Université Paris 7 – Denis Diderot Année 2005/2006
Licence 2 — MIAS MI4
Géométrie euclidienne
1 Le groupe des isométries
1.1 Passer d’une base orthonormée à une autre
Commençons par le problème suivant : soit (e1,··· , en)une base orthonormée de Eet (u1,··· , un)
une autre base de E. Soit Pla matrice de passage de (e1,··· , en)à(u1,··· , un), i.e.
(u1,··· , un) = (e1,··· , en)Puj=
n
X
i=1
eiPij .
Nous cherchons une condition nécessaire et suffisante sur Ppour que (u1,··· , un)soit aussi
une base orthonormée.
Pour cela notons Ala matrice de la forme bilinéaire ,·i (c’est à dire le produit scalaire !) dans
la base (u1,··· , un). Alors la base uest orthonormée ssi A= 1n. Or la théorie des formes
quadratiques nous dit que As’obtient à partir de la matrice de ,·i dans (e1,··· , en), c’est à
dire 1n, et de Ppar la relation
A=t
P1nP=t
P P.
Donc nous en déduisons la :
Proposition 1 Si (e1,··· , en)est une base orthonormée et si Pest la matrice de passage de la
base (e1,··· , en)à la base (u1,··· , un), alors (u1,··· , un)est orthonormée ssi
t
P P = 1n.
Remarque — On peut aussi retrouver ce résultat directement : nous avons
A=
a11 ··· a1n
.
.
..
.
.
an1··· ann
,
aij =hui, uji=*n
X
k=1
ekPki,
n
X
=1
ePℓj +=
n
X
k=1
PkiPkj .
On reconnaît à droite l’élément de la matrice t
P P situé à l’intersection de la i-ième ligne et de
la j-ième colonne. Et donc (u1,··· , un)est orthonormée ssi hui, uji=δij ,i, j, c’est à dire ssi
t
P P = 1n.
On note O(n) := {PGL(n, R)|t
P P = 1n}.
Lemme 1 On a les deux propriétés suivantes :
(a) Si PO(n), alors Padmet un inverse qui appartient à O(n)et, plus précisément, P1=t
P
(b) si P, P O(n), alors P P O(n).
Autrement dit O(n)est un sous-groupe de GL(n, R), c’est donc en particulier un groupe pour le
produit des matrices.
1
Démonstration — La première assertion, c’est à dire le fait que tout PO(n)est inversible,
avec t
Pcomme inverse, est une conséquence immédiate de la définition de O(n). La deuxième
propriété pourrait être démontrée directement en prouvant que, si t
P P = 1net t
PP= 1n, alors
t
(P P )(P P ) = 1n(Exercice : le faire !) ; mais nous allons l’établir par une autre méthode qui
repose sur la caractérisation donnée par la proposition 1.
Soit (ǫ1,··· , ǫn)une base orthonormée d’un espace euclidien Eet soit (u1,··· , un)et (v1,··· , vn)
les deux autres bases de Etelles que :
(u1,··· , un) = (ǫ1,··· , ǫn)Pet (v1,··· , vn) = (u1,··· , un)P,
(c’est à dire Pest la matrice de passage de (ǫ1,··· , ǫn)à(u1,··· , un)et Pest la matrice de
passage de (u1,··· , un)à(v1,··· , vn)). Alors on a, à cause de la proposition 1 :
PO(n)et (ǫ1,··· , ǫn)orthonormée =(u1,··· , un)est orthonormée
PO(n)et (u1,··· , un)orthonormée =(v1,··· , vn)est orthonormée
Mais
(v1,··· , vn) = (ǫ1,··· , ǫn)P P ,
et donc, puisque (v1,··· , vn)est orthonormée, on doit avoir P P O(n)toujours à cause de la
proposition 1.
Définition 1 L’ensemble O(n) := {PGL(n, R)|t
P P = 1n}, muni du produit matricel est le
groupe orthogonal de dimension n.
1.2 Isométries
Définition 2 Soit Eun espace vectoriel euclidien. On appelle isométrie de Etout endomor-
phisme de Etel que :
x, y E, hf(x), f(y)i=hx, yi
(on dira alors que fpréserve le produit scalaire). On note O(E)l’ensemble des isométries de E.
Proposition 2 O(E)est un groupe pour la loi de composition .
Démonstation — Nous devons montrer que :
toute isométrie fO(E)est inversible. Pour cela, comme fest un endomorphisme, il
suffit de montrer que fest injectif (ce qui entraîne automatiquement que fest surjectif), c’est
à dire que Kerf={0}. Or xE,f(x) = 0 entraîne que ||x||2=||f(x)||2=||0||2= 0, donc
que x= 0
la composée de deux isométries est une isométrie. C’est une conséquence très simple
de la définition de O(E)et nous la laissons au lecteur à titre d’exercice.
Caractérisation matricielle dans une base orthonormée
Soit fEnd(E)et (e1,··· , en)une base orthonormée de E. Alors, si fest une isométrie, il est
clair que l’on a nécessairement
hf(ei), f(ej)i=hei, eji,i, j. (1)
2
Mais (1) est aussi une condition suffisante car, si elle satisfaite, on a : x, y E,
hf(x), f(y)i=*f n
X
i=1
xiei!, f
n
X
j=1
xjej
+
=
n
X
i=1
n
X
j=1
xiyjhf(ei), f(ej)i
=
n
X
i=1
n
X
j=1
xiyjhei, eji=hx, yi
et donc fest bien dans O(E).
Soit Ala matrice de fdans (e1,··· , en). Cherchons à quelle condition sur Aon a fO(E). En
notant
A=
a11 ··· a1n
.
.
..
.
.
an1··· ann
,
on a
f(ej) =
n
X
i=1
eiaij ,j,
et
hf(ei), f(ej)i=*n
X
k=1
ekaki,
n
X
=1
eaℓj+=
n
X
k=1
akiakj .
Donc une condition nécessaire et suffisante pour que fsoit une isométrie est (1), qui équivaut
à : hf(ei), f(ej)i=hei, eji,i, j
n
X
k=1
akiakj =δij ,i, j
tAA = 1n
AO(n).
Nous en concluons que :
Proposition 3 Si (e1,··· , en)est une base orthonormée de E, si fEnd(E)et si Aest la
matrice de fdans (e1,··· , en), alors fO(E)ssi
AO(n),i.e. AA = 1n.
Petit récapitulatif des propriétés de O(n)
Nous avons vu que O(n)forme un groupe et, en particulier, toute matrice AO(n)est inversible,
avec A1=t
A. Une autre propriété est capitale :
AO(n),1 = det(1n) = det(t
AA) = dett
A(detA) = (detA)2.
Donc
AO(n),detA=±1.
Cela nous amène à définir :
3
Définition 3 L’ensemble
SO(n) := {AO(n)|detA= 1}
est un sous-groupe de O(n), appelé groupe des rotations de dimension n.
Nous devons justifier l’assertion faite dans la définition ci-dessus, à savoir que SO(n)est un
sous-groupe de O(n). Autrement dit, il faut montrer que :
1. ASO(n),Aadmet un inverse dans SO(n): cela provient de l’identité det(A1) =
det(t
A) = detA
2. A, ASO(n),AASO(n): cela provient de l’identité det(AB) = (detA) (detB).
Etude d’un premier exemple : le groupe O(2)
Soit
A=a b
c d O(2),
cherchons à analyser la relation t
AA = 12. Comme
A2=a2+c2ab +cd
ab +cd b2+d2,
cela nous donne le système d’équations :
a2+c2= 1 (i)
ab +cd = 0 (ii)
b2+d2= 1 (iii)
La relation (i) équivaut à : θR,
a
c=cos θ
sin θ.
Alors la relation (ii) nous donne : bcos θ+dsin θ= 0, donc λR,
b
d=λsin θ
cos θ.
Mais alors la relation (iii) entraîne : λ2= 1, donc
A=cos θλsin θ
sin θ λ cos θ,avec λ=±1.
Il est alors intéressant de remarquer que detA=ad bc =λ. Ainsi
si detA= 1,ASO(2) et, plus précisément,
A=cos θsin θ
sin θcos θ
est la matrice de rotation d’angle θ.
si detA=1,AO(2) \SO(2) et, plus précisément
A=cos θsin θ
sin θcos θ,
est la matrice1de la symétrie orthogonale dans R2d’axe la droite engendrée par
u=cos θ
2,sin θ
2.
1dans la base canonique de R2, qui est en même temps une base orthonormée pour la structure euclidienne
canonique de R2
4
Exercice Démontrer que toute matrice Adans O(2) est diagonalisable dans C2et que : si detA=
1,Aest seulement diagonalisable dans C2, avec les valeurs propres eet e; si detA=1,A
est diagonalisable dans R2, avec les valeurs propres 1et 1.
1.3 Diagonalisation des isométries
Nous allons étudier plus en détail la structure du groupe O(n)des isométries.
Lemme 2 Soit AO(n), alors, si λC\Rest valeur propre de A, alors λest aussi valeur
propre de A. De plus les valeurs propres de Asont toutes de module égal à 1.
Démonstration — Prenons une telle matrice d’isométrie Aassocions-lui l’endomorphisme
f:CnCn
x7−Ax,
Cnest identifié avec l’ensemble des matrices colonnes avec ncomposantes complexes et
x=
x1
.
.
.
xn
.
(i) Soit λCune valeur propre de f, alors xCntel que x6= 0 et Ax =f(x) = λx. Cela
entraîne, en utilisant le fait que les éléments de la matrice Asont réels :
Ax=Ax =Ax =λx =λx.
Cette identité nous indique donc que λest aussi valeur propre de f(avec le vecteur propre x).
En particulier, si λn’est pas réel, alors λ6=λ.
(ii) Utilisons à présent le fait que t
AA = 1n: cela donne, xCn,
t
(Ax)Ax =t
(Ax)Ax =t
xt
AAx =t
xt
AAx =t
x1nx=t
xx.
Mais, si on suppose en plus que xest vecteur propre de fpour la valeur propre λ, alors
t
(Ax)Ax =t(λx)λx =t
xλλx =|λ|2t
xx.
En comparant les deux identités, on en déduit que
t
xx =|λ|2t
xx.
Et comme on peut déduire facilement de x6= 0 le fait que |x|26= 0, on conclut que |λ|2= 1.
Donc λa bien un module égal à 1.
Corollaire 1 Si AO(n)et si λest une valeur propre réelle de A, alors λ=±1. Si λest une
valeur propre non réelle de A, alors λest une autre valeur propre de A.
Lemme 3 Soit Eun espace vectoriel euclidien de dimension finie n. Soit fO(E)une ismétrie
de Eet soit Fun sous-espace vectoriel de E. Si Fest stable par f, alors Fest stable par f.
Démonstration — Rappelons que dire que « Fest stable par f» signifie que : xF,f(x)F.
Observons maintenant que, puisque Fest stable par fet
xF, ||f(x)|| =||x||,
la restriction f|Fde fàFest une isométrie de Fdans F. Donc en particulier f|Fest inversible,
i.e. yF,!xFtel que y=f(x). A présent, soit aFquelconque et cherchons à montrer
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