Une dégradation économique profonde et structurelle Voici quelques indicateurs qui permettent de mesurer la dégradation de notre économie – visible depuis les années 80 mais accélérée dans les années 2000. Croissance du PIB réel 5 4 Au-delà des fluctuations de type « Juglar », la croissance française reste orientée à la baisse depuis les années 70 – le trend était d’environ 2.3% annuels au début des années 80, 1.2% environ au début des années 2010. 3 2 1 Croissance du PIB réel tendance 0 -1 -2 -3 Source : OCDE Différentiel de croissance FranceÉtats-Unis Différentiel de croissance FranceAllemagne 6 5 4 6 3 2 1 3 5 4 2 source : OCDE 2011 2009 2007 2005 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 1987 1985 1983 1981 1979 1977 1975 2011 2009 2007 2005 2003 2001 1999 1997 1995 1993 1991 1989 1987 1985 1983 1981 1979 1977 1975 1973 1971 -6 1973 -3 -4 -5 1 0 -1 -2 -3 -4 -5 -6 1971 source : OCDE 0 -1 -2 La comparaison avec les États-Unis illustre cruellement la perte de » dynamisme de l’économie française, qui, avant les années 80, semblait engagée dans une phase de rattrapage du PIB par tête américain. Mais sur les 30 dernières années, la croissance française est 22 fois inférieure à celle des ÉtatsUnis. Vis-à-vis de l’Allemagne, le différentiel est plus avantageux du moins jusqu’en 2005, ce qui permet de relativiser la germanôlatrie à la mode. Le « modèle » allemand ne se manifeste guère dans les chiffres ! Endettement des sociétés et quasi-sociétés (% du PIB) Source : Banque de France Endettement des ménages (% du PIB) Source : Banque de France Endettement des administrations publiques (% du PIB) Source : Banque de France en % du PIB Les déficits des finances publiques 0 -1 -2 -3 -4 -5 -6 -7 -8 Si les bulles financières ont relativement épargné la France, il reste que le poids de l’endettement des agents économiques s’est accru dans les 30 dernières années. Un endettement sain anticipe la croissance économique qui tempère son poids dans le PIB. À l’évidence ce n’est pas ce qui s’est produit en France, ce qui revient à dire qu’une forte part de cet endettement s’est dispersé dans des opérations non créatrices de croissance – inflation du prix des actifs, investissement insuffisamment productif et/ou que la monnaie ainsi créée échappait au circuit productif (déficit des paiements courants, thésaurisation …). La modération de l’endettement privé a été compensée par celui des administrations publiques contraintes de soutenir en première ligne la croissance. Si la crise de 2008 a, comme ailleurs, imposé une brutale augmentation de la dette publique, celle-ci franchissait un nouveau palier à chaque récession depuis les années 70. Au-delà des discours, les déficits des finances publiques ont été systématiques depuis les années 70, témoignant du faible dynamisme spontané de la croissance – mais aussi de la démagogie antifiscale qui a poussé les gouvernements à réduire les impôts en périodes de reprise plutôt que de rééquilibrer les comptes publics. Part de l'industrie dans le PIB 23% 22% 21% 20% 19% 18% 17% 16% 15% Source : INSEE 14% 13% 12% Les échanges extérieurs de la France Biens Services Transactions courantes 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 4500 4000 3500 3000 2500 2000 1500 1000 500 0 -500 -1000 -1500 -2000 -2500 -3000 -3500 -4000 -4500 -5000 -5500 -6000 -6500 -7000 -7500 1997 en millions d'euros courants 11% Source : INSEE La désindustrialisation est la marque la plus spectaculaire des politiques de surévaluation monétaire qui ont débouché sur l’euro. Dès le début des années 80, le gouvernement Mauroy a sacrifié l’industrie et l’emploi sur l’autel de l’ancrage du franc à la « vertu » monétaire allemande. Des taux d’intérêt réels sans précédent, destinés à retenir les capitaux dont dépendait le cours du Franc, ont asphyxié l’investissement, tandis que ce même taux de change dégradait la compétitivité des produits français. Le prétexte de cette politique était de contraindre les entreprises françaises à se concentrer sur les activités à haute valeur ajoutée, seules à même de demeurer compétitives dans ces conditions. Comme tous les précédents historiques le laissaient attendre, ce n’est pas ce qui se produisit ; et la France ne put, pour un temps, réduire ses déficits commerciaux qu’en ralentissant sa croissance et en conservant des taux d’intérêt ravageurs. À partir des années 2000, la contrainte de défense du franc disparaît et des entrées de capitaux (endettement extérieur) compensent le déficit croissant de la balance des biens. En d’autres termes l’euro permettait un endettement insensible, cachant les conséquences de la perte de compétitivité industrielle. Si l’on tient compte de l’ensemble des formes de détérioration des conditions d’emploi, c’est plus d’un actif sur quatre qui est aujourd’hui confronté au chômage, au temps partiel subi ou à la précarité. Plus même puisque cette statistique ne tient pas compte des « invisibles » non-inscrits au Pôle Emploi. Comme l’emploi ne réagit qu’avec retard aux fluctuations économiques, la détérioration commencée de 2008 n’est pas encore complètement inscrite dans les chiffres, et les conséquences de 2011-2012 risquent d’élargir le « précariat » à un tiers du salariat. Outre l’appauvrissement progressif que produit ce déficit, la désindustrialisation déprime particulièrement l’emploi dans la mesure où elle frappe en premier lieu les industries de main d’œuvre progressivement délocalisées. La perte de savoirfaire et l’effacement des synergies recherche-industrie dégradent les forces productives et rendent improbable l’innovation dans les nouvelles technologies (peut-on mener dans de bonnes conditions la recherche sur les panneaux solaires si ceux-ci sont fabriqués en Chine ?).