La Presse

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Dette du Québec: comment «faire peur au
monde»
Publié le 16 juin 2010 à 07h53 | Mis à jour à 07h57
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Francis Vailles
La Presse
(Montréal) Le gouvernement du Québec aurait utilisé une méthode biaisée de comparaison de sa dette pour «faire
peur au monde» et mieux faire passer ses compressions budgétaires.
Voilà le message lancé par les principaux dirigeants syndicaux, hier, sur la base d'une étude de l'économiste de
gauche Louis Gill. Les dirigeants Michel Arsenault (FTQ), Claudette Carbonneau (CSN) et Réjean Parent (CSQ)
estiment que le gouvernement a noirci les chiffres pour «terroriser la population» et «faire avaler les compressions»,
ont-ils dit à l'unisson.
Les syndicalistes font allusion à l'étude du ministère des Finances du Québec, publiée en février, qui compare la dette
du Québec avec celle des principaux pays de l'Organisation de coopération et de développement économique
(OCDE). Pour faire cette comparaison, le Ministère a imputé au Québec une part de la dette fédérale. Cette méthode
placerait le Québec au cinquième rang des territoires les plus endettés, avec une dette brute représentant 94,5% de
son produit intérieur brut (PIB).
L'économiste Louis Gill estime cette méthode inadmissible. «Le gouvernement du Québec n'a aucune responsabilité
dans l'accumulation de cette dette fédérale et de payeur de dernière instance», dit M. Gill.
«Ce chiffre a été utilisé à tour de bras par ceux qui ont intérêt à noircir la situation de manière à présenter le Québec
comme une société qui vit au-dessus de ses moyens», dit-il.
En reprenant la même méthodologie, l'Ontario verrait sa dette brute passer de 38% du PIB à 80%, estime M. Gill. Et,
dans le cas de la Californie, qui vit une situation financière très difficile, l'inclusion de la part du gouvernement
central américain ferait passer son endettement de 27% à 89% de son PIB. Selon Louis Gill, cette comparaison
démontre l'absurdité de la méthode.
Rappelons que les pays de l'OCDE ont un endettement brut moyen équivalant à 78,4% de leur PIB, selon les données
les plus récentes (2008). Selon le ministère des Finances, le Québec serait à 94,5%, quelques points sous la Grèce
(102,6%), l'Italie (114,4%) et le Japon (172,1%).
Le ministère des Finances, rappelons-le, a également utilisé l'endettement net plutôt que brut pour faire des
comparaisons. Dans ce cas, l'endettement soustrait les actifs financiers des gouvernements (Hydro-Québec, etc.).
Avec l'endettement net, le ministère des Finances obtient pour le Québec un classement identique (cinquième rang
avec 56% du PIB), près de la Grèce, du Portugal et des États-Unis. La moyenne de l'OCDE est à 41,9%.
Selon Louis Gill, il faut plutôt s'en remettre à l'endettement global du Québec tel que présenté par le gouvernement
aux organismes de réglementation des pays prêteurs tels les États-Unis, le Japon et la Grande-Bretagne.
En se basant plutôt sur cette méthode rigoureuse, «l'endettement global du Québec tourne autour de 60%, ce qui est
nettement inférieur à la moyenne de l'OCDE», a dit M. Gill.
L'économiste retraité de l'UQAM convient que le Québec est la province la plus endettée au Canada. Mais il estime
qu'elle demeure raisonnablement endettée, sachant que le Fonds monétaire international (FMI) a parlé pour les pays
d'un endettement de 60% du PIB comme étant raisonnable. En réponse aux questions, Louis Gill n'a pas su dire
pourquoi, dans ce cas, il comparait ce taux de 60% des pays à celui de 60% d'une province.
Par ailleurs, Louis Gill fait valoir que le Québec a mieux traversé la crise qu'ailleurs justement parce qu'il s'est
endetté pour investir dans les infrastructures publiques.
Hier, les ténors syndicaux, appuyés par des organismes de recherche de gauche, ont fait valoir que les problèmes du
Québec en étaient un de revenus et non de dépenses. Selon eux, le gouvernement de Jean Charest n'aurait pas dû
réduire les impôts de près d'un milliard, il y a trois ans. Il aurait également dû récupérer plus rapidement le point de
TPS délaissé par le fédéral.
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