Dette: un économiste contredit Québec dit le président de la FTQ

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Dette: un économiste contredit Québec
«La population du Québec ne vit pas au-dessus de ses moyens»,
dit le président de la FTQ
Alexandre Shields 16 juin 2010 Actualités économiques
Photo : Annik MH De Carufel - Le Devoir
Réjean Parent (CSQ), Claudette Carbonneau (CSN) et Michel Arsenault (FTQ)
La dette du Québec a beau être la plus élevée parmi les provinces canadiennes, elle est
loin d'avoir «le caractère exorbitant que le gouvernement a invoqué à l'appui des
mesures inacceptables de son budget». Tel est le message lancé hier à l'unisson par les
trois grandes centrales syndicales, à la lumière d'une étude de l'économiste Louis Gill, qui
qualifie de «frauduleuse» la méthode employée par le ministère des Finances pour
calculer le poids de la dette.
M. Gill estime en effet que le gouvernement libéral de Jean Charest a travesti la méthode
utilisée par l'OCDE pour calculer le ratio dette/PIB. Ainsi, dans les documents du premier
budget Bachand, on calcule que la dette publique du Québec s'élevait, au 31 mars 2009,
à près de 286 milliards, soit 94,5 % du PIB. Un chiffre avancé aussi par divers
économistes d'institutions financières.
Mais cette donnée — qui place le Québec au cinquième rang des nations les plus
endettées parmi les membres de l'OCDE — ne donne pas la juste mesure de
l'endettement de la province, soutient Louis Gill, professeur retraité de l'UQAM, dans son
étude intitulée L'Heure juste sur la dette du Québec. Selon lui, il ne faudrait pas imputer
au Québec une partie de la dette du fédéral, comme le fait le gouvernement, puisque «le
Québec n'a aucune responsabilité dans les décisions du gouvernement fédéral qui ont
mené à l'accumulation de sa dette, ni aucune responsabilité de payeur de dernière
instance».
En retirant cette portion, on obtient une dette brute de l'ordre de 162 milliards, soit 54 %
du PIB. «Ce que l'on considère, c'est la dette d'une province que l'on considère comme
une entité à comparer à d'autres États sur la planète et on le fait en utilisant les données
pertinentes», a-t-il expliqué hier.
M. Gill estime d'ailleurs que le portrait le plus fidèle dressé par Québec est celui transmis
chaque année aux autorités de réglementation des marchés financiers des pays prêteurs.
En vertu de celui-ci, la dette s'élève à 60 % du PIB.
Cela ne veut pas dire que l'endettement ne soit pas un problème de taille, a tenu à
préciser l'économiste. La province, a-t-il rappelé, est la plus endettée au pays.
Néanmoins, le ratio de celle-ci par rapport au PIB a diminué de façon constante au cours
des dix années ayant précédé la récente crise économique.
Mais la croissance de ces années sera-t-elle au rendez-vous dans les années à venir,
alors que le vieillissement de la population se fera de plus en plus sentir? Le Comité
consultatif sur l'économie et les finances publiques, mandaté par le gouvernement pour
préparer une série de documents faisant état des «défis» du Québec pour les années à
venir, avait prévenu que la croissance serait plus faible pour les prochaines décennies.
«Tous les pays, et le Québec plus que les autres, font face au problème du vieillissement
de la population, a répondu pour sa part M. Gill. Il ne s'agit pas de le nier. Comment estce qu'on résout cette affaire-là? Est-ce qu'on le fait en dilapidant des ressources pour
rembourser une dette? Est-ce qu'on le fait en s'abstenant d'investir dans le secteur public
sous prétexte de ne pas vouloir augmenter la dette, et on laisse ainsi aller l'économie en
décrépitude? Où est-ce qu'on accepte un certain niveau de dette?»
Et selon lui, le meilleur moyen de réduire le poids de la dette est de faire croître le PIB,
notamment en augmentant la productivité, un terrain sur lequel le Québec n'a pas excellé
depuis 30 ans. M. Gill juge toutefois possible d'améliorer la productivité en bonifiant les
investissements, particulièrement dans le secteur public. «Le plus gros risque pour les
générations futures, ce serait qu'on cesse d'investir dans les infrastructures et dans le
secteur public. On léguera alors des services publics complètement dilapidés et des
infrastructures en lambeaux», a-t-il dit.
Un discours qui rejoint évidemment celui des leaders des grandes centrales syndicales,
qui ne sont toujours pas parvenues à une entente dans leurs négociations avec le
gouvernement Charest. Ceux-ci ont d'ailleurs tous décrié les chiffres sur la dette évoqués
par ce dernier. «Quand on entend le FMI dire qu'une dette à 60 % du PIB est
raisonnable, on voit mieux pourquoi ceux qui veulent nous passer entre les dents la
couleuvre des tarifications régressives, des tickets modérateurs et autres franchises santé
ont intérêt à gonfler les chiffres», a laissé tomber la présidente de la CSN, Claudette
Carbonneau.
«Ce n'est pas parce qu'on colporte et martèle, même à grande échelle, un mensonge
éhonté que celui-ci devient vérité. Non, la population du Québec ne vit pas au-dessus de
ses moyens. Non, nos services publics ne sont pas sclérosés et la privatisation fait partie
du problème et non pas de la solution. Non, notre dette n'est pas hors de contrôle et
s'appuie sur des actifs tangibles et intangibles de qualité», a martelé le président de la
FTQ, Michel Arsenault.
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