62 | La Lettre du Pharmacologue • Vol. 31 - n° 2 - avril-mai-juin 2017
DOSSIER
Effets indésirables
del’immunothérapie
anticancéreuse Inhibiteurs des points decontrôle de l’immunité : toxicités dermatologiques,
digestives, rénales, cardiologiques, neurologiques et toxicités rares
Concernant l’ipilimumab, la néphrotoxicité était rare
(10 % d’élévation de la créatinine, 1 % de néphrite).
L’atteinte survenait 6 à 12 semaines après le début du
traitement et se manifestait par une augmentation
de la créatinine, une protéinurie et une hématurie
microscopique.
On notait quelques cas de néphrite interstitielle ou
auto-immune (< 1 %) avec le pembrolizumab. En cas
de traitement par nivolumab, une augmentation de
la créatinine a pu être notée dans 11 à 42 % des cas,
de même que quelques cas de néphrite auto-immune
(< 5 %). Le délai de survenue se situait entre 1 et
12 semaines.
Il a été rapporté, avec l’association ipilimumab +
nivolumab, 3,2 % de néphrites, parmi lesquelles
34,4 % étaient de grade 3-4.
Deux mécanismes physiopathologiques ont été
décrits : le premier est lié à une néphrite tubulo-
interstitielle aiguë (parfois granulomateuse) ; le
second est lié à un syndrome néphrotique secondaire
à une atteinte rénale induite par le complément
(néphrite lupique), ou à une atteinte des podocytes
glomérulaires (syndrome néphrotique à lésions
glomérulaires minimes [LGM]).
J. Belliere et al. (14) ont récemment publié un article
reprenant le cas de 3 patients ayant présenté une
insuffisance rénale aiguë après administration de
nivolumab, de pembrolizumab et d’ipilimumab.
Les biopsies rénales ont montré respectivement :
une néphrite interstitielle granulomateuse, une
néphrite interstitielle aiguë et une néphrite tubu-
laire aiguë avec fibrose interstitielle inflammatoire.
Dans chacune des biopsies il existait un infiltrat
lymphocytaire T CD3+/CD4+.
Cela a été confirmé dans une série plus large
menée chez 13 patients chez lesquels une biopsie
rénale avait été effectuée, décrite par F.B. Cortazar
et al. (15). Les mêmes aspects anatomopatho-
logiques de néphrite tubulo-interstitielle aiguë,
parfois granulomateuse, avec infiltrat lympho-
cytaire T CD3+/CD4+, ont été observés.
Notons que les marqueurs sériques d’auto- immunité
classiques (anticorps anti-nucléaires, anticorps
anti-antigènes nucléaires solubles, anticorps anti-
cytoplasme des polynucléaires neutrophiles, anti-
corps anti-membrane basale glomérulaire) sont
négatifs en cas de toxicité rénale liée aux IPCI, et ne
sont donc utiles que pour rechercher un diagnostic
différentiel.
Au vu de ces éléments, nous pouvons recom-
mander de réaliser un dosage de la créatinine avant
de commencer le traitement par IPCI, puis avant
chaque injection (soit toutes les 2 à 3 semaines),
ou de façon plus rapprochée chez les patients ayant
une insuffisance rénale préexistante ou en cas de
constatation d’une augmentation de la créatinine
en cours de traitement par IPCI.
En cas d’insuffisance rénale aiguë, une bandelette
urinaire et une échographie rénale devront être réali-
sées en urgence, tandis qu’un avis néphro logique
devra être rapidement demandé, en particulier en
cas de protéinurie, d’hématurie microscopique ou
d’hypertension artérielle de novo. Les examens pour-
ront alors être complétés par une biopsie rénale.
En cas d’atteinte rénale de grade 2 ou 3, une cortico-
thérapie à 1-2 mg/kg/j pourra être instaurée pendant
4 semaines avant d’être rapidement réduite sur
1 mois, avec suspension de l’IPCI jusqu’à correction
de l’atteinte rénale et diminution de la cortico-
thérapie à moins de 10 mg/j.
Dans la majorité des cas, la récupération rénale
est complète après toxicité de grade 3-4, dans
un délai de 3 à 6 semaines (10). En cas de non -
récupération, l’IPCI doit être définitivement arrêté,
et une prise en charge néphrologique spécialisée est
requise pour discuter le recours à des traitements
immunosuppresseurs, voire, parfois, à la dialyse. La
biopsie rénale a alors toute sa place dans la décision
thérapeutique.
La discussion de la reprise de l’IPCI doit se faire en
collaboration entre l’oncologue et le néphrologue.
En cas d’atteinte rénale de grade 4, d’impossibilité de
diminuer la corticothérapie ou de non-correction de
l’atteinte rénale après 6 semaines de corticothérapie,
il est préconisé un arrêt définitif de l’IPCI et une prise
en charge néphrologique spécialisée.
Autres toxicités
Toxicités neurologiques (9, 16)
La fréquence des effets indésirables neurologiques
tous grades confondus est de 3,8 % en cas de trai-
tement par anticorps anti-CTLA-4, de 6,1 % avec
les anti-PD-1 et de 12 % lorsque les 2 sont asso-
ciés. Cependant, ces événements sont très majo-
ritairement de grade 1-2 et correspondent à des
céphalées (55 %), à une dysgueusie (13 %) ou à des
vertiges (10 %). L’incidence des effets indésirables de
grade 3-4 est inférieure à 1 % quel que soit le trai-
tement. La médiane de survenue est de 6 semaines
après le début du traitement.
Les cases reports publiés (14) ont rapporté des
neuropathies périphériques de tous types : mono-
neuropathies, polyneuropathies, méningo radiculite.