C Les deux faces de la télémédecine Both sides of the telemedicine TRIBUNE

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TRIBUNE
Les deux faces de la télémédecine
Both sides of the telemedicine
C
omme Janus, la télémédecine a deux faces : l’une tournée vers le passé,
l’autre tournée vers l’avenir. Vers le passé : le renforcement
de l’emprise des soignants et du système de santé sur le malade.
Vers l’avenir : l’accroissement de l’auto­nomie du patient.
Téléconseils et jeux vidéo, plus ou moins repeints aux couleurs de la Santé,
­correspondent certes à des innovations, mais ils ne constituent en rien
une révolution. Utiles et/ou ludiques, pour les uns et pas pour les autres.
Leur limite commune est le temps.
Pr André
Grimaldi
Service de diabétologie,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
La vraie révolution est la télémédecine qui vise à améliorer la performance
des soignants et des patients. Côté soignants, le robot supprimera
les tremblements de la main du chirurgien qui abandonnera le bistouri pour
la souris, comme le cardiologue a remplacé le stétho­scope par l’échographie.
On pourra donc ­diagnostiquer, opérer et prescrire à distance, sans avoir
à palper et à ­ausculter, et parfois sans même avoir à interroger et à écouter.
Côté patients, la télémédecine permettra d’améliorer à la fois la performance
et l’observance des “patients-experts” connectés sachant où ils veulent aller
et comment y aller. Juste retour des choses, les patients objectiveront
les soignants en les transformant en prestataires, devenus experts en modes
d’emploi. Comme le pro­phétisait l’économiste Claude Le Pen :
“Dans la médecine industrielle de demain, le chiffre absorbera le qualitatif,
nul ne sera médecin, s’il n’est ­géomètre.” Funeste augure !
Hélas, ou plutôt heureusement, cette révolution technologique n’échappe
pas à l’ambivalence du progrès. Elle peut libérer le patient des contraintes
du traitement et de la dépendance aux soignants. Mais elle peut aussi
accroître sa dépendance s’il doit mesurer sans comprendre et/ou sans agir
et/­ou agir sans décider lui-même de l’action. C’est-à-dire si l’outil numérique
ne prend pas place au sein d’une éducation thérapeutique du patient, mais
prétend s’y substituer. La surveillance informatique pourrait même le placer
directement sous le contrôle de l’assureur. La mesure en continu
de la glycémie et de sa cinétique permet au patient éduqué de prendre
la bonne décision au bon moment, mais elle peut aussi entretenir
une angoisse obsessionnelle poussant le patient à mesurer sa glycémie toutes
les minutes, transformant ainsi son cerveau affolé en cellule B pancréatique.
Elle peut aussi le placer sous la dépendance infantilisante d’une e-infirmière
le “coachant” par SMS. Elle peut encore servir de mouchard, dénonçant
8 | La Lettre du Rhumatologue • N° 432 - mai 2017
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son laxisme à son médecin ou à son assureur qui lui proposera d’adhé­rer
à un système de bonus/malus, pour “l’aider à se motiver”. Pire que l’esclavage,
“l’esclavage volontaire” !
Il serait par ailleurs naïf de croire que les outils numériques dits “conviviaux”
permettront d’alléger le travail de deuil que doit faire tout patient atteint
de maladie chronique. On aura beau lui expliquer qu’il n’est plus seul puisque
désormais il est connecté, il devra toujours accepter la double rupture imposée
par l’annonce du diagnostic : “Ce ne sera jamais plus comme avant”
et “­Désormais vous serez différent des autres.” Bien sûr, la souffrance varie
d’une personne à l’autre selon la gravité de la maladie, douloureuse ou non,
handi­capante ou non, visible ou non, et selon l’importance des contraintes
du traitement, mais aussi en fonction du style de personnalité de chacun,
de ses expériences de la vie déterminant une plus ou moins grande “aptitude
au deuil” et de la qualité du soutien social perçu. C’est la difficulté de ce “travail
­d’acceptation” qui explique que l’observance reste aussi médiocre même quand
il s’agit d’une observance consentie “en pleine conscience”. Et l’impossibilité
de faire leur deuil conduit certains patients à se rendre “malades d’être malades”
en recourant au déni, à la dénégation, au clivage, à la pensée magique…
Pour guérir de cette “seconde maladie”, il faut associer l’action et la parole.
Il faut l’aide d’un éducateur et d’un tuteur de résilience, par exemple
d’un vrai médecin.
© Correspondances
en Métabolismes Hormones
Diabètes et Nutrition 2016;
XX(3):46.
L’auteur déclare
ne pas avoir de liens d’intérêts.
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