CAS CLINIQUE Mots-clés Agénésie – Péricarde – Congénital – Malformation cardiaque Keywords Agenesis – Pericardium – Congenital – Heart defect Un trou dans la chaussette A hole in the sock P. Régnier* M onsieur D., 42 ans, se présente aux urgences pour des douleurs thoraciques atypiques. Observation Il n’a pas d’antécédent particulier. Il est tabagique actif et n’a aucun antécédent familial de cardiopathie congénitale, ni de mort subite. La veille de son admission, il a présenté des épigastralgies non liées à l’effort, irradiant dans l’hypocondre droit. L’ECG initial met en évidence un courant de lésion sous-épicardique en précordial, et le patient est hospitalisé en soins intensifs de cardiologie pour suspicion de syndrome coronarien aigu. La radiographie thoracique montre une anomalie de la silhouette cardiaque (figure 1). À l’échographie, on ne retrouve ni valvulopathie ni dysfonction myocardique, mais une déformation diastolique du ventricule gauche, avec une déportation exagérée de la paroi latérale ainsi qu’un méga-auricule gauche. Devant la présentation clinique atypique, un coroscanner est réalisé en première intention, mettant en évidence des coronaires saines mais une agénésie péricardique antérolatérale aux deux tiers basaux (figure 2). Afin de ne pas méconnaître un étranglement herniaire, un complément de bilan est réalisé comportant, notamment, une IRM cardiaque et une coronarographie. L’IRM confirme le diagnostic d’agénésie péricardique partielle (figure 3). La coronarographie élimine un étranglement herniaire des coronaires (figure 4), et une échographie de contraste confirme la déformation ventriculaire gauche en diastole (figure 5). Devant l’absence de signe de gravité sur les différents examens et l’atypie des symptômes, nous n’avons pas retenu d’indication à la péricardoplastie et Monsieur D. est rentré à son domicile. ▲ Figure 1. ECG et radiographie thoracique. Sur l’ECG, on retrouve une négativation des ondes T dans les dérivations précordiales de V3 à V6. Sur la radiographie, on note une disparition du bord droit du cœur et une inversion de l’arc moyen avec une probable hernie auriculaire gauche. Dans la forme complète de l’agénésie péricardique, on observe une langue de poumon qui s’interpose entre l’aorte et l’artère pulmonaire. Discussion L’agénésie péricardique est une maladie rare et probablement sous-estimée, retrouvée chez 0,044 % de la population (1). Elle * Assistant du service de cardiologie, hôpital Saint-Joseph, Paris. 32 | La Lettre du Cardiologue • N° 504 - avril 2017 est complète à gauche chez 67 % des patients (2) et plus rarement partielle, bilatérale ou ventriculaire droite. Le diagnostic est souvent fortuit, lors d’une intervention chirurgicale ou post-mortem, mais il peut aussi être fait à la suite de l’exploration de douleurs thoraciques atypiques, ou d’anomalies ECG et radiographiques. La radiographie A CAS CLINIQUE B ◀ Figure 2. A . Scanner cardiaque avec plan de coupe passant par les 4 cavités. La graisse péricardique est visible à l’apex puis disparaît au niveau des deux tiers basaux de la paroi latérale (pointillés). On peut également visualiser le méga-auricule gauche en coupe axiale (flèche). B . Sur le coroscanner, on note l’existence d’un long pont myocardique de 5 cm (pointillés) de la partie proximale de l’IVA, débutant à peine 1 cm après son origine sans sténose ni athérome significatif. A B ▶ Figure 3. IRM cardiaque. A . En séquence FIESTA, on observe une déformation diastolique des deux tiers basaux de la paroi latérale (entre les flèches rouges), confirmant l’agénésie partielle du péricarde. Sur l’image B , en séquence SSFP petit axe, le péricarde apparaît comme un liseré noir. Ce liseré disparaît entre les 2 flèches rouges, témoignant de l’agénésie péricardique partielle. A A B B ◀ Figure 4. Coronarographie et angiographie ventriculaire gauche. A. La coronarographie montre une cambrure de l’IVA en diastole qui s’arque de façon exagérée sans qu’il y ait de diminution de son calibre, qui serait en faveur d’un étranglement herniaire. B. L’angiographie montre la déformation diastolique du ventricule gauche. est un bon examen de dépistage avec une déformation de la silhouette cardiaque quasi systématique. Le péricarde est mal visualisé en échographie, mais cet examen permet d’objectiver la déformation diastolique du myocarde et d’identifier les anomalies anatomiques parfois associées. L’IRM cardiaque est considérée comme l’imagerie de référence dans l’agénésie péricardique (3). Elle autorise les 2 approches : anatomique, avec le défect péricardique et le dépistage d’anomalies anatomiques associées ; et dynamique, avec la déformation cardiaque et la cinétique ventriculaire. Le scanner est un peu délaissé dans la littérature, mais il favorise une approche anatomique fine du péricarde. Ici, il a permis la visualisation du défect péricardique et l’élimination d’un diagnostic différentiel. Il a donc toute sa place dans l’exploration de l’agénésie péricardique. ■ L’auteur remercie le Dr P. Garçon (hôpital Saint-Joseph, Paris) pour l’iconographie. C ◀ Figure 5. Échographie transthoracique. Vue échographique classique en coupe 2 cavités (A) avec visualisation du méga-auricule (flèche rouge). L’échographie de contraste permet d’objectiver la déformation diastolique du ventricule gauche en 4 cavités ( B)et en petit axe ( C). On y voit l’expansion inhabituelle des portions basale et médiane de la paroi latérale (ligne en pointillés). Ce cas clinique a été finaliste du Grand Prix Recherche clinique en cardiologie 2015. Références bibliographiques 1. Van Son JA, Danielson GK, Schaff HV, Mullany CJ, Julsrud PR, Breen JF. Congenital partial and complete absence of the pericardium. Mayo Clin Proc 1993;68(8):743-7. 2. Abbas AE, Appleton CP, Liu PT, Sweeney JP. Congenital absence of the pericardium: case presentation and review of literature. Int J Cardiol 2005;98(1):21-5. 3. Steinberg C, Pelletier MJ, Perron J, Kumar A, Champagne J. Sudden cardiac arrest due to subtotal absence of left-sided pericardium – case report and review of the literature. Congenit Heart Dis 2013;8(3):E92-8. P. Régnier déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article La Lettre du Cardiologue • N° 504 - avril 2017 | 33