0.De plus,
elle est born´ee, car kµk=µ(1G) = 1 pour toute µProb(G).
Comme Gposs`ede une base d´enombrable de la topologie, il existe une
suite (gn)n1dense d’´el´ements de G. Soit T: Prob(G)Prob(G) d´efinie
par
T(µ) = X
n1
1
2ngnµµProb(G).
Alors Test affine et continue pour la topologie -faible sur Prob(G).Par le
Th´eor`eme 1, Tfixe donc une mesure dans µProb(G).On a alors
X
n1
1
2ngnµ(f) = µ(f)
ou bien encore
()Pn1
1
2nRGf(gnx)µ(dx) = RGf(x)µ(dx)fC(G).
On va montrer que µest une mesure de Haar. En effet, soit fC(G).
Consid´erons la fonction Fsur Gd´efinie par
F(g) = gµ(f) = ZG
f(gx)µ(dx)gG.
3
La continuit´e uniforme de fmontre que FC(G).Par la propri´et´e (),on
a, pour tout gG:
X
n1
1
2nF(ggn) = X
n1
1
2nZG
f(ggnx)µ(dx)
=X
n1
1
2nZG
(gf)(gnx)µ(dx)
=ZG
(gf)(x)µ(dx)
=ZG
f(gx)µ(dx)
=F(g).
La fonction continue Fsur le compact Gatteint son maximum en un point
g0G. Ce qui pr´ec`ede implique que
X
n1
1
2nF(g0gn) = F(g0).
Il s’ensuit que F(g0gn) = F(g0) pour tout n1.Comme (gn)nest dense
dans Get par continuit´e de F, on a donc F(g0g) = F(g0) pour tout gG,
c-`a-d Fest constante sur G. Ceci signifie que
gµ(f) = F(g) = F(e) = µ(f)gG.
Donc µest invariante par translation `a gauche.
Soit Kl’ensemble des mesures de probabilit´e sur Gqui sont invariantes `a
gauche. C’est un sous-ensemble convexe et compact de Prob(G).Par ce qui
pr´ec`ede, Kest non vide. De plus, Gop`ere sur Kpar translation `a droite.
Le meme raisonnement que pr´ec´edemment montre qu’il existe une mesure eµ
dans Kqui est invariante par translations `a droite; eµest donc invariante `a
droite et `a gauche.
Pour montrer l’unicit´e de eµcomme mesure invariante `a gauche, soit ν
Prob(G) une autre mesure de probabilit´e invariante par translation `a gauche.
Alors, pour tout fC(G),on a, d’une part,
ZGZG
f(xy)eµ(dx)ν(dy) = ZG
f(x)eµ(dx)
4
car µest invariante par translation `a droite et, par Fubini, on a d’autre part,
ZGZG
f(xy)eµ(dx)ν(dy) = ZG
f(y)ν(dy)
car νest invariante par translation `a gauche. Ceci montre que ν=eµ.
Remarques 3 (i) Une mesure de Haar existe pour tout groupe localement
compact. De plus elle est unique, `a un multiple pr`es; voir par exemple A.
Weil: L’int´egration dans les groupes topologiques et ses applications, Her-
mann, 1965.
(ii) Dans la pratique, c’est l’assertion concernant l’unicit´e de la mesure
de Haar qui est la plus utile. En effet, pour des groupes donn´es explicite-
ment, l’existence d’une mesure de Haar est souvent facile `a ´etablir directe-
ment. Par exemple (voir aussi la Section 3), soit Gun groupe de Lie (i.e. G
poss`ede une structure de vari´et´e pour laquelle les op´erations de groupe sont
diff´erentiables). Une mesure de Haar sur Gs’obtient ainsi. Soit n= dim G
et fixons une forme n-lin´eaire altern´ee ωe6= 0 sur l’espace tangent Te(G) `a G
en l’´element neutre e. Pour tout gG, soit ωgla forme n-lin´eaire altern´ee
sur Tg(G) qui est l’image de ωepar la translation `a gauche par g1.De cette
mani`ere, on obtient une n-forme ωon Gqui est invariante par translation
`a gauche. Cette n-forme, qui est partout 6= 0,d´etermine une forme volume;
c’est la mesure de Haar cherch´ee.
Voici une application de l’existence d’une mesure de Haar `a l’´etude des
sous-groupes compacts de GLn(R).
Corollaire 4 Soit Gun sous-groupe compact de GLn(R)Alors Gest con-
jugu´e `a un sous-groupe du groupe orthogonal O(n).
Preuve Soit µune mesure de Haar normalis´ee de G. Soit h·|·i le produit
scalaire usuel sur Rn.On d´efinit un nouveau produit scalaire h·|·iGsur Rn
par
hx|yiG=ZG
hgx|gyiµ(dg)x, y Rn.
L’invariance de µmontre que h·|·iGest G-invariant, c-`a-d hgx|gyiG=hx|yiG
pour tous gGet x, y Rn.Soit MGLn(R) la matrice de la forme
bilin´eaire h·|·iGdans la base canonique de Rn,de sorte que
hx|yiG=tyMx x, y Rn.
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