5
Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 01-02 - janvier - juin 2016
Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
pas place au sein d’une éducation thérapeutique du patient, mais prétend
s’y substituer. La surveillance informatique pourrait même le placer direc-
tement sous le contrôle de l’assureur. Lamesureen continu de la glycémie
et de sa cinétique permet au patient éduqué de prendre la bonne décision au
bon moment, mais elle peut aussi entretenir une angoisse obsessionnelle
poussant le patient à mesurer sa glycémie toutes les minutes, transformant
ainsi son cerveau affolé en cellule B pancréatique. Elle peut aussi le placer
sous la dépendance infantilisante d’une e-infirmière le “coachant” par SMS.
Elle peut encore servir de mouchard, dénonçant son laxisme à son médecin
ou à son assureur qui lui proposera d’adhé rer à un système de bonus/malus,
pour “l’aider à se motiver”. Pire que l’esclavage, “l’esclavage volontaire” !
Il serait par ailleurs naïf de croire que les outils numériques dits “conviviaux”
permettront d’alléger le travail de deuil que doit faire tout patient atteint de
maladie chronique. On aura beau lui expliquer qu’il n’est plus seul puisque
désormais il est connecté, il devra toujours accepter la double rupture
imposée par l’annonce du diagnostic : “Ce ne sera jamais plus comme avant”
et “ Désormais vous serez différent des autres.” Bien sûr, la souffrance varie
d’une personne à l’autre selon la gravité de la maladie, douloureuse ou non,
handi capante ou non, visible ou non, et selon l’importance des contraintes
du traitement, mais aussi en fonction du style de personnalité de chacun, de
ses expériences de la vie déterminant une plus ou moins grande “aptitude au
deuil” et de la qualité du soutien social perçu. C’est la difficulté de ce “travail
d’acceptation” qui explique que l’observance reste aussi médiocre même quand
il s’agit d’une observance consentie “en pleine conscience”. Et l’impossibilité de
faire leur deuil conduit certains patients à se rendre “malades d’être malades”
en recourant au déni, à la dénégation, au clivage, à la pensée magique… Pour
guérir de cette “seconde maladie”, il faut associer l’action et la parole. Il faut
l’aide d’un éducateur et d’un tuteur de résilience, par exemple d’un vrai médecin.
Pr André Grimaldi
Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
© Correspondances
enMétabolismes Hormones
Diabètes et Nutrition 2016;
XX(3):46.
0005_MPR 5 13/05/2016 15:09:02