La Lettre du Neurologue • Vol. XX - n° 5 - mai 2016 | 117
ÉDITORIAL
© Correspondances en Méta-
bolismes Hormones Diabètes et
Nutrition 2016;XX(3):46.
Pr André
Grimaldi
Service de diabétologie,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
Paris.
“
Les deux faces de la télémédecine
Both sides of the telemedicine
Comme Janus, la télémédecine a 2faces : l’une tournée vers le passé,
l’autre tournée vers l’avenir. Vers le passé : le renforcement
del’emprise des soignants et du système de santé sur le malade.
Vers l’avenir : l’accroissement de l’autonomie du patient.
Téléconseils et jeux vidéo, plus ou moins repeints aux couleurs
delasanté, correspondent certes à des innovations, mais ils ne
constituent en rien une révolution. Utiles ou ludiques, pour les uns
etpaspour lesautres. Leur limite commune est le temps.
La vraie révolution est la télémédecine qui vise à améliorer
laperformance des soignants et des patients. Côté soignants, le robot
supprimera les tremblements de la main du chirurgien qui abandonnera
le bistouri pour la souris, comme le cardiologue a remplacé le stéthoscope
par l’échographie. On pourra donc diagnostiquer, opérer
etprescrireàdistance, sans avoir à palper et à ausculter, et parfois
sansmême avoir à interroger et à écouter. Côté patients, la télémédecine
permettra d’améliorer à la fois la performance et l’observance
des“patients experts” connectés sachant où ils veulent aller et comment
yaller. Juste retour des choses, les patients objectiveront les soignants
enles transformant en prestataires, devenus experts en modes d’emploi.
Comme le prophétisait l’économiste Claude Le Pen : “Dans la médecine
industrielle de demain, le chiffre absorbera le qualitatif, nul ne sera
médecin, s’il n’est géomètre.” Funeste augure !
Hélas, ou plutôt heureusement, cette révolution technologique
n’échappe pas à l’ambivalence du progrès. Elle peut libérer le patient
descontraintes du traitement et de la dépendance aux soignants.
Maiselle peut aussi accroître sa dépendance s’il doit mesurer sans
comprendre et/ou sans agir et/ou agir sans décider lui-même de l’action.
C’est-à-dire si l’outil numérique ne prend pas place au sein
d’uneéducation thérapeutique du patient, mais prétend s’y substituer.
La surveillance informatique pourrait même le placer directement
sousle contrôle de l’assureur. Lamesureen continu de la glycémie et
desacinétique permet au patient éduqué de prendre la bonne décision
au bon moment, mais elle peut aussi entretenir une angoisse
obsessionnelle poussant le patient à mesurer sa glycémie toutes
lesminutes, transformant ainsi son cerveau affolé en cellule B
pancréatique. Elle peut aussi le placer sous la dépendance infantilisante
d’une e-infirmière le “coachant” par SMS. Elle peut encore servir
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