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Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 03 - Juillet - août - septembre 2015
Actualités en Médecine Physique
et de Réadaptation
atteint de diverses pathologies ou se demande si ses proches n’enprésentent
pas les symptômes. L’accumulation massive de connaissances et l’excès de
travail ont un effet sédatif. Les étudiants en médecine sortent bien souvent de
cette période avec un émoussement émotionnel et parfois même une dépres-
sion. Indifférents aux autres et désaffectés de soi. Ils s’interrogent alors sur
leurchoix professionnel et sedemandent, comme Benjamin, le jeune interne
du film
Hippocrate
, s’ils n’ont pas fait fausse route. Certains finissent dans
l’indifférence à l’égard des patients, quand ce n’est pas dans l’arrogance, l’ironie
ou, pire, la détestation. Le patient est alors davantage unporteur de maladie,
un objet de recherche ou de gain qu’un sujet de soins. Heureusement, d’autres
gardent ou retrouvent l’aptitude à se laisser toucher par l’histoire singulière
du malade, souvent banale mais presque toujours douloureuse, condition pre-
mière de l’empathie. Comment aider les jeunes àpasser dela sympathie du
novice àl’empathie du professionnel ? La solution, bien sûr, est de pratiquer
unemédecine quine soit centrée ni sur la maladie et son traitement, ni sur
lepaiement àl’acte ou la T2A, mais sur le patient. On le dit, on ne cesse de le
répéter. Oui, mais pour se centrer sur l’autre, encore faut-il pouvoir se décentrer
desoi. Etpourse décentrer de soi, il faut à la fois disposer d’une solide iden-
tité professionnelle et bénéficier d’une niche émotionnelle personnelle sécuri-
sante. C’est justement cequifait défaut aux jeunes internes. Comment résoudre
cette contradiction ? D’aborden cessant de penser etd’expliquer qu’un vrai
professionnel doit se comporter en technicien sans émotion. Ensuite en déve-
loppant tout au long des stages hospitaliers des moments d’analyse partagée
entre seniors et débutants sur le vécu des patients etsur la relation avec les
soignants (médicaux et paramédicaux), en permettant àchacun d’exprimer ses
émotions. La présence d’un tiers “superviseur”, comme celasepratique enpsy-
chiatrie, pourrait en cela être très utile. Enfin, en développant l’enseignement
de la “médecine narrative”, qui resitue l’histoire du vécu de la maladie dans
l’histoire de vie du patient. MichaelBalint l’avait dit et écrit. Mais, comme le
disait Jean Lapresle, “tout a déjà étéécrit, mais tout n’a pas été lu !”
André Grimaldi
Service de diabétologie, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
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