La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 5 - mai 2017 | 227
DOSSIER
Effets indésirables
del’immunothérapie
anticancéreuse
V. Sarradin
Inhibiteurs des points
de contrôle de l’immunité :
toxicités dermatologiques,
digestives, rénales,
cardiologiques, neurologiques
et toxicités rares
Immune checkpoint inhibitors: dermatological, digestive,
renal, cardiological, neurological and rare toxicities
V. Sarradin1, V. Sibaud2, L. Alric3, D. Ribes4, J. Belliere4, O. Lairez5, S. Ollier6, J.P. Delord7
1
Département d’oncologie médicale,
Institut universitaire du cancer de
Toulouse Oncopole, Toulouse.
2 Département d’onco -dermatologie,
Institut universitaire du cancer
de Toulouse Oncopole, Toulouse.
3 Département de médecine interne
et d’hépato-gastroentérologie, CHU
Purpan, Toulouse.
4 Département de néphrologie et
transplantation d’organe, CHU
Rangueil, Toulouse.
5
Département de cardiologie, CHU
Rangueil, Toulouse.
6 Département de médecine interne,
Institut universitaire du cancer
de Toulouse Oncopole, Toulouse.
7
Département d’oncologie médicale
et de recherche clinique, Institut
universitaire du cancer de Toulouse
Oncopole, Toulouse.
L
es inhibiteurs des points de contrôle de l’immu-
nité (IPCI) sont actuellement les immuno-
thérapies les plus avancées dans le traitement
du cancer et ont clairement modifié le pronostic
d’un grand nombre de maladies. Ils ont d’ores et
déjà obtenu plusieurs autorisations de mise sur le
marché, et de nouvelles indications sont attendues
prochainement. Ces molécules ont été rapidement
utilisées en pratique clinique, alors même que leur
profil de toxicité n’était pas entièrement connu et
que leur prise en charge était non standardisée.
Il existe 2 principales catégories d’IPCI :
les inhibiteurs de CTLA-4 (Cytotoxic T-Lympho-
cyte Associated protein 4), tels que l’ipilimumab et
le trémélimumab ;
les inhibiteurs de PD-1 (Programmed-Cell
Death 1), comme le nivolumab, le pembrolizumab
et le pidilizumab, ou de son ligand PD-L1 (atézoli-
zumab).
Les toxicités de grade 3-4 sont fréquentes avec ces
médicaments : 22 à 24 % avec l’ipilimumab, 5 à 10 %
avec le nivolumab ou le pembrolizumab et 55 % avec
l’association ipilimumab + nivolumab (1).
Les patients recevant ces traitements étant de plus
en plus nombreux, ils doivent être suivis par des
cliniciens préparés à reconnaître et à gérer les toxi-
cités générées.
Dans cet article, nous avons repris de façon synthé-
tique les toxicités immunologiques (immune related
Adverse Events [irAE]) se rapportant aux IPCI observés
à ce jour sur les plans dermatologique, digestif, rénal,
cardiologique et neurologique, ainsi que les toxicités
plus rares.
Toxicités dermatologiques
Il s’agit des effets indésirables les plus fréquemment
observés avec les IPCI. Ainsi, par exemple, plus de
40 % des patients traités pour un mélanome méta-
statique sont concernés (2). Cependant, ils restent,
dans la majorité des cas, d’intensité limitée et sont
rarement à l’origine d’une interruption et encore
moins d’un arrêt définitif de l’immunothérapie.
Du fait du mécanisme d’action spécifique de ces
anticorps monoclonaux, cette toxicité dermato-
logique est avant tout d’origine immunologique
(irAE) et est principalement induite par l’activation T
lymphocytaire (CD4+/CD8+), avec probablement
un ciblage aberrant d’antigènes cutanés non encore
déterminés.
Le profil de ces effets indésirables dermatologiques
est globalement comparable entre les inhibiteurs
de PD-1, de PD-L1 et de CTLA-4. Il correspond à un
effet-classe. En revanche, l’association thérapeutique
de ces molécules (par exemple, ipilimumab + nivo-
lumab) augmente significativement l’incidence des
effets indésirables cutanés (2).
Notons enfin que le développement de ces symp-
tômes dermatologiques semble corrélé à un taux
plus élevé de réponse objective antitumorale et à
une meilleure survie globale (3).
228 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 5 - mai 2017
Points forts
Principaux symptômes
Exanthème maculopapuleux
Il s’agit de la manifestation la plus fréquente. Son
incidence globale calculée, tous grades confondus,
est respectivement de 24 %, 16,7 % et 14,3 % pour
l’ipilimumab, le pembrolizumab et le nivolumab. Le
taux des grades 3 et plus est inférieur à 3 %.
Classiquement, cet exanthème se développe plus
rapidement que les autres toxicités systémiques.
Bien que des formes très tardives aient été décrites,
il apparaît souvent dès les premiers cycles. Léruption
est en général peu spécifique, avec un érythème
maculopapuleux plus ou moins diffus qui prédomine
sur le tronc et/ou les membres, et un respect relatif
du visage.
Un prurit est souvent présent et peut dominer le
tableau. Son incidence globale varie entre 13 et 20 %
selon les molécules. Il peut également survenir de
façon isolée.
Cependant, des affections dermatologiques plus
spécifiques sont également possibles, qui restent
aujourd’hui probablement sous-diagnostiqués :
des réactions lichénoïdes, avec agression T
lymphocytaire de la membrane basale (4) ;
un développement ou une réactivation d’un
psoriasis (de type psoriasis vulgaire ou parfois en
gouttes ou inversé) [5] ;
le déclenchement d’une véritable maladie
auto-immune (notamment une pemphigoïde
bulleuse, une dermatomyosite ou un lupus
cutané) ;
une sarcoïdose ;
une rosacée papulopustuleuse.
Il peut être difficile, pour le clinicien, de diffé-
rencier un simple exanthème maculopapuleux
“réactionnel” de ces dermatoses plus spécifiques.
Il convient donc de réaliser une biopsie cutanée
de façon systématique devant toute éruption
persistante, atypique, mal tolérée et/ou sévère
(grade 3-4).
Enfin, toute apparition d’une éruption dans ce
contexte doit faire évoquer de façon systématique la
possibilité d’une réaction immuno-allergique poten-
tiellement grave (syndrome de Stevens-Johnson ou
de Lyell). Cela reste malgré tout assez exceptionnel
avec ces molécules.
Vitiligo
Le vitiligo est plus fréquemment observé avec les
inhibiteurs de PD-1 (incidence globale de 8 %) [6]
qu’avec l’ipilimumab. Il faut surtout noter que la
survenue d’un vitiligo n’a été décrite que chez les
patients traités pour un mélanome, probablement
du fait du ciblage par les lymphocytes activés d’un
antigène mélanocytaire commun.
Il apparaît après plusieurs mois de traitement et
persiste souvent après l’arrêt de l’immunothérapie.
Les lésions sont le plus souvent diffuses et bilaté-
rales, mais des atteintes focales ou segmentaires
sont possibles (2). Il n’y a pas de prise en charge
thérapeutique spécifique. Une dépigmentation des
phanères est parfois aussi observée (cils, sourcils,
cheveux).
Atteintes muqueuses
Elles ne sont pas rares en pratique clinique, mais elles
restent sous-estimées. Cela concerne avant tout la
muqueuse buccale (7), et peut prendre différentes
formes :
une atteinte lichénoïde, avec réseau blanc réti-
culé visible, associée ou non à des lésions cutanées
de même origine (4) ;
une xérostomie (5 % des patients), parfois sévère,
secondaire à une infiltration lymphocytaire cyto-
toxique des glandes salivaires accessoires (Gougerot-
Sjögren like syndrome).
Des lésions lichénoïdes de la muqueuse génitale
peuvent également être notées.
Prise en charge
Même si les lésions restent le plus souvent limitées,
une prise en charge rapide et adaptée est nécessaire
afin de restreindre leur extension et d’améliorer
le confort des patients traités (tableau I) [2]. Elle
repose avant tout sur l’utilisation des antihista-
miniques, des émollients et des dermocorticoïdes
à activité forte ou très forte (par exemple, béta-
méthasone et clobétasol propionate). La mise en
place d’une corticothérapie orale est rarement
nécessaire ; elle est d’ailleurs déconseillée si le
patient peut s’en passer afin de ne pas diminuer
les effets des IPCI.
»
Les indications des inhibiteurs des points de contrôle de l’immunité sont de plus en plus variées ;
lenombre de patients exposés à leurs toxicités est donc de plus en plus important.
»
Les toxicités dermatologiques comprennent l’exanthème maculopapuleux, le vitiligo, l’atteinte
desmuqueuses et, parfois, l’apparition de véritables pathologies dermatologiques spécifiques.
»
Les toxicités digestives sont marquées par les diarrhées, les colites, les cytolyses hépatiques et
une élévation de la lipase.
»
L’atteinte rénale est liée à une néphrite tubulo-interstitielle aiguë (parfois granulomateuse) ou
àunsyndrome néphrotique (néphrite lupique ou syndrome néphrotique par lésions glomérulaires minimes).
»
La prise en charge repose sur la corticothérapie, avec parfois un recours à des traitements immuno-
suppresseurs.
Mots-clés
Immunothérapie
Toxicités
Dermatologie
Colite
Néphrologie
Highlights
»
The indications of immune
checkpoint inhibitors increase,
the number of patients
exposed to their toxicities is
therefore growing.
»
Dermatological toxici-
ties include maculopapular
exanthema, vitiligo, mucosal
damage, and sometimes the
appearance of specific derma-
tological pathologies.
»
Digestive toxicities include
diarrhea, colitis, liver cytolysis
and elevation of lipase.
»
Renal involvement is due
to acute tubulo -interstitial
nephritis (sometimes granu-
lomatous) or a nephrotic
syndrome (lupus nephritis or
minimal change disease).
»
Treatment is based on
cortico steroid therapy, some-
times with the need for
immuno suppressive therapy.
Keywords
Immunotherapy
Toxicities
Dermatology
Colitis
Nephrology
La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 5 - mai 2017 | 229
DOSSIER
Il faut rappeler la nécessité de réaliser des examens
complémentaires, dont une biopsie cutanée, si
l’éruption est sévère ou atypique, et d’adapter la
prise en charge en cas de dermatose plus spécifique
(par exemple, utilisation des rétinoïdes oraux, de la
photothérapie et/ou de la vitamine D3 topique en
cas de psoriasis avéré). Il faut également insister sur
la collaboration multidisciplinaire avec les inter-
nistes et dermatologues pour assurer un diagnostic
précis le plus tôt possible, et évaluer une éventuelle
atteinte multiviscérale dans le cadre d’une maladie
de système.
Toxicités digestives
La description des différents grades de toxicité est
rappelée dans le tableau II.
Diarrhées et colites
Avec l’ipilimumab, le délai de survenue des diarrhées
et des colites est de 6 à 8 semaines après le début
du traitement. L’incidence est d’environ 30 %, dont
5 % sont de grade 3-4. Des douleurs abdominales
ont été rapportées chez 15 % des patients. En endo-
scopie, l’aspect est celui d’une colite inflammatoire
“Crohn-like”, avec un aspect de colite ulcérée, parfois
extensive, pouvant s’étendre au rectum, à l’anus,
au sigmoïde et à l’iléon. Les biopsies coliques
permettent de retrouver des aspects histologiques
de colites aiguës, parfois granulomateuses, avec
soit un aspect de colite aiguë multifocale, soit
une inflammation diffuse de la muqueuse. Dans
les cas les plus sévères, des perforations coliques
ont été rapportées, nécessitant une colectomie en
urgence (8).
En cas de traitement par inhibiteur de PD-1,
l’inci dence est plus faible : on note 6 à 17 % de
diarrhées ou de colites inflammatoires, dont 1 à
2 % de grade 3-4. Contrairement à l’ipilimumab,
il s’agit là d’une colite non granulomateuse, non
nécrosante. Le délai d’apparition se situe entre 6 et
18 semaines.
Des diarrhées de grade 1 peuvent être prises en
charge par un traitement symptomatique anti-
diarrhéique.
En cas de diarrhées de grade 2, l’immunothérapie
doit être suspendue. La recherche d’une cause infec-
tieuse doit être effectuée (coproculture standard,
recherche de Clostridium difficile, recherche de CMV
en biologie moléculaire par PCR dans le sang et les
Tableau I. Stratégie de prise en charge des toxicités dermatologiques des inhibiteurs des points
de contrôle de l’immunité.
Grade 1
Macules/papules recouvrant moins
de10 % de la surface corporelle totale,
avec ou sans symptômes fonctionnels
(prurit, sensations debrûlure, etc.)
Poursuite de l’immunothérapie
Prise en charge symptomatique (émollients, corticoïdes
forts, antihistaminiques, etc.)
Réévaluation clinique après 2/3 semaines
Grade 2*
Macules/papules recouvrant de10à30 %
de la surface corporelle totale,
avecousans symptômes fonctionnels
(prurit,sensations debrûlure, etc.)
Limitation des activités
instrumen tales de la vie quotidienne
Poursuite de l’immunothérapie
Prise en charge symptomatique (émollients, corticoïdes
forts ou très forts, antihistaminiques, etc.)
Biopsie cutanée si lésions atypiques ou mal tolérées
Si lésions persistantes et mal tolérées : corticothérapie
orale (0,5-1 mg/kg, décroissance progressive sur 1mois
et reprise du traitement si grade ≤1 et dose <10mg/j)
Grade 3*
Macules/papules recouvrantplus
de30 % de la surface corporelle totale,
avecousans symptômes fonctionnels
(prurit, sensations debrûlure, etc.)
Limitation des activités indispen sables
delavie quotidienne
Arrêt de l’immunothérapie
Biopsie cutanée
Prise en charge symptomatique (émollients, corticoïdes
forts ou très forts, antihistaminiques, etc.)
Corticothérapie orale (0,5-1mg/kg, décroissance pro-
gressive sur 1mois et reprise du traitement si grade
≤1 et dose <10mg/j)
Réaction potentiellement grave*
(vésicules ou bulles, décollement cutané,
exanthème avec exfoliation, fièvre
associée, atteintes muqueuses, œdème
facial, signe de Nikolsky, etc.)
Arrêt définitif de l’immunothérapie
Prise en charge rapide, en milieu spécialisé
* Une biopsie cutanée doit être réalisée en cas de lésions atypiques, de grade 2 persistant et/ou mal toléré, de grade3
ou de réaction potentiellement grave.
Tableau II. Description des grades de toxicité selon la classification CTCAE 4.0.
Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4
Colite Asymptomatique,
diagnostic
àl’examen
clinique uniquement
Douleurs
abdominales
Présence de mucus
oude sang dans
lesselles
Douleurs
abdominales
sévères
Signes péritonéaux
(défense)
Mise en jeu
dupronostic vital
Diarrhées Augmentation
de4selles ou moins
par jour par rapport
àl’état initial
Augmentation
de4à6selles par
jour parrapport à
l’état initial
Augmentation
de7selles ou plus
par jour par rapport
àl’état initial
Mise en jeu
dupronostic vital
Cytolyse
hépatique
> LSN - 3 × LSN Asymptomatique
avec
ALAT>3-5×LSN ;
ou >3 × LSN
avec apparition
d’uneaggravation
dela fatigue,
de nausées,
vomissements,
hépatalgie, fièvre,
rash, ou éosinophilie
> 5-20 × LSN ; ou
> 5 × LSN pendant
plus de2semaines
> 20 × LSN
Atteinte
rénale
aiguë
Augmentation du
taux decréatinine
>25Umol/l
Créatinine
supérieure de 1,5 à
2fois la valeur de
base
Créatinine
supérieure à
2à3fois la valeur
de base
Créatinine
supérieure à 3fois
la valeur debase ou
>350Umol/l
Mise en jeu
dupronostic vital
Nécessité
d’unedialyse
LSN : limite supérieure de la normale.
230 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 5 - mai 2017
DOSSIER
Effets indésirables
del’immunothérapie
anticancéreuse Inhibiteurs des points decontrôle de l’immunité : toxicités dermatologiques,
digestives, rénales, cardiologiques, neurologiques et toxicités rares
selles), puis une corticothérapie à 0,5-1 mg/kg/j
doit être rapidement commencée, associée à un
traitement symptomatique (hydratation, traitement
antidiarrhéique). Un scanner, une coloscopie ou une
rectosigmoïdoscopie peuvent être effectués pour
confirmer le diagnostic en cas de grade 2 persistant
ou de grade 3-4.
Pour les diarrhées plus sévères (grade 3-4), une
corticothérapie à 1-2 mg/kg/j par voie intra-
veineuse (i.v.) doit être administrée ; en cas d’échec
après 3 à 5 jours, un traitement par infliximab peut
être nécessaire (anti-TNFα) à la dose de 5 mg/ kg
(répété 1 fois en cas de persistance, à 15 jours de la
première dose). L’infliximab ne doit pas être utilisé
en cas de perforation ou de sepsis.
Le point crucial est la rapidité d’intervention et de
l’initiation d’une corticothérapie efficace (1, 9, 10).
Toxicités hépatiques
La toxicité hépatique est représentée essentiellement
par une élévation asymptomatique des ASAT et des
ALAT (anti-CTA < 10 % des patients, anti-PD-1 < 5 %
des patients, grade 3-4 : 1-2 % des patients).
Il est néanmoins intéressant de noter que l’éléva-
tion des enzymes hépatiques est plus importante
en cas de combinaisons thérapeutiques : 20 %
des patients avec l’association ipilimumab + nivo-
lumab (grade 3-4 : 10 %), et 9 à 18 % d’élévation
de grade 3-4 en cas d’association nivolumab + suni-
tinib ou pazopanib). De même, lors du traitement
du carcinome hépatocellulaire par nivolumab, les
enzymes hépatiques s’élèvent dans 20 % des cas.
Une hépatite peut survenir 8 à 12 semaines
après le début du traitement par ipilimumab. Les
biopsies peuvent montrer des aspects d’hépatite
panlobulaire, des infiltrats périveineux ou des
infiltrats autour des canaux biliaires primitifs. Les
aspects radiologiques sont les suivants : hépato-
mégalie, adénopathies périportales et œdème
périportal.
Le diagnostic différentiel doit être fait, en particu-
lier avec une cause infectieuse (hépatites virales),
ou avec la présence de métastases hépatiques. Les
anticorps classiques des hépatites auto-immunes
sont négatifs.
Le traitement repose sur la corticothérapie
1-2 mg/ kg/j et, dans les cas plus sévères, sur le myco-
phénolate mofétil (MMF) à la dose de 500 à 1 000 mg
2 fois par jour, ou sur l’azathioprine (1, 9, 11).
L’infliximab est contre-indiqué en raison de sa poten-
tielle hépatotoxicité.
Toxicités pancréatiques
La toxicité pancréatique est rare. Des cas d’éléva-
tion de la lipase ont été décrits, le plus souvent
asymptomatiques, mais avec parfois de véritables
pancréatites aiguës nécessitant un traitement par
corticothérapie, associé à du MMF pour les cas les
plus sévères (1, 9).
Toxicités rénales
Plusieurs travaux ont permis de colliger les effets indé-
sirables néphrologiques reliés aux immunothérapies.
O. Abdel-Rahman et M. Fouad (12) ont réalisé une
méta-analyse des essais randomisés publiés entre
janvier 2000 et octobre 2015. Ils ont relevé les toxi-
cités rénales dans le groupe traitement par immuno-
thérapie comparativement au groupe contrôle
par chimiothérapie. Huit études ont été retenues
(n = 4 070). Ils ont noté de 0,7 à 6 % de toxicités
rénales tous grades confondus, et de 0 à 2 % de
toxicités rénales de grade 3-4. Les comparaisons de
l’incidence des toxicités rénales de tous grades entre
les différentes immunothérapies montraient que :
le pembrolizumab était plus néphrotoxique que
l’ipilimumab (OR = 0,16 ; IC95 : 0,01-0,93) et que le
nivolumab (OR = 0,04 ; IC95 : 0,00-0,27) ;
l’ipilimumab était plus néphrotoxique que le
nivolumab (OR = 0,25 ; IC95 : 0,06-0,59) ;
l’association ipilimumab + nivolumab était plus
néphrotoxique que l’ipilimumab en monothérapie
(OR = 0,47 ; IC95 : 0,21-0,99) et que le nivolumab en
monothérapie (OR = 0,11 ; IC95 : 0,03-0,29) ; il n’y
avait en revanche pas de différence significative avec
le pembrolizumab en monothérapie (OR = 0,32 ;
IC95 : 0,01-2,39).
La toxicité rénale était significativement plus impor-
tante avec chacune des différentes immunothérapies
(toxicités de tous grades) qu’avec la chimiothérapie
de contrôle. Les résultats étaient en revanche non
significatifs pour les toxicités de haut grade, malgré
une tendance à une plus grande toxicité pour les
immunothérapies.
Dans la plupart des cas, la toxicité régressait complè-
tement après corticothérapie. Dans de plus rares cas
de résistance aux corticoïdes, d’autres molécules
comme l’azathioprine et la ciclosporine pouvaient
être utilisées.
E.E. Rassy et al. (13) ont quant à eux étudié les
toxicités rénales rapportées avec les IPCI et leur
physiopathologie, en reprenant les études et les cas
cliniques (case reports) publiés à ce jour.
232 | La Lettre du Cancérologue Vol. XXVI - n° 5 - mai 2017
DOSSIER
Effets indésirables
del’immunothérapie
anticancéreuse Inhibiteurs des points decontrôle de l’immunité : toxicités dermatologiques,
digestives, rénales, cardiologiques, neurologiques et toxicités rares
Concernant l’ipilimumab, la néphrotoxicité était rare
(10 % d’élévation de la créatinine, 1 % de néphrite).
L’atteinte survenait 6 à 12 semaines après le début du
traitement et se manifestait par une augmentation
de la créatinine, une protéinurie et une hématurie
microscopique.
On notait quelques cas de néphrite interstitielle ou
auto-immune (< 1 %) avec le pembrolizumab. En cas
de traitement par nivolumab, une augmentation de
la créatinine a pu être notée dans 11 à 42 % des cas,
de même que quelques cas de néphrite auto-immune
(< 5 %). Le délai de survenue se situait entre 1 et
12 semaines.
Il a été rapporté, avec l’association ipilimumab +
nivolumab, 3,2 % de néphrites, parmi lesquelles
34,4 % étaient de grade 3-4.
Deux mécanismes physiopathologiques ont été
décrits : le premier est lié à une néphrite tubulo-
interstitielle aiguë (parfois granulomateuse) ; le
second est lié à un syndrome néphrotique secondaire
à une atteinte rénale induite par le complément
(néphrite lupique), ou à une atteinte des podocytes
glomérulaires (syndrome néphrotique à lésions
glomérulaires minimes [LGM]).
J. Belliere et al. (14) ont récemment publié un article
reprenant le cas de 3 patients ayant présenté une
insuffisance rénale aiguë après administration de
nivolumab, de pembrolizumab et d’ipilimumab.
Les biopsies rénales ont montré respectivement :
une néphrite interstitielle granulomateuse, une
néphrite interstitielle aiguë et une néphrite tubu-
laire aiguë avec fibrose interstitielle inflammatoire.
Dans chacune des biopsies il existait un infiltrat
lymphocytaire T CD3+/CD4+.
Cela a été confirmé dans une série plus large
menée chez 13 patients chez lesquels une biopsie
rénale avait été effectuée, décrite par F.B. Cortazar
et al. (15). Les mêmes aspects anatomopatho-
logiques de néphrite tubulo-interstitielle aiguë,
parfois granulomateuse, avec infiltrat lympho-
cytaire T CD3+/CD4+, ont été observés.
Notons que les marqueurs sériques d’auto- immunité
classiques (anticorps anti-nucléaires, anticorps
anti-antigènes nucléaires solubles, anticorps anti-
cytoplasme des polynucléaires neutrophiles, anti-
corps anti-membrane basale glomérulaire) sont
négatifs en cas de toxicité rénale liée aux IPCI, et ne
sont donc utiles que pour rechercher un diagnostic
différentiel.
Au vu de ces éléments, nous pouvons recom-
mander de réaliser un dosage de la créatinine avant
de commencer le traitement par IPCI, puis avant
chaque injection (soit toutes les 2 à 3 semaines),
ou de façon plus rapprochée chez les patients ayant
une insuffisance rénale préexistante ou en cas de
constatation d’une augmentation de la créatinine
en cours de traitement par IPCI.
En cas d’insuffisance rénale aiguë, une bandelette
urinaire et une échographie rénale devront être réali-
sées en urgence, tandis qu’un avis néphro logique
devra être rapidement demandé, en particulier en
cas de protéinurie, d’hématurie microscopique ou
d’hypertension artérielle de novo. Les examens pour-
ront alors être complétés par une biopsie rénale.
En cas d’atteinte rénale de grade 2 ou 3, une cortico-
thérapie à 1-2 mg/kg/j pourra être instaurée pendant
4 semaines avant d’être rapidement réduite sur
1 mois, avec suspension de l’IPCI jusqu’à correction
de l’atteinte rénale et diminution de la cortico-
thérapie à moins de 10 mg/j.
Dans la majorité des cas, la récupération rénale
est complète après toxicité de grade 3-4, dans
un délai de 3 à 6 semaines (10). En cas de non -
récupération, l’IPCI doit être définitivement arrêté,
et une prise en charge néphrologique spécialisée est
requise pour discuter le recours à des traitements
immunosuppresseurs, voire, parfois, à la dialyse. La
biopsie rénale a alors toute sa place dans la décision
thérapeutique.
La discussion de la reprise de l’IPCI doit se faire en
collaboration entre l’oncologue et le néphrologue.
En cas d’atteinte rénale de grade 4, d’impossibilité de
diminuer la corticothérapie ou de non-correction de
l’atteinte rénale après 6 semaines de corticothérapie,
il est préconisé un arrêt définitif de l’IPCI et une prise
en charge néphrologique spécialisée.
Autres toxicités
Toxicités neurologiques (9, 16)
La fréquence des effets indésirables neurologiques
tous grades confondus est de 3,8 % en cas de trai-
tement par anticorps anti-CTLA-4, de 6,1 % avec
les anti-PD-1 et de 12 % lorsque les 2 sont asso-
ciés. Cependant, ces événements sont très majo-
ritairement de grade 1-2 et correspondent à des
céphalées (55 %), à une dysgueusie (13 %) ou à des
vertiges (10 %). L’incidence des effets indésirables de
grade 3-4 est inférieure à 1 % quel que soit le trai-
tement. La médiane de survenue est de 6 semaines
après le début du traitement.
Les cases reports publiés (14) ont rapporté des
neuropathies périphériques de tous types : mono-
neuropathies, polyneuropathies, méningo radiculite.
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