Essais thérapeutiques Actualités sur les essais cliniques en onco-urologie Y. Neuzillet* L es essais cliniques sont la pierre angulaire du progrès de nos connaissances en onco-urologie. La prise en charge des cancers urologiques soulève des questions auxquelles seuls les essais permettent d’apporter des réponses rigoureuses. Par ailleurs, la participation des oncologues, urologues et radiothérapeutes aux essais cliniques reflète notre dynamisme dans l’effort de recherche scientifique. L’information sur les essais cliniques est donc primordiale pour le praticien impliqué en onco-urologie. L’actualité est riche ; voici l’essentiel concernant les essais francophones. Cancers de la prostate (tableau I) L’Association française d’urologie (AFU) et le Groupe d’étude des tumeurs uro-génitales (GETUG) sont de plus en plus souvent associés pour mener des études dont l’objectif est, avant tout, de répondre aux questions soulevées par la pratique quotidienne de l’onco-urologie. Les études GETUG-AFU 14, 16, 17 et 18 actuellement en cours concernent deux situations cliniques différentes. ✓✓ Dans le cadre du cancer de la prostate localisé, l’étude GETUG-AFU 14 pose la question de l’utilité d’une hormonothérapie courte préalable en cas de traitement par une irradiation conformationnelle de 80 Gy. L’étude GETUG-AFU 17 déterminera le délai optimal pour réa­ liser une hormono-radiothérapie de rattrapage en cas de marge positive lors de la prostatectomie totale. Enfin, l’étude GETUG-AFU 18 se focalise sur l’intérêt d’une escalade de dose de la radiothérapie associée à une hormonothérapie de 3 ans en cas de cancer de la prostate à haut risque selon la classification de D’Amico. ✓✓ Dans le cadre du cancer de la prostate en récidive biologique après chirurgie, l’étude GETUG-AFU 16 définira l’intérêt d’une hormonothérapie de 6 mois encadrant la radiothérapie de rattrapage. * Service d’urologie, hôpital Foch, faculté de médecine Paris-Île-de-France Ouest, UVSQ, Suresnes. 42 Cancers du rein (tableau II, p. 44) Les questions autour de l’emploi des thérapies ciblées dans le cancer du rein sont la source des grands essais cliniques actuels. En situation métastatique, l’intérêt des traitements par antiangiogéniques et inhibiteurs de tyrosine kinases pour les carcinomes à cellules claires a été démontré. Cependant, 3 questions importantes subsistent. ✓✓ La néphrectomie avait un intérêt en cas de cancer du rein métastatique d’emblée traité par immunothérapie, mais apporte-t-elle encore un bénéfice de survie avec les thérapies ciblées ? L’étude CARMENA, coordonnée par A. ­Mejean, devrait répondre à cette première question. ✓✓ Dans le cadre des thérapies ciblées, quels sont les facteurs prédictifs de réponse au traitement ? Dans l’étude PREINSUT, le sunitinib est prescrit en situation néo-adjuvante. En analysant de nombreux paramètres biologiques et histologiques avant le début du traitement, pendant le traitement, puis sur la pièce opératoire, cette étude devrait fournir des données intéressantes concernant les facteurs prédictifs de réponse. ✓✓ Le risque d’œdème et d’hémorragie des métastases lié aux thérapies ciblées justifie-t-il qu’elles ne soient pas utilisées en cas de métastase(s) cérébrale(s) ? L’étude SUNITINIB/METAS CEREBRALES va évaluer la faisabilité du traitement par sunitinib dans ce cas particulier. Les autres études en cours évaluent l’intérêt des thérapies ciblées lorsqu’elles sont associées (étude TORAVA), lorsqu’elles sont utilisées avec d’autres types histologiques de carcinomes à cellules rénales (étude SUPAP dans les tumeurs papillaires) et lorsqu’elles sont employées en situation adjuvante (études SORCE et S-TRAC). Carcinomes urothéliaux de la vessie (tableau III, p. 45) Les essais actuels concernant les carcinomes urothéliaux de la vessie s’intéressent à trois problématiques. ✓✓ Quelle chimiothérapie utiliser dans le traitement conservateur des tumeurs de vessie infiltrant le muscle ? Les essais GETUG-AFU V01 et V03 étudient respectivement une chimiothérapie par gemcitabine Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 1 - avril-mai-juin 2010 Actualités sur les essais cliniques en onco-urologie Tableau I. Essais cliniques en cours concernant les cancers de la prostate. Nom de l’essai Situation clinique Objectif principal Objectifs secondaires Actualités Cancers localisés SURACAP Survie spécifique Surveillance active du cancer de la prostate à 10 ans si âge < 75 ans, espérance de vie ≥ 10 ans, et présence de critères de latence : – stade T1c ou T2a – PSA ≤ 10 ng/ml – Gleason < 7 (au maximum de 3 + 3) – prélèvement d’au moins 10 carottes biopsiques – aucune carotte envahie sur plus de 3 mm de long PROPENLAP Cancer de la prostate localisé T1c N0 M0 PSA ≤ 20 ng/ml Âge < 70 ans Étude de cohorte prospective, nationale, multi­centrique, non randomisée en ouvert, ­comparant 2 techniques chirurgicales ­courantes : – voie laparoscopique – voie ouverte rétropubienne Comparaison des résultats sur le contrôle carcinologique (marge, effraction capsulaire) Comparaisons : – fonctionnel (continence, sexualité, qualité de vie) – morbidité – coût 1 440 patients prévus Fin des inclusions en juillet 2012 GETUG 14 Cancer de la prostate localisé N0 M0 de pronostic intermédiaire selon la classification de D’Amico Tester l’efficacité d’une hormonothérapie courte, préalable et concomitante à une radiothérapie conformationnelle exclusive de 80 Gy à visée curative Survie sans progression clinique ou biologique à 5 ans Comparaison de la survie globale Comparaison de la toxicité aiguë et tardive Comparaison de la qualité de vie Évaluation de la valeur et du délai d’­obtention du nadir du taux de PSA pour le bras ­radiothérapie exclusive Fin des inclusions le 21 juillet 2010 24 centres participants 321 patients déjà inclus sur 450 nécessaires à l’étude GETUG 17 Cancer de la prostate localisé pT3 R1 pN0 ou pNx, Survie de risque intermédiaire, traité par chirurgie sans événement Comparer une radiothérapie adjuvante à 5 ans ­immédiate associée à une hormonothérapie courte par analogue de la LH-RH versus une radiothérapie différée à la rechute biochimique associée à une hormonothérapie courte par analogue de la LH-RH chez les patients opérés Évaluer la survie globale Évaluer la survie spécifique sans métastase Évaluer les toxicités aiguës et tardives Évaluer la qualité de vie Évaluer la dépendance fonctionnelle chez les patients de plus de 75 ans Fin des inclusions le 12 décembre 2012 52 centres participants 718 patients prévus GETUG 18 Cancer de la prostate localisé, à haut risque selon la classification de D’Amico Comparer une irradiation à la dose de 80 Gy à une irradiation de 70 Gy en association avec une hormonothérapie longue Évaluer les toxicités aiguës et tardives des différentes modalités (conformationnelle ou IMRT) Évaluer les toxicités de cette augmentation de dose en association avec l’hormonothérapie Évaluer la qualité de vie Fin des inclusions le 12 décembre 2012 40 centres participants 500 patients ­nécessaires à l’étude Les inclusions débutent Survie sans progression clinique ou biochimique à 5 ans Fin des inclusions le 4 mars 2011 Cancers en récidive biologique GETUG 16 Cancer de la prostate localisé T2-T4 par atteinte du col vésical N0/x M0 PSA ≤ 0,1 ng/ml après prostatectomie Rechute biologique (PSA entre 0,2 et 2 ng/ml) au minimum 6 mois après prostatectomie totale Étude de phase III comparant une radiothérapie conformationnelle adjuvante associée ou non à une hormonothérapie Survie sans progression biologique et/ou clinique Évaluer la survie globale Évaluer la survie spécifique sans métastase Évaluer les toxicités aiguës et tardives Évaluer le délai d’obtention du nadir du taux de PSA Évaluer la qualité de vie des patients au décours (1 an) et à distance (5 ans) de l’irradiation Évaluer la dépendance fonctionnelle des patients âgés de plus de 75 ans au décours (1 an) et à distance (5 ans) de l’irradiation EORTC 22043 Cancer de la prostate localisé T1c-3a N0 M0 PSA ≤ 20 ng/ml Âge ≤ 80 ans Rechute biologique après prostatectomie totale Gleason 5-10, stade T2-R1 ou T3a-b, pN0 Étude de phase III comparant une radiothérapie conformationnelle adjuvante associée ou non à une hormonothérapie Survie sans progression biologique Début des inclusions Survie sans progression clinique Survie sans progression métastatique à distance le 30 juillet 2009 Survie globale Qualité de vie Tolérance aiguë et tardive Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 1 - avril-mai-juin 2010 Fin des inclusions le 20 octobre 2011 35 centres participants 429 patients déjà inclus sur 738 nécessaires à l’étude 43 Essais thérapeutiques Tableau II. Essais cliniques en cours concernant les cancers du rein. Nom de l’essai Situation clinique Objectif principal Objectifs secondaires Actualités Cancers localisés SORCE CCR non métastatique, à risque élevé ou ­intermédiaire de récidive (SSIGN), réséqué ­chirurgicalement, R0 Essai de phase III, randomisé, ­multicentrique : traitement adjuvant NE + placebo versus NE + sorafénib 1 an versus NE + sorafénib 3 ans Survie sans ­progression Survie spécifique Survie globale Tolérance Caractéristiques moléculaires de la tumeur réséquée Aspects économiques Évaluation du score SSIGN Inclusions en cours depuis fin 2009 Effectif prévu : 1 656 patients 30 centres participants S-TRAC CCR non métastatique, à haut risque de récidive (UISS), réséqué chirurgicalement Essai de phase III, randomisé, ­multicentrique : traitement adjuvant Sunitinib versus placebo (1 an) Survie sans ­progression Survie globale Tolérance Qualité de vie Inclusions en cours depuis octobre 2007 Effectif prévu : 236 patients 2/3 des inclusions réalisées 10 centres participants Cancers métastatiques CARMENA CCR à cellules claires, métastatique Essai de phase III, randomisé, multicentrique Néphrectomie élargie + sunitinib versus sunitinib Survie globale (non-infériorité) Morbidité et mortalité de la néphrectomie Inclusions en cours Pourcentage de patients ne commençant Effectif prévu : 576 patients pas le traitement par sunitinib dans les 6 semaines postopératoires Nombre de néphrectomies dans le bras ­sunitinib Nombre de tumeurs non réséquables Délai de traitement en 2e ligne TORAVA CCR à cellules claires, métastatique, 1re ligne thérapeutique Essai de phase II randomisé multicentrique Bévacizumab + temsirolimus versus sunitinib versus bévacizumab + IFNα Taux de non-­progression à 48 semaines Taux de réponse objective Durée de la réponse Survie sans progression Survie globale Profils de tolérance Qualité de vie SUPAP CCR tubulo-papillaire type 1 et type 2, ­métastatique, 1re ligne thérapeutique Essai de phase II multicentrique utilisant le sunitinib Taux de réponse objective 28 patients inclus (23 de type 2 et 5 de type 1) 22 patients évaluables Résultats préliminaires (ASCO 2009) : efficacité moindre du ­sunitinib par rapport aux ­carcinomes à cellules claires, 15 % de réponse objective, médiane de survie sans progression : 5,7 mois SUNITINIB/ METAS CEREBRALES CCR métastatique avec métastases cérébrales non traitées, 1re ligne thérapeutique Étude de phase II non randomisée : traitement par sunitinib Faisabilité : survenue de troubles neurologiques aigus de grade ≥ 3 Efficacité : taux de réponse objective Inclusions en cours Effectif prévu : 45 patients 25 centres participants PREINSUT Traitement néo-adjuvant des CCR à cellules claires, métastatiques Essai de phase II, 1 seul bras, multicentrique : – deux cycles de sunitinib – puis chirurgie au 3e mois – sunitinib jusqu’à progression Évaluation de la valeur pronostique de biomarqueurs mesurés dans la tumeur (statut VHL) et dans le plasma (VEGF) permettant d’identifier les patients répondeurs 44 Taux de réponse objective Taux de réponse complète pathologique Survie sans progression Survie globale Évaluation du TDM de perfusion et de l’­échographie de contraste Inclusions terminées le 6 mai 2009 171 patients inclus 24 centres participants Premiers résultats : effets indésirables importants des associations Résultats finaux : ASCO 2010 Effectif prévu : 100 patients 10 centres participants Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 1 - avril-mai-juin 2010 Actualités sur les essais cliniques en onco-urologie Tableau III. Essais cliniques en cours concernant les carcinomes urothéliaux de la vessie. Nom de l’essai Situation clinique Objectif principal Objectifs secondaires Actualités Dose maximale tolérée Survie à 5 et 10 ans Survie sans progression Qualité de vie La phase I est terminée La phase II multicentrique (efficacité) a commencé Cancers localisés GETUG V01 Carcinome urothélial T2-3 N0 M0 Résection “optimale” Pas de CIS Pas d’hydronéphrose Définir le protocole de chimiothérapie optimal associé à la radiothérapie : étude de l’association gemcitabine-cisplatine Phase I : toxicité Phase II : taux de réponse objective GETUG V02 Carcinome urothélial métastatique chez les patients dits unfit (ne pouvant pas recevoir du cisplatine) Essai de phase II randomisé comparant gemcitabine seule versus gemcitabine-oxaliplatine en chimiothérapie de première ligne Phase II Étude en pause Actuellement, à l’­analyse intermédiaire, 40 patients ont été inclus Au total, 100 inclusions sont prévues AFU GETUG V03 Carcinome urothélial T2-3 N0 M0 Résection “optimale” Pas de CIS Pas d’hydronéphrose Définir le protocole de chimiothérapie optimal associé à la radiothérapie : étude de l’association MVAC intensifié Phase II Action locale et ganglionnaire Inclusions en cours depuis fin 2009 Cancers métastatiques GETUG AFU 19 Carcinome urothélial métastatique en première ligne thérapeutique : MVAC intensifié ± panitumumab (anticorps monoclonal antiEGFR) et cisplatine en association avec la radiothérapie et par MVAC selon un schéma raccourci et intensifié avec support de facteur de croissance hématopoïétique après résection transuréthrale complète. ✓✓ Quelle chimiothérapie utiliser pour traiter les patients unfit, c’est-à-dire ceux dont l’état général et principalement la fonction rénale ne permettent pas de prescrire une chimiothérapie de référence en première ligne ? L’étude GETUG-AFU V02, actuellement en cours Phase II randomisée Activation du protocole en 2010 d’analyse intermédiaire, compare une chimiothérapie par gemcitabine seule à une combinaison gemcitabineoxaliplatine (GEMOX). ✓✓ Quelle place pour les thérapies ciblées ? L’étude GETUG-AFU 19 aura pour objectif d’étudier l’association du panitumumab, un anticorps monoclonal dirigé contre le récepteur du facteur de croissance épidermique (EGF), au MVAC en première ligne de traitement. ■ Abonnez-vous en ligne ! www.edimark.fr Bulletin d’abonnement disponible page 55 Correspondances en Onco-urologie - Vol. I - n° 1 - avril-mai-juin 2010 45