La personne âgée

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l’Avant-Garde
Le journal des soins infirmiers du CHUM
Vol. 8 No 3 Automne 2008
Thème de ce numéro :
La personne âgée
OPTIMAH : ou comment mieux
soigner les ainés à l’urgence et
dans les unités de soins aigus
Au CHUM, la clientèle des personnes âgées
de plus de 65 ans hospitalisée en courte
durée est de 36 %. Cette proportion atteint
de 45 à 67 % dans certains services autres
que la gériatrie (cardiologie, médecine interne, orthopédie, urologie). Comment le
CHUM envisage-t-il d’adapter et d’améliorer
les soins à cette clientèle? Notamment en
créant un projet d’OPTIMisation des soins
aux personnes Âgées à l’Hôpital, que l’on a
appelé OPTIMAH.
L’hospitalisation, un risque en soi pour la personne âgée
La personne âgée est plus vulnérable aux complications iatrogéniques1 d’une hospitalisation
menant très souvent au déclin fonctionnel. Près du tiers des personnes âgées hospitalisées
en soins aigus subissent un déclin fonctionnel dont près de 40 % présente une perte d’autonomie significative qui deviendra souvent irréversible (Sager, 1998). Cela affecte tant la
qualité de vie à long terme du patient âgé et celle de ses proches aidants, que le coût des soins
de santé (polypharmacie, augmentation de la durée de séjour et du taux d’hébergement...).
Paradoxalement, le déclin fonctionnel de l’aîné survient souvent en même temps que
l’amélioration de la condition ayant précipité son hospitalisation, ce que Palmer, Counsell
et Landefeld (2003) nomment un syndrome dysfonctionnel (voir la figure en page 3).
Sommaire
•
•
•
OPTIMAH : ou comment mieux soigner les ainés
à l’urgence et dans les unités de soins aigus
1
La planification du congé hospitalier
des personnes âgées... une affaire de famille !
5
La personne âgée et le syndrome d’immobilisation :
un enjeu infirmier
9
Perdre son permis de conduire :
une étape difficile pour la personne âgée
13
•
Mot de la présidente du CII
15
•
Ressources
16
•
Adresses santé
16
•
Par Sylvie Lafrenière, inf., M. Sc., et Dre Annik Dupras
Sylvie Lafrenière est conseillère en soins spécialisés, regroupement
de médecine contemporaine et soins prolongés. Dre Annik Dupras
est médecin interniste-gériatre. Toutes deux sont responsables
du projet OPTIMAH du CHUM.
Bien que nous soignions avec la plus récente technologie, certaines
pratiques de soins ont été peu remises en question et nuisent à
la personne âgée (ex. : le repos au lit par défaut, la tolérance de
la malnutrition, etc.). Ces pratiques relèvent de certains mythes
reliés à la méconnaissance du vieillissement normal et des
besoins essentiels de la personne âgée malade. Cette ignorance
entraîne trop souvent des attitudes d’abandon ou de surprotection
de la part du personnel soignant et des proches.
Par ailleurs, les lieux physiques de l’hôpital ont été conçus en
fonction d’une population plus jeune et plus rapidement autonome
après un épisode de maladie aiguë et sont mal adaptés (chambres
exigües, salles de bain difficiles d’accès et d’utilisation, lits trop
hauts, etc.) à une clientèle âgée qui nécessite souvent une aide
technique (canne, cadre de marche).
1
Iatrogénique : conséquences indésirables des soins et traitements médicaux.
Des hôpitaux plus accueillants
pour les aînés
Depuis une dizaine d’années, aux États-Unis
et au Canada, des projets d’envergure visant
spécifiquement le soin des aînés en centre
hospitalier de courte durée ont été développés tant pour l’urgence que pour les unités
d’hospitalisation (Acute Care Geriatric Nurse
Network, 2007; Grenier, L’Heureux et Côté,
2007; Palmisano-Mills, 2007; Parke et Brand,
2004; Regional Geriatric Program of Ontario,
2006).
En mai 2008 à Montréal, le colloque Un hôpital accueillant pour les aînés a mis en commun les initiatives et les projets québécois et
canadiens visant à mieux adapter l’hôpital
d’aujourd’hui aux besoins des personnes
âgées, en tenant compte des nombreux
besoins déjà clairement exprimés.
Ces projets sont basés sur des résultats
d’études confirmant que des changements
peu coûteux peuvent être apportés à l’approche aux aînés dans un cadre de soins
aigus, avec des bénéfices tant pour le patient
que pour l’établissement (Inouye, Baker,
Fugal et Bradley, 2006; Palmer et al., 2003).
Formation et prévention
Au CHUM, plusieurs activités de formation
ont été dispensées sur la prévention et la
gestion du délirium, le syndrome d’immobilisation, la prévention des chutes et les solutions
de rechange à la contention physique. Nous
offrons aussi toute une gamme de services interdisciplinaires spécialisés en gériatrie et, depuis plus de huit
ans, le CHUM compte six infirmières de suivi systématique de clientèle âgée dont une est présente à l’urgence
de l’Hôpital Notre-Dame 5 jours/semaine. Malgré tout, nous constatons toujours un manque de connaissances
en matière de soins aigus adaptés aux besoins des aînés ainsi qu’une trop faible intégration des enseignements
à la pratique.
À l’automne 2007, la direction du CHUM a désigné deux chargées de projet dont le mandat, en partenariat avec
les directions concernées, est de définir et d’implanter des interventions pour améliorer la prise en charge de
la clientèle âgée fragile, à l’urgence et dans les unités de soins. Ces interventions visent la prévention du déclin
fonctionnel relié aux syndromes gériatriques et aux complications iatrogéniques.
Dans le cadre de ce projet, chaque regroupement clientèle, service, unité et équipe professionnelle est appelé
à examiner ses pratiques en matière de soins à sa clientèle plus âgée, à identifier celles à maintenir et à
améliorer, ainsi que les obstacles pour y arriver. De plus, les gestionnaires seront sensibilisés à l’acquisition de
matériel adapté et à la mise en place d’améliorations aux environnements physiques favorisant le maintien de
l’autonomie fonctionnelle.
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OPTIMAH : l’affaire de tous mais plus particulièrement des soins infirmiers
Bien qu’OPTIMAH nécessite la participation de toutes les disciplines, les infirmières sont
particulièrement visées vu la place prépondérante qu’elles occupent durant l’hospitalisation, notamment en matière d’évaluation et d’intervention précoce, ainsi que pour leurs
compétences à mobiliser l’équipe de soins infirmiers et à établir un partenariat avec le
patient et ses proches.
Parce que le projet repose en grande partie sur des activités préventives, il est
nécessaire de valoriser certains soins infirmiers dits de base qui sont des
interventions de prévention essentielles pour contrer les risques associés à la
maladie aiguë et à l’hospitalisation et ainsi assurer une récupération fonctionnelle
maximale. Ces soins de base sont les suivants :
Favoriser
Assurer
• l’orientation et la communication (compenser
les problèmes de vision et d’audition);
• un apport hydrique et
nutritionnel adéquat;
• une mobilisation précoce;
• l’arrêt des soins et des traitements qui ont un impact
sur la mobilité le plus rapidement possible (sonde
urinaire, intraveinothérapie en continu, etc.);
• l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne
(ne pas faire pour le patient ce qu’il est en mesure
de faire lui-même);
• le soulagement optimal de la
douleur tout en appliquant des
mesures de pharmacovigilance;
• un environnement physique
sécuritaire et adapté aux
besoins d’aide.
• l’élimination et la continence urinaire;
• le sommeil par des moyens non pharmacologiques.
Les infirmières doivent avoir ces soins en tête lors de la rédaction du plan
thérapeutique infirmier, assumer un leadership mobilisateur auprès de leur
équipe et des proches aidants et reconnaître les efforts de chacun.
Modèle conceptuel du syndrome dysfonctionnel
Personne âgée fonctionnelle
Maladie aiguë
Atteinte fonctionnelle possible
Hospitalisation
Environnement hostile
Dépersonnalisation
Alitement
Malnutrition
Médicaments
Procédures
Humeur dépressive
Attentes négatives
De « Clinical intervention trials.
The ACE unit » de R. M. Palmer, S.
R. Counsell et S. C. Landefeld, 1998,
Clinics in Getriatric Medecine, 14(4),
p. 832. Traduit et reproduit avec la
permission de Elsevier Limited.
Atteinte physique
Personne âgée avec atteintes fonctionnelles
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Déceler, traiter, assurer le suivi
Dès l’admission, à l’aide de l’outil d’évaluation initiale, les infirmières
peuvent déceler la présence d’une atteinte fonctionnelle et de facteurs
de risque de complications tels le délirium et les chutes. Ce repérage
devrait déclencher une série d’actions préventives et thérapeutiques,
telles que déterminées au plan thérapeutique infirmier (PTI) et être
transmis à tous les membres de l’équipe de soins infirmiers. Par la suite,
les infirmières, en collaboration avec les préposés et infirmières auxiliaires,
évaluent tout au long du séjour les signes de conditions de santé à
risque d’affecter le statut fonctionnel soit : les changements cognitifs
(délirium), la perte de mobilité ou l’incapacité aux
AVQ, la déshydratation, la malnutrition, l’insomnie,
l’incontinence de novo, les plaies de pression. L’installation d’une de ces conditions, si elle n’est pas
traitée précocement, peut déclencher une cascade
d’événements défavorables.
Ces « signes vitaux gériatriques », tels que désignés
par Inouye et al. (1993), n’ont rien de nouveau et
font déjà l’objet de surveillance clinique, mais leur
présence ne déclenche pas assez souvent l’état
d’alerte conduisant à une modification du plan d’intervention. C’est pourquoi Fulmer (2007) a élaboré un
outil pour l’évaluation infirmière des personnes âgées
prenant la forme de l’acronyme SPICES. L’équipe
OPTIMAH du CHUM a développé une adaptation
française de cet outil ainsi qu’un guide d’utilisation.
L’acronyme utilisé est AINÉES : Autonomie (mobilité
et hygiène) et chutes, Intégrité de la peau, Nutrition,
Élimination, État cognitif et comportement, Sommeil.
Faire équipe avec le patient âgé et ses proches
L’équipe de soins infirmiers favorise le partenariat avec les patients âgés
et leurs proches en les informant des moyens pour prévenir le déclin
fonctionnel lors du traitement d’une maladie aiguë ou d’un séjour hospitalier. Entre autres, les proches peuvent contribuer à la compréhension et
à la motivation du patient en plus de participer à certaines interventions
(hydratation, alimentation, mobilisation, orientation).
Des soins « high tech » et « high care »!
L’adaptation des soins hospitaliers aux besoins des personnes âgées vulnérables exige plus que de la formation et la bonne volonté des individus.
Seule une approche concertée et systémique peut mener à une réelle
transformation des pratiques institutionnelles. L’amélioration des soins
aux aînés passe d’abord par la valorisation des actions quotidiennes
des infirmières, des préposés aux bénéficiaires et des infirmières
auxiliaires, visant à prévenir le déclin fonctionnel. Les médecins et
les autres professionnels doivent appuyer et valoriser ces interventions.
Les gestionnaires, quant à eux, sont appelés à examiner les moyens pour
soutenir les bonnes pratiques cliniques en lien avec les soins aigus des
aînés.
Dans un environnement où les prouesses technologiques et médicales
sont à l’avant-scène et desservent bien la clientèle âgée, la vulnérabilité
des aînés nous rappelle toute la valeur des soins quotidiens axés sur la
récupération de l’autonomie et le maintien de la qualité de vie.
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Pourquoi des signes vitaux
gériatriques (AINEES) ?
• Structurer l’évaluation en fonction de six aspects
de la santé où une détérioration est considérée
prédictive de complications et de déclin fonctionnel
• Mettre davantage l’emphase sur l’état de santé
global du patient âgé plutôt que de cibler uniquement
la maladie l’ayant conduit à l’hôpital
• Identifier de façon précoce les signes d’installation
ou de présence de conditions à risque
• Fournir une vue d’ensemble de la réponse du
patient âgé aux soins et traitements dispensés
Références
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Geriatric Nurse
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Grenier, L.,
L’Heureux, M. et
Côté, E. (2007).
Développement
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professionnelles
en matière de
dépistage, d’évaluation et d’intervention auprès
des personnes
âgées à risque de
perte d’autonomie
nécessitant des
soins aigus.
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Consulté le 5-112007 à http://rgp.
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Rudberg, M. S.
(1998). Functional
decline associated
with hospitalization for acute illness. Clinics in
Getriatric Medecine, 14(4), 669679.
Recherche
Par Francine Ducharme, inf., Ph. D.
Dre Francine Ducharme est professeure titulaire à la Faculté des sciences infirmières de l’Université
de Montréal et titulaire de la Chaire Desjardins en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille.
La planification du congé
hospitalier des personnes âgées...
une affaire de famille !
Planification du congé hospitalier
Avec le vieillissement de la population et les grands changements
dans la structure des familles et des systèmes de santé, de nouvelles
problématiques et de nouveaux besoins ont émergé au cours des
dernières décennies dans la plupart des pays industrialisés. Parmi
ceux-ci, on ne peut passer sous silence le phénomène du soin dans
la famille. Notamment, le fameux virage que l’on dit « ambulatoire »
met grandement à profit l’engagement des membres des familles
dans les soins offerts à leurs parents vieillissants. L’objectif de ce
virage est de permettre une réintégration rapide des personnes âgées
au sein de leur domicile, tout en réduisant les journées d’hospitalisation et les coûts. Dans cette perspective, il va de soi que la
planification du congé hospitalier prend une importance capitale.
Depuis près d’une quinzaine d’années, plusieurs études
ont été réalisées sur l’hospitalisation des personnes
âgées, entre autres, sur les effets des différentes
modalités de planification du congé hospitalier et de
suivi systématique lors du retour à domicile (Burns,
Lamb et Wholey, 1996; Congdon, 1994; Jackson,
1994a). Plusieurs appellations sont utilisées pour
qualifier ces modalités de prestation des soins. On parle
parfois de gestion de cas (case management), de soins
intégrés (managed care), de gestion du processus de
soins ou de cheminement clinique (care map).
Ces différentes façons de faire ont été développées
afin de favoriser une transition harmonieuse lors du
passage de l’hôpital au domicile. Cette transition constitue une période de changement dans les habitudes
de vie des personnes âgées, de même qu’une période
de grands déséquilibres et de vulnérabilité. Elle se
caractérise bien souvent par la nécessité d’apprendre
de nouvelles habiletés, de modifier l’environnement
familier (le domicile) et de changer les rôles et fonctions au sein de la famille (Schumacher, Jones et
Meleis, 1999).
Malgré le fait que différents programmes de planification du congé hospitalier aient été développés
dans plusieurs milieux de pratique, il semble que de
20 à 40 % de ces programmes ne répondent pas aux
besoins des personnes âgées (Leclerc, Wells, Craig et
Wilson., 2002). Une des raisons invoquées pour expliquer cet insuccès serait que les professionnels n’impliquent pas suffisamment les familles dans le
processus de planification du congé. Cette situation
concerne bien évidemment les infirmières qui ont un
rôle prépondérant à jouer au cours de ce processus.
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En somme, en dépit de l’importance attribuée au suivi
clinique au cours de cette transition, les familles,
particulièrement les membres des familles qui occupent
le rôle d’aidants familiaux (encore souvent appelés
« aidants naturels »), demeurent plutôt en périphérie
et ce, même s’ils souhaitent participer à la planification
du congé de leur proche et connaître les ressources
disponibles après son hospitalisation (Roberge,
Ducharme, Lebel, Pineault et Loiselle, 2002).
Les connaissances actuelles et les résultats probants
mettent en évidence que la communication avec la
famille et l’évaluation des besoins des personnes
âgées et de leurs proches peuvent avoir une influence
sur de nombreux facteurs tels la durée de séjour, la
satisfaction face aux soins et services, l’accès aux
ressources dans la communauté, l’habileté à fonctionner
dans son environnement naturel et, sans conteste, la
continuité des soins (Bull, 1994; Grimmer, Moss et
Gill., 2000; Jackson, 1994b). Le besoin d’informations
à propos des soins (par exemple en ce qui a trait aux
médicaments, traitements et équipements), des activités de la vie quotidienne et domestiques et des
ressources disponibles avant le congé ressort constamment des études portant sur les besoins des personnes
âgées et des familles (Weaver, Perloff et Waters, 1998).
Il s’agit là de dimensions pour lesquelles les infirmières peuvent faire toute la différence.
Perceptions et besoins
de la personne âgée et de sa famille
Par ailleurs, même si certains besoins des personnes
âgées et de leur famille ont été identifiés, très peu de
travaux ont porté sur les perceptions ou opinions des
familles quant aux services qui leur sont offerts au
moment du congé hospitalier, notamment quant aux
soins infirmiers. C’est à la suite de cette observation
que nous avons conduit une étude ayant pour but,
entre autres, d’explorer ces perceptions (Ducharme,
Pérodeau, Paquet, Legault et Trudeau., 2004). Globalement, plusieurs faiblesses et limites ont été décrites
par les familles dont voici celles qui ont fait l’unanimité.
L’absence d’évaluation, avant le congé, des capacités
des familles à prendre en charge les soins à domicile,
de même que l’absence d’évaluation des ressources de
l’entourage pouvant leur venir en aide après le congé
sont des limites importantes qui ont été identifiées.
Les familles soulignent plus précisément qu’une grille
d’évaluation de leur situation et de leur contexte de
vie devrait être systématiquement utilisée afin de
favoriser la continuité des soins. La nécessité pour les
aidants familiaux de prodiguer des soins professionnels,
sans trop d’enseignement au préalable a également
été notée. Certains aidants se perçoivent véritablement
comme de « quasi-infirmières », sans pour autant bénéficier d’une formation avant le congé pour réaliser les
activités de soins, souvent complexes, qui leur sont
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imposées. Les familles invoquent aussi l’importance
d’une planification du congé pour laquelle elles
seraient partenaires et réclament leur inclusion dans les
processus décisionnels concernant leurs parents âgés.
Elles s’attendent à des soins offerts par un personnel
infirmier ayant une connaissance de leur situation de
soins et une considération de leurs besoins de soutien émotionnel... en fait, un personnel plus régulier
qu’il est bien difficile d’assurer dans le contexte
actuel de pénurie des ressources infirmières.
Aux dires des familles, les délais pour l’obtention de
soins à domicile semblent plutôt longs, alors que les
durées de séjour en milieu hospitalier sont plutôt
courtes, de sorte que la convalescence à domicile est
parfois difficile et les réhospitalisations, fréquentes.
C’est toutefois la continuité des soins qui semble
poser le plus grand problème. On souligne un manque
de suivi et une absence de communication entre les
différents intervenants, instances et organismes. Le
manque de coordination et de concertation, notamment entre les centres hospitaliers et les centres
locaux de services communautaires (CLSC), provoque
une discontinuité dans la prestation des soins. En
conséquence, les personnes aidantes doivent ellesmêmes assumer un rôle important dans cette coordination des soins. Elles doivent effectuer plusieurs
démarches afin d’obtenir l’ensemble des soins et services dont elles ont besoin pour leur parent âgé. Les
familles nous ont parlé, dans cette perspective, du
« labyrinthe » du système de santé et du fait qu'il
faille souvent« courir » après les services puisqu'on
ne leur propose pas ou qu’on ne les informe pas systématiquement de ceux qui sont disponibles.
Enfin, les relations avec les infirmières constituent un élément
fondamental de la prestation des soins : ce sont souvent ces relations
qui déterminent, en grande partie, la satisfaction des familles par
rapport aux soins. Les participants interrogés dans notre étude
soulignent l’importance d’avoir une infirmière qui assure le suivi
après la sortie de l’hôpital, une gestionnaire de cas qui a pour
mandat de planifier et de coordonner les soins et de répondre rapidement à leurs questions afin de les rassurer. Comme le disait une
aidante : « Ce dont nous avons besoin c’est, dès le départ, quand
nous partons à domicile avec notre parent âgé, d’avoir un réseau
coordonné, d’avoir une personne, le nom d’une personne, savoir que
s’il arrive telle chose, on sait qui appeler… plutôt que de se faire
dire, si ça va pas, vous reviendrez à l’urgence ». Certains aidants
ayant participé à notre étude s’interrogeaient même sur leur propre
sécurité, compte tenu de leurs ressources personnelles et sociales
limitées et du fait qu’ils devaient prendre en charge à domicile un
parent en perte d’autonomie nécessitant des soins sophistiqués.
Le développement de services plus intégrés pour les personnes
âgées et leur famille et la nécessité d’une gestion de cas permettant
d’assurer la coordination et la continuité des soins semblent, ainsi, des conditions sine
qua non à la qualité des soins offerts (Ducharme, Lebel et Bergman., 2001).
Plusieurs des recommandations des familles sont déjà prises en compte par les milieux de
pratique. D’autres restent à mettre en place. Dans le cadre de cette étude, les familles nous
ont confié généreusement leur expérience et il apparaît important, pour la planification
de soins de qualité, d’écouter les usagers des soins. Des soins infirmiers de qualité devraient
notamment permettre d’éviter l’épuisement des membres des familles « soignantes », les
visites à l’urgence, les réhospitalisations des personnes âgées et l’augmentation du nombre
de demandes en centre d’hébergement et de soins de longue durée.
Quelques réflexions pour le futur
Les résultats dont nous avons fait mention dans cet article soulignent clairement que
des efforts doivent être entrepris afin d’arrimer plus étroitement les différentes interventions offertes par le réseau des services hospitaliers, notamment celles des infirmières,
et l’aide précieuse qu’offrent les familles à domicile. Dans cette perspective, l’implantation
d’un système intégré de soins et services est une des solutions qui a été proposée par
les familles et qui est recommandée depuis nombre d’années au sein des systèmes de
santé des pays industrialisés (Appleby, 1997). Cette approche devrait, à notre avis, tenir
compte non seulement des besoins des personnes âgées vulnérables, mais également
des besoins des membres de leur famille qui offrent une contribution essentielle aux
soins, encore trop invisible.
L’implantation d’un tel système intégré de soins qui inclurait les familles exige d’abord et
avant tout un changement dans les valeurs de la pratique professionnelle, changement au
profit d’une responsabilisation clinique eu égard aux « soins aux familles ». Les infirmières
doivent en venir à valoriser encore davantage l’aide aux familles dans leur pratique clinique
et de gestion journalière.
Un autre aspect à prendre en compte dans les futures interventions qui seront développées
auprès des familles concerne la dimension culturelle des soins. Les nouvelles configurations
de vie familiale ne sont pas limitées à un horizon culturel particulier. Depuis la seconde
guerre mondiale, le nouveau visage multiethnique de la société fait en sorte que de plus
en plus d’infirmières sont en contact avec des familles de diverses origines socioculturelles, particulièrement dans les grandes villes comme Montréal.
Quelques pistes
pour la pratique infirmière
• Considérer les familles comme des « clients »
• Valoriser l’aide aux familles dans notre pratique
clinique
• Informer la famille à propos des soins et des
activités de la vie quotidienne de leur proche
• Engager les familles dans les processus
décisionnels et la planification du congé
• Considérer les familles comme des partenaires
de soins plutôt que des personnes encombrantes
ou récriminatrices
• Solliciter la famille pour son expertise et ses
connaissances en regard de la situation de
leur proche
• Aller au-delà du soutien pratique ou instrumental
et tenir compte des aspects relationnels du soin
et des différents contextes de vie des familles
d’aujourd’hui
• Aider les familles à comprendre le « labyrinthe »
du système de santé
• Favoriser des soins culturellement cohérents
avec les valeurs des personnes hospitalisées
et de leur famille
• Contribuer à l’évaluation des capacités de la
famille à prendre en charge les soins à domicile
(contexte de vie, ressources, habiletés et besoins
d’apprentissage, limites et autres besoins)
• Au moment du congé, indiquer aux proches
à qui s’adresser en cas de difficulté
• Reconnaître que les comportements difficiles
de certaines familles sont la plupart du temps
des signes de grande souffrance et tenter de
les décoder
• Discuter des interventions faites auprès des
familles dans l’unité
Les défis de la communication dans un contexte interculturel et l’importance d’acquérir une
certaine « compétence culturelle » pour les infirmières sont de taille. Les travaux réalisés
jusqu’à présent soulignent l’importance de soins infirmiers culturellement « cohérents »,
c’est-à-dire de soins caractérisés par un certain degré d’adéquation entre les valeurs des
usagers (familles) et celles des infirmières (Ducharme Paquet, Vissandjee, Carpentier et
Trudeau, 2007).
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Il est par ailleurs impensable de discuter d’avenir sans évoquer l’importance
de la formation des infirmières, notamment la formation concernant l’approche familiale. Pour répondre aux besoins complexes des familles, cette
formation est un ingrédient essentiel, qu’il s’agisse de la formation professionnelle ou de la formation en cours d’emploi ou continue. Le fait que
le client, patient, bénéficiaire ou usager des soins (quelle que soit l’appellation privilégiée) ne soit pas encore la « famille » est un élément à
considérer, car les infirmières sont encore principalement formées, à la
base, à une approche individuelle d’intervention. Considérer les familles
comme « des clientes » de nos soins serait un catalyseur puissant de la
modification des pratiques de soins infirmiers.
Tenir compte des besoins des familles fait également appel à certains
préalables abordés précédemment, entre autres à une évaluation systématique de leurs ressources, capacités, habiletés et besoins, ce qui
nécessite le développement de nouvelles compétences et, évidemment,
une modification des systèmes actuels d’évaluation. Enfin, l’offre d’un
soutien non seulement pratique ou instrumental mais tenant compte des
aspects relationnels du soin et des différents contextes de vie des
familles d’aujourd’hui sont d’autres éléments à prendre en compte dans
la future formation des infirmières.
Une pratique dite « réflexive » pourrait aussi être suscitée dans les
milieux, c’est-à-dire une pratique basée sur de simples questions, telles
les suivantes : « Comment pourrait-on mieux faire ce soin en tenant
compte des familles ? ou encore « Cette intervention a bien fonctionné
auprès de la famille, pourquoi ? » Ces questions sont essentielles afin de
favoriser l’utilisation des connaissances existantes pour guider la pratique
des infirmières; elles peuvent aussi être le point de départ d’apprentissages
importants sur l’intervention auprès des familles.
Enfin, la philosophie des centres de soins tels les centres hospitaliers de
courte durée, eu égard à la place des familles, n’est pas à négliger et est
certainement une des pierres angulaires du changement. Selon certaines
études, les familles semblent encore peu sollicitées pour leur expertise
et leurs savoirs et peuvent à l’occasion être perçues comme source de
problème (Allen, 2000; Iecovich, 2000). Elles sont parfois étiquetées en
tant que familles « encombrantes » parce qu’elles sont présentes auprès
de leur proche à des moments qui conviennent peu aux soins et aux
soignants, « récriminatrices » parce qu’elles ont des attentes précises
quant aux soins offerts, ou encore « négligentes » parce que leurs visites
sont espacées. Ces comportements variés des membres des familles sont
la plupart du temps des signes de grande souffrance, une souffrance que
les infirmières sont à même de décoder.
En résumé, ce court article avait pour but de mettre en lumière la réalité
et les besoins des familles des personnes âgées lors de la planification
du congé hospitalier. L’évaluation de leurs besoins en tant que « clientes »
de nos services et l’implantation d’interventions systématiques pour
assurer la continuité des soins lors de cet épisode important du processus
de soins qu’est la préparation du congé hospitalier apparaissent des
voies à privilégier afin de favoriser l’efficacité et l’efficience, tout en
contribuant à augmenter la qualité de soins. Un grand et beau défi pour
la pratique et la gestion des soins infirmiers !
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Pratique clinique
Par Nathalie Lepage, inf., B. Sc., et Francine Ouimet, inf., B. Sc.
Nathalie Lepage et Francine Ouimet sont toutes deux infirmières cliniciennes
en suivi systématique de personnes âgées.
La personne âgée et
le syndrome d’immobilisation :
un enjeu infirmier
Aujourd’hui, vous et votre équipe êtes responsables des soins de Mme Marie Lamarche, une femme de 83 ans
hospitalisée dans votre unité depuis cinq jours. Elle s’est présentée à l’urgence pour une douleur lombaire et un
trouble de mobilité après une chute survenue à son domicile. Mme Lamarche a des antécédents d’arthrose, un
diabète de type 2, une polynévrite diabétique, un trouble de mobilité compensé par une canne et une hypoacousie
appareillée. Cette dame, auparavant autonome dans ses activités de la vie quotidienne, présente maintenant les
problèmes suivants : une douleur lombaire incapacitante avec écrasement vertébral, une pneumonie, des plaies
de pression de stade II au sacrum et au talon gauche, un déconditionnement aigu à la marche, de la dénutrition,
de la rétention urinaire et un délirium hypoactif.
Le retour à domicile de Mme Lamarche est compromis. Que s’est-il passé ?
Selon l’évaluation de l’équipe interdisciplinaire, Mme
Lamarche présente des complications liées à l’immobilisation appelées syndrome d’immobilisation. L’objectif
de cet article est de démontrer que l’infirmière, l’infirmière auxiliaire et le préposé aux bénéficiaires peuvent
faire la différence sur le déroulement, l’issue et la
durée du séjour hospitalier de patients comme Mme
Lamarche. Des interventions simples, systématiques et
précoces auraient permis de prévenir le syndrome
d’immobilisation ou d’en limiter les conséquences.
Définitions, causes et conséquences
du syndrome
Hébert et Roy (2007) définissent le syndrome d’immobilisation « comme l’ensemble des symptômes physiques, psychologiques et métaboliques résultant de la
décompensation de l’équilibre précaire du vieillard,
par le seul fait de l’interruption ou de la diminution des
activités quotidiennes habituelles » (p. 477). Pour sa
part, Blanchon (2006) décrit le syndrome d’immobilisation comme une incapacité temporaire ou définitive
de quitter seul le lit ou le fauteuil et de réaliser en
tout ou en partie les activités de la vie quotidienne.
l’Avant-Garde
Vol. 8 No 3
Automne 2008
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Hébert et Roy (2007) ont identifié les principales
causes de ce syndrome :
• Les maladies invalidantes chroniques qui entraînent une réduction
de la mobilité ou de la tolérance à l’effort, par ex. : la maladie de
Parkinson, l’arthrite, l’insuffisance cardiaque grave;
• Les troubles psychologiques comme la dépression et l’anxiété
(ex. : crainte de chuter);
• Les affections iatrogéniques reliées à des traitements médicaux
tels la médication, les tractions, les perfusions IV, les sondes,
le recours à la contention et la prescription de repos au lit.
Hébert et Roy (2007) soulignent que « plusieurs syndromes
d’immobilisation sont iatrogéniques par le biais de médicaments
qui entraînent une sédation excessive, un parkinsonisme, une
hypotension orthostatique ou une faiblesse importante » (p. 480).
• Les attitudes des soignants (surprotection, défaitisme, âgisme)
ainsi que les pratiques de soins associées comme l’alitement
par défaut et le recours prématuré à la contention.
Les professionnels de la santé connaissent les effets de l’immobilisation
chez le patient adulte. Survenant plus rapidement chez la personne âgée
dite fragile, ils sont toutefois variés, parfois irréversibles (Blanchon,
2006) et ils peuvent mener à l’hébergement, voire même à la mort
(Hébert et Roy, 2007).
La personne âgée est plus vulnérable aux effets de l’immobilisation du
fait qu’elle présente fréquemment une diminution de la réserve physiologique, plusieurs comorbidités, des troubles chroniques de la mobilité et
une atteinte fonctionnelle de base. Si la personne âgée souffre déjà de
maladie pulmonaire, la progression vers des complications pulmonaires
sera plus rapide. Il en est ainsi pour tous les systèmes y compris l’apparition accélérée de certains déficits cognitifs chez un patient avec une
démence (Lacombe, 2001).
Ainsi les complications de l’immobilisation sont multisystémiques et ont
un effet de cascade qui culmine malheureusement trop souvent en un
déclin fonctionnel. La figure ci-dessous illustre les conséquences liées à
l’immobilisation qui ont contribué à compromettre le retour au domicile
de Mme Lamarche.
Les conséquences de l’immobilisation sont donc loin d’être négligeables.
Lacombe (2001) rapporte que la diminution de la masse osseuse débute
dès les 30 premières heures d’alitement et se poursuit à un rythme de
1 % par semaine, alors que la perte de force musculaire atteint 1,5 % par
jour. L’immobilisation peut aussi entrainer des répercussions psychologiques sur la personne qui craint de perdre définitivement son autonomie
et susciter le désespoir, le renoncement et parfois même le désir de mourir.
Les soins infirmiers sont-ils en cause ?
Comment l’équipe de soins infirmiers a-t-elle pu contribuer au développement d’un syndrome d’immobilisation? Selon notre expérience clinique
en milieu hospitalier, le manque de connaissances et plusieurs fausses
croyances ont un impact significatif sur le déclin fonctionnel des aînés
hospitalisés de sorte que l’immobilisation est souvent une conséquence
iatrogénique de l’hospitalisation. D’ailleurs, différentes études ont démontré un lien entre l’hospitalisation et la perte d’autonomie fonctionnelle
(Grenier, L’Heureux et Côté, 2007; Morin et Leduc, 2004). Si c’est principalement la personne âgée qui subit les risques de l’alitement prolongé,
cela est souvent dû à des mythes qu’il est prudent de bien identifier.
Conséquences du syndrome d’immobilisation
Respiratoire
Baisse de la capacité respiratoire
et de la toilette bronchique
Atélectasie, Pneumonie
Cognitif
Délirium, Dépression
Trouble d’adaptation
Régression psychomotrice
Digestif
Dysphagie, Anorexie
Déshydratation, Constipation
Fécalome
Cardiovasculaire
Hypovolémie
Hypotension orthostatique
Déconditionnement cardiaque
Escarres
Urinaire
Rétention urinaire, Incontinence
Infections et calculs
Neuro-musculo-squelettique
Amyotrophie, Faiblesse musculaire
Ostéoporose, Contractures
Compression nerveuse
Pertes réflexes posturaux
Thromboembolies
Métabolique
Résistance à l’insuline
Hypercalcémie
De « Au lit pour récupérer ou pour y rester ? » de l’Équipe
interdisciplinaire de gériatrie du CHUM, 2006, conférence
présentée au 2e Colloque CII-DSI du CHUM, Montréal.
Reproduit avec la permission de l’auteure.
10
l’Avant-Garde
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Automne 2008
Quels mythes sont en cause ?
Le rôle infirmier dans l’équipe interdisciplinaire
Le tableau suivant décrit les mythes les plus fréquents et rectifie
les croyances entretenues à tort.
La complexité des soins de la personne âgée et le contexte actuel de
soins nécessitent la participation d’une équipe interdisciplinaire et la
collaboration de tous les intervenants. Afin de favoriser un suivi optimal,
l’infirmière peut confier certains des soins qu’elle planifie aux infirmières
auxiliaires et aux préposés aux bénéficiaires.
Mythe/croyance
Réalité
La personne âgée
doit avant tout se
reposer.
« Le repos au lit est l’un de ces traitements
non spécifiques dont l’efficacité n’a pas été
rigoureusement démontrée et peut même
être contre-indiqué chez la personne âgée »
(Hébert et Roy, 2007, p. 480).
Il peut être
dangereux de
mobiliser une
personne âgée
sans ordonnance
médicale.
La contention
physique assure la
sécurité du patient
et n’entraîne pas
de conséquences
majeures pour sa
santé.
En réalité, il y a peu de contre-indications
absolues à mobiliser une personne âgée et
seules des contre-indications médicales
devraient justifier l’alitement, comme par
exemple, un syndrome coronarien aigu
ou une fracture instable (Équipe interdisciplinaire de gériatrie du CHUM, 2006).
La contention physique a des conséquences à la fois physiques et psychologiques.
Ses effets sur la mobilité sont l’engourdissement, les courbatures, la diminution de
l’amplitude articulaire, de la force physique
et de l’équilibre, l’inconfort, la douleur,
l’ankylose, l’atrophie musculaire et la réduction de la masse osseuse (Ministère de la
Santé et des Services sociaux du Québec
[MSSS], 2006). De plus, les faits et les renseignements extraits des rapports du coroner du Québec, publiés en 2003, dénombrent
48 décès accidentels de personnes sous
contention survenus au cours des 16
dernières années (MSSS, 2006).
Par ailleurs, le manque de connaissances n’est pas le seul facteur explicatif des interventions qui favorisent le syndrome d’immobilisation. Des
facteurs organisationnels sont également en cause comme celui de faire
à la place de la personne agée pour sauver du temps, plutôt que de l’encourager à faire tout ce qu’il peut par lui-même. À titre d’exemple,
lorsqu’il y a incontinence fonctionnelle (difficulté à se rendre seul à la
toilette), il n’est malheureusement pas rare que le personnel infirmier
ait trop rapidement recours à une culotte d’incontinence plutôt que de
prendre le temps de favoriser la mobilité.
Dans le cas de Mme Lamarche, la cascade du déclin fonctionnel a débuté
à son domicile lors de sa chute et s’est poursuivie à l’urgence. La douleur
incapacitante a nécessité une analgésie qui l’a rendue légèrement somnolente. On l’a laissée au lit pour se reposer et la sonde urinaire, installée au début de son séjour pour obtenir un spécimen d’urine, n’a pas
été retirée. Cet obstacle à la mobilité ainsi que le soluté sur tige ont contribué à décourager la patiente, la famille et le personnel à la lever au
fauteuil. Vingt-quatre heures ont suffi pour que Mme Lamarche ne soit
plus capable de se mobiliser seule, devienne incontinente, développe
des plaies de pression ainsi qu’un délirium hypoactif. Caractérisé par
une faible activité psychomotrice, de la léthargie et de l’apathie, ce type
de délirium passe souvent inaperçu, car le patient est paisible et ne perturbe pas les routines infirmières (Gillis et Macdonald, 2005).
Que faire de plus ?
Des interventions simples, précoces et systématiques.
Mais qu’aurait pu faire l’équipe de soins infirmiers pour contribuer à prévenir
le développement d’un syndrome d’immobilisation chez Mme Lamarche ?
Des interventions préventives systématiques mettant à contribution
l’équipe interdisciplinaire auraient pu être entreprises dès l’arrivée de
Mme Lamarche à l’urgence et se poursuivre tout au long de son hospitalisation, par exemple :
• Évaluer l’autonomie fonctionnelle dès l’arrivée de la personne agée
et tout au long du séjour hospitalier;
• Évaluer la dimension cognitive, minimalement à chaque quart
de travail : attention, niveau d’éveil, cohérence des propos,
orientation dans les trois sphères;
• Compléter l’outil de planification de départ et le réévaluer
tout au long de l’hospitalisation;
• Assurer le port de l’appareil auditif et des lunettes pendant
les périodes d’éveil;
• Orienter fréquemment la patiente : temps, lieu, personnes,
événement;
• Soulager adéquatement la douleur;
• Stimuler l’alimentation et mettre les prothèses dentaires;
• Assurer une hydratation optimale;
• Favoriser un environnement sécuritaire et familier : enlever
les obstacles, placer la cloche d’appel et des objets personnels
à sa portée;
• Asseoir au fauteuil trois fois par jour et mobiliser selon tolérance;
• Laisser la canne à sa portée;
• Retirer le soluté si possible ou installer un bouchon membrane;
• Retirer la sonde vésicale dès que possible ou installer un sac
à la cuisse;
• Favoriser la continence urinaire; se rendre à la toilette en marchant
et à intervalle régulier est une façon simple d’aider au maintien
de la mobilité;
• Encourager la personne agée à faire le plus de choses possible par
elle-même lors des soins et des activités de la vie quotidienne;
• De concert avec la physiothérapeute, intégrer un programme
d’exercices aux soins et aux activités de la journée tels des
exercices actifs ou passifs simples selon les capacités de la
personne agée (Collin, 2008).
l’Avant-Garde
Vol. 8 No 3
Automne 2008
11
Se rappeler qu’une seule semaine
d’immobilisation nécessitera
trois semaines de récupération
(Lacombe, 2001)
L’évaluation initiale en soins infirmiers et le formulaire
de renseignements sur l’état de santé, s’ils sont complétés et analysés rapidement, permettent d’identifier
les capacités habituelles et actuelles, et conséquemment les besoins d’aide de même que les facteurs qui
risquent d’affecter la mobilité du patient.
Dans le cas de Mme Lamarche, les facteurs de risque
de syndrome d’immobilisation identifiés sont :
• La douleur
• Les troubles de mobilité chronique
• L’anxiété (peur de chuter et d’avoir des douleurs)
• La médication (narcotique, benzodiazépine,
antihypertenseurs)
• La mobilité restreinte par le soluté et la sonde
urinaire installés à l’urgence
• Le délirium hypoactif
L’infirmière qui identifie un risque de syndrome d’immobilisation inscrit ce problème au plan thérapeutique
infirmier (PTI) et y précise les directives infirmières.
Puis, elle détaille au plan de soins infirmiers le profil
d’autonomie de Mme Lamarche. L’objectif ultime étant
de préserver son autonomie et sa qualité de vie ainsi
qu’éviter la prolongation de la durée de séjour.
L’infirmière communique l’information à l’équipe de
soins infirmiers et demande l’aide d’autres professionnels selon l’évolution de la situation (physiothérapeute,
ergothérapeute, infirmière de suivi clientèle, stomothérapeute, infirmière de liaison, travailleur social,
nutritionniste, orhophoniste, médecin). Elle tient
compte des évaluations de chacun des membres de
l’équipe afin d’optimiser le plan de soins infirmiers.
Tel que précisé par Voyer (2001), il est devenu fondamental que les différentes disciplines travaillent en
collaboration, apportant chacune leur expertise pour
répondre aux besoins des personnes, sans oublier
d’informer et d’obtenir la collaboration des proches et
ce, dès le début de l’hospitalisation. La famille peut
en effet apporter une aide et un soutien appréciables
pour prévenir le syndrome d’immobilisation de leur
proche hospitalisé.
12
l’Avant-Garde
Vol. 8 No 3
Automne 2008
La démarche et les interventions infirmières proposées
dans cet article auraient permis une prise en charge
systématique du risque de déclin fonctionnel de Mme
Lamarche. Si ces interventions sont appliquées à tout
patient dès son admission à l’urgence et aux unités de
soins, elles donneront lieu à des résultats intéressants
pour tous. Il suffit de penser à la prévention du délirium, des lésions de pression, du déconditionnement,
de la malnutrition /déshydratation, de l’incontinence,
de la constipation.
Il est permis de croire que l’intervention infirmière
précoce et systématique auprès de cette clientèle
fragile favorise la diminution de la durée de séjour et
la réduction du risque d’institutionnalisation. Elle permet une meilleure planification du congé à domicile,
avec ou sans ressources, et oriente le patient vers
l’endroit adapté à ses besoins : réadaptation, convalescence, centre de jour, hôpital de jour ou tout autre
organisme identifié lors de l’évaluation des besoins.
En ce qui concerne Mme Lamarche, après 14 jours
d’hospitalisation et la stabilisation de son état de
santé, l’évaluation interdisciplinaire a démontré la
persistance d’un risque de chute important. Afin de
maximiser la récupération de son autonomie fonctionnelle, l’orientation choisie par l’équipe, de concert
avec les proches et la patiente, fut la réadaptation dans
un centre spécialisé.
La perte d’autonomie de l’aîné
n’est pas inévitable
Avec le vieillissement de la population, les agences
gouvernementales et les établissements de santé de
plusieurs régions du Québec et du Canada misent sur
le déploiement d’une approche gériatrique en centre
hospitalier. De plus en plus de projets concernant le
repérage et la prévention du déconditionnement de la
clientèle âgée sont en cours. Ils visent à maintenir
l’autonomie des personnes âgées hospitalisées et à
limiter les conséquences reliées à leurs problèmes de
santé.
Il est essentiel de sensibiliser les différents professionnels de la santé à la fragilité de la personne âgée et à
l’importance d’interventions systématiques et précoces
afin de prévenir les conséquences de l’immobilisation.
La perte d’autonomie des ainés hospitalisés n’est pas
inévitable et des soins attentifs quotidiens envers
cette clientèle permettront de maintenir leur qualité
de vie et le respect de leur dignité.
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Par Linda Gariépy, inf., B. Sc.
Linda Gariépy est infirmière clinicienne de liaison
en gériatrie à l’Hôpital Saint-Luc du CHUM.
Perdre son permis de conduire :
une étape difficile pour la personne âgée
L'infirmière est l’une des professionnels de la santé
autorisée à évaluer l’aptitude à la conduite automobile,
au même titre que le médecin, le policier, l’optométriste, l’ergothérapeute, le psychologue et le neuropsychologue. Son rôle dans le processus d’évaluation est
triple : procéder au dépistage des personnes à risque,
compléter le formulaire de divulgation à l’intention
de la Société de l’assurance automobile, informer et
soutenir les personnes visées tout au long de ce
processus.
Une population vieillissante
Statistique Canada évalue que la population âgée de
plus de 65 ans doublera entre 2003 et 2010. En 2006,
elle représentait 14 % de la population en général. Elle
en représentera 24 % en 2030. Le Québec est la plus
touchée des provinces canadiennes, celle où le nombre
des personnes âgées augmente le plus rapidement
(Dow, 2006a). Alors que la majorité des conducteurs
âgés conduisent normalement, certains en viennent à
diminuer de plus en plus leur vitesse. Ils deviennent
moins conscients des autres usagers de la route. Ils
freinent souvent de façon imprévisible et le maintien
de la voiture dans sa voie est erratique. Ils éprouvent
des difficultés avec les virages et les courbes à gauche.
En outre, moins ils utilisent leur voiture et plus le risque
de commettre des erreurs est élevé (Dow, 2006a).
En quoi consiste l'aptitude à conduire?
L’aptitude à conduire est définie comme la capacité
d'une personne à conduire un véhicule routier de façon
sécuritaire pour elle et pour les autres. La conduite
automobile est une tâche complexe qui exige un état
mental vif et alerte. Pour avoir de bons réflexes et
prendre des décisions rapides, le conducteur doit être
capable d'évaluer simultanément de nombreux éléments qui composent son environnement. Conduire
implique plusieurs automatismes. Une personne ayant
des limitations au niveau de son autonomie (physique
ou cognitive) peut réussir à diriger son véhicule. Cependant, conduire de façon sécuritaire risque de dépasser
les capacités de cette personne (Boucher, 2006; Collège
des médecins du Québec, 2007). Le rôle de l’infirmière
consiste à évaluer correctement cette aptitude.
l’Avant-Garde
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13
Le soutien
Le dépistage
L'infirmière observe la personne âgée qui est devant elle.
Présente-t-elle des limitations physiques, un ralentissement psychomoteur ? À quelle vitesse répond-elle
aux questions ? Voit-elle et entend-elle bien ? Devientelle facilement irritable ? L’infirmière cherche à connaître l’historique récent des contraventions, des
accidents ou des accrochages. Elle interroge aussi les
proches afin de connaître leur opinion sur le sujet.
Ont-ils noté des changements de comportement au
volant ? Ont-ils des craintes particulières au point
d’hésiter à monter dans la voiture de la personne âgée
ou d’y laisser monter les petits-enfants (Collège des
médecins, 2007; Voyer, 2004) ?
La divulgation
L’infirmière est habilitée à compléter le formulaire de
déclaration d'inaptitude à conduire, suite logique au
dépistage. Elle y indique les raisons qui la portent à
croire que la personne âgée ne possède plus les capacités requises pour conduire un véhicule routier de
façon sécuritaire. C'est la Société d’assurance automobile du Québec qui prend par la suite la décision de
maintenir ou de révoquer le permis de conduire ou de
demander des évaluations complémentaires (Association médicale canadienne, 2006; Dow, 2006b).
Tout au long du processus d'évaluation de la conduite
automobile, l'infirmière a un rôle très important d'écoute et de soutien de la personne âgée et de ses
proches. En effet, c'est souvent à elle que les proches
confient leurs craintes de voir leur parent conduire.
Ils s'inquiètent aussi des réactions possibles du parent
à l'annonce de la perte du permis de conduire et des
répercussions inévitables qu'engendrera cette perte
sur sa qualité de vie. L’automobile est en effet synonyme d’autonomie, donc un élément fondamental de
la vie de tout conducteur. La perte du droit de conduire
peut donc avoir des conséquences majeures sur la santé
et la qualité de vie de la personne âgée. Les aînés qui
perdent leur permis passent d’ailleurs très souvent à
travers toutes les étapes du deuil que sont la négation,
la révolte, la tristesse et la résignation. L'infirmière
pourra engager un dialogue et discuter des autres
possibilités de transport comme de demander à la
famille ou aux amis d’utiliser le taxi, les transports en
commun ou le transport bénévole et peut-être de la
nécessité d'un déménagement (Voyer, 2004).
En conclusion
L'évaluation de l'aptitude à conduire de la personne
âgée doit être abordée dès le début de la prise en
charge de la personne par le médecin ou l'infirmière,
particulièrement lorsqu'on soupçonne qu'un diagnostic
établi ou à venir aura éventuellement comme conséquence l'arrêt de la conduite automobile (ex. : démences,
problèmes visuels dégénératifs, AVC avec séquelles).
Rappelons qu'au Québec, conduire un véhicule routier
est un privilège et non un droit, que tous les conducteurs actuels devront un jour cesser de conduire et
que cette journée est différente pour chacun. L’âge
n’est pas le seul critère déterminant de l’obligation
d’arrêter la conduite automobile, mais dans le cas de
plusieurs personnes âgées, c’est l’atteinte fonctionnelle
résultant d’un problème de santé qui est surtout en
cause. Pour que cette étape difficile se passe le mieux
possible, la participation de la famille est primordiale.
Comme ces situations sont appelées à devenir de plus
en plus fréquentes, la cessation de la conduite automobile aurait intérêt à faire l'objet d'une campagne de
sensibilisation multimédia, comme l’alcool, la vitesse
et la violence au volant, afin que la discussion à ce
chapitre soit plus ouverte.
14
l’Avant-Garde
Vol. 8 No 3
Automne 2008
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de la démence, aptitude et conduite automobile. Conférence
présentée lors d’une
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et infirmier du CHUM,
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L'évaluation médicale
de l'aptitude à conduire un véhicule
automobile. Guide
d'exercice. Montréal :
Auteur.
Dow, J. (2006a). La
conduite automobile
et l'atteinte cognitive.
Conférence présentée
lors d’une formation
pour le personnel
médical et infirmier
du CHUM, Montréal.
Dow, J. (2006b).
Permis de conduire :
qui fait quoi ? Le
médecin du Québec,
41(9), 27-33.
Voyer, P. (2004).
Sécurité routière et
vieillissement : comment prévenir les
accidents. Perspective
infirmière, 2(1), 27-32.
Mot de la présidente du CII
Par Josée Dorval, inf., B. Sc.
Josée Dorval est conseillère en soins
infirmiers et présidente du CII.
La personne âgée hospitalisée :
tout un défi pour l’infirmière
Quelle différence y a-t-il entre Madame Larue âgée de 81 ans, autonome, vivant seule, et
Monsieur Jutras, 38 ans, aussi autonome, admis à l’urgence le même jour et en attente
tous deux d’une appendicectomie ? D’entrée de jeu, on peut prédire que la durée de l’hospitalisation de Mme Larue sera probablement plus longue.
La parole
est à vous
Les patients âgés sont en effet reconnus pour avoir un séjour plus long comparativement
aux autres cohortes d’âge (Russo et Elixhauser dans Hongsoo, Capezuti, Boltz, Fairchild,
Fulmer, et Mezey, 2007). Et souvent, le motif de l’hospitalisation ne réussit pas à expliquer
les répercussions à long terme, telle une diminution permanente de l’autonomie fonctionnelle
qui conduit parfois à l’hébergement.
Ainsi pour Mme Larue. Dès la période préopératoire, elle présente des complications, telles
une lésion de pression et un délirium hypoactif. À la suite de son opération, son état
empire, la lésion au coccyx s’aggrave au stade 3 et son état mental demeure perturbé par
un délirium. Affaiblie pour être restée au lit, elle fait une chute et se fracture la hanche; la
perte d’autonomie résultante la conduit, au moment du congé, vers un centre d’hébergement
plutôt que vers son domicile.
L’issue aurait-elle pu être différente ? Devant ce constat en effet,
des questions doivent être posées. Prenons-nous pour acquis que
l’hospitalisation d’une personne âgée génère des complications,
voire un déclin inévitable? Mme Larue aurait-elle dû recevoir des
soins particuliers ? Si, d’une part, nous sommes bien préparées à
prodiguer les soins requis par des problèmes de santé aigus, d’autre
part, sommes-nous tout aussi bien préparées à soigner une personne âgée présentant ces mêmes problèmes avec toutes les subtilités requises et les standards reconnus? Une étude américaine
précise que moins de 5 % des infirmières ont eu des cours spécifiques sur les soins aux personnes âgées et que moins de 1 % ont
les connaissances et les habiletés nécessaires pour soigner les personnes âgées (Fulmer et Mezey dans Abraham, Bottrel, Dash,
Fulmer, Mezey, O’donnell et Vince-Whitman, 1999).
Références
Abraham, I. L., Bottrel, M. M., Dash,
K. R., Fulmer, T. T., Mezey, M. D.,
O’donnell, L. et Vince-Whitman, C.
(1999). Profiling care and benchmarking best practice in care of
hospitalized elderly. Nursing Clinics
of North America, 34(2), 239-254.
Hongsoo, K., Capezuti, E., Boltz, M.,
Fairchild, S., Fulmer, T. et Mesey,
M. (2007). Factor Structure of the
Geriatric Care Environment Scale.
Nursing Research, 56(5), 339-347.
L’infirmière peut influencer positivement la possibilité d’un retour
Voyer, P. (2006). Soins infirmiers
à domicile de la personne âgée hospitalisée. Dès l’admission, il est
aux aînés en perte d’autonomie.
important que l’infirmière procède à l’évaluation clinique du patient.
Ville Saint-Laurent : ERPI.
Selon Voyer (2006), l’évaluation met en évidence les besoins spécifiques du patient dans divers domaines, médical, fonctionnel,
psychologique, social, et permet le suivi de l’état de santé. De plus, l’utilisation des outils
cliniques, tels que les Renseignements sur l’état de santé, l’Évaluation initiale et gestion des
risques à l’admission, le Plan thérapeutique infirmier, le plan de soins infirmiers et le plan
de travail du préposé aux bénéficiaires, permet d’identifier les risques, de les prévenir et
de déceler des complications évitables tels le déconditionnement, le délirium, les lésions
de pression, une chute, etc. Ainsi diagnostiquée, la personne âgée a de bonnes chances de
recevoir les soins adaptés à sa condition, de se rétablir plus rapidement, de maintenir son
niveau d’autonomie et par le fait même, d’éviter un hébergement précoce. C’est en tout
cas un défi que les infirmières auront à relever de plus en plus souvent, compte tenu du
vieillissement constant des clientèles.
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vos commentaires ? Vous avez
des questions sur nos pratiques
de soins ? Ou tout simplement,
vous avez des suggestions à nous
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ou par courrier à :
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1001, rue Saint-Denis
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l’Avant-Garde
Vol. 8 No 3
Automne 2008
15
Ressources
Par Julie Mathieu, inf. B. Sc.
Julie Mathieu est infirmière clinicienne à l’urgence
de l’Hôpital Saint-Luc du CHUM.
La ligne Référence-aînés
Ce service, guichet unique non automatisé, est assuré
par le Centre de référence du Grand Montréal. En composant le numéro, l’aîné a accès à une foule de renseignements concernant, entre autres, la santé, les
services sociaux, les services provinciaux et d’utilité
publique. Il suffit de composer le 514 527-0007, du
lundi au vendredi, de 9 h à 16 h 30.
Comment réduire votre stress en cinq étapes
Être un proche aidant peut être parfois difficile et
engendrer un stress. Le dépliant intitulé Comment
réduire votre stress en cinq étapes a été réalisé dans le
but d’aider ces personnes à mieux s’adapter à la situation parfois difficile d’aidant. On y explique comment
faire un portrait de la situation, comment choisir un
changement parmi les irritants, se fixer un objectif
réaliste, adopter une stratégie et en faire le bilan. Vous
pouvez vous procurer ce dépliant au 514 340-2800,
poste 3262, ou le télécharger sur www.aidant.ca
Adresses santé
Famille et soins aux personnes âgées.
Enjeux, défis et stratégies
Ce livre, publié par le Groupe Beauchemin Éditeur en 2006 et
écrit par Francine Ducharme (qui signe un article en page 5 de
ce numéro), est destiné autant aux familles qu’aux intervenants
du réseau de la santé. En plus de permettre aux lecteurs de
mieux comprendre l’expérience vécue par l’aidant, cet ouvrage
contient des pistes d’interventions qui ont pour but de soutenir
les familles qui prennent soin d’une personne qui vit dans son
milieu naturel ou dans un centre de soins de longue durée.
Le délirium. Soigner pour gagner
Ce DVD produit par la DSI du CHUM illustre la démarche clinique
et quelques-unes des interventions infirmières déterminantes
pour la prévention, l’identification précoce, le traitement et le
suivi du délirium chez la personne âgée hospitalisée. Il comprend
aussi un cahier d’accompagnement. Le menu du DVD permet de
visionner tout le contenu de 42 minutes ou une de ses parties.
Il est maintenant disponible dans les trois centres de documentation du CHUM et sur l’intranet du CHUM sous
Accueil/DSI/Le délirium. Soigner pour gagner.
Par Julie Mathieu, inf., B. Sc.
Julie Mathieu est infirmière clinicienne
à l'urgence de l’Hôpital Saint-Luc du CHUM
www.fpcmed.umontreal.ca/gériatrie
Les statistiques démontrent que 33 % des aînés seront victimes
d’au moins une chute par année. De plus, 50 % chuteront à
plusieurs reprises. Le risque de faire une chute chez les personnes
âgées de plus de 65 ans est accru. Ce site offre des conseils judicieux concernant l’environnement et le style de vie à adopter
afin de prévenir les chutes. De plus, un espace a été consacré
aux soins à apporter à la suite d’une chute.
www.seniors.qc.ca
Le gouvernement du Canada propose sur son site Aînés Canada
des sujets d’intérêt très variés, notamment concernant la fin de vie,
les services communautaires, les questions juridiques, la retraite,
l’emploi, le bénévolat et les finances.
www.aidant.ca
Ce site est une référence pour les individus qui prennent soin
d’une personne âgée. En effet, l’aidant peut le consulter pour
obtenir le répertoire des ressources de soutien, la recension de
l’aide financière ou pour partager son expérience sur le forum de
discussion.
Les sites ont été visités le 16 mai 2008.
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l’Avant-Garde
Vol. 8 No 3
Automne 2008
Vous voulez en savoir plus pour mieux
soigner la clientèle âgée?
Consultez des vidéos de formation accessibles gratuitement sur le Web.
Plus d’une vingtaine de documents audiovisuels
(démonstration d’utilisation d’outils d’évaluation
clinique, discussions de situations cliniques) sont
accessibles directement par Internet à l’un des deux
sites suivants :
• Série How to try this de la Fondation John A.
Hartford et de la New York University’s College
of Nursing: www.hartfordign.org/trythis
• Série Nursing Care of the older adult – A new
look at the old de l’American Journal of Nursing
et de la Gerontological Society of America:
www.nursingcenter.com/library
L’Avant-Garde
est publié grâce
à l’appui financier
de la Fondation
du CHUM.
l’Avant-Garde
est publié par
la Direction des
soins infirmiers
du CHUM deux
fois par année.
Comité du journal
Élaine Perreault,
conseillère en
soins spécialisés,
systèmes d’information,
présidente du comité
Nathalie Caya,
infirmière chef
d'unité à l’urgence
de l’Hôpital Saint-Luc
Sylvie Charland,
infirmière clinicienne au
9e Ouest de l’Hôpital Saint-Luc
Céline Corbeil,
directrice adjointe intérimaire
Dominique Lachapelle,
conseillère en soins
spécialisés, regroupements
des sciences neurologiques
et locomoteur
Louise-Marie Lessard,
conseillère en soins
spécialisés, évaluation
de la qualité
des soins
Julie Mathieu,
infirmière clinicienne
à l’urgence
de l’Hôpital Saint-Luc
France Roy,
conseillère en soins
spécialisés, service transversal
des blocs opératoires, salles
de réveil chirurgie d’un jour
et préadmission
Collaboration
Camille Larose
révision-correction
Conception graphique
et photographie
Production multimédia
du CHUM
Afin de faciliter la lecture
des textes, l’Avant-Garde,
de façon générale, utilise
le terme « infirmière ».
Il est entendu que cette
désignation n’est
nullement restrictive et
englobe les infirmiers.
À l’exception des entrevues
personnelles, les articles de
l’Avant-Garde peuvent être
reproduits sans autorisation,
avec mention de la source.
ISSN : 1496-8983
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale du Canada, 2008
Bibliothèque nationale du Québec, 2008
© CHUM 2008
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